L’Otan menacée par Poutine : la mise en garde des services secrets allemands

L’Otan menacée par Poutine : la mise en garde des services secrets allemands


Les trois services de renseignement allemands, qui étaient auditionnés, ont tous mis en garde contre le danger croissant de la menace russe qui se déplace «d’est en ouest».

La Russie sera «probablement» en mesure d’attaquer l’Alliance nord-atlantique à partir de la fin de l’actuelle décennie, ont averti ce lundi les services secrets allemands en mettant en garde contre le «niveau inédit» des actes d’ingérence actuels de Moscou. «En termes humains et matériels, les forces armées russes seront probablement en mesure de mener une attaque contre l’Otan dès la fin de cette décennie», a estimé le patron des services d’espionnage et contre-espionnage allemands (BND), Bruno Kahl, lors d’une audition publique à la chambre des députés. Selon lui, «un conflit militaire direct avec l’Otan devient une option pour la Russie».

Les trois services de renseignement allemands, qui étaient auditionnés, ont tous mis en garde contre le danger croissant, selon eux, représenté par les activités des services secrets russes dans le pays. La présidente du service de contre-espionnage militaire, Martina Rosenberg, a fait état d’une «augmentation significative des actes d’espionnage et de sabotage» visant l’armée allemande. «L’espionnage et le sabotage russes augmentent en Allemagne, tant quantitativement que qualitativement», a abondé le chef du Renseignement intérieur, Thomas Haldenwang.

«un véritable ouragan»

Le chef du Renseignement intérieur a accusé Moscou d’être derrière le cas d’un colis qui a pris feu dans un centre du transporteur DHL à Leipzig (est) en juillet. Si le colis «avait explosé à bord pendant le vol, il y aurait eu un crash», a-t-il dit, mentionnant aussi des campagnes de désinformation et des cas d’utilisation de drones espions. De «tempête», la menace russe est «devenue un véritable ouragan» qui se déplace «d’est en ouest», a-t-il ajouté dans une métaphore avec les Etats baltiques et la Pologne, où les actions russes «sont beaucoup plus brutales qu’elles ne le sont actuellement ici».

«Moscou se prépare à une escalade de plus en matière d’actions hybrides et secrètes», a estimé Bruno Kahl. Avec des actes d’ingérences qui ont atteint un «niveau inédit», le Kremlin veut «tester les lignes rouges de l’Occident », a estimé le directeur des services secrets. Le gouvernement allemand a annoncé mercredi en parallèle des mesures visant à renforcer les contrôles de sécurité, notamment sur les réseaux sociaux, face aux risques accrus d’espionnage dans les ministères et de sabotage d’infrastructures critiques.

Bangladesh : révélations sur un nouvelle opération de « Regime Change » américaine

Bangladesh : révélations sur un nouvelle opération de « Regime Change » américaine

par Giuseppe GAGLIANO* – CF2R – NOTE D’ACTUALITÉ N°653 / octobre 2024

https://cf2r.org/actualite/bangladesh-revelations-sur-un-nouvelle-operation-de-regime-change-americaine/

*Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie). Membre du comité des conseillers scientifiques internationaux du CF2R.

Des documents divulgués par le site américain The Gray Zone[1] révèlent qu’avant le renversement de la Première ministre bangladaise Sheikh Hasina, l’International Republican Institute (IRI), financé par le gouvernement américain, a formé une armée d’activistes, y compris des rappeurs et des membres de la communauté LGBT. L’IRI a même organisé des « performances de danse transgenre » pour atteindre un « changement de pouvoir » au niveau national. Les membres du personnel de l’Institut ont déclaré que ces activistes « coopéreraient avec l’IRI pour déstabiliser la politique du Bangladesh ».

Le 5 août, après des mois de manifestations violentes dans les rues, la Première ministre élue ; Sheikh Hasina ; a été renversée. Lorsque l’armée a pris le pouvoir et annoncé la mise en place d’une « administration intérimaire », des vidéos ont montré Hasina fuyant vers l’Inde à bord d’un hélicoptère. Alors que des foules d’étudiants manifestants envahissaient le palais présidentiel, les médias occidentaux et leurs consommateurs progressistes célébraient cette rébellion, la présentant comme une défaite décisive du fascisme et le rétablissement de la démocratie.

Le successeur de Hasina, Muhammad Yunus, est un ancien membre de la Clinton Global Initiative et a reçu un prix Nobel pour avoir développé le microcrédit, une pratique controversée. Yunus a salué le mouvement de protestation « minutieusement conçu » qui l’a propulsé au pouvoir. Hasina, quant à elle, a accusé Washington de travailler pour la déloger en raison de son refus présumé de permettre l’installation d’une base militaire américaine au Bangladesh. Le département d’État a rejeté ces allégations comme étant « risibles », affirmant que les États-Unis n’étaient pas impliqués dans la démission de Hasina. Pourtant, Jeffrey Sachs, lors d’une de ces interviews mi-août avait déjà signalé la responsabilité de Washington dans cet événement[2].

Cependant, les documents divulgués et examinés par The Grayzone confirment que le département d’État était informé des efforts de l’IRI pour atteindre un objectif explicite : « déstabiliser la politique du Bangladesh ». Ces documents sont marqués comme « Confidential » ou « Restricted ».

L’IRI, une organisation dirigée par le Parti républicain et affiliée à la National Endowment for Democracy, a soutenu de nombreuses opérations de changement de régime dans le monde entier depuis sa création sous la direction de William Casey, alors directeur de la CIA.

Les nouveaux fichiers révèlent comment l’IRI a dépensé des millions de dollars avant le renversement de Hasina pour former secrètement des partis d’opposition et établir un réseau d’activistes afin de préparer le changement de régime, en recrutant principalement parmi la jeunesse urbaine du pays. Parmi les « soldats de première ligne » de l’IRI figuraient des rappeurs, des leaders de minorités ethniques et des activistes LGBTQI, tous formés pour faciliter ce que l’IRI appelait un « changement de pouvoir » au Bangladesh.

L’IRI, qui opère à Dhaka depuis 2003, prétend travailler pour aider les partis politiques, les responsables gouvernementaux et les groupes marginalisés à revendiquer leurs droits. Cependant, les documents montrent que l’institut a en réalité financé et formé une large structure politique parallèle, composée d’ONG, de groupes activistes, de politiciens et même d’artistes, visant à susciter des troubles si le gouvernement bangladais refusait de se conformer aux attentes américaines.

L’article conclut en critiquant les actions de l’IRI, en les assimilant à d’autres tentatives américaines de changements de régime dans d’autres pays, tout en soulignant que la situation actuelle au Bangladesh pourrait favoriser un retour à l’influence américaine.


[1] https://thegrayzone.com/2024/09/30/us-plot-destabilize-bangladesh/

[2] https://www.commondreams.org/opinion/regime-change-pakistan-bangladesh

La Chine s’intéresse-t-elle vraiment à la Nouvelle-Calédonie ?

La Chine s’intéresse-t-elle vraiment à la Nouvelle-Calédonie ?

https://www.challenges.fr/monde/la-chine-s-interesse-t-elle-vraiment-a-la-nouvelle-caledonie_903594


Dans un rapport rédigé pour un think tank australien, la chercheuse d’origine néo-zélandaise Anne-Marie Brady s’intéresse aux ingérences chinoises en Nouvelle-Calédonie. Selon elle, le Parti Communiste Chinois se livre à des activités qui visent à influencer les élites politiques et économiques pour servir ses propres intérêts, et à utiliser la diaspora chinoise et les entreprises chinoises comme des instruments. Une étude jugée intéressante mais aussi très extrapolée par certains observateurs.

 

Des indépendantistes dans le quartier de la Vallée du Tir à Nouméa.

Des indépendantistes dans le quartier de la Vallée du Tir à Nouméa.

AFP / DELPHINE MAYEUR

La crise politique et sociale perdure en Nouvelle-Calédonie, où les élus locaux ont récemment présenté une facture de 4 milliards d’euros à l’État français pour reconstruire l’archipel dont les émeutes ont ravagé le tissu économique. L’ensemble des groupes siégeant au Congrès en ont profité pour souligner « l’échec du modèle calédonien » justifiant une « réforme de l’ensemble du système économique et social » du territoire. Au cœur des inquiétudes, l’industrie du nickel, l’une de ses principales ressources, mise à mal par la concurrence étrangère. La filière du « métal du diable », comme est surnommé le nickel sur l’île, est en crise.

Fin juillet, le producteur Koniambo Nickel, l’un des trois implantés en Nouvelle-Calédonie, a annoncé qu’il allait jeter l’éponge. L’usine devrait fermer ses portes et licencier 1 200 salariés en cette fin de mois d’août. Dans ce contexte, la Chine est souvent présentée comme un facteur important de déstabilisation de l’archipel. L’Empire du Milieu qui tisse sa toile dans le Pacifique, lorgnerait ainsi sur les réserves de nickel calédoniennes allant jusqu’à soutenir les mouvements kanaks indépendantistes. C’est notamment une des thèses que développe la chercheuse néo-zélandaise Anne-Marie Brady dans un rapport rédigé pour le think tank Australian Strategic Policy Institute et qui porte sur l’influence chinoise en Nouvelle-Calédonie.

La chercheuse, originaire de Nouvelle-Zélande est la première à s’intéresser à ce sujet. Elle affirme que la Nouvelle-Calédonie « présente un intérêt particulier » pour la Chine car c’est un « territoire stratégiquement important pour la France, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis ». Selon son rapport, « la Nouvelle-Calédonie est désormais dépendante du marché chinois pour ses exportations, ce qui constitue un risque stratégique. Le territoire doit rééquilibrer son économie et revenir à un portefeuille de marchés plus diversifié. »

La Chine veut un monopole sur le nickel

Si la France a dominé au début du XXe siècle le marché stratégique du nickel, les Chinois via l’Indonésie pèsent désormais 75 % de ce marché. Et le meilleur moyen qu’ils ont trouvé pour éliminer la concurrence occidentale, c’est de surproduire pour faire s’écrouler les prix. Djakarta a ainsi « inondé les marchés pour pousser les producteurs calédoniens ou australiens à la faillite et permettrait à l’Indonésie d’acquérir un quasi-monopole sur le nickel et, par extension, un rôle incontournable dans les composants de batteries », indiquait Thibault Michel, chercheur à l’Ifri, dans une tribune du Monde.

Mais si Pékin cherche à renforcer le contrôle qu’il possède sur ce minerai stratégique, il ne faut oublier le rôle des acteurs privés chinois qui ont des intérêts de prédation sur la Nouvelle-Calédonie, et on ne constate pas à ce jour de stratégie de l’Etat chinois derrière ces initiatives.

Une présence militaire française utile mais insuffisante

La chercheuse insiste aussi sur l’importance de la présence militaire française dans cette zone stratégique, au point de faire de la France une véritable puissance de la zone indo-pacifique capable de rivaliser avec la puissance chinoise. Un argument qui plaira sans doute au ministère des Armées dont Sébastien Lecornu avait annoncé en 2022 le renforcement et la modernisation des capacités militaires françaises dans la zone.

Il n’en reste pas moins qu’il convient de relativiser cette présence militaire, de même que la puissance française dans le pacifique. Dans un rapport publié en 2023, des sénateurs parlaient plutôt du « sous-équipement chronique des forces de souveraineté dans le pacifique » à commencer par les forces armées de la Nouvelle-Calédonie. Ils listaient aussi les ruptures temporaires de capacité dans la marine et la nécessité de rénover les bases aériennes, pour optimiser la présence militaire française, jugée largement insuffisante.

Sans oublier que le sujet est politiquement hautement sensible car quand l’armée française annonce le renouvellement de ses capacités militaires, certains groupes politiques locaux ne manquent pas de dénoncer la « remilitarisation » ou la « surmilitarisation » de leur pays. « On ne fera jamais le poids face à la Chine dans cette zone sur le segment militaire même si la présence française est utile compte tenu de la priorité géographique qu’est devenue la zone indo-pacifique autant pour la Chine que pour les États-Unis mais il n’y a pas à ce jour de menace en termes militaires ou de conquête territoriale sur la Nouvelle-Calédonie », estime un chercheur.

Des réseaux chinois peu influents

Anne-Marie Brady cherche aussi à démontrer la proximité du parti communiste chinois avec certains courants indépendantistes calédoniens. Si l’hypothèse d’une indépendance de la Nouvelle-Calédonie – à ce jour encore peu probable — pourrait trouver à long terme un certain intérêt du côté de Pékin, il n’en reste pas moins que le rapport semble surévaluer les velléités réelles d’action sur le territoire calédonien. D’abord parce que si les élites politiques indépendantistes sont ouvertement invitées à Pékin pour des colloques, les actions réelles de lobbying du pouvoir chinois sur le territoire calédonien sont très faibles et beaucoup moins marquées que dans d’autres zones d’intérêts français du Pacifique.

« La Chine a évidemment des réseaux d’influence avec l’association d’amitié sino-calédonienne présidée par l’ancienne directrice de cabinet du leader indépendantiste kanak, Roch Wamytan, mais sans efficacité constatée lors des référendums. Par ailleurs, les acteurs locaux cherchent, eux aussi, à instrumentaliser la Chine. Ils brandissent la carte de la Chine comme alternative compte tenu du contexte mais aussi parce qu’ils savent que Pékin est un repoussoir, confie une source bien informée, qui considère que l’intérêt réel de la Chine pour la Nouvelle-Calédonie est largement exagéré. C’est donc beaucoup plus complexe qu’une instrumentalisation par la Chine qui profiterait évidemment de l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Mais pousser à ce scénario par des modes d’action politique concrets sur le territoire aurait un coût politique énorme par rapport à tous les pays de la région : Australie, Nouvelle-Zélande, États-Unis d’abord qui regardent de très près la montée en puissance de la Chine mais aussi toutes les îles indépendantes de la région qui craindraient aussitôt une conquête chinoise. »

Peu d’éléments d’ingérence chinoise sur le territoire calédonien

Docteur en géopolitique des territoires kanaks, le chercheur Pierre-Christophe Pantz relativisait lui-même l’influence chinoise en Nouvelle-Calédonie lors d’une interview donnée récemment à un média local : « il y a assez peu d’éléments sur les ingérences concrètes de la Chine en Nouvelle-Calédonie, ou sur le financement de partis politiques même s’il y a de fortes suspicions » avant de conclure que « le fait qu’aujourd’hui, la Nouvelle-Calédonie soit sous pavillon français empêche toute velléité, que ce soit d’investissement ou d’implantation de la Chine dans les territoires français ».

Une façon de nuancer les perceptions des ambitions chinoises à un moment où la Nouvelle-Calédonie, engagée dans un processus d’autodétermination complexe, se trouve à un carrefour critique, marqué par des émeutes qui menacent la cohésion sociale et la souveraineté française sur le territoire.