Comment développer la puissance par l’image ?

Comment développer la puissance par l’image ? Entretien avec Christian Lequesne

Carte. La diffusion et l’audience internationales de la chaîne de télévision France 24, 2015-2018
Source : Christian Lequesne (dir.), « La puissance par l’image. Les États et leur diplomatie publique » , Presses de Sciences Po, 2021, p. 93. Avec l’autorisation des Presses de Sciences Po
Presses de Sciences Po

Par Christian Lequesne, Elena Roney – Diploweb – publié le 6 août 2024  

https://www.diploweb.com/Comment-developper-la-puissance-par-l-image-Entretien-avec-Christian-Lequesne.html


Christian Lequesne, spécialiste des relations internationales, est professeur à Sciences Po. Il est notamment l’auteur d’une remarquable « Ethnographie du Quai d’Orsay » (CNRS Éditions, coll. « Biblis », 2020). Il dirige un nouvel ouvrage fondateur : « La puissance par l’image. Les États et leur diplomatie publique » , Presses de Sciences Po, 2021. Propos recueillis par Eléna Roney, étudiante en 3ème année de Licence à Paris 3 (Sorbonne-Nouvelle) en majeure études internationales, mineure anglais.

La diplomatie publique est-elle aujourd’hui plus efficace que la diplomatie dite traditionnelle ? Une nouvelle forme de guerre, celle de l’information, remplace-t-elle la guerre “traditionnelle” caractérisée par des combats armés ? Comment la France pourrait-elle améliorer l’efficacité de sa diplomatie publique ? Voici quelques-unes des questions posées par Eléna Roney à Christian Lequesne qui vient de diriger « La puissance par l’image. Les États et leur diplomatie publique » , Presses de Sciences Po.

Initialement publié sur Diploweb.com en 2021, nous remettons cet entretien à l’honneur dans le contexte des JOP de 2024. Beaucoup conviendront que ces JOP sont aussi un succès d’image.

Eléna Roney (E.R.) : Comment expliquez-vous que vous soyez le premier chercheur en France à consacrer un ouvrage à la diplomatie publique, alors que celle-ci occupe une place très importante dans le champ des relations internationales, et ce depuis plusieurs décennies ?

Christian Lequesne (C.L.) : En France le concept importé des États-Unis de public diplomacy a davantage tendance à se traduire par “diplomatie d’influence” que par diplomatie publique. En effet, en langue française, l’adjectif “public” se rapporte à ce qui a trait à l’État plutôt qu’à la société. De plus, une opinion à mon avis encore majoritaire en France est que la puissance d’un État se fonde plus sur le hard power, sur sa puissance militaire et la diplomatie coercitive que sur une influence culturelle et médiatique. Cela est en partie dû à l’histoire et au passé de puissance de la France, qui au fil des siècles a appuyé son influence sur des interventions militaires et un pouvoir coercitif.


Définition de la diplomatie publique : “ A la différence du soft power, qui décrit un état de fait, la diplomatie publique (appelée diplomatie d’influence en France et au Québec) est la construction volontariste d’une médiation par une autorité politique. Le plus souvent un État, cette autorité peut aussi être une organisation internationale (l’Union européenne ou l’OTAN ont des diplomaties publiques) ou un gouvernement infra-étatique. […] Elle consiste pour une autorité politique (le plus souvent État, comme nous venons de le voir) à demander à ses agents de réduire l’écart, ou l’éloignement, avec une autre autorité politique (le plus souvent un autre État). La diplomatie publique a toutefois ceci de spécifique que l’acte de médiation ne vise pas seulement les représentants de l’autre entité politique, mais la société dans son ensemble. Le principal interlocuteur du diplomate public n’est pas le diplomate de l’autre État, mais l’ensemble des acteurs composant la société.” C. Lequesne (dir.), « La puissance par l’image. Les États et leur diplomatie publique » , Presses de Sciences Po, 2021. p.14-15


Ainsi, la diplomatie publique a-t-elle été un peu reléguée dans le champ des sciences sociales au rang des accessoires mineurs, car considérée à tort comme moins efficace et moins importante que le hard power.

E. R. : Pensez-vous que la diplomatie publique est aujourd’hui plus efficace que la diplomatie dite traditionnelle ?

C.L. : La diplomatie publique appartient complètement à la diplomatie traditionnelle en cherchant à influencer les opinions publiques étrangères. Depuis plusieurs années, elle est de plus en plus développée, car elle permet aux États d’élargir leur influence par rapport à de simples relations inter-gouvernementales, et elle touche le public de plus en plus facilement grâce à l’essor des réseaux sociaux.

Cependant, chaque État développe plus ou moins tel ou tel type de diplomatie en fonction de ses ressources et de ses objectifs. Ainsi, au sein de chaque État existe-t-il une réflexion autour de l’exercice de la puissance. Après analyse, selon ses capacités et ses caractéristiques, l’État choisit de porter ses efforts sur la puissance militaire ou le soft power, et parfois les deux. Ceci est valable aussi bien pour des démocraties que pour des régimes autoritaires.

Pour donner des exemples de spécialisation, la Suisse, pays neutre sur le plan militaire, donne l’avantage à la diplomatie publique. L’État suisse participe ainsi à l’aide au développement ou encore, pour choisir un exemple très concret, à la rénovation en Albanie d’une ancienne prison datant de la dictature d’Enver Hoxha pour en faire un lieu de mémoire sur les crimes du communisme. En participant à ce travail de mémoire, la Suisse donne d’elle l’image d’une nation démocratique responsable, aussi bien en Albanie que dans la communauté internationale. La Norvège privilégie également la diplomatie publique, ce qui a pu notamment se traduire par sa participation à la rénovation du fort millénaire de Lahore au Pakistan. Participer aux travaux de rénovation permet à Oslo de montrer qu’elle s’intéresse à la culture et qu’elle cherche à la préserver. La Russie quant à elle à une inclinaison naturelle pour le hard power, intervenant dans de nombreux conflits armés, mais elle se sert de plus en plus des réseaux sociaux afin de diffuser ses messages politiques dans les opinions publiques étrangères, comme cela a pu se voir lors de la campagne présidentielle américaine de 2016 ou française de 2017.

E.R. : Quelles sont les idées reçues qui circulent dans le débat public sur la diplomatie publique, et plus généralement sur la diplomatie ? Lesquelles vous irritent le plus ?

C.L. : L’idée reçue principale qui circule au sein de la société sur la diplomatie est une affaire de secrets et de connivences entre responsables politiques au plus haut niveau. Il est certain qu’il reste une part de secret indispensable dans la diplomatie. Cette part de secret par exemple se manifeste lors des échanges d’otages ou de la préparation des interventions militaires. Cependant, la diplomatie se limite de moins en moins à ce que Richelieu appelait le « cabinet noir ». La diplomatie se doit de concevoir de plus en plus des actions ouvertes aux sociétés. Les ambassadeurs parlent de plus en plus dans les universités, se rendent dans les foires commerciales, visitent les collectivités locales dans le but de donner une « bonne » image de leur pays. Parler aux publics autres que les gouvernements est devenu une part essentielle de la diplomatie contrairement à l’idée reçue qui a tendance encore à ne voir que l’ambassadeur enfermé dans sa salle de négociation.

E.R. : La télévision utilisée à des fins de diplomatie publique est-elle véritablement efficace pour changer l’opinion publique ? Les téléspectateurs des chaînes implantées à l’étranger ne sont-ils pas déjà d’accord avec la ligne idéologique de la chaîne qu’ils regardent ?

C.L. : Les effets de la diplomatie publique sur l’opinion publique font partie des choses les plus difficiles à mesurer. Simplement, s’il existe un tel déploiement de moyens financiers, matériels, et humains pour faire exister des chaînes de télévision à portée internationale, c’est que les États y trouvent un intérêt. Un sondage datant d’il y a quelques années a par exemple montré que l’électeur classique du Rassemblement national trouvait très justes les informations sur Russia Today, et que de nombreux téléspectateurs réguliers de la chaîne en France se sentaient une certaine proximité avec les idées de l’extrême droite. L’idéologie du gouvernement de Vladimir Poutine parvient ainsi à toucher une partie de l’opinion publique française et à influencer les résultats d’élections. Ce n’est un secret pour personne que Vladimir Poutine a affiché en 2017 son soutien à Marine Le Pen, et Russia Today a fait de cette dernière un portrait souvent complaisant dans ses émissions diffusées en France.

E.R. : Estimez-vous qu’aujourd’hui il y a un changement de paradigme dans les relations internationales, et qu’une nouvelle forme de guerre, celle de l’information, remplace la guerre “traditionnelle” caractérisée par des combats armés ?

C.L. : Tout d’abord, il faut distinguer les médias ayant une indépendance rédactionnelle des médias sans aucune indépendance, comme Russia Today ou Sputnik. Mais le véritable enjeu communicationnel aujourd’hui pour la diplomatie publique se joue autour des médias sociaux. Les régimes non démocratiques l’ont parfaitement compris. Ces derniers se servent des réseaux sociaux comme un outil de propagation de leur modèle, voire de conflit. C’est ce qu’il s’est passé en 2016 aux États-Unis où la Russie a propagé de nombreuses fake news sur Facebook et a instrumentalisé le réseau social afin d’influer sur les élections présidentielles américaines et de pousser les Américains à voter pour Donald Trump. Il s’est passé la même chose lors des élections présidentielles en France en 2017 où la Russie a lancé une large campagne en faveur de Marine Le Pen sur les réseaux sociaux, et a diffusé des contenus complotistes contre le candidat Emmanuel Macron.

Les réseaux sociaux représentent aujourd’hui un véritable enjeu, car il est difficile d’identifier qui est derrière la diffusion de messages, les traces pouvant même être brouillées afin de faire accuser ses ennemis politiques, comme la Russie l’a beaucoup fait avec l’Ukraine. En effet, la Russie a partagé de nombreux messages depuis une adresse IP située en Ukraine, afin de faire désigner cette dernière coupable.

Contre la multiplication des fake news, des politiques d’État sont nées. En effet, les États ont dû mettre en place une vérification régulière des informations publiées et échangées sur les réseaux sociaux. Désormais, dès qu’une fake news est identifiée, il est publié des contre-messages. Ces derniers doivent être publiés au plus vite, afin d’empêcher l’opinion publique de croire aux fausses informations diffusées et donc éviter un éventuel changement d’opinion.

E.R. : Dans quelle mesure la diplomatie publique des États reflète-t-elle les inégalités entre les pays, notamment au niveau de la représentation médiatique internationale, ainsi qu’une forme de néocolonialisme de la part des anciens pays colonisateurs sur les anciens pays colonisés ?

C.L. : Pour avoir une diplomatie publique efficace, un État doit en effet disposer de moyens financiers, humains et matériels. Une diplomatie publique efficace n’est pas possible sans ressource. A partir de ce constat, il est certain que les grandes puissances, ou les États possédant un certain niveau de développement ont plus de facilités à avoir une diplomatie publique. La diplomatie publique reflète donc des inégalités de richesse. Elle peut également prendre la forme d’un certain néo-colonialisme, lorsque les anciens pays colonisateurs tentent d’avoir une certaine influence sur les anciens pays colonisés. Ceci est d’autant plus facile lorsque, dans les anciens pays colonisés, la langue de l’ancien pays colonisateur est parlée par une grande partie de la population. En Afrique de l’Ouest par exemple, l’audience de France 24 est très élevée et la chaîne est très connue, alors qu’en France métropolitaine cette chaîne est très peu regardée. Les anciens pays colonisateurs cherchent à conserver une influence sur les anciens pays colonisés, ainsi qu’une relation privilégiée. Cela se fait à travers la télévision, mais aussi par l’implantation des lycées français ouverts aux enfants des élites locales, comme au Maroc, au Liban ou à Madagascar. Il existe parfois une concurrence autour de ces formes de néo-colonialisme. Il existe des chaînes de télévision émettant uniquement dans les langues locales qui, au travers du choix de cette langue, s’oppose au néo-colonialisme. C’est par exemple le cas au Sénégal de la chaîne 2STV dont les programmes sont majoritairement diffusés en wolof.

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 Comment développer la puissance par l'image ? Entretien avec Christian Lequesne
Carte. La diffusion et l’audience internationales de la chaîne de télévision France 24, 2015-2018
Source : Christian Lequesne (dir.), « La puissance par l’image. Les États et leur diplomatie publique » , Presses de Sciences Po, 2021, p. 93. Avec l’autorisation des Presses de Sciences Po
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Dans quelle mesure existe-t-il une réciprocité d’influence entre les acteurs de la diplomatie publique et les acteurs visés par la diplomatie publique ? Par exemple, dans quelle mesure les ONG ont- elles une forte influence sur la diplomatie publique et vice-versa ?

L’influence de la diplomatie publique est à double sens. L’époque où l’État pouvait contrôler l’ensemble des flux d’informations est complètement dépassée. Même au sein des États autoritaires il existe des moyens de contourner les informations officielles, diffusées et transmises par le gouvernement. Les habitants peuvent s’informer en consultant des sites étrangers apportant les informations censurées par le régime en place. En Turquie, la population grâce à quelques manœuvres informatiques peut par exemple consulter Wikipedia, normalement indisponible dans le pays. Beaucoup de Turcs ont donc la possibilité de contourner le verrouillage internet de certains sites.

Certains acteurs, comme les ONG internationales, en faisant pression sur les États, peuvent également redéfinir leur diplomatie publique. Ceci est particulièrement flagrant aujourd’hui pour les ONG environnementalistes qui font pression sur les gouvernements, afin que ceux-ci changent leur politique et poussent d’autres gouvernements à faire de même.

E.R. : Selon vous, comment la France pourrait-elle améliorer l’efficacité de sa diplomatie publique ?

En France, la diplomatie publique est le fruit d’une longue tradition. Elle n’est pas apparue récemment. Le réseau d’influence du pays existe depuis plus d’un siècle au moins. Néanmoins, depuis les années 1990, des coupures sont intervenues dans les budgets alloués à la diplomatie. Ainsi la France ne se donne-t-elle plus les mêmes moyens de rayonner à l’étranger par la diplomatie publique. Les réseaux existent toujours à l’étranger, notamment les lycées, mais les ressources ne suffisent plus toujours pour les faire fonctionner. Il y a donc un problème de choix budgétaire. Les parlementaires qui votent le budget ont besoin d’une représentation plus juste de ce qu’est la diplomatie publique moderne, de son efficacité et de son apport à la puissance de la France. La représentation de ce qu’est la diplomatie en 2021-2022 a également besoin de changer dans la société. En effet, elle apparaît encore trop aux yeux du public comme un monde éloigné, vivant entre soi, et mangeant des petits fours. Il y a un véritable besoin de pédagogie, d’instruction et d’éducation sur ce qu’est véritablement la diplomatie, sur son rôle et sur ce qu’elle représente pour le pays. La diplomatie publique doit aussi être mieux coordonnée entre les États membres de l’Union européenne, pour mieux peser sur le reste des acteurs mondiaux. Entre les pays de l’UE, il existe une collaboration efficace dans le domaine culturel qui passe par les instituts culturels, comme l’Institut Français et le Goethe Institut. Il faut renforcer ces collaborations et faire en sorte qu’elles concernent d’autres pays que les seules France et Allemagne, afin de montrer en dehors de l’Europe qu’il existe une influence européenne alliant culture et démocratie.

Copyright Novembre 2021-Lequesne-Roney/Diploweb.com

Mise en ligne initiale sur le Diploweb.com 21 novembre 2021


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. Christian Lequesne (dir.), « La puissance par l’image. Les États et leur diplomatie publique » Presses de Sciences Po, 2021. Sur Amazon


4e de couverture

On nomme diplomatie publique ce levier de puissance de plus en plus fréquemment utilisé et dont les États-Unis ont été les pionniers au début du XXe siècle. Il ne se confond ni avec le soft power ni avec la propagande. Voici le premier ouvrage que les sciences sociales consacrent en France à ce champ des relations internationales.

Séduire l’opinion mondiale : démocraties ou dictatures, tous les États s’efforcent de soigner leur image en s’adressant directement et à voix haute aux citoyens. Les moyens sont multiples pour se rendre attractif aux yeux de l’opinion mondiale : récits portés par les médias et les réseaux sociaux, implantations d’instituts culturels et d’écoles, échanges universitaires, distributions de matériel médical et de vaccins, etc. On nomme diplomatie publique ce levier de puissance de plus en plus fréquemment utilisé et dont les États-Unis ont été les pionniers au début du XXe siècle. S’ajoutant aux canaux feutrés de la diplomatie classique, il ne se confond ni avec le soft power ni avec la propagande.

Dans le premier ouvrage que les sciences sociales consacrent en France à ce champ des relations internationales, une série d’analyses transversales et de focus sur des cas concrets, illustrés de cartes et de graphiques, donnent à voir ses usages et ses effets ainsi que les nouveaux modèles qu’il propose.

Avec Maxime Audinet, Sylvain Beck, Pierre Buhler, Rhys Crilley, Etienne Dignat, Alice Ekman, Béatrice Garapon, Caterina Garcia Segura, Auriane Guilbaud, Ilan Manor, Tristan Mattelart, Benjamin Oudet, Stéphane Paquin, Elena Sirorova, Virginie Troit, Earl Wang

Pour le général commandant la force et les opérations terrestres, la bureaucratie freine la mobilité militaire en Europe

Pour le général commandant la force et les opérations terrestres, la bureaucratie freine la mobilité militaire en Europe

https://www.opex360.com/2024/08/06/pour-le-general-commandant-la-force-et-les-operations-terrestres-la-bureaucratie-freine-la-mobilite-militaire-en-europe/


 

L’Otan peut toujours élaborer des plans de défense pouvant mobiliser jusqu’à 50 brigades et/ou inciter à porter les dépenses militaires à 2 ou 3 % du PIB [voire plus]… Cela ne servira à rien s’il n’est pas possible de faire circuler des troupes à travers l’Europe pour venir rapidement au secours d’un État membre qui aurait fait jouer la clause de défense collective prévue à l’article 5 du Traité de l’Atlantique-Nord.

Ce problème de mobilité militaire a été identifié dès 2017 par l’Otan, dans un rapport « confidentiel » évoqué par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. Le document avait ainsi pointé des infrastructures inadaptées ainsi qu’une bureaucratie pouvant parfois donner lieu à des situations burlesques, comme, par exemple une colonne de blindés bloquée à une frontière pendant des heures à cause de formalités douanières à accomplir…

Peu après, l’Union européenne [UE], via son Service européen pour l’action extérieure [SEAE], dévoila un plan censé améliorer la mobilité militaire entre ses pays membres. Il était question d’identifier les infrastructures susceptibles d’être utiles au transport militaire et de les mettre à niveau si nécessaire. Et il s’agissait également de « rationaliser » les règles « relatives aux douanes », en s’inspirant de l’espace Schengen. Puis, lors des négociations sur le Cadre pluriannuel financier [CPF] 2021-27, il était prévu d’y allouer 6,5 milliards d’euros pour financer 95 projets. Seulement, cette somme fut finement réduite à 1,5 milliard…

Aussi, sept ans après la publication du rapport de l’Otan, les progrès sont minces. On aurait pu penser qu’il aurait plus facile de réduire la bureaucratie et de simplifier les réglementations. Il n’en a rien été.

En novembre 2023, le chef du comité militaire de l’Otan, l’amiral Rob Bauer, l’avait déploré. « La guerre de la Russie contre l’Ukraine s’est révélée être une guerre d’usure. Et une guerre d’usure est une bataille de logistique. Or, nous avons trop de règles », avait-il dit.

La France est bien placée pour le savoir, au regard des difficultés qu’il lui a fallu surmonter pour déployer des chars Leclerc en Roumanie, le code de la route allemand limitant la charge par essieu des porte-chars à seulement 12 tonnes.

Commandant de la force et des opérations terrestres [CFOT], dont relève le « Commandement Terre Europe » [CTE], le général Bertrand Toujouse a rappelé cet épisode lors d’un entretien accordé à Politico. « Nous avons découvert l’ampleur des lourdeurs administratives. Il y a une guerre en Ukraine, mais les douaniers expliquent que vous n’avez pas le bon tonnage par essieu et que vos chars n’ont pas le droit de traverser l’Allemagne. C’est tout simplement incroyable », a-t-il confié.

Pendant la Guerre froide, la circulation des forces entre les membres de l’Otan n’était pas sujet. C’était une « tâche très simple » mais qui « est devenue progressivement extrêmement complexe », a expliqué le général Toujouse. « Il est est absolument essentiel de remettre la mobilité militaire dans les esprits européens, et pour cela il faut la pratiquer », a-t-il ajouté.

Cela étant, beaucoup de choses ont changé depuis l’implosion de l’Union soviétique. À commencer par la composition de l’Otan, qui a accueilli dans ses rangs les anciens membres du Pacte de Varsovie. Et cela pose des problèmes au niveau des infrastructures, celles-ci n’ayant pas été construites selon des normes occidentales [comme les ponts et les tunnels, dont la hauteur est insuffisante].

En outre, comme le souligne le Conseil allemand des affaires extérieures [DGAP – Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik e.V.], beaucoup d’infrastructures n’ont pas été entretenues et se trouvent désormais dans « un état pitoyable » au point de ne pas supporter « le transport rapide de charges lourdes ». En 2022, avance-t-il, le déficit d’investissement de l’Allemagne pour les projets d’infrastructure les plus urgents s’élevait à 165 milliards d’euros… Et 457 milliards d’euros seront nécessaires au cours des dix années à venir.

Dans les pages de Politico, le général Toujouse insiste sur l’importance du transport ferroviaire. « Le chemin de fer reste de loin le moyen le plus pratique » pour déplacer les chars. C’est là-dessus que nous devons nous concentrer », a-t-il dit.

Mais, une fois encore, la course à la rentabilité et la privatisation de compagnies de chemin de fer, comme la Deutsche Bahn, ont fait que de nombreuses lignes de chemin de fer ont été abandonnées. S’ajoute à cela l’absence de normes au niveau européen, les rails étant plus larges dans les pays baltes qu’en Allemagne, par exemple.

En outre, comme l’a montré le sabotage massif auquel a été confronté la SCNF le jour de l’ouverture des Jeux olympiques de Paris, de telles infrastructures sont vulnérables et peuvent faire l’objet d’attaques ciblées. Enfin, le nombre de wagons plats disponibles pour transporter chars et blindés est insuffisant. Le DGAP estime qu’il a été divisé par dix, en Allemagne, depuis la fin de la Guerre froide.

D’autres obstacles à la mobilité militaire sont propres à certains pays. Dans le cas allemand, le DGAP explique qu’il faut obtenir des autorisations spécifiques pour traverser les frontières entre les Länder [États fédéraux]. « Le transport de matériel militaire lourd du nord au sud de l’Allemagne en 30 jours est perçu comme ‘rapide’. La réglementation serait suspendue si le Bundestag devait déclarer l’état d’urgence, mais cela se produirait probablement trop tard pour servir des objectifs de défense et de dissuasion », écrit-il.

Une mission universelle pour la France ? par Michel Pinton

Une mission universelle pour la France ?

par Michel Pinton* – CF2R – Tribune libre N°157 / août 2024

https://cf2r.org/tribune/une-mission-universelle-pour-la-france/


*Ancien élève de l’École Polytechnique et de l’université Princeton, il fut l’un des collaborateurs de Valéry Giscard d’Estaing au ministère de l’Économie et des Finances puis à la présidence de la République. Membre fondateur puis délégué général de l’UDF (1978-1983), Michel Pinton a été également député européen et maire de Felletin (Creuse).

 

 

Le peuple français, s’il veut survivre, a besoin d’une politique étrangère de portée mondiale. Ce n’est pas moi qui ose une idée aussi bizarre : je reprends les paroles du meilleur connaisseur de la France à notre époque, Charles De Gaulle. Sur quel argument appuie-t-il son affirmation ? Observant que notre nation est « par nature, perpétuellement portée aux divisions et aux chimères », il rejoint l’historien Braudel pour qui « l’identité de la France » est faite de « divisions physiques, culturelles, religieuses, politiques, économiques, sociales qui s’ajoutent les unes aux autres ». L’unité française n’est pas naturelle ; elle doit toujours être construite ou reconstruite par un effort de volonté raisonnée dont la responsabilité incombe à l’Etat. Mais effort vers quel but ? De Gaulle conclut d’une expérience bimillénaire que le seul moyen de rassembler le peuple français, c’est « une grande mission internationale, faute de laquelle il se désintéresserait de lui-même et irait à la dislocation ».

Cette exigence capitale pour la survie de la France, revient me hanter au moment où des élections législatives soudaines nous montrent un peuple profondément divisé, incertain de son avenir et menacé de dislocation interne. Les zones rurales, appauvries et humiliées, s’opposent par leur vote, aux métropoles, lesquelles sont partagées entre centres prospères et banlieues d’immigrés en état de sécession larvée. Encore cette description générale occulte-t-elle une réalité plus confuse : la France est éclatée en petits morceaux disparates en fonction de conditions physiques, religieuses, économiques et sociales qui varient à l’infini. Au point de divisions auquel notre nation est tombée, l’unité est devenue un rêve auquel le chef de l’État lui-même a renoncé : il limite son ambition à un vague consensus du « centre républicain » contre les « extrêmes » de toute sorte, même si ces derniers pèsent électoralement plus lourd que le premier.

La dislocation française qui se fait sous nos yeux a-t-elle pour cause l’absence d’une mission internationale propre à notre pays ? Notre classe dirigeante, Président de la République en tête, le réfute avec indignation. Elle affirme nous proposer une politique étrangère, à la fois raisonnable et ambitieuse, qu’elle poursuit avec une ardeur inébranlable. Cette mission naît d’un constat : la France est désormais trop petite pour agir seule dans le monde. Mais elle a la chance d’appartenir à deux ensembles qui sont à l’avant-garde de l’humanité contemporaine : l’Europe et l’Occident. Elle doit « s’intégrer » dans les institutions qui donnent forme à ces deux ensembles et qui s’appellent l’Union européenne et l’OTAN. Notre souveraineté se manifeste par des propositions d’action collective que notre gouvernement fait à ses partenaires dans ces deux organisations. Qu’elles soient acceptées ou refusées, la France se plie librement à l’exécution des choix décidés en commun.

Nous voici devant un dilemme : ou bien De Gaulle s’est trompé sur la France et le remède à nos divisions est à chercher ailleurs ; ou bien la mission internationale que notre classe dirigeante nous assigne, est un faux-semblant dont le peuple français devine l’imposture. C’est pourquoi elle ne le rassemble pas.

Examinons pour commencer ce qu’est réellement l’OTAN, que nos dirigeants nous présentent comme la protectrice indispensable des nations démocratiques d’Europe et d’Amérique de Nord contre les assauts d’États ennemis de la liberté. L’OTAN se flatte d’être « l’alliance la plus puissante et la plus durable de l’histoire universelle ». Elle vient de célébrer son soixante-quinzième anniversaire dans une grande cérémonie à Washington. Ses 32 États membres, dont les dépenses militaires additionnées constituent plus de la moitié du total mondial, étaient représentés par leurs responsables suprêmes. Ils ont tous signé le communiqué final qui proclame leur volonté d’accroître encore leurs armements et les effectifs de leurs armées. Ils ont tous réaffirmé leur « soutien inébranlable » au gouvernement « démocratique » de l’Ukraine, victime d’une attaque injustifiée menée par la Russie « autocratique ». Ils ont tous dénoncé l’aide qu’apportent à l’agresseur, deux États, eux aussi dictatoriaux : la Chine et la Corée du nord. C’est une manière de signifier au reste du monde que l’alliance ne baisse pas sa garde et qu’elle est prête à relever tous les défis à venir.

Cet optimisme de façade dissimule quelques réalités moins brillantes. La sénilité de Biden est de plus en plus difficile à cacher. Les Polonais et les Baltes s’impatientent de sa prudence excessive en Ukraine. Erdogan et Orban, trublions permanents, jouent leurs propres partitions. Mais toutes les chancelleries savent que, dans les décisions de l’OTAN, la volonté américaine finit toujours par l’emporter. Dans son discours conclusif, le Président des Etats-Unis l’a rappelé fermement à ses invités en décrivant son pays comme le « leader » nécessaire du « monde libre », les autres devant se contenter de suivre « la seule nation indispensable » à l’ordre universel.

Autrement dit, l’OTAN assigne à la politique internationale de la France une place subalterne, dans le sillage de l’Amérique. Nous voici loin de la mission propre recommandée par Charles De Gaulle.

Si encore la politique mondiale des États-Unis répondait à des objectifs de paix et de progrès pour l’humanité entière, le peuple français pourrait y reconnaître sa propre vocation et la soutenir librement. Mais il n’en est rien. L’Amérique a une autre préoccupation : elle sent avec inquiétude que la prééminence universelle lui échappe. Elle accepte mal que la Chine, le Brésil, l’Inde, la Russie et d’autres contestent son « leadership ». Alors elle se crispe sur le maintien de l’ordre mondial établi il y a un quart de siècle, quand sa suprématie politique, sociale, militaire et morale était indiscutée. La politique mondiale que Biden incarne, est toute entière inspirée par la volonté d’immobiliser l’histoire à cet âge d’or.

Rien ne l’illustre mieux que l’affreuse guerre en Ukraine. Je m’honore d’être de ceux qui ont discerné, dès le début, que la sollicitude empressée du gouvernement de Washington pour « la démocratie ukrainienne brutalement agressée », cachait mal la volonté américaine de maintenir la Russie dans l’état de faiblesse où elle était reléguée depuis un quart de siècle.  C’est la même croyance dépassée de toute-puissance militaire, financière et technique qui a fait croire à Biden et ses conseillers que l’Ukraine gagnerait aisément la guerre, dès lors qu’elle recevrait le soutien de l’OTAN. La liste des « mesures décisives » prises par les États-Unis et ses alliés pour vaincre la Russie, est longue : expulsion du système SWIFT, « arme atomique financière » qui devait ruiner l’agresseur ; arrêt des achats de gaz, « source vitale de revenus » pour le Kremlin ; embargo « paralysant » sur les exportations occidentales de produits utilisés pour fabriquer des armes modernes ; transmission « en temps réel » à l’état-major ukrainien d’informations « exclusives » sur les mouvements des troupes russes ; don à l’armée kiévienne de canons, puis de chars, puis de missiles, puis d’avions dont la supériorité devait à chaque fois assurer la victoire. Aucune de ces prédictions ne s’est réalisée. L’ennemi a trouvé des parades à toutes les mesures que l’OTAN pensait insurmontables. La raison en est simple : les États-Unis n’ont plus, sur le reste du monde, l’avance technique ni le monopole financier qui était les leurs il y a encore vingt ans. Des États d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud, s’en sont affranchis.

Il est triste, le crépuscule de la domination américaine sur le monde. Depuis près de quatre ans, il s’incarne dans le vieillard entêté qui siège à la Maison-Blanche. Il agit dans l’illusion de ressusciter une époque disparue. Inévitablement, il va d’échec en échec. Il s’est fait le champion universel des valeurs démocratiques mais n’a pas su éviter qu’elles soient rejetées dans le monde, minées en Occident et jusque dans son propre pays par le « populisme ». Il laisse à son successeur l’héritage de deux guerres qui traînent en longueur parce qu’il ne sait pas comment les terminer. Il assiste, impuissant, à la détérioration des relations de son pays avec les puissances montantes d’autres continents. Et, plus redoutable encore pour l’avenir de sa nation, il a étourdiment provoqué l’alliance du géant chinois et du géant russe contre les États-Unis.

C’est à cette suprématie moribonde que notre classe dirigeante accroche la politique étrangère de notre pays. Le peuple français sent bien qu’une telle mission internationale est indigne de sa vocation. Alors il s’en désintéresse et ses divisions ne rencontrent plus de force unificatrice qui les contrarie.

Il est vrai que nous ne sommes pas seuls à suivre le « leadership » américain. Presque tous les États-membres de l’Union européenne s’y sont aujourd’hui ralliés, y compris ceux qui, tels la Suède et la Finlande, avaient longtemps gardé leur distance avec l’OTAN. La guerre d’Ukraine en est la cause. Jusqu’à ce qu’elle éclate, les dirigeants de l’Union communiaient dans la conviction d’être les acteurs d’une « fin de l’histoire » en Europe, le système « d’union toujours plus étroite » organisé par Bruxelles garantissant définitivement «la paix et le bien-être de ses peuples ». Désemparés par un évènement qui démentait brutalement leur certitude, nos gouvernements ont cru l’avertissement que Biden ne cessait de leur marteler : « Si quelqu’un en Europe pense que Poutine s’arrêtera à la conquête de l’Ukraine, je peux vous certifier qu’il ne le fera pas ». Contre cette « menace existentielle » soudain révélée, la protection de la grande puissance d’outre-Atlantique a paru indispensable aux dirigeants alarmés de l’Union. Quelques responsables plus réfléchis ont fait observer que Poutine n’avait ni les moyens, ni le motif d’envahir l’Europe ; en semant la peur, Biden voulait en réalité renforcer la tutelle américaine sur notre continent dans l’espoir de maintenir sa suprématie universelle. Leurs voix n’ont pas été écoutées. L’Union européenne, presque unanime, a offert au Président des Etats-Unis un de ses rares succès de politique étrangère.

Mais la tutelle de Washington sur l’Union européenne, entraîne cette dernière dans un engrenage redoutable. Elle la détourne de sa mission constitutive, « la paix et le bien-être de ses peuples », pour la transformer en appareil de guerre et d’appauvrissement collectif. Elle la contraint à épouser les autres querelles américaines, au Proche Orient et en mer de Chine notamment, contre son intérêt évident. Elle arrache les peuples qui la composent, Allemagne et France en premier lieu, à leur indispensable complémentarité culturelle, économique et politique avec la Russie. Les tragiques enseignements de l’histoire européenne sont oubliés.

Depuis qu’a commencé cette funeste guerre, l’Union présente un visage plus lugubre encore que celui de l’Amérique. Agissant contre ses principes et ses intérêts, elle s’enfonce dans l’impuissance. Son action en Ukraine l’illustre cruellement. Les décisions communes des « vingt-sept » s’obstinent à associer des buts inaccessibles (l’intégrité territoriale de l’Ukraine, y compris la Crimée) et un soutien dérisoire à l’armée de Kiev (des chars et des avions déclassés).  Empêtrée dans ses contradictions, elle ne pèse pas sur le cours des évènements.

Est-ce avec cette Union européenne dont la politique étrangère est tombée dans l’insignifiance, que notre classe dirigeante compte offrir au peuple français, une mission d’envergure mondiale ?

Pourtant, il ne tient qu’à nous de renouer avec ce que De Gaulle appelait « la grandeur de la France ». Arrachons-nous aux facilités de la tutelle américaine dont l’OTAN est l’outil. Cessons de nous illusionner sur la chimère d’une « souveraineté européenne » dont aucun de nos vingt-six partenaires n’est capable. Il n’y a là que tentatives stériles pour retenir l’histoire à ce qu’elle était au seuil de notre millénaire. Le présent du monde, ce n’est pas de maintenir l’ordre qu’avait établi la suprématie de l’Occident mais d’organiser de façon pacifique une humanité « multipolaire ». Les États-Unis ne le feront pas parce qu’ils ont beaucoup de mal à comprendre ce concept. Leur courte expérience historique se limite à des périodes « d’isolationnisme » farouche suivies de poussées vers l’autre extrême, un « interventionnisme » quasi universel. Nous, Français, avons appris de notre longue histoire de relations incessantes avec des États nombreux, tantôt plus puissants que nous, tantôt moins forts, que la sagesse de la politique internationale se trouve dans le « concert des nations » ou, à défaut, « l’équilibre des grandes puissances ».  Ce que Saint Louis, Richelieu et De Gaulle ont réussi pour la paix de l’Europe, n’est-il pas temps de le transposer maintenant pour la paix du monde ? Voilà, sans aucun doute, la grande mission internationale à laquelle notre vocation nous appelle. C’est elle, et elle seule, qui peut à nouveau rassembler les Français.

Immobilisé pendant six mois, le porte-avions HMS Queen Elizabeth est de nouveau opérationnel

Immobilisé pendant six mois, le porte-avions HMS Queen Elizabeth est de nouveau opérationnel


En août 2022, alors qu’il se préparait à mettre le cap vers l’Amérique du Nord dans le cadre de la mission Westlant 22, le porte-avions britannique HMS Prince of Wales fut victime d’une grave avarie au niveau d’un accouplement SKF de sa ligne d’arbre tribord [qui relie les machines à l’hélice]. Remplacé au pied levé par son « jumeau », le HMS Queen Elizabeth, le navire fut remorqué vers le chantier naval de Rosyth [Écosse] pour y être mis en cale sèche.

Seulement, lors des réparations, il apparut que la ligne d’arbre babord présentait également des signes de faiblesse au niveau de ses accouplements SKF. Aussi, son immobilisation fut prolongée jusqu’en juillet 2023, alors que la Royal Navy espérait le voir reprendre son cycle opérationnel en mai.

Mais celle-ci ne fut pas au bout de ses peines. Début février, alors qu’il devait participer aux manœuvres « Steadfast Defender » organisées par l’Otan, le HMS Queen Elizabeth dut à son tour déclaré forfait… car il risquait de connaître la même avarie qui avait affecté le HMS Prince of Wales.

Initialement, il était question d’immobiliser le porte-avions de 65’000 tonnes pendant « quelques semaines » au chantier naval de Rosyth, étant donné que les réparations devaient se concentrer uniquement sur la ligne d’arbre tribord. Finalement, la Royal Navy décida de remplacer aussi celle de babord, par « précaution ».

Cela étant, après la déconvenue vécue par le HMS Prince of Wales, l’amirauté britannique avait prévu de remplacer les deux lignes d’arbre du HMS Queen Elizabeth lors d’un arrêt technique majeur [ATM] programmé en 2025. Les circonstances en auront donc voulu autrement. Mais d’un mal peut sortir un bien car cela permettra de raccourcir la prochaine période d’indisponibilité technique du porte-avions.

En outre, les réparations du HMS Queen Elizabeth ont été effectuées assez rapidement dans la mesure où le navire ne sera resté que quatre mois en cale sèche. Au total, son immobilisation aura duré six mois… soit trois de moins que celle du HMS Prince of Wales pour les mêmes raisons.

En effet, la Royal Navy a annoncé que le HMS Queen Elizabeth retrouverait la base navale de Portsmouth le 30 juillet, à l’issue d’une campagne d’essais menée peu après sa sortie du chantier naval écossais.

 

« Le navire est sorti des réparations plus tôt que prévu initialement et, après avoir navigué sous les ponts du Forth, il a passé les sept derniers jours en mer à être mis à l’épreuve afin de tester ses systèmes au maximum », a en effet indiqué la marine britannique, via un communiqué diffusé le 29 juillet.

« Un travail énorme a été réalisé au cours des derniers mois pour nous amener à ce point. C’était un projet de grande envergure […]. Il a fallu un effort d’équipe vraiment efficace de la part de nos ingénieurs, du Defence Equipment and Support [DE&S] et de nos partenaires industriels pour que le porte-avions puisse reprendre la mer », a commenté le commandant Alex Davies, chef du département de génie maritime de la Royal Navy.

Photo : Royal Navy

Les 4,8 milliards d’euros de contrats militaires de l’armée grecque passent encore sous le nez de l’Europe et particulièrement de la France

Les 4,8 milliards d’euros de contrats militaires de l’armée grecque passent encore sous le nez de l’Europe et particulièrement de la France


Les 4,8 milliards d'euros de contrats militaires de l'armée grecque passent encore sous le nez de l'Europe et particulièrement de la France
Les 4,8 milliards d’euros de contrats militaires de l’armée grecque passent encore sous le nez de l’Europe et particulièrement de la France

L’armée grecque passe à la vitesse supérieure avec un investissement massif dans les F-35 de Lockheed Martin.

La Grèce a marqué un tournant stratégique dans sa politique de défense en signant un contrat colossal de 4,8 milliards de dollars pour l’acquisition de vingt avions de combat F-35 Lightning II. Ce mouvement audacieux est une réponse directe aux tensions montantes en Méditerranée orientale et vise à renforcer significativement les capacités aériennes du pays.

Un Pas de Géant pour la Défense Grecque

L’achat des F-35 par la Grèce symbolise une modernisation profonde de sa flotte aérienne. Ces avions de cinquième génération, connus pour leur furtivité et leur technologie avancée, permettront à la Grèce de solidifier sa défense et de jouer un rôle dissuasif plus significatif dans la région.

Une Alliance Renforcée avec l’Occident

En intégrant la flotte de F-35, la Grèce se joint à un groupe sélect de nations possédant cette technologie de pointe, renforçant ainsi ses liens avec les États-Unis et d’autres membres de l’OTAN. Ce partenariat stratégique promet d’améliorer la coopération militaire et d’accroître la sécurité régionale.

Investissement Technologique et Économique

Le financement alloué par la Grèce ne couvre pas uniquement l’acquisition des avions, mais englobe également des services essentiels tels que la maintenance, la formation du personnel, et l’amélioration des infrastructures. Ce projet devrait dynamiser l’industrie locale grâce aux partenariats avec des entreprises grecques pour la maintenance des avions, favorisant ainsi le transfert de technologie et la création d’emplois qualifiés.

Impact Géopolitique en Méditerranée

L’acquisition des F-35 intervient dans un contexte de tensions accrues avec des voisins comme la Turquie, sur fond de différends territoriaux. La présence de ces avions ultra-modernes est un message clair de la Grèce à ses adversaires, soulignant sa capacité à défendre ses intérêts avec une puissance aérienne supérieure.

Une Course à l’Armement Régionale ?

La montée en puissance de la Grèce pourrait inciter d’autres nations de la région à moderniser leurs propres forces aériennes. Ce phénomène pourrait entraîner une escalade des dépenses militaires et exacerber les tensions régionales, chaque acteur cherchant à ne pas se laisser distancer sur le plan technologique.

Vers une Stabilité ou une Instabilité Accrue ?

Bien que l’augmentation des capacités militaires de la Grèce puisse potentiellement dissuader les conflits, elle pourrait aussi alimenter une course à l’armement et des stratégies militaires plus agressives de la part des pays voisins, posant des questions sur le véritable impact de ces investissements sur la stabilité régionale à long terme.

Un Revers pour l’Industrie de Défense Européenne

Cet achat massif de matériel américain par la Grèce souligne un échec notable pour l’industrie de défense européenne, qui peine à rivaliser avec les géants de l’aéronautique des États-Unis. Malgré la présence de fabricants européens compétents, le choix de la Grèce de se tourner vers Lockheed Martin pour renforcer sa flotte aérienne met en lumière les lacunes perçues dans les options disponibles au sein de l’Europe. Cela pose des questions sur la capacité de l’Europe à s’unir autour d’une politique de défense commune et compétitive sur le marché mondial, et à offrir des solutions qui répondent aux exigences techniques et stratégiques des nations de l’OTAN. Ce scénario incite à une réflexion sur l’intégration et le renforcement de l’industrie de défense européenne pour éviter que de telles préférences pour les équipements non européens ne deviennent une norme.

Cet article explore l’engagement substantiel de la Grèce dans la modernisation de ses forces armées par l’acquisition de F-35, un investissement qui a des implications profondes tant sur le plan militaire que géopolitique. Alors que la Grèce cherche à assurer sa sécurité et à affirmer sa présence sur la scène internationale, les répercussions de ce choix stratégique pourront redéfinir les équilibres de pouvoir en Méditerranée orientale.

L’Otan en Asie-Pacifique, la montée des tensions

L’Otan en Asie-Pacifique, la montée des tensions

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par Alex Wang* – Revue Conflits – publié le 25 juillet 2024

https://www.revueconflits.com/lotan-en-asie-pacifique-un-reve-eveille-delirant-et-dangereux/


Lors du sommet de l’Otan à Washington, le communiqué final a ciblé à plusieurs reprises la Chine. Une dégradation des relations qui marque la hausse des tensions entre l’Otan et l’Asie.

Les déclarations contradictoires de l’Otan, à l’issue du Sommet de Washington, rappellent les cinq étapes de Kübler-Ross, en particulier la première étape : le déni de la réalité. [1] Le monde a changé, nous ne sommes plus dans la guerre froide ni dans l’unipolarité post-guerre froide. Refusant de l’accepter, l’Otan s’enlise dans des mensonges, inventant une réalité alternative pour lutter contre son angoisse grandissante, par exemple en rêvant d’établir son pendant en Asie-Pacifique. Cela ne manquera pas de créer plus de troubles et de conflits.

L’Otan (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) a été créée en 1949 pour la défense de l’Atlantique Nord. Après la dissolution de l’Union soviétique, elle est devenue une organisation obsolète mais ne veut pas reconnaître et accepter cette réalité, cherchant (inventant) désespérément par tous les moyens sa nouvelle mission et devenant un faiseur de troubles (trouble maker).

Que dit l’Otan ?[2]

L’Otan a récemment célébré ses 75 ans en grande pompe à Washington. Cependant, la lecture de la déclaration issue du Sommet nous a laissés complètement stupéfaits. Nous ne savons pas si nous devons la considérer comme un document géopolitique ou comme un résumé de symptômes psychiatriques.

L’Otan est intimement convaincue qu’elle est une alliance défensive

Curieusement, pendant la guerre froide, l’Otan a largué très peu de bombes sur les pays étrangers. Depuis la fin de la guerre froide, l’Otan a largué une quantité massive de bombes sur de nombreux pays. Entre mars et juin 1999, les bombardements de l’Otan auraient tué 500 civils dans l’ex-Yougoslavie. Les frappes aériennes de l’Otan en Libye en 2011 ont entraîné le largage de 7 700 bombes et tué environ 70 civils.[3]

Malgré ses agissements offensifs et agressifs, l’Otan continue à s’apercevoir et se dire une alliance défensive. Certain résume tout cela en « 75 ans d’OTAN, 75 ans de déni » (75 years of Nato, 75 years of denial ».[4] L’Otan n’est pas une alliance défensive et nie la nature de ses comportements agressive racontant inlassablement ce mensonge à soi-même et créant un hiatus gigantesque psychique entre la réalité et la perception.

L’Otan désigne, contre toute évidence, la Chine comme « decisive enabler » (catalyseur décisif) dans la guerre en Ukraine

L’Otan est persuadée que la Chine « joue désormais un rôle déterminant dans la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine » en soutenant « matériellement et politiquement l’effort de guerre russe », notamment via le transfert « des biens à double usage, tels que des composants d’armes, des équipements et des matières premières, qui sont ensuite utilisés par le secteur de la défense russe ».

La Chine n’est pas à l’origine de cette guerre. Elle ne soutient pas ce conflit et prône la paix. Son commerce avec la Russie s’inscrit dans le cadre des échanges normaux entre les deux pays. En ce qui concerne les armes russes, il est important de noter que 95 % de leurs composants électroniques proviennent de l’Occident.[5] La Russie reste un fournisseur majeur d’uranium pour les États-Unis.[6] Il est également pertinent de mentionner le rôle de l’Inde en tant que grossiste de pétrole et de gaz russes, notamment pour les pays européens.[7] Ces accusations à l’adresse de la Chine apparaissent donc infondées.

L’Otan imagine, à sa guise, la Chine en tant que l’ennemi principal, prétendant qu’elle fait « peser des défis systémiques sur la sécurité euro-atlantique »

Selon elle, la Chine « affiche des ambitions et mène des politiques coercitives » contraires aux intérêts, à la sécurité et aux valeurs de l’Otan. Cette projection de ses propres caractéristiques sert de fondement à son dangereux rêve éveillé. Cet ennemi imaginaire justifie pleinement, à ses yeux, la création d’une Otan Asie-Pacifique.

Elle refuse de reconnaître les résultats des efforts de la Chine comme faiseur de paix dans le monde, tels que la médiation entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, entre les 14 factions palestiniennes, entre l’Israël et la Palestine, ainsi qu’entre l’Ukraine et la Russie.

L’Otan veut globaliser l’Otan notamment en Asie Pacifique en s’alliant avec le Japon, la Corée du sud, les Philippines, l’Australie et la Nouvelle Zélande

L’Otan est convaincu qu’elle vit encore dans un univers unipolaire, le monde obéit à sa baguette de chef d’orchestre. Peu importe que l’Otan se trouve en Atlantique Nord, il suffit qu’elle déclare que la Chine est l’ennemi principal, elle peut en toute légitimité amener la confrontation en Asie et en Indopacifique. Elle peut réunir les dirigeants de l’Australie, du Japon, de la Nouvelle-Zélande et de la Corée du sud et ceux de l’Union européenne pour parler des défis de sécurité communs et des domaines de coopération. Voilà son raisonnement soutenu par le sentiment de la toute-puissance.

Où est l’Otan ?

Les déclarations et les agissements contradictoires de l’Otan nous font penser aux 5 étapes de Kübler-Ross, notamment à la première étape qui est le déni de la réalité.

Le monde a changé, nous ne sommes plus dans une ère unipolaire. La Chine est également de retour. Mais l’OTAN refuse de reconnaître et d’accepter cette réalité. Elle reste plongée dans une mentalité de guerre froide et des constructions paranoïaques. Incapable d’accepter la réalité, elle a inventé une réalité alternative, une sorte de délire, pour éviter une destruction psychique totale.

Ce comportement de déni peut être dangereux. Le refus et la panique amènent des comportements désordonnés et paranoïaques qui provoqueraient, à leur tour, des réactions politico-militaires des puissances en présence, par exemple de la part de la Corée du Nord, la Chine et la Russie qui pivote activement vers l’Est.

Que veut l’Asie ?

Quelles sont les réactions des pays en Asie ? Les pays invités par l’Otan ne manifestent pas l’unanimité, par exemple, l’Australie n’pas envoyé son premier Ministre pour le 75e sommet.

La plupart des pays de l’Asean (la Malaisie, l’Indonésie, le Vietnam, le Thaïlande, etc.) sont contre la perspective de l’Otan en Asie, percevant son éventuelle présence comme une source de problèmes et de complications.

Citons Kishore Mahbubani qui reflète le sentiment général des pays asiatique, notamment celui de l’Asean. Dans son article intitulé « Asie, dites non à l’Otan » (Asia, Say no to Nato), republié le 12 juillet, il a très clairement affirmé que « C’est (…) le plus grand danger auquel nous sommes confrontés si l’Otan étend ses tentacules de l’Atlantique au Pacifique : elle pourrait finir par exporter sa culture militariste désastreuse vers l’environnement relativement pacifique que nous avons développé en Asie de l’Est. (…) Compte tenu des risques que fait peser sur l’Asie de l’Est l’expansion potentielle de la culture de l’Otan, toute l’Asie de l’Est devrait parler d’une seule voix et dire non à l’Otan ».[8]

A reality check

Les conséquences d’amener l’Otan en Asie pourraient ne faire qu’aggraver les spirales d’escalade existantes avec la Chine / la Russie et de les rapprocher davantage.

D’un autre côté, bien que les États-Unis aient déployé des centaines de bases militaires autour de la Chine[9]  et des missiles à moyenne portée aux Philippines, l’Otan ne peut pas rivaliser avec la puissance terrestre et maritime chinoise. Les États-Unis ne sortiraient pas victorieux d’une guerre contre la Chine, qui mobiliserait tous ses moyens pour défendre sa patrie, y compris les missiles hypersoniques de la série DF (DF17, DF21, DF26, DF41…),[10]  éléments clés de la stratégie A2AD (Anti-Access/Area-Denial). Il est également possible que la Russie ne reste pas passive en cas de conflit.

En parallèle, nous avons observé que certains membres de l’Otan conservent une certaine lucidité, comme la Hongrie, la Turquie et la France, qui s’était opposée en 2023 à l’ouverture d’un bureau de liaison de l’Otan au Japon. Il est probable que ce réveil se propage progressivement parmi d’autres pays membres de l’Otan, à l’instar de la Turquie, qui, refusant la logique de bloc, a exprimé son souhait de rejoindre les BRICS et l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).


[1] Wikipedia : Elisabeth Kübler-Ross

[2] Otan : Déclaration du Sommet de Washington, le 10 juillet 2024.

[3] Kishore Mahbubani, Asia, say no to Nato, The Pacific has no need of the destructive militaristic culture of the Atlantic alliance, Straits Times, 25 June 2021 republié July 12, 2024

[4] Sevim Dagdelen, 75 years of Nato, 75 years of denial, Consortium News, July 9, 2024.

[5] La Tribune, Guerre en Ukraine : 95% des composants électroniques des armes russes proviennent d’Occident, dénonce Kiev, le 19 janvier, 2024

[6] Thomas DESZPOT, Uranium russe : les États-Unis ont-ils doublé leurs importations cette année ? TF1 Info, le 30 août 2023

[7] Clément Perruche, L’Inde importe toujours plus de pétrole russe, à prix bradé, Les Echos, le 3 juin 2023

[8] Kishore Mahbubani, Asia, say no to Nato, The Pacific has no need of the destructive militaristic culture of the Atlantic alliance, Straits Times, 25 June 2021 (July 12, 2024).

[9] Cécile Marin & Fanny Privat,  Présence américaine dans le voisinage chinois, « Manière de voir » #170, Avril-Mai 2020

[10] Fabian-Lucas Romero Meraner, China’s Anti-Access/Area-Denial Strategy, February 9, 2023


*Titulaire de deux doctorats (philosophie et ingénierie) et familier des domaines clés de la NTIC, Alex Wang est ancien cadre dirigeant d’une entreprise high tech du CAC 40. Il est également un observateur attentif des évolutions géopolitiques et écologiques.

Choisi par l’US Army pour ses fusils d’assaut, le calibre 6,8 x 51 mm va-t-il se généraliser au sein de l’Otan ?

Choisi par l’US Army pour ses fusils d’assaut, le calibre 6,8 x 51 mm va-t-il se généraliser au sein de l’Otan ?


En 2022, le Pentagone fit savoir qu’il avait retenu Sig Sauer pour remplacer les carabines M4 et les fusils d’assaut M16 ainsi que les mitrailleuses M249 de l’US Army, dans le cadre du programme NGSW [Next Generation Squad Weapon], lancé cinq ans plus tôt.

L’objectif était donc de mettre au point deux nouvelles armes, à savoir le XM-7 [ex-NGSW « Rifle »] et le XM-250 [ex-NGSW « Automatic Rifle »], censées avoir une précision et une létalité accrues, tout en étant plus silencieuses.

Pour cela, il fut décidé que ces nouvelles armes utiliseraient des cartouches de 6,8 x 51 mm… alors que le calibre 5,56 x 45 mm est la norme pour les fusils d’assaut en service au sein de l’Otan. Pour justifier ce choix, l’US Army fit valoir que de telles munitions offriraient une « capacité de pénétration supérieure ainsi qu’une meilleure précision ». Les « munitions de 5,56 mm risquent de ne plus être efficaces face à des gilets pare-balles vendus pour 250 dollars », avait-elle insisté.

Alors que l’Otan a dit vouloir une applications plus strictes de ses normes en matière de production de munitions – en particulier pour les obus d’artillerie de 155 mm – afin de garantir l’interopérabilité entre États membres, le choix de l’US Army interroge… à moins que d’autres forces armées de l’Alliance ne décident également d’adopter le calibre 6,8 x 51 mm.

Lors de l’édition 2024 du salon de l’armement aéroterrestre EuroSatory, Ron Cohen, le PDG de Sig Sauer, a confié que ce calibre « pourrait susciter un plus grand intérêt de la part d’autres pays de l’Otan ». A priori, rapporte Army Recognition, le 6,8 x 51 mm serait sur le point d’être adopté par plusieurs « pays nordiques ».

« La transition vers les munitions hybrides 6,8 x 51 mm s’inscrit dans une vision plus large de modernisation des forces armées des pays nordiques. Cette initiative pourrait inspirer d’autres pays membres de l’Otan à suivre la même voie, renforçant ainsi la cohésion et la puissance de l’Alliance », écrit le site spécialisé, en se basant sur des déclarations de dirigeants de Sig Sauer.

En France, le choix de l’US Army en faveur du calibre 6,8 x 51 mm avait été analysé dans un rapport parlementaire publié en septembre 2020. « Ce qui se passe aux États-Unis en matière de développement de nouveaux calibres doit retenir toute notre attention », avait prévenu Jean-Pierre Curbertafon, alors député.

« L’apparition et la généralisation d’un nouveau calibre […] pourrait […] avoir un impact important sur les standards de l’Otan : les États-Unis étant la nation-cadre par excellence au sein de l’Alliance atlantique, s’ils changent de calibre, ce dernier deviendra quasi nécessairement la norme de l’Otan à laquelle nous devrons tous nous plier », avait-il développé lors de l’examen du rapport en question par la commission de la Défense.

Aussi, avait poursuivi M. Cubertafon, « ce standard pourrait devenir le standard européen et le marché des munitions de petit calibre évoluer », avec, pour la France, la nécessité d’adopter, à terme, des fusils d’assaut compatibles avec des munitions de 6,8 x 51 mm… qu’aucun pays en Europe ne produit. « Nous serions [alors] complètement dépendants des États-Unis », avait-il prévenu. Sauf à conserver le 5.56 mm et, par conséquent, et « à [ne] plus être interopérables avec nos alliés américains et à être en retard d’une guerre sur le plan technologique ».

La Chine défie l’Alliance Atlantique en Biélorussie

La Chine défie l’Alliance Atlantique en Biélorussie

par Franck Alexandre –  RFI Lignes de défense – Publié le


Lundi dernier, la Chine et la Biélorussie ont débuté des exercices militaires conjoints. Ces manœuvres se déroulent à quelques kilomètres de la frontière avec l’Europe. Des exercices militaires atypiques et que l’Otan interprète comme une menace. Jeudi, dans son communiqué final, l’Alliance réunie à Washington s’est inquiétée du soutien apporté par Pékin à Minsk et son allié russe en guerre contre l’Ukraine.

Maréchal Dong Jun, ministre chinois de la Défense nationale à Singapour le 31 mai 2024.
Maréchal Dong Jun, ministre chinois de la Défense nationale à Singapour le 31 mai 2024. © Wikimedia Commons.org

C’est le cadeau de la Chine pour les 75 ans de l’Alliance Atlantique. « Un déploiement militaire aux marches de l’Europe, pour répondre aux nouveaux défis mondiaux », indique le ministère chinois de la Défense. Officiellement, il ne s’agit que d’un exercice antiterroriste. Mais l’Otan, réuni à Washington, a immédiatement envoyé un avertissement à Pékin. Et la réaction chinoise ne s’est pas fait attendre, pointe le correspond de RFI à Pékin, Stéphane Lagarde : « Oui, officiellement, ces manœuvres antiterroristes sont des exercices de routine qui n’ont rien à voir avec le sommet de Washington ». Le porte-parole de la diplomatie chinoise a été interrogé sur ce sujet. Voici ce qu’il a répondu aux journalistes : « ces échanges entrent dans le cadre de la coopération militaire normale entre la Chine et la Biélorussie. Il ne vise aucun pays en particulier ».

« Mais tout le monde note évidemment la concordance de calendrier. Et on note aussi que ces opérations, baptisées ‘l’assaut du faucon’, durent quand même 11 jours. Donc c’est long. Elles ont été accompagnées, côté biélorusse, d’une large propagande avec photo du débarquement des troupes chinoises au sol, accueillies chaleureusement selon Pékin. On parle de plus d’une centaine d’hommes côté chinois, c’est essentiellement symbolique. Mais Pékin n’a pas donné de détails en revanche concernant les matériels et les unités de l’armée populaire de libération impliquées dans ces exercices, alors qu’habituellement, les journaux nationalistes ici aiment quand la Chine bombent le torse et n’hésitent pas à le raconter.  Reste que ces exercices se déroulent près de la ville de Brest, en Biélorussie, nous sommes là, à 40 km de la frontière polonaise. Cette formation conjointe vise à renforcer les capacités de coordination des troupes participantes, a aussi indiqué le ministère chinois de la Défense dans un communiqué ».

Pékin évoque une ingérence de l’Otan

Sauf que ces manœuvres inédites, et c’est ce qui irrite l’Otan, ont tout d’un entrainement à la guerre de haute intensité : avec des opérations de nuit, des franchissements de cours d’eau et des simulations de combat en zone urbaine. Pékin démontre ainsi, sa capacité à projeter des forces sur des théâtres extérieurs et à proximité de l’Ukraine. L’Otan accuse Pékin de jouer un rôle déterminant dans ce conflit au travers d’un soutien sans limite apporté à l’industrie de guerre russe. C’est une ingérence occidentale, rétorque la diplomatie chinoise, nous dit Stéphane Lagarde : « Oui, la diplomatie chinoise a aussitôt ressorti une rhétorique maintes fois utilisée dans ce bras de fer avec l’OTAN. Elle parle de mentalité digne de la guerre froide, d’ennemis imaginaires, de tensions provoquées par l’OTAN qui risque de mener à la confrontation. Des mots, là aussi accompagnés d’exercices conjoints. Pékin et Moscou ont annoncé vendredi le début de manœuvres navales et aériennes dans le sud de la Chine. Ça va durer un mois. Pékin tire également à boulets rouges, via ces médias et l’armée des internautes, sur ce qui est qualifié ici d’ingérence de l’OTAN de l’Asie avec le rapprochement Japon / Corée du Sud / Washington qui ne plaît pas du tout, mais alors pas du tout à la Chine ».

Et la Chine, multiplie les signalements stratégiques et défie les alliances, y compris à l’Ouest, comme pour démontrer que du Pacifique à l’Atlantique, ses intérêts et ses frontières n’ont aujourd’hui plus de limites

L’Otan monte au créneau, à défaut de monter au front

L’Otan monte au créneau, à défaut de monter au front

                                                                                    Photo Nato

Des avions F-16, des batteries de défense antiaérienne, une « trajectoire irréversible » vers l’adhésion: les pays de l’Otan ont multiplié mercredi les gages d’un soutien renforcé à l’Ukraine, lors d’un 75e sommet historique marqué par les incertitudes politiques, notamment aux Etats-Unis.

Pour voir l’intégralité de la Déclaration du Sommet de Washington publiée par les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’OTAN à l’issue de la réunion du Conseil de l’Atlantique Nord qui s’est tenue tenue à Washington le 10 juillet 2024, cliquer ici.

On notera l’établissement du « programme OTAN de formation et d’assistance à la sécurité en faveur de l’Ukraine (NSATU) afin de coordonner les livraisons d’équipements militaires ainsi que les activités de formation militaire organisées par les Alliés et leurs partenaires. Ce programme vise à inscrire dans la durée l’assistance à la sécurité fournie à l’Ukraine, garantissant ainsi un soutien renforcé, prévisible et cohérent. Le NSATU, qui opérera dans les pays de l’Alliance, aidera l’Ukraine à assurer sa défense dans le respect de la Charte des Nations Unies. Le NSATU ne fera pas de l’OTAN une partie au conflit au sens du droit international. Il soutiendra la transformation des forces de défense et de sécurité ukrainiennes, facilitant la poursuite de l’intégration du pays dans l’OTAN ». On notera que mercredi soir, le DoD a annoncé la nomination du général (deux étoiles) Steven G. Behmer au poste d’adjoint au commandant du Security Assistance Group – Ukraine, installé à Wiesbaden, en Allemagne.

On notera aussi:
– « la création du Centre OTAN-Ukraine d’analyse, d’entraînement et de formation (JATEC), qui servira à déterminer et à exploiter les enseignements à tirer de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine et permettra à l’Ukraine de gagner en interopérabilité avec l’OTAN »,
– et la décision du secrétaire général de nommer un(e) haut(e) représentant(e) de l’OTAN en Ukraine.

Les points 25, 26 et 27 de la Déclaration porte sur le rôle de la Chine. La Chine « joue désormais un rôle déterminant dans la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine », précise le texte otanien qui appelle Pékin, « en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU (..) à cesser de soutenir matériellement et politiquement l’effort de guerre russe ».
« La RPC continue de faire peser des défis systémiques sur la sécurité euro-atlantique. Nous constatons que la RPC est à l’origine d’incessantes activités cyber et hybrides malveillantes, y compris d’activités de désinformation », poursuit la Déclaration.
La Chine a exprimé dès ce jeudi son « vif mécontentement » et dénoncé un communiqué de l’Otan « empreint d’une mentalité digne de la Guerre froide et d’une rhétorique belliqueuse », selon un communiqué du porte-parole de la mission chinoise auprès de l’Union européenne (UE). « L’Otan devrait cesser de faire du tapage sur une soi-disant menace chinoise, cesser d’inciter à la confrontation et à la rivalité, et contribuer davantage à la paix et à la stabilité dans le monde », a-t-il souligné, dénonçant des propos « remplis » de « calomnies ».

Extension de la lutte

L’Otan a par ailleurs annoncé une réunion « avec les dirigeants de l’Australie, du Japon, de la Nouvelle-Zélande et de la République de Corée et ceux de l’Union européenne pour parler des défis de sécurité communs et des domaines de coopération ». Au travers de ces partenariats, l’Otan entend « favoriser la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient et en Afrique, et contribuer ainsi à la paix et à la prospérité ».

Un engagement à aider durablement l’Ukraine

Cette Déclaration comporte aussi un « Engagement à aider durablement l’Ukraine à assurer sa sécurité » dont voici le texte intégral (c’est moi qui souligne):
« Aujourd’hui, nous affirmons notre indéfectible attachement à l’Ukraine, qui, pour rester un État souverain, démocratique et indépendant, a besoin de notre aide sur le long terme. Depuis le début de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, les Alliés apportent à cette dernière un soutien politique et une aide économique, militaire, financière et humanitaire d’une ampleur inédite, l’assistance militaire se chiffrant à quelque 40 milliards d’euros par an. Les Alliés mettent en outre à disposition leur capacité industrielle de défense pour répondre aux besoins de l’Ukraine. Tous ces efforts portent leurs fruits en permettant aux Ukrainiens de se défendre efficacement et de faire payer chèrement à la Russie ses agissements.
Nous sommes déterminés à aider l’Ukraine à mettre en place des forces capables de vaincre l’agresseur russe aujourd’hui et de le dissuader de commettre une nouvelle agression demain. À cet effet, nous comptons dégager une enveloppe de base d’au moins 40 milliards d’euros pour l’année à venir, et maintenir ensuite l’assistance à la sécurité à un niveau soutenable, pour que l’Ukraine l’emporte ; il sera tenu compte de ses besoins, de nos procédures budgétaires respectives et des accords de sécurité bilatéraux que des Alliés ont conclus avec le pays. Les chefs d’État et de gouvernement réexamineront les contributions des Alliés lors des prochains sommets de l’OTAN, à commencer par celui qui se tiendra en 2025 à La Haye.
Notre engagement porte sur la fourniture d’une assistance et d’équipements militaires à l’Ukraine et sur la formation des militaires ukrainiens, et couvre donc notamment :
– l’achat d’équipements militaires pour l’Ukraine ;
– les dons en nature au profit du pays ;
– le coût du transport des équipements militaires destinés à l’Ukraine, de leur maintenance et de la logistique ;
– le coût de la formation des militaires ukrainiens ;
– les coûts opérationnels relatifs à la fourniture d’une assistance militaire à l’Ukraine ;
– les investissements dans les infrastructures de défense et l’industrie de défense du pays ainsi que le soutien dont elles ont besoin ;
– toutes les contributions aux fonds d’affectation spéciale OTAN pour l’Ukraine, notamment sous la forme de moyens non létaux.
Toutes les aides apportées par les Alliés à l’Ukraine relevant des catégories précitées seront comptabilisées, qu’elles soient fournies par l’intermédiaire de l’OTAN, à titre bilatéral, à titre multilatéral ou de toute autre manière. Soucieux d’assurer un partage équitable des charges, les Alliés s’attacheront à contribuer chacun de manière proportionnelle à la concrétisation du présent engagement, en tenant compte notamment de leur part dans le PIB global de l’Alliance.
Deux fois par an, les Alliés informeront l’OTAN de l’assistance qu’ils auront fournie à l’Ukraine en vertu du présent engagement. Leur premier compte rendu inclura les contributions mises à disposition à compter du 1er janvier 2024. Le secrétaire général se fondera sur ces informations pour établir un récapitulatif de toutes les contributions déclarées par les Alliés.
En plus de fournir l’assistance militaire couverte par le présent engagement, les Alliés entendent continuer d’apporter à l’Ukraine un soutien politique et une aide économique, financière et humanitaire. »

L’urgence de financer les industries de la défense. Entretien avec SouvTech Invest 

L’urgence de financer les industries de la défense. Entretien avec SouvTech Invest 

Demonstrations de l Armee de Terre, forces d elites francaises, dans le cadre de mises en situations reelles a l Eurosatory. Les soldats francais mettent en place un CAESAR canon automoteur de 155 mm de calibre 52 lors du salon leader mondial de Defense et de Securite terrestres et aeroterrestres le 12 juin 2022 et qui se tient du 13 au 17 juin 2022 au Parc des expositions de Paris-Nord Villepinte. Villepinte, FRANCE – 13/06/2022 Demonstrations of the French Army, the French elite forces, in real-life situations. French army soldiers set up a CAESAR self-propelled 155 mm52-calibre gun-howitzer at the Eurosatory international land and airland defense and security trade fair on June 12, 2022, held from June 13 to 17, 2022, at the Paris-Nord Villepinte Exhibition Center. Villepinte, FRANCE – 13/06/2022//04HARSIN_EUROSATORYDEMONSTRATIONS083/2206131957/Credit:ISA HARSIN/SIPA/2206132018

 

par Revue Conflits – publié le 10 juillet 2024

https://www.revueconflits.com/lurgence-de-financer-les-industries-de-la-defense-entretien-avec-souvtech-invest/


L’industrie de défense nécessite des capitaux importants pour pouvoir se développer et ainsi mettre au point ses nouveaux projets. La plateforme SouvTech Invest a l’ambition de devenir l’un des outils de ces financements. Entretien avec Pierre-Elie Frossard.

Entretien avec Pierre-Elie Frossard, co-fondateur de Souvtech Invest. Propos recueillis par Alban de Soos.

Vous venez de lancer votre plateforme de financement participatif dans le secteur de la défense et de la sécurité SouvTech Invest. Comment vous est venue cette idée d’établir un lien entre banque et défense ?

SouvTech Invest est un projet que nous avons porté avec l’équipe de Vauban Finance, cabinet de conseil spécialisé dans le secteur de l’industrie de défense que j’ai cofondé. Ce projet est le fruit de nos expériences professionnelles partagées : le monde de la finance comprend mal l’industrie de la défense et de la sécurité et les entreprises de la base industrielle de technologie et de défense (BITD) rencontrent des difficultés d’accès au financement bancaire. Avec notre équipe, composée d’anciens de grands groupes comme MBDA et Nexter, ainsi que d’un ancien banquier, nous avons décidé de prendre à bras le corps cet enjeu. Le financement participatif est une des solutions pour y parvenir, mais il existe d’autres initiatives comme Defense Angels, qui fédère les business angels de la défense, et Colibri, une place de marché d’échanges de titres portés par le cluster EDEN. Nous réfléchissons aujourd’hui avec à une alliance de financeurs privés pour la sécurité et la défense.

Par ailleurs, il y a un changement de paradigme français depuis février 2022 et l’invasion de l’Ukraine, avec un discours du Président de la République insistant sur la nécessité d’avoir une économie de guerre. Cela implique donc des investissements supplémentaires dans la BITD, et la situation a également permis de sensibiliser les Français à cette nécessité.

Le lancement de SouvTech Invest s’inscrit dans ces deux nouvelles réalités : c’est une nouvelle brique dans le continuum de financement de la défense, et un moyen pour les Français d’y investir directement.

Concrètement, comment fonctionne votre plateforme de crowdfunding ? J’imagine qu’elle s’oriente en priorité vers les PME ?

Notre plateforme cible principalement deux types d’entreprises : les startups et le soutien de l’innovation, et les PME/ETI et le soutien de la réindustrialisation.

Les investisseurs peuvent soutenir ces entreprises en suivant deux formes d’engagement. En fonds propres (equity) : ils peuvent acheter des parts de l’entreprise sous forme d’actions, avec la possibilité de les revendre dans un, deux, trois ou quatre ans, et potentiellement réaliser une plus-value si l’entreprise prospère. Cette option est surtout destinée à l’innovation. Et en produits de dette : Ils prêtent de l’argent aux entreprises contre le versement d’intérêts, ce qui est principalement utilisé pour la réindustrialisation.

Il s’agit d’investissements qui visent à compléter les financements bancaires existants, en remplaçant par exemple les fonds propres que les entreprises doivent normalement avancer.

L’idée de Souvtech est de permettre aux investisseurs de participer au financement du secteur de la défense. Dans le contexte actuel, cet investissement est non seulement patriotique, mais aussi rentable. Cela signifie qu’il s’agit d’une opportunité d’investissement à la fois stratégique pour la souveraineté nationale et financièrement avantageuse pour celui qui y investit.

La France est connue pour ses performances dans les BITD. On parle souvent du canon César par exemple. Quels sont les atouts de la défense française ?

Il faut comprendre que le modèle de défense français est complet puisqu’il couvre tous les besoins des forces armées : aéronautique, terrestre, naval et spatial. Les produits français sont au plus haut niveau technologique et offrent une grande capacité d’usage, avec peu de restrictions sur leur utilisation. Cela les rend très attractifs à l’exportation. C’est vraiment la qualité de la BITD française.

Avec ces avantages, comment la France se positionne-t-elle face aux autres puissances mondiales ?

La France cherche à maintenir sa souveraineté en encourageant les pays européens à acheter du matériel français. Cependant, de nombreux partenaires européens continuent à préférer le matériel américain en raison de leur engagement au sein de l’OTAN. Par exemple, l’Allemagne, l’Italie et la Belgique ont opté pour les F-35 américains, bien que le Rafale soit tout aussi performant et probablement mieux adapté à leurs besoins.

Dans ce contexte, la France doit poursuivre deux objectifs principaux : renforcer ses alliances avec d’autres partenaires européens pour construire une industrie de défense européenne solide, et convaincre que cette industrie est crédible et s’intègre parfaitement dans le dispositif de sécurité européen, afin de promouvoir l’achat de matériel européen par les pays européens.

En ce qui concerne les autres puissances, les principaux concurrents de l’industrie française sont aujourd’hui la Corée du Sud, la Turquie et la Chine. Ces pays produisent des équipements de plus en plus qualitatifs, rapidement livrés et très compétitifs sur le papier. Sachant que leurs pratiques commerciales et leur éthique diffèrent largement de celles en vigueur en Europe, la concurrence en devient d’autant plus forte.

L’un des principaux avantages pour la France est l’utilisation éprouvée de ses équipements au combat.

En effet, l’engagement de l’armée française offre des retours d’expérience précieux, permettant de maintenir et d’améliorer constamment la qualité de l’équipement. Cet engagement, soutenu depuis des années, se reflète directement dans la performance et la fiabilité du matériel français.

Par ailleurs, il est important de noter que lorsque l’on parle de ce secteur, on fait souvent référence aux grands groupes de défense comme Airbus, Dassault, Safran, MBDA et Thales. Cependant, on omet souvent de mentionner la BITD, qui est un cœur de cible pour SouvTech Invest et comprend principalement des PME et ETI sous-traitantes de ces grands groupes. Certaines de ces entreprises souhaitent vendre directement leurs produits, mais elles rencontrent de nombreuses difficultés.

Le point intéressant est que la France, à travers divers organismes, essaie de promouvoir l’exportation directe des PME et ETI. En d’autres termes, certaines PME et ETI produisent des équipements aptes à l’exportation. Un axe important de la nouvelle stratégie consiste donc à soutenir et encourager ces entreprises à se lancer sur les marchés internationaux.

Aujourd’hui, quel domaine fait le plus défaut à l’industrie française et mériterait des financements, notamment au travers de la plateforme SouvTech Invest ?

Si nous nous focalisons sur de très grandes capacités, il y a des enjeux majeurs. Par exemple, lorsqu’on évoque les drones MALE en France, on se heurte à un problème : nous n’avons pas de drones MALE opérationnels, et l’Eurodrone est en panne. Concernant les capacités de transport stratégique, il est souvent rapporté que nous en manquons cruellement.

Mais ces questions relèvent typiquement du niveau de l’État français, notamment dans le cadre de la FPM (Feuille de route pour les projets militaires) et de la loi de programmation militaire, ainsi que des grands programmes de défense. Quand on parle de défense, on aborde des programmes et des enjeux régaliens que la France doit gérer, notamment avec le concours des grands groupes industriels.

Chez SouvTech, notre vocation est de travailler principalement avec la chaîne de sous-traitance, surtout au stade initial : l’innovation.

Il est crucial de réfléchir aux technologies déterminantes pour demain, telles que l’intelligence artificielle, le quantique, le cyber, les nouveaux matériaux, et le New Space, qui prend de plus en plus d’ampleur. Nous nous concentrons donc principalement sur l’aspect technologique et les start-ups.

L’innovation ne peut pas être strictement dirigée. Bien qu’elle existe, on ne peut pas simplement demander à la DGA (Direction générale de l’armement) ou à l’AID (Agence de l’innovation de défense) de s’en occuper. La DGA a ses propres thématiques et problématiques, et elle suit une partie de l’innovation, mais celle-ci doit également émerger de divers horizons, y compris du secteur civil. L’idée est de financer cet écosystème innovant, qui sera ensuite repris par la DGA et l’AID. Mais au début, il faut que ce soit foisonnant pour bien fonctionner.

Notre objectif est donc de contribuer à la réindustrialisation, en donnant de la visibilité aux grands groupes sur l’augmentation des budgets. Selon la LPM (Loi de programmation militaire), 413 milliards d’euros sont prévus jusqu’en 2030, ce qui montre une volonté accrue d’augmenter les moyens de production. Nous finançons ces entreprises de la chaîne de sous-traitance en complément des acteurs existants.

Nous proposons ainsi le financement participatif, permettant aux Français d’investir directement dans des projets qui les intéressent. Actuellement, ils investissent principalement dans l’immobilier (80%) et dans les énergies renouvelables (20%). Le financement participatif, qui représente 2 milliards d’euros par an, est en forte croissance, car les citoyens souhaitent de plus en plus prendre des décisions directes et placer leur épargne au cœur d’enjeux pertinents pour eux et qui ont du sens à leurs yeux.

L’objectif de SouvTech Invest est de proposer une alternative complémentaire au système de financement actuel, en offrant la possibilité d’investir dans des thématiques liées à la souveraineté nationale, à la protection de la nation, et aux enjeux industriels et technologiques essentiels pour notre sécurité dans un monde incertain.

C’est une thématique parallèle, permettant aux Français de s’investir directement dans la protection de leur pays à travers un investissement direct, clair et engagé.