L’opération Sentinelle, un paratonnerre inadapté contre le terrorisme ?

L’opération Sentinelle, un paratonnerre inadapté contre le terrorisme ?

Mise en place au lendemain des attentats de janvier 2015, Sentinelle est destinée à la lutte antiterroriste. Les patrouilles sont régulièrement attaquées.

Par Clément Machecourt – Le Point –

https://www.lepoint.fr/societe/france-l-operation-sentinelle-inadaptee-contre-le-terrorisme-16-07-2024-2565754_23.php


L'opération Sentinelle déploie actuellement 15 000 militaires sur le territoire français pour la sécurisation des Jeux olympiques. 
L’opération Sentinelle déploie actuellement 15 000 militaires sur le territoire français pour la sécurisation des Jeux olympiques.  © SOPA Images/SIPA / SIPA / SOPA Images/SIPA

Un soldat de l’opération Sentinelle a été légèrement blessé gare de l’Est, lundi 15 juillet vers 22 heures. Son assaillant, un homme connu de la justice pour un meurtre commis en 2018, a été interpellé, avant d’être interné en psychiatrie. Cette attaque survient à moins de deux semaines de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et met en avant le rôle clé des militaires dans le dispositif de sécurité. Car aux 35 000 forces de l’ordre déployées, il faut ajouter 15 000 militaires, dont 11 000 rien que dans la région parisienne.

Tous effectuent des patrouilles dans les rues, gares et aéroports de France dans le cadre de l’opération Sentinelle. Déclenchée au lendemain des attentats de janvier 2015, sa première mission est la lutte antiterroriste. Depuis cette date, son utilité est souvent pointée du doigt. Lors des attentats de novembre 2015, une des patrouilles avait monté des barricades improvisées près des terrasses, quand une autre avait refusé d’appuyer les premiers policiers entrés dans le Bataclan.

Sentinelle visée par six attaques terroristes

Entre 2015 et 2018, les patrouilles Sentinelle ont été visées par six attaques de nature terroriste, faisant neuf blessés parmi les militaires. En février 2017, c’est dans le carrousel du Louvre qu’un Égyptien attaque quatre soldats au couteau. Ils répliquent et le blessent grièvement. Scénario quasi similaire en mars de la même année dans le Hall 1 de l’aéroport d’Orly. Un homme tente d’arracher l’arme d’une militaire avant de se faire abattre. Tous deux se revendiquaient de l’islam radical.

L’action des militaires de Sentinelle se révèle parfois décisive comme en octobre 2017 quand, sur le parvis de la gare Saint-Charles de Marseille, ils abattent un homme qui vient de poignarder deux jeunes femmes. En décembre 2018 à Strasbourg, ils tirent et blessent au bras l’individu qui a tué cinq personnes lors du traditionnel marché de Noël.

Depuis la fin territoriale de l’État islamique en 2019, la menace terroriste islamiste est devenue endogène, signant la fin des opérations type Bataclan et mettant en avant le passage à l’acte d’un seul individu faiblement armé. Les effectifs de Sentinelle étaient descendus à 3 000 hommes. Dans un rapport de 2022, la Cour des comptes estimait le coût de Sentinelle à deux milliards d’euros entre 2015 et 2020. « Les armées, telles qu’utilisées aujourd’hui, ne semblent être complémentaires des forces de sécurité intérieure qu’en termes essentiellement quantitatifs », ajoutait la juridiction financière. Problème, « l’addiction des autorités et forces de sécurité intérieure à la force Sentinelle constitue une évidence », selon un rapport de l’inspecteur des Armées en 2021.

« Une mission de police, sans le pouvoir de police »

Sans pouvoir de police, les patrouilles doivent être accompagnées d’un Officier de police judiciaire (OPJ) pour effectuer des fouilles ou des interpellations. Un officier de l’armée expliquait il y a quelques semaines au Point que les patrouilles sans OPJ étaient de plus en plus fréquentes. « Je dois envoyer mes hommes assurer une mission de police, sans le pouvoir de police », regrettait-il. « Les patrouilles se font toujours dans le cadre légal de Sentinelle, pourtant la mission n’est plus l’antiterrorisme, c’est de la sécurité sur la voie publique », ajoutait-il, amer.

Sentinelle a également été déployée en 2020 aux frontières pour lutter contre l’immigration illégale et clandestine. « Ces opérations placent les détachements Sentinelle dans des postures interministérielles inconfortables, souvent mal anticipées, proches d’un rôle de supplétifs. Elles les exposent [y compris au risque réputationnel] et surtout dévalorisent le niveau d’exigence professionnelle requis pour l’exécution des missions militaires », pointait l’inspecteur des Armées. Nul doute qu’en période de crise budgétaire, l’arrêt de Sentinelle sera remis sur la table après la fin de la séquence des Jeux. Reste à voir qui prendra la décision politique de faire disparaître le vert au profit du bleu dans les villes.

Paris : un soldat de l’opération Sentinelle blessé au couteau gare de l’Est, le suspect interpellé

Paris : un soldat de l’opération Sentinelle blessé au couteau gare de l’Est, le suspect interpellé

Un militaire de l’opération Sentinelle a été blessé, lundi, par un homme armé d’un couteau alors qu’il patrouillait gare de l’Est à Paris. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a précisé que le pronostic vital du soldat « n’est pas engagé« . Le suspect, déjà connu dans une affaire de meurtre, a rapidement été interpellé.

Un soldat de l'opération Sentinelle patrouillant dans la gare Saint-Lazare, à Paris, le 25 mars 2024.
Un soldat de l’opération Sentinelle patrouillant dans la gare Saint-Lazare, à Paris, le 25 mars 2024. © Bertrand Guay, AFP (illustration)
À moins de deux semaines de l’ouverture des JO de Paris, un militaire de l’opération Sentinelle a été blessé d’un coup de couteau gare de l’Est, lundi 15 juillet, par un homme déjà connu dans une affaire de meurtre, pour lequel il avait été déclaré pénalement irresponsable du fait de ses troubles psychiatriques.

Le pronostic vital du militaire « n’est pas engagé », a précisé le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, sur X.

Peu avant 22 h, le suspect, un homme âgé de 40 ans né en République démocratique du Congo et de nationalité française, a porté un coup de couteau « entre les deux omoplates » du militaire qui patrouillait, a indiqué à l’AFP une source policière.

Le parquet national antiterroriste pas saisi à ce stade

Le suspect a très vite été interpellé par les autres soldats présents et le militaire blessé a été « évacué conscient vers l’hôpital », a détaillé cette source. Après les faits, un périmètre de sécurité a été mis en place sur un des côtés de la gare de l’Est, a constaté une journaliste de l’AFP. 

À l’intérieur comme à l’extérieur du bâtiment, l’ambiance était calme, les rares passants jetant seulement un regard curieux vers les véhicules de police et de gendarmerie, encore présents vers minuit, selon la même journaliste.

Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour « tentative de meurtre » et saisi le deuxième district de la police judiciaire parisienne. Le parquet national antiterroriste n’a pas été saisi des faits à ce stade. « Les circonstances et motivation de l’agression font actuellement l’objet d’investigations », a précisé le parquet, ajoutant que le suspect avait été placé en garde à vue.

Selon les premiers éléments, l’agresseur « se dit chrétien et aurait crié ‘Dieu est grand’ en français » lors de l’agression, a détaillé à l’AFP la source policière. Il dit avoir agi « parce que les militaires tuent des gens dans son pays », a ajouté cette source.

Interné

Cet homme est déjà connu de la justice, notamment pour un meurtre commis en 2018, affaire pour laquelle il avait été interné en psychiatrie, ont dit à l’AFP deux sources policières. Il avait à l’époque mortellement poignardé un jeune homme de 22 ans à la station RER Châtelet-les-Halles, en plein cœur de Paris. Il avait alors été déclaré irresponsable pénalement en raison d’une abolition du discernement et n’avait donc pas été jugé, selon une décision consultée par l’AFP.

Selon cette décision, datée de 2020, une expertise psychiatrique avait conclu qu’il était atteint d’une « probable maladie schizophrénique évolutive depuis plusieurs années sans prise en charge médicale jusqu’à actuellement ».

L’homme, naturalisé français en 2006, selon l’une des sources policières, a également été condamné à deux reprises pour violences sur conjoint.

« Soutien et reconnaissance à nos forces armées qui participent plus que jamais à assurer la sécurité des Français », a écrit sur X le ministre des Armées Sébastien Lecornu, adressant ses « pensées » au militaire blessé.

L’opération Sentinelle a été lancée en 2015 après l’attentat contre le magazine satirique Charlie Hebdo dans la capitale française.

Plusieurs militaires de l’opération Sentinelle ont depuis fait l’objet d’attaques. En février 2017, un homme avait tenté d’agresser une patrouille Sentinelle au couteau au Carrousel du Louvre après avoir crié « Allah Akbar ». En mars de la même année, une patrouille de soldats avait été attaquée à l’aéroport d’Orly par un homme de 39 ans qui avait été abattu par les militaires. 

En août 2017, une voiture avait foncé sur un groupe de soldats de Sentinelle à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), faisant six blessés. Un Algérien de 36 ans avait été arrêté et incarcéré. En septembre 2017, un homme muni d’un couteau avait attaqué un militaire Sentinelle dans la station de métro parisienne Châtelet. Âgé de 39 ans, l’agresseur, inconnu de la police, qui avait crié « Allah Akbar », avait été incarcéré.