Le nouveau drone chinois qui change les règles du jeu.
La Chine franchit un nouveau cap en dévoilant ce qui pourrait être la dernière version de son drone de combat de longue endurance, surnommé CH-7 (Caihong-7 ou « Arc-en-ciel-7 »). Avec une capacité de charge utile record de 10 tonnes et une vitesse maximale de 926 km/h, ce drone promet de transformer les stratégies de surveillance, de reconnaissance et de combat aérien. L’apparition de nouvelles images et vidéos de ce mastodonte militaire sur les pistes chinoises a relancé l’intérêt pour cette technologie impressionnante, qui pourrait bien révolutionner le monde des véhicules aériens non habités (UAV).
Une présentation inattendue pour un nouveau colosse autonome : Le CH-7
Les dernières photos du CH-7, montrant le drone en mouvement sur une piste, révèlent un design largement optimisé, avec des ailes allongées et une structure générale plus imposante. Paré d’une couleur jaune pâle — souvent associée aux phases de test en Chine — le CH-7 pourrait être prêt pour des démonstrations en vol d’ici peu. À en juger par ses dimensions augmentées par rapport aux versions précédentes, ce drone pourrait représenter une étape critique pour l’aviation militaire chinoise. Selon les analystes, ce modèle pourrait rivaliser avec certains des drones de reconnaissance les plus avancés au monde.
Des caractéristiques techniques qui repoussent les limites
Les dimensions et les capacités du CH-7 en font un drone d’exception. Mesurant environ 26 mètres d’envergure pour une longueur de 10 mètres, il est capable de transporter jusqu’à 10 000 kg de matériel, incluant des capteurs sophistiqués, des équipements de surveillance, et potentiellement un arsenal de frappe. L’architecture furtive du CH-7, avec son entrée d’air dorsale et sa soute interne, vise à réduire au maximum sa signature radar, le rendant difficile à détecter pour les systèmes de défense.
Caractéristique
Spécification
Envergure
26 mètres
Longueur
10 mètres
Charge utile
10 000 kg
Vitesse maximale
926 km/h
Endurance
Jusqu’à 15 heures
Hauteur maximale
Supérieure à 10 000 mètres
Type de moteur
Turbofan non spécifié
Capacité furtive
Entrée d’air dorsale, signature radar réduite
Missions potentielles : bien plus qu’un simple drone de reconnaissance
Bien que le CH-7 soit principalement conçu pour les missions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR), ses capacités permettent d’envisager des missions de frappe en profondeur. Grâce à son endurance en vol pouvant atteindre 15 heures, ce drone pourrait surveiller des cibles éloignées, pénétrer des espaces aériens hostiles, et transmettre des informations stratégiques en temps réel. Les analystes spéculent également sur la possibilité que le CH-7 soit armé, pouvant ainsi être utilisé comme un outil de dissuasion dans des zones de conflit sensibles, tout en évitant les pertes humaines.
Une technologie en constante évolution inspirée des modèles américains
La première apparition publique du CH-7 remonte à 2018 lors du salon aéronautique Airshow China, où une maquette du drone avait été dévoilée. À l’époque, ce design semblait s’inspirer de l’UCAV américain Northrop Grumman X-47B, mais les versions ultérieures du CH-7 montrent une évolution propre, s’alignant davantage avec d’autres drones chinois comme le GJ-11 « Sharp Sword ». Sa ressemblance avec le RQ-180 en développement aux États-Unis renforce l’idée que la Chine investit massivement dans le développement d’UAV capables de missions complexes et furtives, démontrant ainsi sa volonté de rivaliser avec les grandes puissances mondiales en matière de technologie militaire.
Un potentiel d’exportation qui pourrait bousculer le marché mondial
Le CH-7 pourrait ne pas se limiter à l’arsenal chinois. Des rumeurs évoquent la possibilité que la Chine envisage d’exporter ce modèle de drone, ce qui ferait d’elle un fournisseur incontournable sur le marché des drones militaires. En raison des restrictions imposées par des régimes comme le Missile Technology Control Regime (MTCR) aux États-Unis, plusieurs pays se voient refuser l’accès aux technologies UAV américaines de pointe. Dans ce contexte, le CH-7 pourrait répondre à la demande de nombreuses nations à la recherche de drones avancés pour des missions de surveillance et de défense, ce qui renforcerait l’influence géopolitique de la Chine.
Ce que signifie l’avènement du CH-7 pour l’avenir de l’aviation militaire
L’arrivée du CH-7 pourrait marquer un tournant pour les missions de combat aérien. En redéfinissant les capacités des UAV grâce à des innovations en matière de charge utile, de furtivité et de portée, la Chine projette une nouvelle vision de la guerre et de la surveillance modernes. Si le CH-7 est effectivement mis sur le marché international, il pourrait attirer des acheteurs qui, en raison de restrictions, ne pouvaient pas accéder à des drones de haute technologie. Cet appareil a le potentiel de transformer les opérations militaires en offrant une autonomie accrue et une flexibilité stratégique pour une grande variété de missions.
Cet article explore l’impact de la sortie du CH-7, un drone chinois révolutionnaire, capable de missions de reconnaissance et de frappe, et son potentiel sur le marché international. Avec des caractéristiques exceptionnelles en termes de vitesse, de furtivité et de charge utile, le CH-7 se place comme un acteur majeur dans l’évolution des drones militaires, promettant de modifier les équilibres technologiques et géopolitiques dans un secteur en pleine croissance.
Au salon Euronaval, grand rendez-vous de la marine de guerre, l’armée française a présenté un premier prototype de drone de combat sous-marin aux dimensions impressionnantes.
Dans le grand hall, tous les yeux sont tournés vers lui. Au salon Euronaval 2024 qui se tient jusqu’au 7 novembre à Paris, la direction générale de l’Armement (DGA) a présenté ses dernières innovations, dont une panoplie de drones conçus pour épauler les navires en opération. Parmi eux, un « cachalot » de métal, aux proportions inhabituelles pour ce genre de modèle.
Baptisé UCUV – Unmanned Combat Underwater Vehicle (Véhicule sous-marin de combat sans pilote) – cet engin de 10 tonnes pour 10 mètres de long devrait pouvoir sillonner les mers, scrutant les profondeurs et transmettant de précieuses informations aux bateaux de combat. Il est développé en partenariat avec le géant français de la défense, Naval Group.
L’UCUV a déjà eu droit à une première phase de test sous l’eau. Les principales missions envisagées sont pour l’instant cantonnées à du renseignement.
Le drone dispose d’un sonar et d’une faculté optronique pour détecter des objets et récupérer de l’imagerie. Un « périscope » moderne est déjà positionné sur le toit de l’appareil. D’autres capacités de renseignements sont étudiées, comme l’emport d’un armement, aussi à l’étude, d’après un ingénieur de la DGA avec qui Numerama a pu échanger.
Les drones, nouveau danger des batailles navales
Ce premier prototype du drone peut parcourir les mers pendant plusieurs heures. À terme, l’appareil devrait être assez endurant pour opérer durant des jours, offrant aux forces armées une option pour des déploiements plus longs sur une zone d’intérêt.
La marine française ne dispose pas encore d’un drone sous-marin de référence pour ses forces armées. Plusieurs autres appareils du même ordre étaient présentés autour de l’UCUV, démontrant une volonté d’investir dans une dronisation accrue de la marine.
Les principaux appareils en circulation aujourd’hui sont des navires autonomes ou des drones en forme de torpilles pour détecter et frapper. La France pourrait déployer un arsenal intéressant, à condition que les délais de production soient tenus.
*Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie). Membre du comité des conseillers scientifiques internationaux du CF2R.
Le récent rapport de Sauli Niinistö, ancien président de la Finlande, commandé par Ursula von der Leyen pour évaluer la préparation de l’Union européenne face aux crises et aux conflits, dessine une vision qui pourrait représenter un tournant politique, stratégique et en matière de renseignement pour l’Union européenne.
Politiquement, la proposition de créer un service de renseignement européen démontre une reconnaissance croissante au sein de l’UE de la nécessité de construire une défense intégrée et autonome, réduisant ainsi la dépendance vis-à-vis des États membres et des alliés étrangers, en particulier les États-Unis. La demande d’une structure de renseignement unifiée répond au besoin de défendre le territoire européen contre des menaces internes et externes de manière plus efficace, améliorant la capacité de réponse collective. Cependant, l’idée d’une agence de renseignement centralisée se heurte aux préoccupations de certains États membres, qui pourraient craindre une perte de souveraineté concernant leurs capacités de renseignement et leur sécurité nationale.
D’un point de vue stratégique, la proposition de Niinistö arrive à un moment crucial, avec le conflit en Ukraine qui continue de menacer la stabilité de tout le continent et les activités russes qui demeurent une menace pour les États membres de l’UE. La Russie a intensifié ses opérations de renseignement et de sabotage dans les pays de l’Union, profitant de la fragmentation des réponses des différents pays. Dans ce contexte, la création d’une agence de renseignement européenne pourrait non seulement améliorer le flux d’informations entre les États membres, mais aussi renforcer la résilience contre les attaques informatiques, les sabotages d’infrastructures critiques et les opérations clandestines. La proposition d’un système « anti-sabotage » mentionnée par Niinistö, visant à protéger les infrastructures essentielles, montre comment l’UE évolue vers un concept de défense plus large, qui ne concerne pas seulement la dimension militaire mais aussi la sauvegarde des ressources et des réseaux internes. La guerre en Ukraine a clairement montré la vulnérabilité des infrastructures critiques, comme les gazoducs et les réseaux de communication sous-marins, incitant l’UE à adopter une approche proactive pour éviter d’autres perturbations et interruptions à l’avenir.
Du point de vue du renseignement, le projet de Niinistö s’inspire probablement des modèles déjà utilisés par les alliés occidentaux, comme le réseau des « Five Eyes » entre les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui partagent largement le renseignement pour coordonner leur protection. Bien que l’UE dispose déjà de mécanismes de partage d’informations entre les États membres, l’établissement d’une agence de renseignement pleinement opérationnelle représenterait un changement de paradigme, en consolidant et en standardisant les processus de collecte, d’analyse et de diffusion des informations. Niinistö souligne également la nécessité de renforcer le contre-espionnage au sein des institutions européennes, notamment à Bruxelles, ville devenue un point central pour les opérations de renseignement de nombreuses puissances étrangères, en particulier russes, en raison de la présence des institutions communautaires et d’ambassades. La recommandation d’un service de renseignement européen vise donc non seulement à protéger les citoyens et les infrastructures de l’UE, mais aussi à garantir l’intégrité et la sécurité de ses propres institutions.
Les propos de Niinistö reflètent le besoin croissant de confiance et de coopération entre les États membres, essentiel pour faire face efficacement aux menaces modernes. Cependant, il existe un scepticisme quant à la possibilité de mettre en place une véritable agence de renseignement européenne, car certains États membres considèrent le partage de renseignement comme une question de souveraineté nationale. Von der Leyen a déjà reconnu que la collecte de renseignement est traditionnellement une prérogative des États nationaux, et de nombreux pays pourraient voir d’un mauvais œil une entité supranationale traitant de questions aussi sensibles. Cette réticence souligne une fois de plus les limites de l’UE à surmonter les barrières nationales dans des domaines clés de la sécurité et de la défense, et montre que, bien qu’il y ait une vision claire de renforcement de l’autonomie stratégique, la réaliser sera loin d’être simple. En définitive, le rapport de Niinistö pose les bases d’une discussion critique et nécessaire sur l’autonomie stratégique de l’UE, dans un contexte mondial où la coopération entre les États européens sera cruciale pour faire face aux défis de sécurité posés par les puissances rivales.
Le rapport de Sauli Niinistö et la proposition de créer une agence de renseignement unique au niveau européen offrent de nombreux sujets de réflexion. D’une part, les avantages de cette initiative sont évidents : une agence de renseignement centralisée permettrait à l’Union européenne de répondre de manière plus coordonnée et rapide aux menaces communes, telles que le terrorisme, le sabotage et les opérations d’espionnage. Une structure unifiée pourrait réduire la fragmentation des informations entre les différents services nationaux, garantissant un flux plus rapide et fiable de données stratégiques et opérationnelles. Cela permettrait aux États membres de prendre des décisions éclairées et fondées sur la base de renseignements complets et partagés. Une agence unique pourrait également renforcer la sécurité des institutions européennes, notamment à Bruxelles. En outre, une initiative de ce type représenterait un pas en avant vers l’autonomie stratégique de l’UE, réduisant en partie la dépendance aux informations provenant d’alliés extérieurs, notamment des États-Unis.
Cependant, les inconvénients sont tout aussi importants. Tout d’abord, il existe un problème de confiance : de nombreux États membres pourraient hésiter à partager intégralement leurs informations avec une entité supranationale, craignant des fuites de données ou la possibilité que des informations sensibles tombent entre de mauvaises mains. La tradition historique des services de renseignement nationaux, considérés comme un symbole de souveraineté et de sécurité, pourrait se heurter à l’idée de céder un pouvoir décisionnel et opérationnel à une agence centrale européenne. De plus, la création d’une agence de renseignement commune pourrait ne pas garantir pleinement l’indépendance de l’UE vis-à-vis de l’influence américaine. Au contraire, une structure de renseignement centralisée pourrait faciliter le conditionnement extérieur, car les États-Unis pourraient chercher à établir des relations privilégiées avec l’agence européenne pour garder le contrôle d’informations sensibles et orienter les choix politiques et de sécurité européens. La force de l’alliance transatlantique, consacrée par des décennies de collaboration et de liens économiques et militaires, rendrait difficile pour l’UE de se libérer complètement de l’influence de Washington, qui pourrait exercer des pressions ou accéder indirectement aux informations recueillies par l’agence européenne à travers des accords ou des partenariats bilatéraux.
En définitive, la création d’une agence de renseignement unique pourrait représenter un progrès important pour la sécurité européenne, mais générer également des complexités importantes qui ne doivent pas être sous-estimées. Pour atteindre une véritable indépendance stratégique, l’UE devrait non seulement développer une structure opérationnelle centralisée, mais aussi garantir une protection adéquate contre les interférences extérieures, en maintenant une gestion autonome et confidentielle de ses propres informations. Le succès de ce projet dépendra de la capacité de l’UE à construire une agence qui sache combiner efficacement collaboration et confidentialité, en respectant les souverainetés nationales et en résistant aux possibles conditionnements extérieurs, afin que l’Europe puisse véritablement consolider son rôle d’acteur indépendant et stratégiquement autonome sur la scène internationale.
Une page s’est tournée pour le commandement du renseignement, une autre s’ouvre pour le commandement des actions dans la profondeur et du renseignement (CAPR). Officiellement créé début septembre à Strasbourg, le CAPR et ses trois brigades abordent une nouvelle séquence ponctuée d’enjeux et qui culminera avec l’organisation d’un premier exercice majeur, Diodore 2025.
Réinvestir la profondeur
« Le CAPR est officiellement créé aujourd’hui ». C’est avec ces quelques mots que le commandant de la force et des opérations terrestre, le général de corps d’armée Bertrand Toujouse, actait le 4 septembre à Strasbourg la naissance d’un nouveau commandement alpha au sein de l’armée de Terre. Si le rendez-vous était essentiellement symbolique, il marquait néanmoins un jalon majeur dans un processus engagé il y a environ 18 mois. « Nous franchissons à nouveau une étape », se félicitait le commandant du CAPR, le général de division d’infanterie Guillaume Danès.
Le CAPR, ce sont désormais 15 régiments, unités et centres rattachés à l’état-major ou réunis ou sein de la 4e brigade d’aérocombat (4e BAC), de la brigade de renseignement et cyber-électronique (BRCE) et de la 19e brigade d’artillerie (19e B.ART). Mis sur pied avant l’été, le bataillon de renseignement de réserve spécialisé (B2RS) relève directement de l’état-major installé au quartier Stirn. Idem pour le centre de renseignement Terre (CRT), organisme chargé de la veille et de l’exploitation du renseignement d’intérêt Terre en coordination avec la Direction du renseignement militaire (DRM). Pour tous, l’objectif fixé dès l’origine ne change pas : « proposer des idées pour améliorer la capacité de l’armée de Terre à façonner un adversaire puissant dans la profondeur avant qu’il n’arrive au contact des divisions et brigades interarmes », résume le GDI Danès.
Ce commandement alpha, l’un des quatre récemment créés par l’armée de Terre, a désormais un état-major, un insigne et un fanion tricolore. Trois couleurs pour autant de rappels des brigades qui le composent : le rouge de la 19 B.ART, le bleu clair de la BRCE, le bleu roi de la 4e BAC. Fort de cet amalgame de capacités et de savoir-faire spécialisés, le CAPR devient cet « outil indispensable » destiné à fournir les appui organiques au profit du corps d’armée et de ses divisons et brigades interarmes dans les champs du renseignement, du cyber, de la guerre électronique, des feux dans la profondeur, de la défense sol-air et de l’aérocombat.
Sa zone d’action ? Une frange partant de 50 km après la ligne de contact et s’étendant jusqu’à 500 km sur les arrières de l’ennemi, voire au-delà. Un ennemi capable d’engager plusieurs divisions, soit quelques dizaines de milliers de combattants, et la totalité du spectre capacitaire dont dispose la France et ses alliés. Un ennemi face auquel la France ne s’est plus engagée depuis un quart de siècle, rappelle le GDI Danès en écho à cette préparation « à des temps difficiles » évoquée plus tôt par le chef d’état-major des armées, le général Thierry Burkhard. « L’enjeu de la profondeur est majeur. Il l’est aujourd’hui, comme le démontre tous les jours le conflit ukrainien. (…) Il est en réalité aussi vieux que l’Histoire, tant la profondeur a été le sanctuaire des ressources adverses pour tout pays engagé dans un conflit », rappelait à son tour le GCA Toujouse.
Pour progresser rapidement et de concert, le CAPR mise sur une « Task Force Profondeur » (TF Deep) rassemblant tous les acteurs concernés dans un état-major commun, à contre-courant de l’ensemble de cellules co-localisées mais séparées qui prévalait jusqu’alors. Expérimentale, la structure adopte une configuration unique au sein de l’OTAN. « L’intuition est bonne, je suis sûr que cette Task Force démontrera son efficacité mais il faut encore en apporter la preuve. C’est un nouveau modèle dans l’armée de Terre. L’appropriation par le corps et les divisions prendra du temps et devra démontrer son intérêt par des exercices comme Diodore », concède le général Danès.
Naissance ou renaissance de deux brigades
La matérialisation du CAPR s’est accompagnée de celle de deux de ses trois brigades. Née en 2016, la 4e BAC conserve l’ordre de bataille prévalant depuis le 1er janvier et le rattachement du 9e régiment de soutien aéromobile auprès des 1er, 3ème et 5ème régiments d’hélicoptères de combat. Respectivement créée et recréée, la BRCE et la 19e B.ART agglomèrent quant à elles des unités en provenance de l’ex-COM RENS ou des éléments organiques auparavant subordonnés au deux divisions de l’armée de Terre.
Lointaine descendante de la brigade de renseignement et de guerre électronique, la BRCE rassemble le 2e régiment de hussards, les 44e et 54e régiments de transmissions, la 785e compagnie de guerre électronique et le centre de formation initiale des militaires du rang du domaine du renseignement (CFIM-151e RI). La BRCE hérite de deux missions historiques et d’autant de nouvelles. Traditionnellement, elle aura pour but de commander des unités de renseignement spécialisées dans la détection des menaces que l’ennemi portera sur le dispositif ami et de produire des attaques dans le domaine de la guerre électronique. S’y ajoutent l’identification, la localisation et la destruction de cibles prioritaires dans la profondeur, le tout en coordination avec la 4e BAC et la 19e B.ART, les deux brigades disposant des principaux moyens de frappe dans la profondeur. La lutte informatique offensive (LIO), enfin, entre maintenant dans son périmètre.
Entre le COM RENS et la BRCE, le format diminuera sensiblement. Les 3500 militaires d’avant laisseront place à une brigade plus ramassée d’environ 2500 combattants, la brigade de renseignement « perdant » un 61e régiment d’artillerie et une école des drones rattachés à la 19e B.ART, ainsi qu’un 28e groupe géographique rejoignant la brigade du génie. « Il y a une réflexion en cours sur l’articulation de la chaîne géographique des armées », explique le premier commandant de la BRCE, le général de brigade Vincent Tassel. Pilotée jusqu’à présent par l’état-major des armées, cette chaîne devrait être transférée pour partie à l’armée de Terre, pour partie à la Marine nationale. L’établissement géographique interarmées (EGI) pourrait dès lors devenir un organisme à vocation interarmées à dominante Terre (OVIA-T).
Si le renseignement et la guerre électronique demeurent centraux, « le cyber prend une importance particulière aujourd’hui », note le général Tassel. Certains régiments voient leur domaine de mission évoluer en conséquence. Le 54e RT se voit ainsi confier la mission de la LIO, avec de nouveaux moyens en personnel et en matériels à la clef. Quand cette discrète unité s’avère plutôt tactique et a vocation à accompagner une unité au contact, le 44e RT est quant à lui destiné à armer un bataillon ROEM situé en zone arrière et capable d’agir dans la très grande profondeur. La 785e CGE de Rennes conserve ses deux missions principales, que sont d’inventer et de tester des outils cyber et de guerre électronique. Elle contribue dès lors à la montée en puissance de la LIO.
«La 19e brigade d’artillerie, créée en 1993, est rétablie après 26 années de mise en sommeil», annonçait le GCA Toujouse dans son ordre du jour n°19. Brigade « à haute valeur ajoutée », elle est la seule à disposer de feux longue portée et de moyens d’acquisition dédiés à la contre-batterie au travers du 1er régiment d’artillerie, du seul régiment drones et de renseignement d’origine image – le 61e RA – et du seul régiment de défense sol-air de l’armée de Terre, le 54e régiment d’artillerie. Elle intègre par ailleurs l’école des drones, centre unique de formation et d’expertise dans le segment. À l’heure où le CAPR prenait corps, l’état-major de la 19e B.ART reposait sur une trentaine de militaires. Un format ramassé que la brigade tendra à conserver en écho à l’un de retours d’expérience du conflit russo-ukrainien, celui d’une conversion vers un système de postes de commandement « plus léger, plus réactif, plus furtif et doté de systèmes plus hybrides et redondants », observe son commandant, le général de brigade Marc Galan.
Le général Galan s’est fixé deux objectifs prioritaires. D’une part, la création d’un vrai « esprit brigade » renforcé par l’incorporation effective des unités à compter du 1er novembre. Et, d’autre part, la duplication et l’adaptation des enjeux de synergie et d’innovation poursuivis au niveau supérieur. La 19e B.ART jouera à ce titre un rôle central dans l’accélération de la boucle renseignement-feux dans sa mission d’appui permanent de la manoeuvre aéroterrestre au profit des grandes unités. Elle aura, sans doute plus que d’autres, vocation à s’inscrire dans un environnement interarmées et interalliés. Elle a ainsi reçu pour mission d’armer l’ossature d’une brigade multinationale d’artillerie, autrement dit d’être en capacité d’intégrer des unités alliées similaires. « Il y a un enjeu fort d’interopérabilité lié à la volonté de la France de servir de nation-cadre », relève le général Galan.
Des enjeux capacitaires et de recrutement
La création du CAPR et de ses brigades s’accompagne de nombreuses réflexions capacitaires. À l’exception de l’aérocombat, les différents domaines d’action représentent en effet autant de potentiels à renforcer, d’écueils à combler, voire de capacités à créer de toute pièce. Si les armées ont toujours agi dans le champ électronique, le domaine s’est avéré moins prégnant en Afghanistan, en Irak et au Sahel. « Le retour de la guerre en Europe entre ennemis à parité démontre que la guerre électronique est partout », reconnaît le général Tassel.
Bien qu’engagée après l’éclatement du conflit en Ukraine, l’écriture de la loi de programmation militaire 2024-2030 s’est peu penchée sur la question du spectre électromagnétique. Des discussions sont en cours au sein de l’état-major des armées pour corriger le tir, davantage intégrer le sujet et recréer une trame plus importante à l’échelon interarmées. Un programme d’équipement majeur (PEM) est en cours de déploiement. Il doit doter les armées d’une capacité d’appui électronique via un « système tactique de ROEM interarmées » (SYMETRIE). Preuve du virage engagé, ses cibles ont été augmentées l’an dernier de 49 à 73 cellules de ROEM tactique et de 25 à 36 porteurs pour répondre aux besoin de l’armée de Terre et de la Marine nationale. Porté par le CAPR, le volet terrestre du ROEM s’étend à de nouveaux besoins. Aux systèmes d’interception des signaux radar ou de brouillage des moyens de navigation adverse, par exemple, deux outils que l’armée de Terre entend bien capter.
De nouvelles pistes sont explorées dans tous les domaines, des communications aux drones en passant par les capacités d’aide à la décision. De même, la BRCE s’intéresse de près au monde civil, notamment pour répondre à l’une des grandes difficultés de la profondeur : le renvoi rapide et fiable du renseignement vers l’arrière sans être détecté. « Pour cela, nous parlons de plus en plus d’hybridation des réseaux, cette capacité à basculer de manière fluide des moyens militaires aux moyens civils qui permet parfois de se fondre dans la masse », observe le général Tassel. « J’ai profité d’Eurosatory pour faire la tournée des solutions techniques existantes et leur faire part de notre souhait de les tester l’an prochain », nous glisse pour sa part le patron du CAPR. En ce sens, ce commandement poursuivra son travail d’incubateur du combat dans la profondeur en vérifiant in situ la maturité et la pertinence des solutions « permettant de mieux travailler ensemble ».
L’enjeu relève également des ressources humaines. Si le 2e régiment de hussards recrute sans écueil, « en revanche nous avons plus de difficultés pour la guerre électronique parce qu’il s’agit de métiers très spécialisés », pointe le commandant de la BRCE. Pour ce dernier, il s’agira avant tout de mieux faire connaître des métiers pour lesquels la discrétion est naturellement de mise. En attendant de susciter davantage les vocations, la BRCE tire le meilleur de la montée en puissance de la réserve. Cette brigade a la particularité de disposer d’un état-major tactique de réserve (EMT-R), structure qui a armé l’échelon de commandement du bataillon de cérémonie durant les Jeux olympiques et paralympiques de cet été. « Et puis nous avons un complément de réserve, c’est à dire un certain nombre de réservistes aux compétences bien spécifiques ». Ces profils supplémentaires ne seront pas de trop, la BRCE étant appelée à jouer un rôle central dans la sensibilisation du reste de l’armée de Terre à la résurgence de la guerre électronique. « Tout d’abord, il faut savoir que cette menace existe. Cela peut paraître anodin, mais la guerre en Ukraine nous a incité à remettre de la guerre électronique dans tous nos exercices ». Destiné à se déployer parmi les unités de contact, cet autre espace de conflictualité exige de construire les bons réflexes pour diminuer le rayonnement des postes de commandement ou limiter les communications au strict nécessaire. Ce en quoi l’expertise de la BRCE devient incontournable.
Qu’il s’agisse des frappes dans la profondeur ou de la défense sol-air, la 19e B.ART est sans doute la brigade pour qui la marche capacitaire à franchir est la plus élevée. Pour son commandant, « il faut faire mieux dans tous les domaines. Je vais essayer de faire peser la brigade dans tout le domaine capacitaire, sur tout le spectre DORESE ». La LPM 2024-2030 amène un début de réponse. Ce sont notamment les 13 systèmes appelés à remplacer le lance-roquettes unitaire et les 24 Serval Mistral destinés à recréer une défense sol-air d’accompagnement, deux parcs potentiellement doublés à l’horizon 2035. Ce sont aussi les perspectives de développement de nouvelles munitions longue portée mais pas seulement. Sur les feux, « il faut de la précision, de la vitesse et de la masse, tant en pièces qu’en munitions. La mission de l’artillerie reste bien, dans un premier temps, de sidérer et de neutraliser l’adversaire », pointe un commandant de brigade pour qui il sera impératif de « disposer du panel complet de munitions ».
Selon les cas, la LPM prévoit de renouveler l’existant ou de récupérer un embryon de capacité mais sans pour autant répondre entièrement à la question de la profondeur. Le général Galan se veut pragmatique. « À nous aussi de démontrer notre efficacité et nos compétences », insiste-t-il, tout en rappelant que « la guerre en Ukraine n’est qu’un exemple de conflit, nous aurions tort de ne nous focaliser que sur celui-ci ». Il s’agira d’être force de proposition, d’expérimenter. « Beaucoup de choses vont être explorées, comme les munitions téléopérées, les détachement d’acquisition dans la profondeur ». La brigade ne doit par ailleurs pas être limitée à ses matériels majeurs, elle dispose d’un panel de capacités varié. Le radar COBRA, par exemple, « est un matériel très performant dans la lutte contre les tirs indirects ». Idem pour le système de lutte anti-drones MILAD déployé pendant les JOP 2024.
Quatre missions et un cap
Derrière les traditions, le CAPR s’est vu confier une quadruple mission et un premier cap. Effort prioritaire, l’accélération de la boucle renseignement-feux doit contribuer à prendre l’ennemi de vitesse. « Grand Duc aura montré que le sujet n’est pas tant la liaison entre le renseignement et l’artillerie mais plutôt la précision du renseignement pour garantir la confiance de l’artilleur. Et c’est justement en travaillant ensemble que la confiance s’installera », explique le GDI Danès. Surtout, il faut travailler la prise de décision en état-major car, quand deux minutes suffisent pour remonter l’information au poste de commandement, il faut encore « une vingtaine de minutes minimum pour autoriser le feu ».
Seconde priorité, la coordination des acteurs de la troisième dimension impliquera de « se faire confiance et de voler ensemble». Six mois après l’exercice Grand Duc, l’optimisme reste la norme à la tête du CAPR. « Nous avions fait des progrès très rapides dans le raccourcissement de la chaîne décisionnelle et dans la coordination entre acteurs de la 3D, notamment dans un cadre tactique entre drones belges et hélicoptères français », se félicite son commandant. Depuis, la réflexion a encore évolué pour se concentrer sur la diminution de la ségrégation entre intervenants. « Après 25 années d’opérations extérieures, nous ne faisons pas voler ensemble, au même endroit et au même moment, un drone, une roquette et un hélicoptère », pointe le GDI Danès. Ce qui peut paraître logique pour des raisons de sécurité est en réalité un risque nécessaire « pour être efficace et bousculer notre adversaire ». « Il faut être capable de guider un tir d’artillerie ou un hélicoptère avec un drone », martèle celui pour qui il reste « du chemin à faire » dans la sur-interprétation des règlements et dans l’excès de mesures de protection ».
La troisième priorité « s’impose un peu d’elle-même ». C’est l’intégration interarmes, interarmées et interalliés. « Ce combat dans la profondeur, ce n’est pas que le sujet des trois brigades subordonnées au CAPR. C’est aussi la combinaison d’actions spéciales, de manoeuvres aéromobiles et aéroportées, de tirs de l’armée de l’Air et de la Marine. Et c’est même aussi des actions d’opportunité des unités de renseignement ». Et le spectre peut être élargi à l’influence, à la lutte informatique, bref à tous les espaces de conflictualité. « Le CAPR n’a pas tous les outils en main », souligne son commandant. En l’attente d’un successeur pour le LRU, la France repose en effet sur les alliés pour tirer dans la profondeur depuis le sol et atteindre la ligne des 500 km. Il va donc falloir agir avec les autres. Ce sera l’un des autres objectifs pour les mois à venir : trouver les contacts, ouvrir les bonnes portes, embarquer ou se faire embarquer par les bons acteurs. En interne, ce travail est fait. « L’effort pour moi, c’est d’aller en direction de l’armée de l’Air et de l’Espace, de la Marine nationale, du COM CYBER et des alliés, essentiellement américains », assure le GDI Danès. Jusqu’à imaginer la mise à disposition du CAPR au profit d’un corps d’armée étranger, l’un des scénarios envisagés mais restant à valider. Ainsi, la TF Deep « pourrait être projetée par la France au profit d’un autre corps montant en puissance en début d’opération avant de se constituer, un corps dans lequel une division française pourrait s’insérer par la suite ».
Dernière priorité, la transparence du champ de bataille est finalement loin d’être acquise comme l’a démontré l’Ukraine en déclenchant une offensive en territoire russe cet été. Pour le CAPR, cette capacité à voir avant d’être vu exigera en partie de « faire bénéficier les unités tactiques des moyens stratégiques ». C’est à dire de disposer de certains capteurs de la DRM suffisamment efficaces que pour fournir le renseignement requis par l’échelon tactique. Tant l’imagerie satellitaire que les écoutes conduites aux échelons supérieurs ont gagné en précision et en rapidité de traitement, les rendant intéressantes pour les rythmes adoptés par les brigades et divisions.
« Devant nous, il y a essentiellement ce jalon important fixé en mars 2025 avec la conduite de l’exercice Diodore », annonce le GDI Danès. Rendez-vous de grande ampleur, Diodore amènera un environnement ‘haut’ beaucoup plus complet que lors de Grand Duc, qui se concentre traditionnellement sur l’auto-entraînement des unités de l’ancien COM RENS. « Cette fois, le scénario nous échappe car il est construit par quelqu’un d’extérieur, à savoir le CRR-Fr et le COME2CIA. Nous découvrirons notre adversaire et allons travailler dans un cadre plus stimulant », note-t-il. Le CRR-Fr amènera l’environnement suffisant pour faire travailler la TF Deep, cette unité de circonstance constituée d’éléments en provenance des trois piliers du CAPR. Diodore devrait mobiliser le volume d’une brigade, soit de 4000 à 5000 combattants en partie simulés. L’essentiel se jouera dans l’est de la France parmi les grands camps de Champagne. La manoeuvre sera conduite en deux temps. D’un côté, pour réaliser la mission principale imposée par le CRR-Fr. De l’autre, pour effectuer une dizaine de vignettes permettant de travailler des savoir-faire, des organisations, des procédures spécifiques.
Des synergies à construire aux sauts capacitaires, les défis ne manquent pas pour les prochains mois, les prochaines années. Élevée, l’ambition ne se conçoit pas sans un socle de réalisme. Au sommet du CAPR, le pragmatisme prime : l’essentiel des travaux repose actuellement sur un ensemble d’hypothèses et d’intuitions. À défaut – heureusement – d’engagement majeur, seuls les exercices et expérimentations à venir permettront de confirmer les pistes prometteuses, détecter les corrections nécessaires et, surtout, signaler les impasses. Le CAPR avait dans ce sens mis le pied à l’étrier grâce à Grand Duc. Diodore devrait lui permettre de forcer l’allure.
*L’AASSDN rassemblela communauté du renseignement et renforce ses liens avec l’ensemble des citoyens
Le missile jaillit de son tube et bondit vers le ciel. Une dizaine de secondes plus tard, la cible volante est désintégrée: l’armée française a testé mardi avec succès la future version de son missile anti-aérien, qui doit pouvoir intercepter certains missiles balistiques ou hypersoniques.
Commentaire AASSDN : Ce tir d’essai du nouveau missile anti-aérien franco-italien Aster nouvelle technologie développé par MBDA vise à préparer le remplacement à partir de 2026 du missile Aster déjà en service notamment au sein des armées de Terre et des marines française et italienne. Il a également pour ambition de proposer aux nations européennes une alternative au projet allemand de bouclier anti-missiles, composé de 3 couches de défense dont deux seraient équipées de missiles achetés sur étagères aux Etats-Unis et à Israël. A cet égard, il faut bien comprendre que c’est l’aspect industriel qui guide l’initiative allemande. Pour l’Allemagne le SAMP/nouvelle génération ne permet pas de développer son industrie nationale de missile. Nos voisins d’outre-Rhin ne cherchent pas l’autonomie stratégique en soi si cela ne bénéficie pas à son industrie. A l’heure où l’on parle d’Europe de la Défense ou de défense de l’Europe, il est surprenant que la plupart des pays européens aient déjà fait le choix de s’équiper de matériels développés essentiellement par des pays hors UE. Si ce projet franco-italien ne parvenait pas à s’imposer en Europe, il ne faudrait plus parler d’autonomie stratégique européenne compte tenu de la dépendance de l’étranger dans laquelle demeurerait l’UE et compte tenu du caractère hautement stratégique de ce système d’armes.
Baptisé « opération Mercure », l’essai mené au centre d’essais de la Direction générale de l’armement (DGA) à Biscarosse (Landes, sud-ouest) est le “premier tir de développement de ce que sera le futur missile Aster”, explique la directrice du centre, l’ingénieure de l’armement Corinne Lopez.
Le missile Aster 30 B1NT (nouvelle technologie), qui doit entrer en service en 2026, aura la capacité d’atteindre une cible volant à 25 000 mètres d’altitude à 150 kilomètres à la ronde, selon son concepteur, le fabricant de missiles européen MBDA.
Outre les avions, il aura la capacité d’intercepter des missiles balistiques de moyenne portée, du type de ceux tirés la semaine passée par l’Iran contre Israël, ainsi que les missiles dits hypersoniques, volant à plus de Mach 5 (6 000 km/h).
Pour l’heure, l’exercice se joue avec deux cibles orange volant à près de 900 km/h au-dessus de l’océan Atlantique à 6 000 mètres d’altitude, à une vingtaine de kilomètres de la côte.
Il en faudra plusieurs autres avant que le missile et son système de défense sol-air de moyenne portée (SAMP/T NG, sol-air moyenne portée terrestre de nouvelle génération) entrent en service.
“5, 4, 3, 2, 1… Tir autorisé”, énonce l’officier de conduite d’essai dans la salle d’opérations bardée d’écrans d’où sont surveillées et recueillies les données radar, optique ou de télémesures.
En bord de mer, une batterie de défense sol-air, tubes de lancement pointés à la verticale, déclenche le tir. “A tous, la cible a été touchée”, annonce peu après l’officier sous les applaudissements du ministre des Armées Sébastien Lecornu et de plusieurs parlementaires.
« C’était la première épreuve d’un programme qui est absolument clé (…) un beau succès sur la discrimination de cibles », salue M. Lecornu. Doté d’un nouvel autodirecteur, sorte de petit radar situé dans sa tête, le missile a en effet su faire la différence entre ce qui lui était présenté comme l’aéronef ami et l’autre ennemi.
Espoirs commerciaux
La France est engagée dans un renforcement de sa défense sol-air, domaine délaissé depuis la fin de la Guerre froide. Elle prévoit d’y consacrer 5 milliards d’euros d’ici 2030 et a déjà commandé 8 systèmes SAMP/T de nouvelle génération, qui avec les nouveaux Aster comprendra un nouveau radar et un nouveau système de conduite de tir. Elle doit en commander quatre autres dans les années à venir.
L’Italie, avec qui le programme a été lancé en 2021, doit de son côté se doter de 10 de ces systèmes. Les missiles Aster 30 B1NT équiperont également les frégates françaises et italiennes, ainsi que les pays qui achètent ces navires auprès des deux pays, tout comme certains bâtiments britanniques.
« Les frappes iraniennes sur Israël montrent bien à quel point les menaces balistiques à longue portée sont malheureusement devant nous. La France doit être prête », juge le ministre.
Alors que le système SAMP/T n’a jamais trouvé preneur à l’export, hormis une batterie donnée à l’Ukraine pour l’aider à défendre son ciel face aux bombardements russes, le ministre espère de futurs succès commerciaux, alors que de nombreux pays européens ont opté pour le Patriot américain.
Il s’agit pour Paris et Rome d’offrir une alternative au projet de « bouclier du ciel européen » (ESSI) lancé par l’Allemagne et auquel se sont joints une vingtaine de pays. Celui-ci entend s’appuyer sur les systèmes anti-aériens Iris-T allemand pour la défense sol-air courte portée, Patriot américain pour la moyenne portée et américano-israélien Arrow-3 pour la longue portée.
Avec le futur missile Aster, espère Sébastien Lecornu, « on est en train d’avoir un saut technologique suffisamment fort pour permettre à une partie de l’Europe d’acheter franco-italien et d’avoir une solution complètement souveraine », à 100% européenne.
Dépêche AFP – 08/10/2024 à 14:18
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Les trois services de renseignement allemands, qui étaient auditionnés, ont tous mis en garde contre le danger croissant de la menace russe qui se déplace «d’est en ouest».
La Russie sera «probablement» en mesure d’attaquer l’Alliance nord-atlantique à partir de la fin de l’actuelle décennie, ont averti ce lundi les services secrets allemands en mettant en garde contre le «niveau inédit» des actes d’ingérence actuels de Moscou. «En termes humains et matériels, les forces armées russes seront probablement en mesure de mener une attaque contre l’Otan dès la fin de cette décennie», a estimé le patron des services d’espionnage et contre-espionnage allemands (BND), Bruno Kahl, lors d’une audition publique à la chambre des députés. Selon lui, «un conflit militaire direct avec l’Otan devient une option pour la Russie».
Les trois services de renseignement allemands, qui étaient auditionnés, ont tous mis en garde contre le danger croissant, selon eux, représenté par les activités des services secrets russes dans le pays. La présidente du service de contre-espionnage militaire, Martina Rosenberg, a fait état d’une «augmentation significative des actes d’espionnage et de sabotage» visant l’armée allemande. «L’espionnage et le sabotage russes augmentent en Allemagne, tant quantitativement que qualitativement», a abondé le chef du Renseignement intérieur, Thomas Haldenwang.
«un véritable ouragan»
Le chef du Renseignement intérieur a accusé Moscou d’être derrière le cas d’un colis qui a pris feu dans un centre du transporteur DHL à Leipzig (est) en juillet. Si le colis «avait explosé à bord pendant le vol, il y aurait eu un crash», a-t-il dit, mentionnant aussi des campagnes de désinformation et des cas d’utilisation de drones espions. De «tempête», la menace russe est «devenue un véritable ouragan» qui se déplace «d’est en ouest», a-t-il ajouté dans une métaphore avec les Etats baltiques et la Pologne, où les actions russes «sont beaucoup plus brutales qu’elles ne le sont actuellement ici».
«Moscou se prépare à une escalade de plus en matière d’actions hybrides et secrètes», a estimé Bruno Kahl. Avec des actes d’ingérences qui ont atteint un «niveau inédit», le Kremlin veut «tester les lignes rouges del’Occident», a estimé le directeur des services secrets. Le gouvernement allemand a annoncé mercredi en parallèle des mesures visant à renforcer les contrôles de sécurité, notamment sur les réseaux sociaux, face aux risques accrus d’espionnage dans les ministères et de sabotage d’infrastructures critiques.
Des documents divulgués par le site américain The Gray Zone[1] révèlent qu’avant le renversement de la Première ministre bangladaise Sheikh Hasina, l’International Republican Institute (IRI), financé par le gouvernement américain, a formé une armée d’activistes, y compris des rappeurs et des membres de la communauté LGBT. L’IRI a même organisé des « performances de danse transgenre » pour atteindre un « changement de pouvoir » au niveau national. Les membres du personnel de l’Institut ont déclaré que ces activistes « coopéreraient avec l’IRI pour déstabiliser la politique du Bangladesh ».
Le 5 août, après des mois de manifestations violentes dans les rues, la Première ministre élue ; Sheikh Hasina ; a été renversée. Lorsque l’armée a pris le pouvoir et annoncé la mise en place d’une « administration intérimaire », des vidéos ont montré Hasina fuyant vers l’Inde à bord d’un hélicoptère. Alors que des foules d’étudiants manifestants envahissaient le palais présidentiel, les médias occidentaux et leurs consommateurs progressistes célébraient cette rébellion, la présentant comme une défaite décisive du fascisme et le rétablissement de la démocratie.
Le successeur de Hasina, Muhammad Yunus, est un ancien membre de la Clinton Global Initiative et a reçu un prix Nobel pour avoir développé le microcrédit, une pratique controversée. Yunus a salué le mouvement de protestation « minutieusement conçu » qui l’a propulsé au pouvoir. Hasina, quant à elle, a accusé Washington de travailler pour la déloger en raison de son refus présumé de permettre l’installation d’une base militaire américaine au Bangladesh. Le département d’État a rejeté ces allégations comme étant « risibles », affirmant que les États-Unis n’étaient pas impliqués dans la démission de Hasina. Pourtant, Jeffrey Sachs, lors d’une de ces interviews mi-août avait déjà signalé la responsabilité de Washington dans cet événement[2].
Cependant, les documents divulgués et examinés par The Grayzone confirment que le département d’État était informé des efforts de l’IRI pour atteindre un objectif explicite : « déstabiliser la politique du Bangladesh ». Ces documents sont marqués comme « Confidential » ou « Restricted ».
L’IRI, une organisation dirigée par le Parti républicain et affiliée à la National Endowment for Democracy, a soutenu de nombreuses opérations de changement de régime dans le monde entier depuis sa création sous la direction de William Casey, alors directeur de la CIA.
Les nouveaux fichiers révèlent comment l’IRI a dépensé des millions de dollars avant le renversement de Hasina pour former secrètement des partis d’opposition et établir un réseau d’activistes afin de préparer le changement de régime, en recrutant principalement parmi la jeunesse urbaine du pays. Parmi les « soldats de première ligne » de l’IRI figuraient des rappeurs, des leaders de minorités ethniques et des activistes LGBTQI, tous formés pour faciliter ce que l’IRI appelait un « changement de pouvoir » au Bangladesh.
L’IRI, qui opère à Dhaka depuis 2003, prétend travailler pour aider les partis politiques, les responsables gouvernementaux et les groupes marginalisés à revendiquer leurs droits. Cependant, les documents montrent que l’institut a en réalité financé et formé une large structure politique parallèle, composée d’ONG, de groupes activistes, de politiciens et même d’artistes, visant à susciter des troubles si le gouvernement bangladais refusait de se conformer aux attentes américaines.
L’article conclut en critiquant les actions de l’IRI, en les assimilant à d’autres tentatives américaines de changements de régime dans d’autres pays, tout en soulignant que la situation actuelle au Bangladesh pourrait favoriser un retour à l’influence américaine.
Bipeurs piégés au Liban : comment l’armée française protège son matériel
L’attaque sans précédent contre les appareils de communication du Hezbollah a révélé la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement. Une alerte que la France doit considérer.
Improbable mais pas impossible… L’explosion téléguidée de bipeurs et de talkies-walkies au Liban a mis en lumière la vulnérabilité des équipements de communication, qui peuvent être altérés et transformés en armes de destruction. Les 17 et 18 septembre 2024, des centaines d’appareils de radiomessagerie utilisés par le Hezbollah ont explosé au même moment, tuant au moins 37 personnes et blessant près de 3 000 autres.
Selon le New York Times, les services secrets israéliens seraient parvenus à intercepter les bipeurs avant leur arrivée au Liban et à cacher de petites quantités d’explosifs et un détonateur à côté de la batterie.
La chaîne d’approvisionnement de l’armée française n’est bien entendu pas comparable à celle d’une organisation comme le Hezbollah. Pour autant, le risque de sabotage des équipements de nos militaires n’est pas à écarter, comme l’a lui-même affirmé le ministre des Armées Sébastien Lecornu, le 25 juin dernier, face aux sénateurs de la commission d’enquête sur les ingérences étrangères.
« La menace de sabotage est réelle »
« Toutes les usines fabriquant des équipements de caractère militaire ou [qui sont] intéressants à la défense nationale, au sens large, sont régulièrement contrôlées. Surtout depuis le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine », explique le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale. Sur la chaîne de montage du canon Caesar, symbole du soutien militaire de Paris à Kiev, le ministère a demandé au fabricant KNDS de dupliquer ses outils, au cas où l’un soit pris pour cible. Entre 2022 et 2024, une cinquantaine d’entreprises françaises de défense ont subi diverses attaques, allant des cyberintrusions aux cambriolages ciblés.
« Dans le contexte international actuel, la menace de sabotage est réelle », reconnaît la direction du renseignement et de la sécurité de la Défense (DRSD). Si les grandes entreprises de notre base industrielle et technologique de défense – Dassault, Thalès ou encore Safran – ont développé en interne des capacités importantes de protection, cela est moins vrai pour les plus petits sous-traitants, qui sont visés par 80 % de ces offensives. Mais un scénario à la libanaise pourrait-il avoir lieu en France ? A priori non.
Premièrement, le processus d’acquisition d’équipements des armées françaises répond à une procédure de contrôle de conformité basée sur des critères extrêmement stricts. Les forces armées n’utilisent pas de talkies-walkies, et encore moins des bipeurs. La gamme de postes radio de quatrième génération, actuellement déployée dans les armées françaises, et la gamme Contact, qui devrait la remplacer, ont été conçues et produites en France par Thalès.
Comme la plupart des autres équipements de l’armée française, ces postes radio sont soumis, lors des phases de conception, production, livraison, stockage, utilisation et démantèlement, à la réglementation sur la protection du secret de la défense nationale. « S’agissant de systèmes de communication, ils font également l’objet d’une traçabilité spécifique », précise le ministère des Armées. Ensuite, les actions de renseignement conduites par la DRSD ont permis jusqu’ici de détecter et d’entraver les projets ennemis.
Soupçons de sabotage dans une base militaire allemande
Néanmoins,le ministère des Armées se tourne de plus en plus vers des fournisseurs étrangers, selon un rapport d’information de la commission de la défense nationale et des forces armées publié en 2020. C’est le cas, en particulier, pour le marché de l’arme individuelle future : le HK 416 de la société allemande Heckler und Koch a été retenu en 2016 face au fabricant stéphanois Verney-Carron pour remplacer le célèbre FAMAS.
Mi-août, une base militaire allemande, située à proximité de l’aéroport de Cologne, a temporairement été fermée, à la suite de soupçons de sabotage sur son approvisionnement en eau. Ces derniers mois, plusieurs pays tels que la Pologne, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la République tchèque ont signalé des incidents.
Tous ces événements, ainsi que les explosions des bipeurs et talkies-walkies du Hezbollah, montrent les risques, notamment sur les chaînes d’approvisionnement. L’Europe est particulièrement concernée en raison de la multiplication des acteurs impliqués.
En mars 2024, la Commission européenne a dévoilé la première stratégie industrielle de défense et un nouveau programme pour l’industrie de la défense. Les États membres sont invités à acquérir au moins 40 % des équipements de défense de manière collaborative d’ici à 2030. Une chaîne d’approvisionnement n’est jamais plus solide que son maillon le plus faible.
L’auteur s’exprime à titre personnel. Colonel de la gendarmerie nationale, Florian Manet est essayiste, expert en sûreté globale, chercheur associé à la Chaire « Mers, Maritimités et Maritimisation du monde » de Sciences Po Rennes. Auteur du « Crime en bleu. Essai de Thalassopolitique » publié aux éditions Nuvis (2018), il publie un nouvel ouvrage intitulé « Thalassopolitique du narcotrafic international, la face cachée de la mondialisation » aux éditions EMS avec le soutien financier et scientifique de la Fondation de prospective maritime et portuaire SEFACIL et avec le partenariat opérationnel d’IRENA GROUP et de « Global Initiative Against Transnational Organized Crime » (GI-TOC). Cet ouvrage est préfacé par le général de corps d’armée (Gendarmerie) Jean-Philippe Lecouffe, directeur exécutif adjoint en charge des opérations à EUROPOL, l’agence européenne de police, tandis que Pierre Verluise, docteur en Géopolitique et fondateur du Diploweb.com clôture par la post-face cette réflexion géopolitique thalassocentrée.
Comment le narcotrafic s’inscrit-il dans la dynamique du commerce international tributaire de la mer ? Opacifiant ses opérations logistiques dans le gigantisme des flux marchands, le narcotrafic y trouve opportunément un levier démultiplicateur de puissance et d’influence en facilitant l’expédition de fret illicite de manière massifiée sur des liaisons intercontinentales. La souplesse apportée par la navigation et les vecteurs maritimes est un atout majeur lui laissant le choix de l’autonomie stratégique ou de la contamination des chaînes logistiques internationalisées. Par là-même, ces pratiques illicites exploitent les lacunes des dispositions juridiques balisées par des conventions internationales et de leurs applications régionales. Elles invitent instamment à évaluer les enjeux de sécurité nationale dans un contexte de montée des tensions internationales qui trouvent aussi à s’exprimer sur les espaces maritimes.
INTERCEPTION de go-fast en mer des Caraïbes ou au large d’Algésiras en Espagne, saisie de centaines de kilogrammes de cocaïne dans des conteneurs dans le port d’Anvers, découverte de ballots à la dérive au large des côtes normandes… Ces cas d’usage quotidien constituent autant d’illustrations concrètes d’une maritimisation galopante du narcotrafic international. En effet, ce commerce illicite est avant tout une affaire de logistique : il convient d’approvisionner des marchés de consommation toujours plus demandeurs de produits stupéfiants ou de substances psychotropes. A ce titre, ce segment s’inscrit dans la dynamique irréfragable du commerce international dont près de 90 % des flux empruntent la voie maritime. Comprendre les processus logistiques développés par les organisations criminelles, c’est s’immerger pleinement dans les rouages complexes d’un commerce globalisé tributaire du vecteur maritime. C’est aussi appréhender les enjeux de sécurité nationale confrontée à des menaces hybrides s’exprimant au cœur des chaînes d’approvisionnement et sur les espaces maritimes. C’est enfin s’interroger sur l’« infrastructuration » des relations internationales au travers du rôle joué par les ports maritimes et fluviaux ainsi que par les flottes marchandes qui relient les continents les uns aux autres.
Cette géoéconomie souterraine particulièrement dynamique s’inscrit dans la logique irrésistible de maritimisation des activités humaines et du commerce international (1). Pénétrer les chaînes logistiques internationalisées (2) est dès lors le critère de succès des acteurs illicites, éprouvant les dispositions protectrices du droit international.
1. La maritimisation des trafics illicites est-elle irrésistible ?
L’éminent géographe portuaire, Alain Vigarié [1], énonce qu’« Il faut avoir présent à l’esprit que la maritimisation du monde est un phénomène irréversible et croissant ; les nations se tournent de plus en plus vers la mer ; elles développent sans cesse leurs intérêts ». Cette vérité s’applique assurément aux velléités criminelles qui transparaissent dans le narcotrafic. Le recours à la mer est un démultiplicateur de puissance (11) qui apporte la sécurité aux trafics illicites (12).
11. Un démultiplicateur de puissance en réponse à un marché des drogues en expansion
Les organisations criminelles contemporaines spécialisées dans le narcotrafic s’inscrivent totalement dans une logique de développement commercial. Avide de gain et d’influence, elles ne peuvent se détourner durablement des capacités jugées infinies qu’offrent les espaces océaniques comme les vecteurs maritimes, du simple bateau pneumatique hors-bord au super tanker sans oublier les flottilles de pêche côtière comme hauturière. Le narcotrafic constitue une illustration parfaite de cette maritimisation de la criminalité organisée. Il considère les vecteurs maritimes comme un démultiplicateur de ses capacités et, partant, de son profit.
La logistique du commerce international, critère de succès
En effet, le narcotrafic international est par nature fortement contraint par la dimension logistique qui commande l’exportation des produits illicites vers les zones de consommation souvent distantes d’aires de production très localisées. Il s’agit alors de concevoir la manœuvre d’expédition du produit transformé de la zone de culture ou des laboratoires de raffinage vers les marchés de consommation. La chaîne logistique est bien souvent multimodale, combinant le transport à dos d’homme dans la forêt équatoriale, dans des pirogues ou des barges sur l’Amazone, puis la voie routière à destination des quais de chargement portuaire et, enfin, la voie maritime. Le conditionnement des substances illicites s’avère très souple et modulable en fonction du contenant envisagé. Il se présente sous la forme de colis isolés de l’ordre du kilogramme rassemblés dans des sacs de sport ou des ballots d’une centaine de kilogrammes. Ainsi, la nature du fret maritime facilite grandement l’opacification des substances illicites dans le gigantesque flux mondial des marchandises et des vecteurs maritimes. Elles peuvent, par exemple, être dissimulées dans des conteneurs « équivalent vingt pieds » [2], dans des cargaisons de fruits et légumes, des caches aménagées dans des troncs d’arbre évidés ou dans des engins de chantiers ou des véhicules destinés à l’exportation. L’imagination des narcotrafiquants est sans limite comme en témoignent les torpilles soudées sur la coque du navire ou les flottilles de narco-sous-marins (narco-submarine) qui appareillent depuis les rivages sud-américains à destination des États-Unis ou de la Péninsule ibérique. Le transport maritime se caractérise avantageusement par la massification du fret transporté et sa grande modularité. Bon marché en comparaison de l’aérien, la contrainte majeure demeure, néanmoins, le temps de navigation qui impose l’immobilisation d’un capital important. Il faut compter une vingtaine de jours de mer pour rallier la Rangée nord-européenne depuis les ports brésiliens, le triple pour une transpacifique à la voile entre Panama et l’Australie par exemple selon les saisons.
La souplesse de la navigation maritime épouse les exigences des trafics illicites
Les espaces océaniques sont des voies d’acheminement privilégiées et parfaitement adaptées au regard des quantités à transporter à l’échelle mondiale estimée à plusieurs milliers de tonnes par an. A titre de comparaison, une « mule » transporte, à chaque voyage, quelques centaines de grammes de cocaïne in corpore. En fonction de leurs velléités, les organisations criminelles sont confrontées à deux modalités de transport pour leurs expéditions :
. la sous-traitance : il s’agit de « contaminer », c’est-à-dire, à l’insu de l’équipage ou du chargeur, insérer des substances illicites à bord du navire, dans ses superstructures ou dans le fret transporté. Cette opération complexe suppose de pénétrer dans des zones réservées et, bien souvent, de corrompre des acteurs de la chaîne logistique ou des autorités publiques. Dans ce contexte, les coûts de transport se réduisent aux charges des personnels associés ou « fidélisés »,
. l’autonomie stratégique : elle consiste dans l’affrètement de flottilles dédiées composées de voiliers, de navires de commerce de deuxième voire troisième main (remorqueur, vraquier, …). Ce mode d’action exige le recrutement préalable de gens de mer fidélisés et compétents. Ces navires affrétés empruntent des routes maritimes soit conventionnelles, les « autoroutes des mers », en se fondant dans le flux commercial, soit des routes secondaires se mêlant dans le flux régional.
Le recours à la voie maritime procure un sentiment de sécurité offert par l’immensité océanique et des commodités logistiques facilitant l’expédition d’un fret massifié. Ils sont, donc, parfaitement intégrés à la chaîne de valeur des substances illicites. Ils en démultiplient la valorisation en sécurisant la mise sur le marché. Ainsi, les océans sont à la fois vecteurs du fret et, plus rarement, zones de stockage par immersion de produits au large des côtes.
12. Une sécurité logistique diminue la prise de risque financier
La transport maritime est une modalité logistique adaptée à des expéditions de fret massifié, bien souvent conteneurisé, permises sur de longue distance, en sécurité. Le commerce international poursuit ainsi l’unification du monde, facilitant l’échange de biens entre continents et accroissant le volume des marchandises échangées. Dans ce contexte, les organisations criminelles y voient aussi une dissimulation possible et une sécurité accrue du transport du fret illicite assurée dans le gigantisme des flux dont seulement 2 % [3] serait contrôlés effectivement. Sur l’espace européen, 10 % des conteneurs originaires d’Amérique du Sud seraient inspectés [4]. Précisons qu’en terme de volume, un quart des marchandises arrivent dans les grands ports maritimes européens sous forme conteneurisée soit plus de 100 millions d’unité par an. 80 % du flux est traité par 20 % des ports européens, en particulier ceux de la Rangée Nord-européenne. Il faut avoir présent à l’esprit la réalité matérielle à laquelle sont confrontées les autorités publiques. Un navire marchand d’une capacité moyenne de 20 000 « équivalent vingt pieds » ou « boites » correspond à un équivalent ferroviaire de 120 kilomètres soit … la distance séparant Paris d’Orléans. Cette transcription sur une modalité de transport terrestre illustre simplement le défi du contrôle physique des flux conteneurisés soumis, par ailleurs, à la pression du temps.
2. Comment pénétrer les chaînes logistiques mondialisées ?
Lutter contre le narcotrafic, c’est aussi appréhender les réglementations, les procédures et les réalités opérationnelles en vigueur au sein de chaînes d’approvisionnement globalisées et multimodales. Il s’agit alors pour les narcotrafiquants de contaminer les circuits logistiques (21) en éprouvant les protections juridiques (22).
21. Les techniques de contamination des chaînes logistiques maritimes
Ainsi, les techniques de contamination du fret maritime sont multiples :
1. Le conditionnement du produit aux fins de sa dissimulation dans le fret licite selon des techniques aussi sophistiquées qu’audacieuses et son introduction, ensuite, au sein de la cargaison ou dans les superstructures du navire.
2. La contamination de la cargaison licite par les substances illicites avant le dépotage du conteneur sur un quai de chargement portuaire.
3. « Rip on, Rip Off ». Le processus opérationnel est le suivant. L’organisation criminelle parvient à pénétrer les espaces portuaires. Puis, elle accède à un conteneur par effraction du sceau douanier. Elle y dépose, au milieu de la cargaison, de la drogue conditionnée dans des sacs de sport ou autre contenant de même nature. Cela nécessite de prévoir deux nouveaux sceaux douaniers. Un premier pour la fermeture du conteneur au port départ. Un deuxième pour sa fermeture au port arrivée.
4. L’intégration de colis dans les superstructures du conteneur. Les trafiquants s’efforcent de glisser dans les superstructures du conteneur (parois, plancher ou plafond) ou dans le local technique des conteneurs frigorifiques (reefers) donnant accès au système de réfrigération.
S’en suit alors une manœuvre de corruption de l’équipage afin qu’il accepte le fret illicite à bord, à l’insu de l’armateur.
5. L’insertion de la cargaison illicite dans les superstructures d’un navire. Une autre méthode consiste à approcher le navire, en discrétion, au mouillage et à y insérer des produits conditionnés dans des sacs étanches. Un navire de commerce regorge de possibilités dans les superstructures. Cette manœuvre peut, aussi, être rendue possible par la participation de l’équipage. S’en suit alors une manœuvre de corruption de l’équipage afin qu’il accepte le fret illicite à bord, à l’insu de l’armateur. Charge, ensuite, aux marins de dissimuler le produit à bord. Ce système nécessite au préalable la connaissance de la route maritime de ce vecteur et, principalement, de convenir des conditions de récupération du produit au port de destination. Deux scénarii sont envisageables : soit une récupération en mer dans les mêmes conditions ( « Drop off ») que lors du transit du navire, soit directement dans un conteneur sur le quai de chargement ;
6. Les opérations en mer : le Drop Off.Il s’agit pour des trafiquants à bord d’un semi-rigide d’approcher un navire en mouvement. Cette opération se déroule, bien souvent, dans les eaux territoriales au large d’une aire de consommation. D’autre part, les produits illicites conditionnés de manière étanche peuvent, aussi, être passés par dessus bord, dérivant avant que d’être récupérés par une équipe complice en mer.
Ainsi, les côtes françaises de la Manche et de la mer du Nord sont régulièrement le théâtre de manœuvre de Drop Off. Certaines sont de véritables et cuisants échecs à l’image du mois de février 2023 où plus de 2 tonnes de cocaïne ont été découvertes échouées sur les plages de la Manche. Les produits étaient conditionnés dans des sacs étanches solidarisés à l’aide de cordages, munis de gilets de sauvetage et de bidons vides, garantissant la flottabilité requise. Des dispositifs de géolocalisation ont été retrouvés dans ces paquets étanches. Lors de patrouilles aériennes, des sacs vides de type « big bag » ont également été détectés.
Ces opérations complexes nécessitent une rigoureuse préparation en amont, la sélection préalable de compétences maritimes (plongeurs, propulsistes…), une étude précise du vecteur cible et de sa cinématique maritime sans omettre les scenarii d’introduction et de récupération du fret illicite dans les ports départ puis arrivée. Les besoins préalables en renseignement sur l’identification du navire cible, les mesures de coordination sur deux voire trois continents, la mobilisation de compétences rares et de matériels spécifiques et leur projection au port départ / arrivée, l’immobilisation sur de longue période d’un capital financier important démontrent la puissance des organisations criminelles impliquées dans ces trafics d’envergure internationale. Ils disent, aussi, le faible nombre d’impétrants capables d’agir dans la cour des très grands.
Les modes opératoires sont adaptés aux réalités du terrain et aux flux maritimes. Ainsi, l’Observatoire de la Criminalité Organisée de l’Équateur, a identifié des variantes selon les ports de ce pays de transit fortement exposé : . Port de Manta : Rip-on/ Rip-off sur le vrac, la pollution étant réalisé en amont du port ; . Port de Bolivar (El Oro) : usage des doubles fonds des conteneurs de fruits et légumes à destination des États-Unis et de l’Europe ; . Port de Contecon (Guayaquil) : tous les modes opératoires sont rencontrés, notamment du fait de l’accessibilité aisée aux installations portuaires.
22. Le droit international de la mer à l’épreuve du narcotrafic
Quel que soit le mode opératoire retenu, ces manœuvres de contamination du fret maritime interroge sur la sûreté des installations portuaires comme des vecteurs. Plus largement, la question de la sûreté globale du commerce international est posée dans un contexte où les rivalités interétatiques comme la menace terroriste sont évaluées comme très importantes. Comment justifier alors que des conteneurs scellés puissent être ainsi ouverts sur des quais ou à bord de navire ? Comment expliquer que des colis soient insérés dans la superstructure du navire marchand à l’insu de l’équipage ou des personnels en charge de la sécurité des installations portuaires ? Le problème prend encore davantage d’acuité si l’on remplace les produits stupéfiants par des substances explosives ou chimiques. Ou encore, si l’on envisage le scénario d’embargos qui restreignent l’emport de certains types de produits nommément définis.
Le droit maritime s’est très vite emparé des problématiques de sécurité liées aux risques d’origine naturelle et ceux en lien avec la navigation maritime (réglementation du nombre de gilets et de dromes de sauvetage au pro rata du nombre de passagers et de membres d’équipage). Par différence, les premières références normatives dédiées à la sûreté maritime c’est-à-dire la malveillance humaine se font jour, uniquement, à la fin du XXème siècle à la suite d’un épisode malheureux qui a cristallisé la coopération internationale : le détournement de l’Achille Lauro [5]. Cet événement a donné lieu à la Convention de Rome dite SUA (« Suppression of Unlawful Acts against the Safety of Navigation ») relative à la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, enrichie de protocoles additionnels [6]. Signée en 1988, elle vise la capture d’un navire par la force, les voies de fait contre les personnes se trouvant à bord comme l’introduction à bord de dispositifs propres à détruire ou endommager le navire.
Même si le terrorisme s’était déjà manifesté sur mer [7], cette menace est clairement prise en compte dans les années 2000 dans le sillage de l’attentat visant le Limburg [8] et les attentats du 11 septembre 2001. Ainsi, la Convention SOLAS intègre dans son chapitre XI-2 le Code ISPS (International Ship and Port Facilities Security) entré en vigueur le 1er juillet 2004. S’imposant à tous les acteurs de la navigation maritime internationale, ce code vise à garantir un niveau de sûreté élevé aussi bien sur les installations portuaires qu’à bord des navires appareillant sur des liaisons internationales. De ce fait, même si le terrorisme est visé en priorité, le narcotrafic n’en éprouve pas moins quotidiennement ces dispositions réglementaires et leurs applications sur le terrain. Ce test grandeur nature invite à une réflexion approfondie de la sûreté du transport maritime.
Ces conventions internationales ont été complétées par des réalisations régionales qui démontrent l’adaptation des règles de droit et la définition d’outils de sûreté internationaux dans le but de contrecarrer les velléités criminelles. Il s’agit, alors, de concilier les principes fondamentaux du droit international de la mer avec les réalités d’États souverains fragiles ou de taille critique [9]. Ceux-ci sont amenés à partager leur compétence répressive avec de grandes puissances implantées dans la région. Ainsi, les accords de San José de Costa Rica résultent des accords d’Aruba signés le 10 avril 2003 entre les États caribéens et les États européens implantés dans la région. Ils s’inscrivent dans le cadre du renforcement de la coopération en vue de la répression du trafic illicite de produits stupéfiants et de substances psychotropes par voie maritime comme aérienne dans les Caraïbes. Conséquence directe de l’article 17 de la convention de Vienne [10], ils facilitent la détection, l’identification, la surveillance comme l’interception des navires suspects grâce à une coopération opérationnelle renforcée. Ces textes adaptent l’exercice de la souveraineté nationale dans une zone où les frontières maritimes sont très ténues. Des aménagements dérogatoires du droit de la mer ont, ainsi, été négociés en matière de droit de poursuite, d’arraisonnement de navire ou encore d’usage des armes. De plus, des accords bilatéraux promus par les États-Unis d’Amérique dès 1999 ont été signés avec une majorité d’États caribéens. En vertu de « shiprider agreements », les garde-côtes américaines patrouillent ainsi dans les eaux territoriales d’États-tiers et contribuent à la sûreté des espaces océaniques. De manière très opérationnelle, ces accords sont complétés par les « hot pursuit agreements » qui les autorisent à prolonger la poursuite d’un navire suspect dans les eaux territoriales sans la présence à bord d’un représentant de cet État souverain [11].
Au total, un corpus normatif s’est développé autour de ce texte fondateur de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer. Il vise à prendre acte des évolutions sécuritaires récentes observées sur les eaux du globe. Cependant, les opérateurs illicites ne sont pas … signataires de ces conventions internationales et, donc, peu impliquées par ces objectifs universels.
Ainsi, le narcotrafic s’inscrit totalement dans la dynamique du commerce international tributaire de la mer. Opacifiant ses opérations logistiques dans le gigantisme des flux marchands, il y trouve opportunément un levier démultiplicateur de puissance et d’influence en facilitant l’expédition de fret illicite de manière massifiée sur des liaisons intercontinentales. La souplesse apportée par la navigation et les vecteurs maritimes est un atout majeur lui laissant le choix de l’autonomie stratégique ou de la contamination des chaînes logistiques internationalisées. Par là-même, ces pratiques illicites exploitent les lacunes des dispositions juridiques balisées par des conventions internationales et de leurs applications régionales. Elles invitent instamment à évaluer les enjeux de sécurité nationale dans un contexte de montée des tensions internationales qui trouvent aussi à s’exprimer sur les espaces maritimes.
Quels sont ces opérateurs criminels particulièrement dynamiques et entreprenants ? Comment sont-ils organisés ? Comment ont-ils su maritimiser leurs modes d’action et leurs organisations ?
[1] Né le 20 janvier 1921 au Havre, mort le 21 décembre 2006. Ce géographe français s’est spécialisé dans la géostratégie des océans. Il a fixé sa réflexion innovante dans de nombreux ouvrages et articles.
[2] Ou EVP ou Équivalent Vingt Pieds (en anglais TEU : Twenty-Foot-Equivalent Unit) est une unité de mesure internationale définissant une longueur normalisée de 20 pieds pour les conteneurs (longueur : 6,058 mètres – largeur : 2,438 mètres et hauteur de 2,591mètres).
[3] EU Commission – EU Science Hub, Monitoring container traffic and analysing risk, https://joint-research-centre.ec.europa.eu/scientific-activities-z/monitoring-container-traffic-and-analysing-risk_en,
[4] Europol, Report of meeting with Security Steering Committee of the ports of Antwerp, Hamburg/Bremerhaven and Rotterdam, La Haye, 25/01/2023.
[5] Navire à passagers détourné, en mer Méditerranée, le 7 octobre 1985, par des terroristes du Front de Libération de la Palestine.
[6] Comme en 2005, le protocole relatif à la sécurité des plates formes fixes situées sur le plateau continental.
[7] Le mouvement palestinien, l’IRA ou les Tigres tamouls.
[8] Attaque d’un pétrolier français par un bateau-suicide dans le golfe d’Aden le 6 octobre 2002 revendiquée par l’Armée islamique d’Aden-Abyane.
[9] La configuration de l’espace caribéen offre de très nombreuses facilités pour les malfaiteurs et confronte les services répressifs à d’insolubles problèmes. Certains États possèdent des centaines îles ou îlots. Ainsi, Saint-Vincent-et-les-Grenadines est un archipel composé de trente-deux îles dont neuf seulement sont habitées.
[10] Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, signée à Vienne le 20 décembre 1988. Elle renforce la coopération internationale en matière de criminalité organisée et favorise la prise en compte juridique de l’arraisonnement d’un navire en haute mer soupçonné de se livrer au trafic de drogue, en complément des dispositions de la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer. Ainsi, l’article 17 stipule que l’État du pavillon peut autoriser l’État requérant à arraisonner et à visiter le navire soupçonné. En cas de découverte, ce dernier peut « prendre les mesures appropriées ».
[11] En contradiction avec l’article 111 de la CNUDM qui stipule que « le droit de poursuite cesse dès que le navire poursuivi entre dans la mer territoriale de l’État dont il relève ou d’un autre État »
Pas à pas, le 9e régiment de soutien aéromobile (9e RSAM) de Montauban progresse dans son objectif de « militarisation ». De la préparation opérationnelle au recrutement en passant par les matériels, les défis à relever ne manquent pas pour ce maillon essentiel de la chaîne de maintenance des hélicoptères de l’armée de Terre.
Les défis de la militarisation
De la Nouvelle-Calédonie au Tchad et du porte-hélicoptères amphibie Mistral à l’exercice Baltops, le 9e RSAM est sur tous les fronts depuis le 1er janvier 2024 et son intégration au sein de la 4e brigade d’aérocombat (4e BAC). Un cycle soutenu et une illustration par le terrain de la transition engagée vers un soutien opérationnel renforcé au profit de l’ensemble de l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT), bascule rendue nécessaire par le retour des conflits de haute intensité.
Illustré par une présence dans le dernier défilé aérien du 14 juillet, ce rapprochement avec la 4e BAC est une réponse parmi d’autres au besoin d’autonomisation de la maintenance inscrit dans les réflexions d’une « armée de Terre de combat », explique le colonel Thibaut Ravel, chef de corps du 9e RSAM depuis l’été dernier. « Nous sommes dans une logique de montée en puissance liée à l’intégration dans la brigade, dont la manoeuvre doit pouvoir être suivie par le régiment », poursuit-il à l’occasion des 70 ans de l’ALAT.
Traduit en vocabulaire de maintenancier, cette militarisation « revient à évoluer d’une base de soutien des matériels à un régiment du matériel », nous glisse le colonel Ravel. Pour ses 500 maintenanciers du ciel, il s’agit tout d’abord de continuer à développer l’expérience opérationnelle au gré des déploiements et des exercices. Plutôt que d’assurer un soutien essentiellement à distance, le 9e RSAM est désormais un « joueur » parmi d’autres. Il est donc soumis aux mêmes contraintes de rusticité et devient, de par sa singularité, une cible de choix pour l’adversaire désirant gripper la chaîne de soutien française.
S’il participe activement à une préparation opérationnelle durcie, le 9e RSAM n’a pas vocation à suivre les hélicoptères dans leurs missions de transport ou de destruction de l’adversaire sur ses arrières. Il sera plutôt déployé selon le besoin par le groupement de soutien divisionnaire ou de théâtre vers les trains de combat des groupes aéromobiles. Il pourra continuer de miser sur son atout principal : la flotte de cinq avions à décollage court Pilatus PC-6 qu’il est le seul à opérer au sein de l’armée de Terre.
Après deux éditions absorbées par des manoeuvres de plus grande ampleur, l’exercice Baccarat revient cette année et sera un test majeur pour le régiment. Il y déploiera pour la première fois un centre opération complet, manoeuvre déjà expérimentée sous forme d’embryon en 2022 lors de l’exercice Manticore. Ce CO commandera une escadrille de maintenance et une section approvisionnement, soit 70 personnels présents à Mailly-le-Camp avec un objectif en tête : éprouver les savoir-faire et le dispositif au profit de l’autonomie des régiments d’hélicoptères de combat.
Le défi des ressources humaines ensuite, avec une population également appelée à « se militariser ». Le seul segment logistique aura vu son contingent de 20 militaires du rang quadrupler en l’espace de trois ans. Le 9e RSAM est aujourd’hui composé à 50% de personnel militaire. Demain, ils représenteront 70% de l’effectif. Ce sont autant de départs à la retraite à compenser par l’engagement de spécialistes en treillis. Un enjeu de taille dans une région où la présence de plusieurs géants de l’aéronautique ajoute un surplus de pression aux aléas de recrutement et de fidélisation auxquels sont continuellement confrontées les armées.
Des PC-6 modifiés en attendant un successeur
Se rapprocher de la première ligne implique, enfin, des efforts à court et à plus long termes sur le segment capacitaire. Ce sont des perceptions d’équipements et armements individuels, du matériel de vie en campagne mais aussi des investissements dans les outils de maintenance et les infrastructures associées. C’est aussi une attention apportée à l’avenir du vecteur signature du 9e RSAM, un PC-6 en service depuis les années 1990.
Régulièrement rénové, le PC-6 sort de plus de 10 années d’engagement opérationnel en Mauritanie puis parmi les pays du Sahel relevant de l’opération Barkhane. « Il aura permis d’apporter un appui précieux à la manoeuvre aéroterrestre », observe le colonel Ravel. Rustique, capable de décoller et d’atterrir sur des pistes sommaires, adapté au milieu abrasif sahélien, il aura facilité le transport de fret et de pièces détachées mais pas seulement. Le chef tactique et ses transmissions également, l’autorisant à commander sa manoeuvre depuis les airs en bénéficiant d’une plus grande autonomie et sans toucher au potentiel des hélicoptères.
Le PC-6 est également capable d’emporter des opérateurs spécialisés, à commencer par les spécialistes du renseignement d’origine image (ROIM) du 2e régiment de hussards ou ceux du renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) du 54e régiment de transmissions. Deux exemples de synergies qui ont prématurément démontré l’intérêt de réunir le renseignement et l’aérocombat au sein du nouveau Commandement des actions dans la profondeur et du renseignement (CAPR). Et son éventail d’applications s’étend jusqu’au largage de petits colis à basse altitude voire à l’évacuation de blessés assis, un scénario étudié durant la crise sanitaire mais finalement écarté au profit de la médicalisation des hélicoptères Caïman.
Après une décennie dans le ciel africain, il en ressort de nombreux retours d’expérience et certaines « fragilités ». « Certes l’avion n’est plus projeté, mais il se prépare aux combats futurs », indique le colonel Ravel. Une nouvelle refonte est en cours sur trois axes. Hormis quelques évolutions sur l’avionique, les PC-6 français disposeront d’ici peu d’un poste radio PR4G et d’un kit de blindage à demeure, de quoi « mieux sécuriser l’équipage et le fret ou les passagers » et plus particulièrement lors des phases d’approche.
Ce chantier est en cours. Deux des cinq avions ont été transformés. Le reste de la flotte suivra d’ici à l’été 2025. Après 30 années de bons et loyaux services, se pose dès maintenant la question de sa succession. Le PC-6 est néanmoins destiné à prendre sa retraite. Non seulement il commence à dater malgré les refontes successives, mais l’avionneur suisse Pilatus a aussi annoncé l’arrêt de la production de pièces de rechange en 2020 tout en conservant un stock pour 10 ans.
Le potentiel des appareils français s’étalant jusqu’entre 2032 et 2035, il reste moins d’une décennie pour déboucher sur un successeur. Attendu dans la prochaine loi de programmation militaire, celui-ci ce situe au confluent de plusieurs besoins. Celui du 9e RSAM bien entendu, mais aussi celui d’une armée de Terre ayant besoin de faire sauter davantage ses parachutistes avec des moyens patrimoniaux. Combinée au souhait de l’ALAT de pouvoir transporter de plus grandes pièces, la réflexion aboutit à une expression de besoin de l’état-major de l’armée de Terre portant sur « quatre, cinq avions » d’une capacité supérieure à celle du PC-6 et disponibles sur étagère. De quoi faire sauter la 11e brigade parachutiste et certaines unités du Commandement des actions spéciales terre (CAST) tout en pérennisant et en fluidifiant la logistique de l’ALAT. Et un projet qui, à l’instar des autres efforts consentis, permettra au 9e RSAM de continuer à appliquer sa devise : dépasser l’horizon.