JOP 2024 : 85 télépilotes tombés dans les filets des armées françaises

JOP 2024 : 85 télépilotes tombés dans les filets des armées françaises

– Forces opérations Blog – publié le

Dans les airs aussi, la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques se sera déroulée sans écueil majeur. Coordonnée par l’armée de l’Air et de l’Espace, cette mission aura notamment conduit à l’interpellation de 85 télépilotes de drones. 

Les JOP finis, l’heure est au bilan pour les militaires engagés dans la sécurisation du ciel français, un volet qui s’est appuyé sur un socle de posture permanente de sureté aérienne (PPS-A) renforcé et complété par des dispositifs particuliers de sûreté arienne (DPSA) établis à Paris et Marseille. Principaux résultats : 90 interceptions réalisées au cours de 350 missions et 85 télépilotes interpellés, dont deux grâce au drone Reaper. 

Ce dispositif multicouches « hors normes de par l’ampleur, la durée et l’empreinte territoriale » aura nécessité d’employer l’essentiel des moyens antiaériens et de lutte anti-drones (LAD) dont disposent les armées, avec quelques « premières capacitaires » à la clef. Ainsi, les systèmes VL MICA fraîchement perçus sont venus compléter le système MAMBA, les Crotale NG et les trois sous-groupements tactiques d’artillerie sol-air MISTRAL de l’armée de Terre. 

La seule LAD aura mobilisé en simultané « une quinzaine de systèmes lourds et plusieurs dizaines d’équipes légères ». Derrière les MILAD, PARADE et autres fusils brouilleurs NEROD RF, deux radars Giraffe 1X ont été utilisés à Paris et Marseille pour compléter les systèmes lourds. Des radars 3D multimissions, compacts, produits par le groupe suédois Saab et qui, à première vue, viennent d’entrer dans l’arsenal français. 

L’effort était également interalliés. Les Espagnols ont contribué à la protection du ciel marseillais avec un systèmes NASAMS. La Royal Air Force a fait de même au-dessus d’un site paralympique parisien avec l’outil LAD ORCUS, déjà déployé en 2012 lors des JO de Londres. Des fusils brouilleurs HP 47 prêtés par l’Allemagne et conçus par la société allemande HP sont par ailleurs venus renforcer les moyens de brouillage déployés sur l’ensemble de la France. 

Si les téléopilotes fautifs étaient « principalement des touristes ignorant la réglementation en vigueur », deux autres sont le résultat d’une interception d’opportunité sans lien avec les JOP. Le 4 septembre, « le système mis en place pour assurer en particulier la protection de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle a détecté un drone de modèle inconnu, aux abords d’une prison », indique l’armée de l’Air et de l’Espace. 

Relayée aux forces de sécurité intérieure, l’information aura permis d’arrêter deux télépilotes en train de livrer des matériels illégaux dans un établissement pénitentiaire. « La coordination interministérielle au sein de la chaîne de lutte anti-drones a fait, une nouvelle fois, la preuve de son efficacité », se félicite l’armée de l’Air et de l’Espace. 

Crédits image : AAE

JO 2024 – 30 % des médaillés français sont des militaires : le secret de leur réussite

JO 2024 – 30 % des médaillés français sont des militaires : le secret de leur réussite

Jo 2024 30 Des Medailles Francais Sont Des Militaires Le Secret De Leur Reussite

Les Jeux olympiques de Paris 2024 ont marqué un tournant dans l’histoire du sport français, avec un total de 62 médailles remportées, dont 16 en or. Ce record historique dépasse largement celui des Jeux d’Atlanta en 1996. Mais un élément majeur de cette réussite est à mettre au crédit des militaires français, qui ont brillé par leur contribution significative : 30 % des médailles françaises ont été remportées par des athlètes issus du ministère des Armées. Ce chiffre impressionnant montre l’importance du sport de haut niveau au sein des forces armées.

Une délégation militaire performante

Le général Sanzey, commandant du Centre national des sports de la Défense (CNSD), a souligné que les athlètes militaires représentaient seulement 13 % de la délégation olympique française, mais qu’ils ont remporté près d’un tiers des médailles. Parmi les 47 athlètes militaires et 8 parathlètes participant sous la bannière tricolore, certains noms se sont démarqués lors de ces Jeux.

Parmi eux, le soldat de première classe Luka Mkheidze a décroché une médaille d’argent en judo dans la catégorie des moins de 60 kg, tandis que la seconde maître de la Marine nationale Shirine Boukli a décroché le bronze en judo (moins de 48 kg). L’adjudant de gendarmerie Clarisse Agbégnénou, figure emblématique du judo français, a également ajouté une médaille de bronze à son palmarès. En dehors des tatamis, l’armée a aussi brillé avec des sportifs comme la surfeuse Johanne Defay, matelot de la Marine, médaillée de bronze, ou encore le maréchal des logis Maxime Petit, qui a remporté le bronze au fleuret par équipe.

Ces résultats montrent l’efficacité du dispositif mis en place par les armées pour soutenir les athlètes militaires. Ceux-ci bénéficient d’un cadre d’entraînement unique au sein du Bataillon de Joinville, où ils sont pleinement dédiés à leur préparation sportive tout en restant rattachés à l’institution militaire.

Armées Des Champions Et Général Sancey Jo 2024

Une contribution active aux Jeux paralympiques

Les Jeux paralympiques 2024, qui débuteront le 28 août, mettront également en lumière des athlètes militaires d’exception. Huit parathlètes issus des forces armées participeront à ces compétitions. Parmi eux, des champions de renommée internationale tels que Luca Mazur, triple champion du monde de para-badminton, ou Rémy Boullé, vice-champion du monde de paracanoë-kayak. Ils seront accompagnés d’autres talents comme Fabien Lamirault et Matéo Boheas en para-tennis, ou encore Manon Genest en saut en longueur, qui avait terminé au pied du podium lors des Jeux de Tokyo.

Un soutien institutionnel sans faille

Le ministère des Armées dispose d’un programme dédié aux sportifs de haut niveau. Près de 200 athlètes bénéficient ainsi du statut militaire, leur permettant de concilier leur carrière sportive avec un engagement au service de la nation. Ces sportifs, bien que détachés de leurs fonctions opérationnelles pour se concentrer sur les compétitions, restent des représentants des forces armées françaises. Ils suivent chaque année des stages d’acculturation militaire et participent à des événements institutionnels.

Le général Sanzey insiste sur l’importance de ce modèle unique, qui repose sur des valeurs partagées par le sport et la défense : discipline, dépassement de soi, esprit d’équipe et résilience. Il souligne également que ces athlètes apportent une image positive des forces armées au grand public, en incarnant l’excellence française sur la scène internationale.

Un modèle de réussite et d’exemplarité

Le succès des athlètes militaires aux JO 2024 est l’aboutissement d’un travail de longue haleine, mêlant préparation physique rigoureuse, suivi psychologique et encadrement technique de haut niveau. Le Bataillon de Joinville, institution emblématique de l’armée française, joue un rôle central dans cette réussite. Créé en 1852 pour promouvoir le sport au sein de l’armée, il continue aujourd’hui à former et soutenir les champions de demain.

Ce modèle de soutien aux sportifs militaires s’étend également aux disciplines paralympiques, permettant à des athlètes en situation de handicap de bénéficier des mêmes moyens pour atteindre l’excellence. Cette approche inclusive reflète l’engagement des armées à promouvoir l’égalité des chances et la diversité au sein de ses effectifs.

Une reconnaissance nationale et internationale

Avec 30 % des médailles françaises remportées par des athlètes militaires, les Jeux de Paris 2024 mettent en lumière l’impact du sport militaire sur la performance nationale. Cette contribution dépasse le cadre purement sportif, en renforçant les liens entre l’armée et la société civile. Le succès des athlètes sous l’uniforme est également une fierté pour les forces armées, qui voient dans ces performances un reflet de leurs valeurs et de leur engagement au service de la nation.

En attendant les Jeux paralympiques, la dynamique est lancée pour que ces sportifs militaires continuent de briller, prouvant une fois de plus que l’armée française est non seulement un pilier de la défense nationale, mais aussi un acteur incontournable du sport de haut niveau en France.

JO de Paris: des militaires français médaillés (palmarès actualisé)

JO de Paris: des militaires français médaillés (palmarès actualisé)

Les sportifs de haut niveau de la défense ont remporté un total de 16 médailles sur les 44 obtenues par la délégation française,

Second maître Shirine Boukli : médaille de bronze en judo -48 kg ;

Soldat de 1re classe Luka Mkheidze : médaille d’argent en judo -60 kg ;

Maréchal des logis Manon Apithy-Brunet : médaille d’or en sabre individuel ;

Aviateur Nicolas Gestin : médaille d’or en canoë slalom ;

Sergent Thomas Chirault : médaille d’argent en tir à l’arc par équipe ;

Matelot Joan-Benjamin Gaba : médaille d’argent en judo -73kg ;

Adjudant Clarisse Agbegnénou : médaille de bronze en judo -63kg ;

Sergent Léo Bergère : médaille de bronze en triathlon ;

Sergent Anthony Jeanjean : médaille de bronze en BMX Freestyle;

Maître Charline Picon: médaille de bronze en voile, en équipage de deux, série 49er FX;

Sergent Sylvain André: médaille d’argent en BMX Racing;

Sergent Romain Mahieu: médaille de bronze en BMX Racing;

Maréchal des logis Lisa Barbelin: médaille de bronze en tir à l’arc.

Le dimanche 4 août, le sergent Yohan Ndoye-Brouard, SHND au sein de l’armée de Terre, a décroché la médaille de bronze avec son équipe,dans la course relais masculin 4 x 100 mètres

Le 4 août également, le sergent Enzo Lefort, SHND au sein de l’armée de l’Air et de l’Espace, et le maréchal des logis chef Maxime Pauty, SHND au sein de la Gendarmerie nationale, ont emporté le bronze au fleuret par équipe.

Jeux Olympiques : un avion de tourisme intercepté par un Rafale

Jeux Olympiques : un avion de tourisme intercepté par un Rafale

Par Jean-Baptiste Leroux – armees.com –  Publié le 30 juillet 2024

L'avion de tourisme a été intercepté par un Rafale en raison de la violation de l'espace aérien durant les Jeux Olympiques Wikipedia.

Alors que les Jeux Olympiques viennent de débuter, un avion de tourisme a été intercepté par un Rafale après avoir pénétré une zone aérienne restreinte. Un incident insolite qui souligne l’importance des mesures de sécurité mises en place pour protéger l’espace aérien autour de Paris.

Jeux Olympiques : un espace aérien très sécurisé

C’est peu de dire que l’espace aérien de l’Île-de-France est étroitement surveillé durant les Jeux Olympiques 2024. Avec des millions de visiteurs et des événements de grande envergure, la sécurité est une priorité absolue. L’armée de l’air française et la gendarmerie aérienne collaborent pour garantir que seules les opérations autorisées puissent se dérouler dans cet espace critique.

Depuis le début des JO, une zone d’exclusion aérienne a été établie autour de la capitale. Cette zone est destinée à prévenir tout incident potentiel, en limitant les vols non autorisés et en assurant une réponse rapide en cas de violation. Les autorités aériennes ont mis en place des dispositifs d’interception prêts à intervenir à tout moment.

Un avion de tourisme intercepté par un Rafale

Le jeudi 25 juillet 2024, un pilote de l’aéroclub de Chartres a involontairement enfreint ces restrictions. Aux commandes d’un monomoteur Piper PA-28, ce quadragénaire a décollé de l’aérodrome de Chartres en fin d’après-midi. En l’espèce, le pilote a commis deux erreurs majeures.  Il a fait voler son avion à une altitude de 1.500 pieds, bien en dessous des 19.500 pieds réglementaires, et il est entré dans la zone aérienne interdite.

Un dispositif d’interception a été rapidement déployé. Un Rafale de l’armée de l’air a été envoyé pour intercepter l’avion de tourisme. Une communication a été établie entre les deux pilotes, et le pilote du Piper a expliqué qu’il n’était pas au courant des restrictions en place. Il a immédiatement corrigé sa trajectoire pour sortir de la zone interdite.

Une enquête ouverte

À son retour à l’aérodrome de Chartres, le pilote a été accueilli par les forces de l’ordre. La brigade de gendarmerie des transports aériens (BGTA) de Toussus-le-Noble a pris en charge l’enquête. Le pilote pourrait faire face à diverses sanctions, allant d’un simple avertissement au retrait de sa licence de vol.

L’aéroclub de Chartres a indiqué avoir rappelé à l’ordre le pilote, soulignant l’importance de respecter les restrictions de vol, surtout en période de grands événements comme les Jeux Olympiques. Cet incident sert de rappel à tous les pilotes sur la nécessité de se tenir informés des zones d’exclusion et des régulations en vigueur.


Jean-Baptiste Le Roux est journaliste. Il travaille également pour Radio Notre Dame, en charge du site web. Il a travaillé pour Jalons, Causeur et Valeurs Actuelles avec Basile de Koch avant de rejoindre Economie Matin, à sa création, en mai 2012. Il est diplômé de l’Institut européen de journalisme (IEJ)

Comment les géographes militaires contribuent à la sécurisation des JO 2024

Comment les géographes militaires contribuent à la sécurisation des JO 2024

par – Forces opérations Blog – publié le

Ils sont moins d’une dizaine déployés pour l’occasion mais sans les géographes militaires du 28e groupe géographique de l’armée de Terre, il serait bien difficile pour les milliers de militaires chargés de protéger les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de se retrouver dans le méandre des rues de Paris. Du fond de la Seine aux abords des stades, zoom sur une spécialité aussi unique qu’essentielle à la sécurisation de cette grande messe du sport. 

Blanchir la Seine

Jamais plus petit esquif militaire n’avait navigué sur la Seine parisienne. Du long de ses 180 cm, le bathydrone VASCO de l’armée de Terre paraît minuscule dans le ballet ininterrompu des bateaux mouches, mais sa mission n’en est pas moins indispensable au bon déroulé des Jeux olympiques : cartographier le lit du fleuve en vue de la cérémonie d’ouverture de ce vendredi. Une tâche confiée au 28e groupe géographique (28e GG), seule unité française capable de produire les cartes nécessaires à la bonne compréhension de l’environnement physique et humain. 

Trois militaires du 28e GG de Haguenau (Bas-Rhin) appuyés par deux plongeurs-démineurs du 1er régiment étranger de génie (1er REG) ont parcouru de long en large un segment de trois kilomètres et profond de cinq à six mètres à l’aide de ce drone de surface équipé d’un GPS, d’un sonar et d’un sondeur. Grâce à ces capteurs, « vous pouvez faire le modèle numérique en 3D du fond de la scène et détecter les objets pouvant potentiellement nuire à la navigation », explique l’adjudant-chef Teddy, technicien géographe au sein du 28e GG. 

« C’est ce qu’on appelle une opération de blanchiment de la Seine », complète le lieutenant-colonel Sébastien, chef du bureau opération-instruction du 28e GG. Bien que conçu pour opérer de manière autonome, le bathydrone était pour l’occasion tracté par un semi-rigide des sapeurs afin de gagner en visibilité face aux autres usagers de la Seine et d’éviter de consommer la batterie en luttant contre le courant.

« Mission accomplie », avance l’adjudant-chef Teddy au terme de trois jours de va-et-vient. La première analyse réalisée à chaud n’aura pas suscité d’inquiétudes. Contrairement à l’impression initiale, l’essentiel des objets se situent au centre du lit et non sur le bord des quais ou en dessous des ponts. Ni mine immergée, ni autobus de la RATP, mais surtout des pneus de vélo et d’anciens poteaux d’amarrage, constate le spécialiste de la bathymétrie. Rien qui soit, à première vue, susceptible de gâcher la fête. Et si un doute subsiste après une relecture approfondie des données, il reviendra aux plongeurs-démineurs de la Légion étrangère d’aller le lever in situ. 

« RAS » au terme de trois journées de cartographie du fond de la Seine, manoeuvre conduite avec le soutien du 1er REG

Et cartographier Paris

Essentielle, l’expertise du 28e GG l’est tout autant en surface. L’appui géographique s’est en effet d’emblée avéré utile pour faciliter le travail des quelque 10 000 militaires de la force Sentinelle mobilisés à Paris au plus fort de l’événement. Une grande partie d’entre eux proviennent de la 27e brigade d’infanterie de montagne, dont les régiments sont davantage habitués à évoluer à flanc de paroi que sur les grands boulevards parisiens. Ce sont autant de groupes à qui il faut donner un instantané exact et précis d’un environnement particulièrement dense et évolutif. « Le but du jeu, c’est que chaque patrouille dispose d’une carte de sa zone. Une zone qui n’est pas forcément identique de jour en jour », pointe le LCL Sébastien. 

Qui dit épreuves sportives dit en effet stades éphémères et autres infrastructures temporaires implantées un peu partout dans et autour de Paris. « La physionomie du terrain va être modifiée, les règles de circulation, l’accès, la zone des secours vont être changés », explique le LCL Sébastien. Voilà deux ans que son groupe travaille en coordination avec l’établissement géographique interarmées (EGI) à récupérer l’information requises pour mettre à jour les outils disponibles et s’assurer « que nos soldats puissent avoir à l’instant ’t’ la carte représentant au mieux la réalité du terrain avec les endroits où ils peuvent ou non passer et planifier les opérations sans être bloqués s’il se passe quelque chose et qu’ils ont besoin de réagir ». 

Une fois les données récoltées par les topographes, celles-ci sont confiées aux cartographes chargés de produire les cartes, études et autres produits demandés à partir d’un système d’information géographique, « un logiciel qui permet de mettre en forme et mettre à jour des cartes ». Les outils qui en découlent peuvent ensuite être imprimés, intégrés aux différents systèmes d’information des armées ou diffusés sur l’intranet militaire. Pour la sous-lieutenant Marine, officier analyste géographie au sein de la cellule « Terrain Analysis » (TERA), la principale difficulté relève du « panel vraiment très dense des données que nous devons traiter, de la zone de manoeuvre aux demandes très précises des NEDEX [neutralisation, enlèvement, destruction des explosifs] ou du génie ». 

Pour les géographes militaires, le dispositif partage des similarités avec celui engagé lors de Barkhane. Et encore, cette opération extérieure clôturée en novembre 2022 au Sahel était dépourvue de moyens mobiles de production de carte, contrairement à Sentinelle. Uniques en leur genre, ces conteneurs montés sur châssis de camion GBC contiennent tout l’équipement nécessaire pour réaliser de la production cartographique, du PC à l’imprimante. Deux d’entre eux ont été déployés à Paris pour toute la durée de cette XXXIIIe Olympiade, de quoi permettre d’imprimer jusqu’à 500 cartes par jour. 

La région parisienne n’est pas le seul espace concerné. De Marseille à Saint-Étienne et de Bordeaux à Lille, d’autres sites olympiques installés en zone urbaine seront quadrillés par Sentinelle. Ce sont autant de cartes susceptibles d’être commandées auprès d’un 28e GG qui, dans ce cas, activera la cellule disponible en permanence en Alsace. 

Jusqu’à 500 cartes de toutes tailles peuvent être imprimées quotidiennement par les modules mobiles TERA du 28e GG, et bien plus en s’appuyant sur les capacités de l’EGI

Des compétences rares en évolution

Rattaché à sa création à l’artillerie, le 28e GG est « l’un des plus petits régiments de l’armée de Terre », rappelle le LCL Sébastien. Ses savoir-faire sont néanmoins essentiels à la prise de décision. Comme le démontrent les JOP, « la géographie est prise en compte à très haut niveau pour monter et conduire des opérations », complète le chef du BOI. Jusqu’à appuyer l’OTAN dans l’évolution de ses plans de défense, démarche pour laquelle le 28e GG a été réquisitionné à l’occasion d’une mission récente en Roumanie. Volontairement discret car appartenant encore au monde du renseignement, l’unité dans quelques mois sous commandement de la brigade du génie nouvellement installée à Angers et elle-même inféodée au Commandement de l’appui et de la logistique de théâtre (CALT) créé le 1er juillet à Lille. 

Derrière les théodolites et autres tachéomètres, l’éventail de matériels spécifiques au travail cartographique s’élargit progressivement au gré des nouvelles technologies, à commencer par les systèmes robotisés. Le bathydrone, conçu par l’entreprise grenobloise Escadrone, n’est qu’un exemple. Derrière les deux exemplaires en service depuis 2022, le 28e GG s’approprie depuis un moment certains drones aériens. S’ils ne sont pas employés pour les JOP, ces drones contribuent à renforcer la capacité du groupe en matière de couverture de surface, précieux gain de temps à la clef. Les montagnes ne disparaissent pas en une nuit, mais une forêt, le tracé d’une route, voire un village entier peuvent se retrouver rapidement modifiés ou effacés par la densité des combats. « L’usage du drone aérien nous permet de mettre à jour plus rapidement une situation géographique qui évolue vite », estime à ce titre le chef du BOI. 

Depuis près de trois ans, le 28e GG est doté de sa propre Google Car. Ou presque, car le système léger de topographie (SLT) fait mieux que son équivalent civil. Développé par Equans Ineo et installé sur le toit d’un véhicule, ce SLT combine un capteur LIDAR de haute précision et six caméras pour la collecte des données à des systèmes de navigation associant systèmes de positionnement par satellites et centrale inertielle. Le tout fournit une modélisation de l’environnement urbain en 3D soit rapide par nuage de points colorisés, soit plus complète en modèles vectoriels. Sept exemplaires ont été acquis pour 38 M€. 

S’il n’en sont pas les premiers bénéficiaires, les géographes sont à la fois acteurs et bénéficiaires du programme SCORPION de renouvellement du segment blindé médian de l’armée de Terre. Leurs cartes peuvent ainsi contribuer au système d’information du combat SCORPION (SICS). À terme, les VAB utilisés pour protéger des équipes de topographes « potentiellement proches de la ligne de front » seront remplacés par un véhicule Griffon spécialisé dont la configuration est en cours de définition. « C’est un objet qui est très complexe, car il faut notamment réussir à y intégrer une centrale inertielle spécifique en plus de celle nativement intégrée sur le Griffon », explique le LCL Sébastien. Cette version devrait apparaître à l’horizon 2030. 

Focalisé en surface, le travail du 28e GG pourrait s’étendre au sous-sol. Si ce domaine est plutôt dans les mains des forces de sécurité intérieure durant les JOP, celles-ci bénéficient de certains moyens militaires. La problématique est récente mais est bien prise en compte par les armées, veille technologique et expérimentations à la clef. L’armée de Terre étudie ainsi l’emport d’un système LiDar sur le sac à dos d’un combattant, solution légère lui permettant de cartographier l’environnement en 3D tout en lui laissant les mains libres. 

À l’heure du SICS et de Google Maps, l’impression de cartes de manière autonome est malgré tout « une vraie compétence à conserver parce que nous nous rendons compte que nous restons très vulnérables à beaucoup de choses avec nos réseaux. Cela se voit en Ukraine, par exemple, où le GPS est brouillé régulièrement. Cette capacité, c’est quelque chose que l’on avait un peu oublié et qui remonte donc en puissance depuis peu », conclut le LCL Sébastien. Infaillible à condition d’être régulièrement mise à jour, la carte en papier a encore un bel avenir devant elle.

Le sport, un marqueur de la puissance. Entretien avec Jean-Baptiste Guégan

Le sport, un marqueur de la puissance. Entretien avec Jean-Baptiste Guégan

France’s Antoine Dupont raises the trophy as he celebrates with teammates after the Six Nations rugby union international match between France and England at the Stade de France in Saint-Denis, near Paris, Saturday, March 19, 2022. France won 25-13 to clinch a Grand Slam and win the Six Nations title. (AP Photo/Thibault Camus)/XCE156/22078814885388//2203192342

 

par Jean-Baptiste Guégan – Revue Conflits – publié le 6 juillet

https://www.revueconflits.com/le-sport-un-marqueur-de-la-puissance-entretien-avec-jean-baptiste-guegan/


Domaine des représentations, des symboles, des rapports de force et des occupations de l’espace, le sport s’inscrit dans la réflexion géopolitique. Il est aussi l’expression d’une forme de la puissance et un moyen de communication politique. Entretien avec Jean-Baptiste Guégan sur cette géopolitique du sport.

Jean-Baptiste Guégan & Lukas Aubin, Géopolitique du sport, La Découverte, 2024.

Jean-Baptiste Guégan & Lukas Aubin, La guerre du sport, une nouvelle géopolitique, Tallandier, 2024.


Propos recueillis par Côme du Cluzel.

Qu’est-ce qui fait du sport un objet d’étude géopolitique ?

Si l’on considère que la géopolitique, c’est l’étude des relations de puissance, des rapports de force et des tensions sur un territoire que se partagent et se représentent différents acteurs, il n’y a rien de mieux que le sport pour la comprendre. Le sport permet de comprendre la géopolitique au sens large d’Yves Lacoste. En effet, qu’est-ce qui permet aujourd’hui à une population de se sentir concernée en tant que nation ? Le sport constitue une de ces occasions. Les sportifs et leurs supporters vont arborer leurs symboles nationaux via le sport. On va les entendre via le sport, ils vont littéralement donner un corps à la nation. Le seul autre exemple, c’est l’armée et le rapport au conflit.

Pour comprendre les relations internationales et la géopolitique, le sport est un excellent moyen de vulgarisation. Il permet de saisir tous les acteurs de la scène internationale et de les voir agir les uns avec les autres à toutes les échelles, dans leur diversité. Il permet aussi de considérer les actions et interactions de ces acteurs sur les territoires. S’ajoute à cela la question de la puissance, parce que s’il y a bien un endroit où on mesure la puissance et le rapport de force entre acteurs, c’est bien par le sport, que ce soit via les classements des médailles, les podiums obtenus, les trophées remportés et la mise en scène qu’en font les États et les pouvoirs en place, etc.

Ce que le sport permet de saisir aussi, c’est l’idée de représentation, l’une des notions centrales de l’approche géopolitique. Prenons l’exemple du Parc des Princes. Si vous êtes supporter du PSG, et notamment si vous êtes un supporter ultra, vous ne laissez pas entrer quelqu’un avec un autre maillot que celui du PSG. A fortiori, si vous êtes à Auteuil et membre du collectif Ultra Paris, “Ici c’est Paris” et rien d’autre. Pour les supporters les plus engagés, le virage leur appartient symboliquement alors que le stade n’appartient même pas au club. Il appartient à la mairie de Paris. Nous sommes au cœur de l’idée de représentation. Ici, c’est mon territoire, un espace approprié comme le définissent les géographes.

Cette représentation se retrouve dans tous les sports. Et ça se voit aussi à travers des phrases de sportifs. Le basketteur qui, par exemple, sous son panier, claque un contre sur celui qui veut lui dunker sur la tête, il va le regarder et il va lui faire « pas chez moi, pas ici ». À l’inverse, toujours en prenant l’exemple de la NBA, Boston, l’équipe qui vient de gagner les NBA Finals, c’est plus qu’une équipe. On parle de Celtics Nation comme on parle de Lakers Nation. On est sur la construction d’un groupe qui partage une culture, une histoire et une langue commune et qui s’approprie symboliquement une ville et son enceinte de basket qu’elle investit de représentations spécifiques avec sa langue, ses expressions, ses vedettes, etc. Le sport permet ici de comprendre l’ancrage territorial et l’appropriation des espaces pour ces tribus sportives, ces clans de supporters. À une autre échelle, c’est aussi par le sport que l’on connaît le mieux l’essence des nations. Et les Jeux olympiques s’inscrivent aussi dans ce phénomène d’identification.

Prenons l’exemple du Golfe arabo-persique. Quand on voit le Qatar, ses relations avec l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, on comprend très vite que le sport leur permet de se confronter les uns aux autres. En même temps, il leur permet de parler à leur peuple et au monde. Aujourd’hui, si vous êtes un dirigeant, passer par le sport, c’est le meilleur moyen de toucher l’ensemble du globe. Il a une capacité de diffusion massive.

Ce qui vaut pour le Qatar et ses dirigeants vaut aussi pour Emmanuel Macron avec Kylian Mbappé (ou du moins ça valait lors de son premier mandat). Et ça le vaudra encore si on a des performances françaises d’exception avec les Jeux. La volonté d’appropriation politique de l’olympiade par des acteurs politiques comme Valérie Pécresse, Anne Hidalgo ou Emmanuel Macron s’inscrivent dans cette dynamique politique et géopolitique.

Dans votre plus récent ouvrage, vous parlez du terme de sport power. Est-ce finalement une sorte de soft power fondée sur le sport?

Beaucoup considèrent que le sport permet surtout de faire de l’image, de travailler le rayonnement, l’attractivité d’un pays ou d’une puissance. Certes, il y a une part de vérité, mais pas seulement.

Aujourd’hui, quand on regarde les régimes autoritaires et même certaines démocraties avancées, le sport, c’est de la puissance, point. C’est aussi du hard power, c’est-à-dire que c’est un marqueur de votre puissance économique. C’est un moyen de montrer que vous avez su tirer profit de votre démographie et de votre territoire, parce que pour avoir des sportifs, il faut être capable de former et transformer en sportif cette démographie, tout en tirant profit des conditions bioclimatiques à votre disposition.

La France et les États-Unis sont deux pays qui le font très bien, et on voit cela au vu de leur réussite dans l’olympisme que ce soit en termes de médailles obtenues ou d’éditions organisées. À l’inverse, aucun État africain n’a encore organisé les Jeux olympiques d’été et ils sont très peu à avoir une capacité à bien figurer dans les sports d’hiver à cause justement de domaines bioclimatiques trop limités, de moyens insuffisants et d’une gouvernance qui ne le permet ni le favorise.

Dans tous les autres domaines de la puissance, le sport est directement associé au militaire. Quand Pierre de Coubertin relance les Jeux, il le fait d’abord pour préparer des athlètes pour la revanche de 1870. Et puis pour organiser des événements sportifs, que ce soit la Coupe du Monde, l’Euro ou je ne sais quoi, il faut avoir une vraie capacité diplomatique. Il faut faire partie d’un cénacle restreint et comprendre comment fonctionnent la diplomatie, les relations internationales, leurs usages et le rapport aux autres États pour faire valoir ses intérêts. Dans ces cas-là, on est aussi dans de la puissance dure. On est sur ce que l’on appelle la puissance du sport, le sport power.

Le sport power, finalement, ça va plus loin que la seule limitation à l’attractivité, l’influence ou la maîtrise du calendrier international. On passe vraiment un cap au-dessus. C’est aussi pour ça qu’aujourd’hui, tout le monde essaie de pratiquer du sport. Ce n’est pas anodin si l’Arabie Saoudite, par exemple, déverse aujourd’hui des milliards sur le sport et l’e-sport.

À l’heure de la professionnalisation du sport, comment a évolué la géopolitique du sport ?

La géopolitique du sport, au départ, c’était l’apanage des États et éventuellement de certains acteurs individuels. Je pense par exemple à Tommie Smith en 1968, qui utilise sa victoire au jeu lors des Jeux de Mexico pour faire passer un message politique revenant sur la ségrégation raciale aux États-Unis.

On avait des stratégies d’État. C’est l’URSS qui revient, par exemple, lors des Jeux d’Helsinki en 1952. C’est l’Allemagne nazie ou l’Italie fasciste qui s’investissent dans les Jeux pour montrer la supériorité de leur modèle idéologique.

Aujourd’hui, on a des acteurs différents et d’une autre nature. On a des ONG qui vont se servir du sport pour se faire entendre. Parfois, pour de bonnes raisons, c’est par exemple tout ce qui est associations comme Play International ou tout ce qui tourne autour du Peace Forum, le forum pour la paix.

Et puis, il y a d’autres acteurs qui, eux, sont là pour utiliser la puissance médiatique et mobilisatrice du sport pour porter une critique sociale, voire politique. Des ONG comme Amnesty International ou Carbon Market Watch vont se servir du sport pour montrer d’abord son absence de soutenabilité, mais aussi aller porter l’attention sur d’autres dimensions. On l’a vu avec Qatar 2022, avec la mise en avant de la question des migrants, la question des minorités, la question des droits des femmes, etc. Donc aujourd’hui, il y a de nouveaux acteurs, les ONG, mais il y a aussi les entreprises. Nike est une des 500 premières entreprises mondiales et cela dit quelque chose du poids actuel du sport, soit 2% du PIB global. La valorisation des clubs de sport l’atteste. Les chiffres sont affolants. Les Dallas Cowboys (football américain, NDLR), c’est plus de 8 milliards d’euros. Le PSG, aujourd’hui, est évalué à plus de 4 milliards d’euros.

Parmi les nouveaux acteurs du sport, des groupes financiarisés plus ou moins liés à des intérêts d’État se distinguent comme le City Football Group (CFG), le groupe qui rassemble une dizaine de clubs sous sa holding comme Manchester City, Yokohama Marinos, Palerme ou New York City Football Club. Aujourd’hui, ces organisations comme le CFG sont structurées comme des firmes transnationales. Elles optimisent leurs profits et sont capables de faire pression sur les organisateurs d’événements ou d’utiliser le sport pour faire de l’entrisme. On a vu, par exemple, Manchester City aller dans le sens de la Super League et se servir du sport pour faciliter les intérêts émiratis en Angleterre. Et on a vu le même club de Manchester City remettre en cause les règles de la Premier League (championnat de foot en Angleterre, NDLR).

Un dernier type d’acteurs surgit. Ce sont tous les États, des régimes autoritaires jusqu’aux démocraties, qui utilisent le sport de manière structurée. Et on voit notamment les nouveaux entrants, je pense, par exemple, aux États du Golfe, mais pas qu’eux. Je pense à l’Inde aussi. Montrer leur émergence géopolitique, ou au contraire, affirmer le sud global ou leur volonté de puissance par le sport. Narendra Modi avec la candidature de l’Inde pour les Jeux de 2036 ne fait rien d’autre. Le Qatar, évidemment, est devenu avec l’Arabie Saoudite, les parangons de cette stratégie. Mais c’est aussi le Rwanda parmi d’autres qui essaie d’exister à l’échelle de l’Afrique subsaharienne par le sport.

Ce qu’on voit, c’est qu’à ces acteurs-là s’ajoutent deux autres types d’acteurs, les sponsors et les diffuseurs. Tous ceux qui exercent une influence géopolitique en sponsorisant le sport et en le diffusant sont des acteurs qui n’existaient pas avant. C’est le cas de Qatar Airways ou des marques liées à des États qui sponsorisent le cyclisme, le football ou les matchs de certaines compétitions.

Sur la dernière décennie, on a vraiment considéré le sport d’un point de vue politique. Et pourtant, tout le monde n’est pas d’accord. Aujourd’hui, tout le monde ne comprend pas encore à quoi le sport peut servir. Mais ça progresse. Les dirigeants sont obligés d’ouvrir les yeux, ils comprennent leurs intérêts à le considérer autrement. Beaucoup d’universitaires ont ouvert les yeux. Je pense qu’un État moderne, ouvert sur le monde et conscient des enjeux, ayant la volonté de peser dans les affaires internationales, ne peut plus faire l’impasse sur une politique sportive structurée autour d’une stratégie clairement définie. La géopolitique du sport est devenue une dimension importante.

Quels sont les arguments des sceptiques de cette géopolitique du sport ?

Souvent, le premier contre-argument opposé à la géopolitique du sport, c’est que c’est que du sport, justement. Socialement, le sport est moins légitime que les arts et la culture au sens noble du terme. Souvent, les gens qui la critiquent sont des gens qui ignorent le sport, n’en ont pas fait ou n’ont pas un rapport intime au sport. Ils n’en comprennent simplement pas le fonctionnement et la portée.

Quand ils le connaissent, il y a aussi un biais socioculturel. Ce n’est pas assez bien pour qu’on le considère, car cela reste associé au corps. Par exemple, on a des gens très bien qui ont écrit des histoires du monde qui sont magnifiques et dans lesquelles il n’y a rien sur le sport, pourtant un phénomène structurant du XXe siècle.

De manière générale, ils n’ont simplement pas conscientisé, par exemple, le fait que le sport a une réalité géographique. Le sport, ce sont des stades, mais pas uniquement. Le sport, ce sont des migrations, des sociologies particulières, des réseaux de sociabilité et de clubs, mais ce sont aussi des réseaux politiques d’influence et de cooptation. Or, cela, pour le comprendre, il faut l’avoir vécu, il faut l’avoir étudié. Et souvent, c’est lié. Mais ça change.

Le sport revêt une dimension géopolitique et ça a été très compliqué pour certains de l’admettre. 

Il y a encore un déficit générationnel. La génération qui a commencé à vraiment comprendre ce que ça implique, c’est celle qui aujourd’hui a une quarantaine d’années. La génération qui a moins de 30 ans, aujourd’hui, elle a vraiment intériorisé la question sportive. Elle a grandi avec cette dimension politique et géopolitique. L’exemple le plus simple de ça, c’est de voir, par exemple, sur les deux mandats de Macron, la place qu’occupe le sport dans la mise en scène du pouvoir, dans l’usage géopolitique qu’on peut en faire, notamment avec le Qatar, mais pas seulement.

Et ce sont des choses que n’aurait pas faites Jacques Chirac, par exemple. Ce sont des choses que François Hollande n’avait pas forcément conceptualisées. Parce que ce sont des gens qui partaient d’une autre réalité qui valorisait encore le cinéma et les arts majeurs comme des instruments prédominants en termes d’influence. Or, aujourd’hui, ce n’est plus vrai.

La Coupe du Monde, c’est la moitié de l’humanité qui est touchée. Les Jeux, c’est plus de 3 milliards et demi de personnes. Ça n’a pas le même effet qu’un festival tel que le Festival de Cannes. Il n’y a pas de comparaison : le seul moment où vous allez rassembler tout le monde, c’est par le sport.

C’est sûr que les plus grosses audiences jamais comptabilisées sont quand même des événements sportifs.  Il y a un exemple qui est sidérant. Ce sont les finales de NBA gagnées par les Toronto Raptors en 2019. Plus de la moitié du Canada regarde ces matchs. Le festival de Toronto, pourtant l’un des plus respectés d’Amérique du Nord, n’a pas une telle audience.

Dans votre livre, vous parlez de victoire sportive comme marqueur d’une certaine forme de mesure de la puissance d’un État. Or, comment une réussite sportive peut-elle en arriver là ? Parce qu’on peut penser à plusieurs contre-exemples. Par exemple, la Nouvelle-Zélande ou l’Afrique du Sud qui se partagent toutes les Coupes du monde de rugby. Ou encore le parcours héroïque du Maroc en Coupe du Monde de foot en 2022. Ce sont des pays qui, malgré leur réussite, n’ont pas forcément gagné une place importante sur l’échiquier géopolitique mondial.

Oui, c’est intéressant parce que là, on est sur un discours qui est déjà très sophistiqué. C’est-à-dire que c’est celui qui consiste à opposer la réalité et l’image qu’on en a.

C’est-à-dire que la réalité, c’est qu’aujourd’hui, le Maroc ne peut pas jouer dans la cour des grands à l’échelle mondiale. En revanche, il peut tenter à l’échelle régionale et à l’échelle continentale de peser. Et il a compris une chose. Ce qui compte, ce n’est pas forcément la seule puissance économique ou la puissance militaire. Aujourd’hui, le Maroc n’a pas la capacité de peser en étant parmi les premiers mondiaux. Cependant, il y a quelque chose qui vaut tout le reste : c’est l’image. Aujourd’hui, ce qui compte, c’est la puissance de l’imaginaire. C’est tout ce qui a fait la force, par exemple, du premier mandat d’Emmanuel Macron.

L’image prédomine et s’impose même si à un moment donné, la réalité vient remettre en cause ce que vous avez déclaré. Aujourd’hui, ce qu’on voit, c’est la capacité du sport à être un levier politique d’influence.

On le voit avec la France à l’occasion des Jeux de Paris 2024, pour être considérée comme un acteur capable de peser, elle doit montrer sa capacité à respecter ses engagements diplomatiques, mais aussi être capable d’accueillir le monde. En le faisant par le sport, elle montre qu’elle s’inscrit dans le rang des quelques puissances capables de le faire dans des conditions qui correspondent aux standards internationaux les plus élevés. Tout en assumant le risque de l’échec devant le monde entier, elle montre qu’elle demeure innovante, attractive et potentiellement encore capable d’exister à l’échelle européenne et mondiale.

Ce qu’on voit avec le sport aujourd’hui, c’est la capacité de mise en scène du pouvoir et de la puissance. Et je distingue volontairement les deux. Quand vous êtes aux États-Unis, c’est simple, la puissance sportive, vous l’avez, parce que vous avez été le premier acteur à vous positionner dessus. Mais quand vous regardez l’Inde qui demain, rien qu’en termes de démographie, en termes de capacité scientifique et en termes de capacité d’investissement, est passée devant l’économie française. Mais tout le monde ne l’a pas encore saisi.

Avec 1,3 milliard de personnes, le sport indien se résume au cricket et au yoga. Malgré la caricature volontaire, on voit qu’aujourd’hui, dans la palette de la puissance, que la capacité à montrer et à se montrer importe pour se légitimer à une autre échelle.

Si la Russie, sur la décennie 2010-2020, était le premier État à organiser autant d’événements internationaux, ce n’est pas simplement parce que Vladimir Poutine était un acteur qui, finalement, aime le sport. C’est qu’il en avait compris la puissance politique et géopolitique.

Aujourd’hui, à l’heure des réseaux sociaux et de l’hyperconnexion du monde, l’idée, c’est de toucher le cœur des hommes et leur esprit. Et le sport a cette vertu, il est capable de toucher les deux. Aucun autre domaine d’activité ne le permet en dehors de la guerre et ce n’est pas pour rien que les tensions du monde s’y retrouvent et s’y attisent.

Le sport a cette capacité à montrer et à construire d’autres représentations. La France, par exemple, va être ciblée, notamment par la Russie ou l’Azerbaïdjan parce qu’elle est capable d’organiser le sport et de peser dans sa gouvernance. Parce qu’elle va aligner sa capacité de puissance moyenne et montrer qu’elle est encore capable de peser dans le jeu, les Jeux de Paris vont être visés par la désinformation et des actions d’ingérence.

Ce sont des choses qu’on ne voyait pas auparavant. Les États-Unis comprennent depuis longtemps la puissance géopolitique du sport. Sur la décennie qui vient, ils vont accueillir successivement la Coupe du monde de foot, les Jeux olympiques et probablement candidater pour accueillir une nouvelle édition des Jeux olympiques d’hiver sans compter les deux Coupes du monde de rugby, féminine et masculine, qu’ils vont organiser.

Ajoutez à cela les ligues professionnelles privées, et vous avez un modèle qui fonctionne et qui sert la politique américaine et montre la puissance du pays. Les États-Unis seront probablement l’un des deux premiers vainqueurs des Jeux de Paris, probablement même le premier pourvoyeur de médailles. Le sport sera un assez bon étalon de ce qu’est la puissance et des rapports de force globaux, mais aussi des divisions à l’œuvre à l’échelle française par exemple.

Aujourd’hui, les Jeux olympiques étant organisés à Paris, la population semble souffrir de l’organisation de cet événement. Est-ce qu’aujourd’hui, on peut parler d’une déconnexion entre le sport et le peuple ?

Alors tout d’abord, le peuple est une notion politiquement marquée et la population de Paris, ce n’est pas le peuple de France. Ce qu’on voit, c’est que si on utilise des termes plus académiques, il y a des externalités négatives réelles. Elles soulignent à quel point les Jeux olympiques peuvent être un facteur de perturbation et de dérangement des populations locales, notamment celles qui accueillent.

Ce qu’on voit, c’est que depuis à peu près une quarantaine d’années, dès qu’on a de grandes compétitions internationales, d’abord, les locaux s’en vont, en partie, parce qu’ils n’ont pas envie d’être dérangés. Quant aux touristes qui voulaient venir à cette période-là, souvent, en raison des coûts pratiqués, ils ne viennent pas forcément. On voit alors d’autres types de touristes arriver. Les événements sportifs n’ont pas que des atouts à proposer, ils portent en eux au regard de leur importance, de ce qu’ils mobilisent une capacité à déstabiliser aussi les lieux qui les accueillent. Mais il n’y a pas que du négatif, bien au contraire.

Les événements sportifs ont une capacité à construire des images des lieux, ce qu’on appelle du city branding, la capacité à créer des images de marque locales et des représentations qui s’ancrent durablement dans les têtes. Ce qui représente un vrai avantage à l’heure des réseaux sociaux et de la concurrence globale.

Prenons Londres, avant 2012, donc avant les Jeux, c’était quand même l’image d’une Angleterre un peu dépassée, assise sur la famille royale.  Et les JO se passent extrêmement bien. Des images de Londres sous le soleil sont loin de celles d’une capitale restée dans les 80s. Et cela s’accompagne de retombées. Pendant trois ans, Londres est devenue la ville la plus visitée au monde, ravissant à Paris le titre de première capitale touristique mondiale.

Je prends un autre exemple, la Russie et sa Coupe du Monde, en 2018. Sur la Coupe du Monde, la grande volonté de Poutine, c’était de renouveler les représentations de la Russie et de sortir des images qu’on avait de la Russie de la décennie 1990-2000, avec ces images d’insécurité, de magasins vides. Autant de stéréotypes qui ont marqué les représentations des gens. L’opération de relations publiques permise par la Coupe du monde a permis à la Russie de changer son image en affichant celles d’un pays sûr où les gens sourient et d’un État capable d’organiser un événement global avec un niveau de sécurité extrêmement élevé.

L’exemple du Qatar va dans le même sens. En 2022, il a accueilli la coupe du monde de football. 20 ans avant, personne ne savait ce qu’était le Qatar et n’avait de représentation de Doha. Le sport permet de se positionner et d’exister. Tout le monde sait à quoi ressemble Doha aujourd’hui.

Quand la France obtient les Jeux de Paris 2024, tout le monde comprend l’opportunité que cela représente. Mais si on avait demandé directement aux Français, ils n’auraient probablement pas été unanimes. Pourquoi ? Parce que les Français se disent « un tel événement a un coût, cet argent pourrait être mis ailleurs ».

Derrière les Jeux, la réalité est plus complexe. Des événements comme les Jeux peuvent changer les choses et l’image d’un territoire. Après, si on est Parisien, les Jeux, on les subit depuis plusieurs mois en attendant une fête qu’on espère belle. Mais en même temps, des projets liés au Grand Paris ont été mis en œuvre comme le prolongement de la ligne 14 ou du tramway.

Pourtant il y a de moins en moins de villes qui veulent vraiment accueillir les JO, et ce pour des questions principalement de budget ?

C’était vrai en 2017. Ce n’est plus vrai aujourd’hui. Les Jeux d’été sont attribués jusqu’en 2032. Le CIO a été habile. Il a attribué coup sur coup Paris et Los Angeles en laissant les villes se mettre d’accord. Il a sécurisé deux Olympiades et très vite, il a vu le Queensland et l’Australie se positionner. Il a ainsi modernisé et fait évoluer ses règles d’attribution. Aujourd’hui, on entre dans un processus de discussion avec le CIO. Le temps des concours et des promesses est terminé. On n’a plus à subir ce qu’on appelle “la malédiction de l’enchère”, c’est-à-dire cette course qui consiste à proposer de manière très irréaliste le plus beau des projets avec des coûts amoindris au possible.

Cela n’existe plus. Aujourd’hui, on entre en négociation. Et pour 2036, des candidats, il y en a un grand nombre. Il y a l’Indonésie, la Corée du Sud, l’Inde. On subodore la possibilité d’une candidature saoudienne, probablement d’une candidature qatarienne. On imagine qu’il y aura une candidature européenne. Probablement que l’Allemagne va continuer à y réfléchir.

Aujourd’hui, on a plus de candidatures pour les Jeux d’été qu’il y a 7 ans au moment où Paris a été élu pour accueillir les Jeux. Pourquoi ? Parce qu’on a rationalisé le processus. Même si on critique beaucoup trop l’édition parisienne, Paris 2024 va être la première candidature à moins de 10 milliards d’euros depuis 2000. C’est la première candidature où il n’y aura pas de dépassement du budget par rapport à ce qui a été fixé. Et pourtant, il y a eu le Covid, le doublement du poste de sécurité et un nombre de menaces jamais vu sur une Olympiade dans l’histoire sportive. Malgré cela, on est pour l’instant à moins de 9 milliards d’euros. Et tout ce qui a été prévu en termes de construction, malgré le Covid, a été tenu. C’est-à-dire le prolongement de la ligne 14 du métro, le prolongement du tramway jusqu’à Porte Dauphine, la construction du centre aquatique, la construction de l’Adidas Arena. La Solideo a tenu le budget, ce qui mérite d’être noté. Tout cela en tenant le calendrier. Et ça, pour le coup, c’est vraiment un coup de maître. Et je ne suis pourtant pas tendre en général avec les Jeux.

C’est vraiment à mettre au crédit, finalement, de la capacité française à faire face. Et, sauf catastrophe, on peut avoir la chance de mettre en place la plus belle fête des Jeux, et on peut avoir la chance de montrer une image de Paris comme on ne l’a jamais vue. L’été 2024 peut rester dans les têtes comme le bicentenaire de la Révolution. C’est-à-dire une folie qui va éblouir le monde pendant dix ans. Et si ça se passe mal, ces Jeux vont rentrer dans l’histoire pour de mauvaises raisons.

Mais il faut aussi reconnaître une chose, si Paris 2024 est capable de tenir sa promesse, il faut imaginer l’effet « wow » que ça va entraîner. Le déclencheur, ça va être la cérémonie d’ouverture et la semaine qui va précéder. Il ne faut pas qu’il y ait de faits divers, même si déjà le contexte de la dissolution vient rajouter une complication supplémentaire.

Il risque donc d’y avoir des acteurs en interne, que ce soient des partisans des extrêmes ou finalement certaines ONG, qui vont se servir des Jeux pour se faire entendre. Il y a aussi la crainte terroriste ou celle des menaces politiques avec un vrai risque de conflits potentiels, notamment sociaux.

Paris 2024, c’est la somme de toutes les peurs. Mais par définition, le pire n’est jamais certain. Donc, il faut y croire, on va se dire qu’impossible n’est pas français. Et comme d’habitude, c’est toujours quand il a les deux pattes là où il ne le voudrait pas que le coq soit capable de se faire entendre.