Destiné à l’armée de Terre, le futur Engin du Génie de Combat vient de franchir un nouvelle étape

Destiné à l’armée de Terre, le futur Engin du Génie de Combat vient de franchir un nouvelle étape


Jusqu’à présent, le programme SCORPION [Synergie du Contact Renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation] s’est concentré sur le remplacement des blindés médians de l’armée de Terre, avec la mise en service des Griffon, des Serval et autres Jaguar. Mais il vise également à renouveler les capacités des unités du Génie, via le projet EGC [Engin du Génie de Combat], appelé auparavant MAC [pour Moyen d’Appui au Contact].

Actuellement, les régiments du génie disposent de l’EBG [Engin Blindé du Génie] qui, mis en service en 1989, a été conçu à partir du châssis du char AMX-30B2. Depuis, il a fait l’objet de deux opérations de modernisation, la dernière ayant consisté à lui installer une climatisation et à remplacer le bras de levage par un autre modèle pour lui permettre d’effectuer des travaux de terrassement.

Le projet EGC vise à remplacer non seulement les EBG mais aussi les EGRAP [Engins du génie rapide de protection] et les EGAME [Engins du génie d’aménagement]. En outre, l’an passé, il a été rejoint par la Belgique, au titre du partenariat stratégique CaMo [Capacité Motorisée]. Il s’agira de permettre à la composante Terre de la Défense belge de remplacer ses véhicules Pionnier.

Selon la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, l’armée de Terre devrait recevoir ses cinq premiers EGC avant 2030 [et 125 d’ici 2035]. Mais ce calendrier ne sera pas tenu, selon la consultation de marché que vient de publier l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement [OCCAr], chargée de suivre ce programme pour le compte de la France et de la Belgique.

En effet, les premières livraisons de l’EGC ne sont pas attendues avant 2031. Au total, 200 exemplaires devront être produits, pour un coût compris entre 800 millions et 1,2 milliard d’euros [somme qui tient compte du développement, de la production et du soutien initial].

« L’OCCAr a l’intention de négocier et d’attribuer un contrat par le biais d’un processus concurrentiel qui devrait démarrer en 2025. Celui-ci sera ouvert uniquement aux fournisseurs de l’OCCAr issus de ses États membres et de l’Union européenne », explique l’organisation.

Selon l’armée de Terre, l’EGC devra s’intégrer au réseau SCORPION, en ayant une « mobilité adaptée au rythme de la manœuvre tactique », ce qui passera par des « capacités élevées à organiser le terrain dans des délais contraints pour l’appui à la manœuvre offensive et défensive ». Aérotransportable, il offrira une « protection suffisante pour permettre de réaliser des travaux sous le feu ».

À ce jour, un seul candidat pour ce projet est connu : l’Auroch. Développé par CNIM Systèmes industriels, qui s’est associé à Texelis et KNDS France, il s’agit d’un véhicule de type 8×8 affichant une masse de 28 tonnes. Équipé de système optroniques pour surveiller son environnement et d’un tourelleau téléopéré de 7,62 mm, il serait en mesure de rouler à 80 km/h sur route, grâce à un moteur diesel de 600 chevaux.

Photo : Illustration / Auroch

Les contrats d’État à État (GtoG) sur le marché international de l’armement

Les contrats d’État à État (GtoG) sur le marché international de l’armement

Fondation pour la Recherche Stratégique – publié en février 2025

https://www.frstrategie.org/publications/recherches-et-documents/contrats-etat-etat-gtog-sur-marche-international-armement-2025


Tensions sécuritaires et impératifs de modernisation des équipements des forces armées viennent nourrir une hausse des dépenses de défense au niveau mondial, notamment en Europe, au Moyen-Orient et en Asie-Pacifique. De nouvelles dynamiques se font jour sur le marché international de l’armement, avec l’entrée en force de la Chine et plus récemment de la Corée du Sud dans le Top 10 des États exportateurs, et des États clients demandeurs de partenariats stratégiques et de coopérations industrielles (exigences de transferts de technologies et de compétences). Cette montée des ambitions et des attentes transparaît dans l’importance donnée aux relations interétatiques dans le domaine des ventes de matériels militaires. Ce cadre intergouvernemental peut être plus ou moins formalisé et engageant pour les différentes parties prenantes. 

Cette étude entend mieux appréhender ces dispositifs intergouvernementaux dans le domaine de l’armement, et en particulier les contrats d’État à État (GtoG ou G2G), c’est-à-dire les ventes de biens et de services de défense effectuées de gouvernement à gouvernement. Cette modalité de ventes se distingue des contrats notifiés directement par un État acheteur étranger à une entreprise. Elle implique que l’État exportateur agisse au nom et pour le compte de l’État client en passant un marché public au fournisseur industriel et apporte toutes les garanties nécessaires à la bonne exécution du contrat. En la matière, le mécanisme américain des Foreign Military Sales (FMS) est un modèle du genre. Mais il n’est pas le seul. Des offres GtoG concurrentes se développent, portées par des États exportateurs souhaitant répondre aux besoins exprimés par les États acheteurs. 

Afin de comprendre cette tendance d’évolution sur le marché international de l’armement, l’étude propose, dans un premier temps, un état des lieux des dispositifs mis en place par les principaux États exportateurs (hors Russie et Chine) : États-Unis, France, Royaume-Uni, Italie, Suède, Espagne, Israël et Corée du Sud. Dans un second temps, nous nous pencherons sur la scène européenne pour illustrer la hausse de la demande d’accompagnement étatique dans un contexte sécuritaire dégradé. Nous questionnerons les motivations des États acheteurs en la matière ainsi que les implications de modalités de ventes plus complexes pour les États exportateurs et leurs fournisseurs.

[…]

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FRS- Les contrats d’État à État (GtoG) sur le marché international R&D 01/2025

En sortant de la paralysie politique, le Liban se remet à espérer

En sortant de la paralysie politique, le Liban se remet à espérer

par Jean-Baptiste Noé – Revue Conflits – publié le 25 février 2025

https://www.revueconflits.com/en-sortant-de-la-paralysie-politique-le-liban-se-remet-a-esperer/


L’élection d’un nouveau président et le cessez-le-feu conclu avec le Hezbollah permet d’espérer des jours plus radieux pour le Liban et les Libanais. Il y a encore fort à faire pour restaurer l’économie et la politique du pays du Cèdre. 

Le temps est loin de l’âge d’or des années 1950 et 1960 où le Liban était un îlot de stabilité au Moyen-Orient et un refuge pour les intellectuels arabes qui trouvaient à Beyrouth un havre de paix et de liberté pour fuir les régimes autoritaires de la région. L’ancienne « Suisse de l’Orient » n’est plus que l’ombre d’elle-même. Ravagé par des décennies de guerre ponctuées de massacres et de destructions, et gangréné par un clanisme politique corrompu, l’État libanais est aujourd’hui un État failli. Aussi la défaite du Hezbollah et de l’axe iranien face à Israël et l’élection en janvier d’un nouveau gouvernement à Beyrouth pourraient-elles permettre au pays du Cèdre de se reconstruire et de se doter d’institutions régaliennes dirigées par des fonctionnaires compétents plutôt que par des clientèles communautaires. Pour Alain Bifani, directeur des Finances au Liban pendant vingt ans et figure de l’opposition à la corruption, « la fenêtre qui vient de s’ouvrir est l’opportunité pour le Liban d’enfin engager une transition de fond qui ne peut passer que par le renouvellement des élites dirigeantes. »

Une corruption endémique : l’héritage de la reconstruction post guerre civile

Tout a commencé par la sortie de crise après la longue guerre civile (1975-1989) lorsque le pouvoir est tombé entre les mains des anciens chefs miliciens, avides d’accaparer leur « part du gâteau » et qui ont mis le pays en coupe réglée. La reconstruction de l’État libanais s’est traduite par un lent déclin de ses institutions, rongées par une corruption endémique d’une part, et par les nombreuses difficultés posées par les occupations étrangères (israélienne et syrienne) de l’autre. Selon l’expression de Fabrice Balanche, la reconstruction ne fut que « la continuation de la guerre civile par d’autres moyens ». Autrement dit, la fragmentation territoriale du Liban sur une logique confessionnelle a persisté après 1990, et elle explique toujours la faiblesse actuelle de la souveraineté de l’État.

De fait, la nouvelle constitution entérinée par les accords de Taëf n’a fait qu’affaiblir le rôle du président de la République, chrétien maronite, en renforçant celui du Premier ministre, sunnite, et du président du Parlement, chiite. C’est donc un système qui repose sur un consensus permanent de toutes les forces politiques en présence, c’est-à-dire une « vétocratie » où personne n’a les moyens d’engager des réformes structurelles. La guerre continue autour de la table du conseil des ministres dans un contexte de délitement de l’état de droit où les chefs de clans bénéficient d’une impunité totale. Sans autorité et sans vision, le Liban est depuis condamné au brigandage politique. Une anarchie dans laquelle les élites se partagent les richesses selon leurs intérêts communautaires et familiaux, et où le travail de fond des technocrates et du personnel administratif n’a aucune marge de manœuvre.

À cela se sont ajoutées les limites de la politique de reconstruction nationale conduite par Rafic Hariri — un homme d’affaires libano-saoudien nommé Premier ministre en 1992. En voulant refaire de Beyrouth un centre financier régional et une destination touristique pour les monarchies du Golfe, Hariri a sacrifié l’agriculture et l’industrie libanaises à tel point que le Liban a fini par importer 80 % de ce qu’il consomme. Dans le même temps, les clientèles au pouvoir se sont bâti des empires immobiliers en obtenant tous les permis de construire dans les zones les plus lucratives de Beyrouth et en puisant dans les fonds publics. Pire encore, cette oligarchie s’est financée via un modèle qui s’est avéré être une « pyramide de Ponzi » géante : pour financer sa dette, la banque centrale libanaise pratiquait des taux outrancièrement généreux pour attirer les capitaux étrangers et ceux de la diaspora. Une dette le plus souvent utilisée à des fins personnelles par les élites corrompues, ce qui a laissé les infrastructures et les services publics du pays dans un état calamiteux. La crise était inéluctable dès les années 2000.

Un État failli à bout de souffle

Alors que les vagues d’émigration syrienne mettent déjà l’économie à rude épreuve, les événements s’accélèrent à partir de 2019.

En octobre, l’annonce d’une nouvelle taxe sur la messagerie WhatsApp précipite dans la rue un mouvement révolutionnaire qui conspue la corruption des élites. Puis, les banques imposent des premières restrictions sur les retraits bancaires et les transferts de dollars vers l’étranger, créant une panique chez les déposants. En mars 2020, l’abcès est crevé, le Liban fait défaut sur sa dette pour la première fois de son histoire, tandis qu’en août, une explosion dévaste le port de Beyrouth provoquant en plus d’un traumatisme social, des dégâts matériels de plusieurs milliards de dollars. La livre libanaise subit une flambée qui la fait bondir d’un taux de 1500 pour 1 dollar à plus de 80 000 en 2023, plongeant la majeure partie de la population dans la pauvreté en pleine pandémie de Covid…

Le bilan est apocalyptique. 80 % de personnes sous le seuil de pauvreté, une inflation à trois chiffres pendant plusieurs années, des centaines de milliers de personnes qualifiées quittent le pays vers des horizons plus radieux. Entre 2018 et 2024, le PIB du Liban a chuté de 55 milliards de dollars à 16 milliards, soit une baisse d’environ 70 %. La contraction est si brutale qu’elle est considérée par la Banque mondiale comme une des trois pires dépressions qu’ait connues le monde depuis le milieu du XIXe siècle. Dans un pays où il faisait encore bon vivre quelques années auparavant, les gens n’ont désormais plus que quelques heures d’électricité par jour et peinent à accéder à l’eau potable.

L’État régalien et le service public, quant à eux, ont presque disparu de la carte. Les militaires sont payés au lance-pierre et sont sans moyens face aux milices communautaires. Médecins, infirmières et professeurs ont émigré en masse. Le pays est maintenu sous perfusion par sa diaspora pendant que le Hezbollah refuse l’aide internationale du FMI sous conditions de réformes, lesquelles le priverait notamment des revenus du captagon syrien.

Enfin, les quelques hauts fonctionnaires qui ont tenté d’imposer un gouvernement de transition basé sur la compétence plutôt que le clientélisme sont ignorés ou poussés à l’exil. Ainsi des technocrates compétents ont été placardisés ou entravés. C’est le cas par exemple d’Alain Bifani – l’ancien directeur général des Finances qui avait accompli « l’œuvre herculéenne », selon l’économiste et ancien ministre des Finances George Corm, de réaliser une reconstruction complète et un audit des comptes financiers de l’État libanais – qui a dû démissionner malgré le soutien que les bailleurs internationaux avaient apporté à ses tentatives de redresser les finances publiques et de restructurer le secteur bancaire afin de protéger les déposants.

La défaite du Hezbollah ouvre un espace pour l’espoir

Le malheur du Liban est dans son voisinage. Situé sur une faille tectonique entre Israël et la Syrie, il a toujours été une « caisse de résonance » des conflits régionaux, tantôt sacrifié sur l’autel du panarabisme de Nasser et de l’irrédentisme syrien, tantôt sur celui de la cause palestinienne et de « l’axe de résistance » iranien. Ces dernières décennies, le pays du Cèdre est surtout devenu la proie de la République islamique iranienne, pour ne pas dire sa colonie.

En satellisant la communauté chiite libanaise via son bras armé, le Hezbollah, Téhéran a progressivement infiltré toutes les institutions du Liban en constituant un véritable État dans l’État. Cette prédation, en plus de bloquer toute résolution durable de la crise économique, a finalement provoqué les deux interventions israéliennes destructrices de 2006 et 2024. « Au-delà d’un changement de dirigeants, le pays doit cesser d’être une terre de convoitises », expliquait d’ailleurs l’universitaire Joseph Maïla pour Ouest France en 2020.

Toutefois, la décapitation du commandement du Hezbollah et sa défaite face aux troupes de l’État hébreu en 2024 ont changé la donne. « Le Hezbollah est affaibli militairement et politiquement », affirme ainsi Ghassan Salamé, professeur à Sciences Po, au micro de Radio France. Avec la chute du régime de Bachar El-Assad en Syrie le 9 décembre, la défaite de la milice chiite marque un revers significatif de la puissance iranienne dans la région qui aura besoin de temps avant de retrouver ses forces. Si le Hezbollah n’est pas mort comme force politique, son affaiblissement et le cessez-le-feu ont rapidement permis l’élection d’un président et la nomination d’un Premier ministre au Liban le 9 janvier 2025, après deux ans de vacance du pouvoir. « La logique voudrait qu’aujourd’hui, il soit plus difficile qu’auparavant d’entraver les réformes et de protéger la classe politique corrompue, et cela constitue une ouverture significative pour le renouvellement du Liban.», selon Alain Bifani. La recomposition des forces politiques dans les ministères marque tout du moins la sortie du Liban de l’orbite iranienne, sachant qu’Israël garde un œil attentif sur la situation du Sud-Liban.

C’est donc peut-être une nouvelle phase politique qui s’ouvre sur les décombres du pays. La fenêtre est étroite et le chantier est immense, mais il y a bien un espace en ce moment géopolitique charnière pour que le peuple libanais reprenne les rênes de son destin et s’affranchisse des puissances étrangères en se constituant un État fort et moderne. Pour sortir de l’ornière, l’État doit rapidement poser le bon diagnostic. La priorité est d’abord de renouveler la classe dirigeante en substituant aux élites prédatrices des hommes compétents qui ne manquent pas au Liban et dans la diaspora. L’autre est de couper définitivement avec les tutelles iranienne et syrienne afin de rassurer la diaspora et les investisseurs, cesser l’émigration de masse et reconstruire l’économie. Autant de mesures ardues qui pourraient permettre au Liban de renaître de ses cendres, si tant est que le gouvernement en ait les moyens et qu’un sentiment de « libanité » supra-confessionnel au sein de la population parvienne à surpasser les clivages communautaires de toujours.

Qui pourrait être mobilisé si une guerre éclatait sur le territoire français ?

Qui pourrait être mobilisé si une guerre éclatait sur le territoire français ?

Emmanuel Macron a rappelé jeudi le danger que représenterait, pour le reste de l’Europe, une victoire russe en Ukraine. Que se passerait-il si la guerre venait à s’étendre ? On fait le point.

Le président de la République a longuement échangé avec des internautes sur les réseaux sociaux, ce jeudi 20 février 2025.

Il a notamment évoqué «la menace que représente la Russie pour l’Europe et pour la France », indiquant qu’elle allait « nous imposer des choix très forts pour nous-mêmes, pour notre défense et notre sécurité ». Il a également donné des détails sur les arguments qu’il comptait présenter à Donald Trump, le mettant en garde contre toute « faiblesse » face à Vladimir Poutine.

« Si tu laisses l’Ukraine prise » par la Russie, elle sera « inarrêtable pour les Européens », puisqu’elle « récupérerait » l’armée ukrainienne « qui est une des plus grandes d’Europe, avec tous nos équipements, y compris les équipements américains ». Dans ce scénario du pire, en cas d’invasion de la Russie sur le territoire hexagonal, que se passerait-il alors ? Qui serait mobilisé ? On vous explique.

La mobilisation générale quasi impossible

Avec la fin du service militaire, la France possède ce qu’on appelle une armée de métier. On compte environ 200 000 militaires d’active dans l’armée française. Ce sont eux qui seraient envoyés en priorité sur le front. Environ 40 000 volontaires âgés de 17 à 35 ans constituent également ce que l’on appelle la réserve de sécurité nationale.

Dans ses vœux aux armées, en janvier, Emmanuel Macron avait à ce sujet évoqué un projet, encore flou, pour « mobiliser » davantage de jeunes volontaires « en renfort des armées » en cas de besoin. « Aujourd’hui, nous nous contentons d’un recensement, d’une journée défense et citoyenneté », « c’est trop peu », avait-il dit, demandant au gouvernement et à l’état-major des propositions d’ici au mois de mai pour « mieux détecter », « former » et « être capable de mobiliser » des volontaires « le jour venu ».

La France vise ainsi 210 000 militaires d’active et 80 000 réservistes à l’horizon 2030.

La mobilisation générale serait utilisée en dernier recours mais elle n’a quasiment aucune chance d’aboutir en raison de capacités logistiques insuffisantes. La dernière date de 1939, dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale. 4,5 millions de Français avaient alors été appelés sous les drapeaux

La chance de l’Europe pour déjouer la vassalisation de l’Ukraine

La chance de l’Europe pour déjouer la vassalisation de l’Ukraine

Poutine et Trump voudraient vassaliser l’Ukraine sans les Européens.
Mais l’Union détient encore l’une des cartes les plus fortes de la table des négociations.
Si elle tarde trop à la jouer, elle pourrait perdre la partie.Lee Buchheit, l’une des sommités mondiales sur la question des dettes souveraines, formule une proposition simple et claire pour éviter de laisser les Empires se partager la mise.
James Gillray, « The Plumb-pudding in danger; — or — State Epicures taking un Petit Souper », 1805. Domaine public

En 1805, le caricaturiste anglais James Gillray publiait une illustration célèbre intitulée The Plumb-pudding in danger ; — or — State Epicures taking un Petit Souper. Le dessin représente le Premier ministre britannique, William Pitt, et l’Empereur des Français, Napoléon Bonaparte, assis à une table en train de se partager un énorme pudding aux prunes en forme de globe. Le Premier ministre Pitt tient fermement l’hémisphère occidental en place à l’aide d’un trident et se découpe proprement le Nouveau Monde. L’Empereur semble de son côté satisfait de se trancher une part qui comprend toute l’Europe à l’est des îles britanniques.

C’est une caricature devant laquelle aucun Ukrainien, ni d’ailleurs aucun Européen, ne peut rester indifférent en février 2025.

La semaine dernière, le président américain Donald Trump a annoncé qu’il s’était entretenu près d’une heure et demie au téléphone avec le président russe Vladimir Poutine. Ils ont notamment discuté de la fin de la guerre en Ukraine. À Bruxelles, le même jour, le nouveau secrétaire à la Défense de Donald Trump a publiquement qualifié d’« irréalistes » les principales conditions que l’Ukraine est susceptible de demander dans le cadre d’un règlement négocié du conflit. Il s’agit notamment de la restitution des territoires ukrainiens  occupés par les forces russes et de solides garanties de sécurité, y compris  l’adhésion à l’OTAN, ou du moins la participation active des États-Unis, afin de s’assurer que la Russie ne tente pas de répéter l’expérience une fois que son armée aura eu le temps de se regrouper et de se réarmer. Il est inconcevable que ces évaluations des conditions de paix ukrainiennes « irréalistes » n’aient pas été partagées avec Vladimir Poutine lors d’une conversation téléphonique de 90 minutes.

Il est apparu par la suite que Poutine et Trump prévoyaient de se rencontrer en Arabie Saoudite en l’absence de l’Ukraine et des représentants des alliés européens de Kiev afin de régler les conditions  de l’accord de paix. Après celle entre Marco Rubio et Sergueï Lavrov du 18 février à Ryiad, il y a de fortes probabilités qu’une telle rencontre permettrait aux deux participants de se mettre d’accord. Les chances de parvenir à un « deal » sont généralement meilleures lorsque l’on concède à son adversaire ses principales demandes avant même le début des négociations.

Tout cela rappelle de manière inquiétante la géopolitique du XIXe siècle. De grandes puissances, ou de « grands hommes », s’assoient autour d’une table, au-dessus d’une carte, et se répartissent le stylo à la main les territoires et les sphères d’influence sans tenir compte — ou très peu — de l’avis de ceux qui y habitent.

Pour l’Ukraine, le pire des scénarios, ou du moins l’un des plus mauvais, pourrait se dérouler de la manière suivante :

  • Poutine et Trump conviennent d’un accord prévoyant que la Russie conserve ou étende ses gains territoriaux en Ukraine et laisse le reste d’une Ukraine indépendante sans garantie de sécurité américaine solide. 
  • Les autorités ukrainiennes devraient alors : soit accepter ces conditions sans sourciller ; soit risquer de passer aux yeux de Donald Trump pour des ingrats. Or dans le deuxième cas, la sanction pour avoir rejeté un accord négocié par Donald Trump lui-même risquerait tout simplement de se traduire par la fin du soutien financier américain. 

Cela poserait deux problèmes aux alliés européens de l’Ukraine :

  • Tout d’abord, sont-ils prêts sans la participation des États-Unis à fournir à l’Ukraine des garanties de sécurité qui, si elles étaient déclenchées, risqueraient de faire de faire d’eux des co-belligérants dans une guerre avec le deuxième plus grand arsenal nucléaire du monde ?
  • Deuxièmement, sont-ils  prêts à fournir à l’Ukraine, là encore sans l’appui de Washington, les fonds nécessaires pour continuer à résister à l’invasion russe  plutôt que de capituler devant un règlement défavorable du conflit ?

Bien sûr, les événements pourraient ne pas se dérouler de cette façon.

Poutine pourrait se présenter à la table des négociations en Arabie saoudite avec des exigences supplémentaires — telles que le  retrait de toutes les troupes de l’OTAN d’Europe de l’Est — que même Trump  aurait du mal à accepter. Autre possibilité : le contrecoup politique aux États-Unis de l’abandon d’un allié américain « aussi longtemps qu’il le faudra » pourrait devenir trop  inconfortable, même sous cette administration. 

Cela étant dit, les événements pourraient tout aussi bien se dérouler de cette façon.

Face à ces changements spectaculaires de la politique américaine, les alliés de l’Ukraine ne peuvent pas rester comme des lapins paralysés par la lumière des phares. Une mesure pourrait être prise rapidement pour atténuer la menace américaine d’un retrait du soutien financier si l’Ukraine ne se soumettait pas à des conditions de règlement inacceptables : utiliser les actifs russes gelés depuis 2022 pour soutenir une ligne de crédit au bénéfice de Kiev. Une proposition allant dans ce sens, baptisée « prêt en réparation », a été lancée l’année dernière 1.

Le mécanisme juridique qui la sous-tend est d’une grande simplicité. Les pays détenant des actifs russes gelés prêteraient jusqu’à 300 milliards de dollars à l’Ukraine, garantis par l’engagement de Kiev à réclamer des dommages et intérêts à la Russie pour les dommages causés par l’invasion. Cette demande, en droit, est indubitable. Cela placerait ces  pays dans une position où ils ont une créance sur la Russie (la demande en  réparation héritée de l’Ukraine) correspondant exactement à leur dette envers la Russie  (les avoirs gelés), l’équilibre de ce mécanisme reposant sur la compensation des créances réciproques.

Pour les alliés de l’Ukraine, cette option présenterait les avantages suivants : 

  • Le maintien du financement de l’Ukraine serait assuré même en cas de retrait du soutien américain.
  • Ce financement ne proviendrait pas des contribuables des pays alliés mais, indirectement, des contribuables russes.
  • Dotée d’une source de financement sûre, non soumise aux caprices des politiciens américains, l’Ukraine retrouverait un poids considérable dans le processus de paix. Les inquiétudes qui semblent avoir provoqué une paralysie de la part des pays européens détenant les avoirs gelés — de vagues préoccupations concernant le droit international et les dommages potentiels à la réputation de l’Union en tant que garant de la sécurité des avoirs d’États étrangers — semblent dérisoires par rapport au risque qu’un pays européen soit contraint de céder à la fois son territoire et son indépendance politique à un voisin détenteur de l’arme nucléaire.
  • Les alliés de l’Ukraine détiendraient un privilège sur les actifs gelés de la Russie et une garantie sur la demande de réparation de l’Ukraine contre la Russie. En d’autres termes : la mise en place d’un tel mécanisme garantirait que personne à la table des négociations ne puisse céder sur les actifs ou la demande de réparation sans le consentement de ces pays.
  • Enfin, cela démontrerait que l’Europe a encore en main des cartes très fortes — et qu’elle est prête à les jouer.

Sources
  1. Hugo Dixon, Lee Buchheit et Daleep Singh, Ukrainian Reparation Loan : How it Would Work, 20 février 2024. SSRN : https://ssrn.com/abstract=4733340

 

JD Vance accuse l’UE de bâillonner les opinions qui dérangent les élites

JD Vance accuse l’UE de bâillonner les opinions qui dérangent les élites

Mandatory Credit: Photo by dts News Agency Germany/Shutterstock (15150588as)
Munich Security Conference 2025: James David « JD » Vance, Vice President of the United States, delivers a speech
Munich Security Conference 2025, Hotel Bayerischer Hof, Germany – 14 Feb 2025/shutterstock

par Samuele Furfari – Revue Conflits – publié le 18 février 2025

https://www.revueconflits.com/jd-vance-accuse-lue-de-baillonner-les-opinions-qui-derangent-les-elites/


JD. Vance, le vice-président des États-Unis, lors de la conférence de Munich sur la sécurité, a vivement critiqué l’élite européenne, visiblement mal préparée à entendre ses propres contradictions. Cette dernière est habituée depuis des années à ne rencontrer aucune opposition. Vance a osé exprimer publiquement ce que les exclus des médias et de l’élite affirment également depuis longtemps, mais pour lesquels ils sont marginalisés et tournés en dérision. Ce n’est pas étonnant qu’il y ait eu très peu d’applaudissements.

Dernier livre paru de Samuel Furfari : Dernier livre « Énergie, mensonges d’état. La destruction organisée de la compétitivité de l’UE » | L’artilleur

Vance à Munich, un discours qui dérange

On a pu presque entendre en fond sonore la célèbre chanson de Guy Béart, « Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté », tant la réaction outrée des dirigeants européens illustre à merveille ce refrain. Vance, en fidèle shérif adjoint du « nouveau shérif en ville » comme il a nommé Trump, est venu faire la leçon aux Européens. Force est de constater que les habitués du cercle Bruxelles-Strasbourg n’ont pas apprécié que la tornade Vance, avec un discours calme et, argumenté, sans aucune note tant il maîtrise son sujet, ait évoqué sans détour les attentats liés à une immigration mal maîtrisée, les restrictions à la liberté d’expression au nom de la lutte contre la « désinformation », l’énergie chère, et même les velléités d’annulation d’élections qui ne conviendraient pas à certains. Toutes ces choses, les médias non subventionnés les dénoncent, mais elles restent inaudibles pour la prétendue élite.

L’ironie de la situation n’échappe à personne. L’irritation des dirigeants européens, telle celle d’Olaf Scholz et de Boris Pistorius (le ministre allemand de la Défense ayant utilisé deux fois le mot « inacceptable »), confirme le diagnostic de Vance. À son appel à laisser libre cours à la parole, ils ont répondu qu’il n’avait pas le droit de dire cela. Pendant que l’UE se drape dans sa vertu prétendument morale et ses valeurs supposément inébranlables, mais dont une grande part de la population européenne ne supporte plus, la tornade Vance a eu l’audace de pointer du doigt les failles béantes dans leur discours.

Le réveil brutal : les critiques de Vance à l’égard de l’UE

L’establishment européen, pris de court par la tornade Trump-Vance, se retrouve dans la position inconfortable de devoir justifier l’injustifiable. Habitués à prêcher la bonne parole à des auditoires et médias acquis, ils se sont retrouvés déstabilisés et humiliés par un discours qui brise leurs codes et remet en question leur narratif bien huilé. Ils ne pouvaient que le rejeter.

Peut-être est-il temps pour l’Europe de descendre de son piédestal moral et d’écouter réellement les critiques, aussi dérangeantes soient-elles. Car comme le suggère la chanson de Béart, tenter d’exécuter le messager ne fera pas disparaître le message pour autant.

La liberté d’expression en question : exemples de censure en UE

Malgré les déclarations de Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, qui a réagi au discours de Munich en affirmant que « la liberté d’expression est garantie en UE », la réalité montre une tout autre image. Autrefois considérée comme un pilier de la liberté d’expression, l’UE emprunte désormais une voie qui soulève des questions quant à sa gestion de l’information et de la liberté d’expression.

Prenons l’exemple de la RTBF, la chaîne de télévision publique belge qui s’est permis de diffuser le discours d’investiture de Donald Trump en « léger » différé le 20 janvier 2025. Sous prétexte de « prendre le temps de l’analyse », la chaîne s’est arrogé le droit de filtrer les propos du président américain, instaurant de facto une forme de censure préventive. Cette décision, justifiée par un soi-disant « cordon sanitaire médiatique », n’est rien d’autre qu’une atteinte à la liberté d’information des citoyens belges.

En France, la situation n’est guère plus reluisante. La fermeture de C8 et la mise sous tutelle de CNews par l’Arcom illustrent une volonté manifeste de museler les voix dissidentes. Ces chaînes offraient une alternative au discours dominant. Leur disparition ou leur contrôle étroit par l’autorité de régulation représente un appauvrissement du débat public et une atteinte à la pluralité des opinions.

Mon cas personnel est également révélateur de cette dérive. En tant que professeur à l’Université Libre de Bruxelles et expert en énergie, j’ai été marginalisé dans ma propre université et privé de parole dans les médias belges pour avoir osé remettre en question l’utilité des éoliennes pour lutte contre le changement climatique. Cette mise au ban académique et médiatique démontre l’intolérance croissante envers les opinions qui ne s’alignent pas sur le consensus décrété par le pouvoir profond comme l’appelle Donald Trump.

Il est grand temps de reconnaître que l’UE, malgré ses prétentions, est en train de bafouer l’un de ses principes fondamentaux : la liberté d’expression, et parfois même la liberté académique. La chanson de Guy Béart, « Le premier qui dit la vérité », n’a jamais été aussi pertinente. Aujourd’hui, dans l’UE, celui qui ose dire une vérité qui dérange risque effectivement d’être « exécuté » médiatiquement et professionnellement.

Cette tendance à la censure et à l’uniformisation de la pensée est non seulement dangereuse pour nos démocraties, mais elle nourrit également le ressentiment et la méfiance envers les institutions européennes. Il est crucial de revenir aux fondamentaux de la liberté d’expression, même si cela implique d’entendre des opinions qui dérangent ou qui remettent en question le statu quo. C’est à ce prix seulement que l’UE aura le droit de prétendre être un véritable espace de liberté et de démocratie.

Financements opaques et contrôle de l’opinion : le scandale révélé

Il est impossible de comprendre le discours de Munich et l’opposition féroce qu’il a suscité si l’on ignore le contrôle de l’opinion publique par des financements de la part des gouvernements qui ont façonné la politique occidentale. Le scandale actuel à Bruxelles expose des pratiques troublantes de la Commission européenne concernant le financement d’ONG et de médias pour promouvoir son Pacte vert. Des documents révèlent qu’elle aurait financé des ONG environnementales pour faire pression sur les eurodéputés et les États membres en faveur de ce pacte, une pratique qualifiée d’« inappropriée » par Piotr Serafin, le nouveau commissaire au Budget.

J’ai expliqué ce processus d’endogamie dans un article récent. Il se manifeste à travers des programmes officiels qui financent des ONG écologistes dans une chaîne sans fin de projets. À leur terme, ces projets nécessitent de nouvelles études, mais toujours avec les mêmes bénéficiaires.

Des ONG financées par les Etats pour lutter contre la science

MCC-Europe vient de publier un rapport marquant qui dévoile l’utilisation abusive des fonds publics par la Commission européenne, ayant consacré des milliards d’euros à un réseau opaque d’ONG et de groupes de réflexion pour promouvoir son programme politique tout en étouffant les voix dissidentes. Ce vaste système de propagande UE-ONG porte atteinte à la démocratie et constitue une trahison majeure envers les citoyens européens. J’ai expliqué un processus d’endogamie dans un article récent sur le site Science-Climat-Énergie. Il se manifeste à travers des programmes officiels qui financent des ONG écologistes dans une chaîne sans fin de projets. À leur terme, ces projets nécessitent de nouvelles études, toujours réalisées par les mêmes bénéficiaires, créant une collusion qui conduit à une monoculture de la pensée.

Parmi les ONG écologistes impliquées figurent le Bureau européen de l’environnement et des bénéficiaires du programme Life. Ces contrats visaient explicitement à influencer certains députés pour soutenir les initiatives de Frans Timmermans, l’ancien premier vice-président de la Commission européenne responsable de la doctrine verte. Certaines ONG subventionnées, comme Friends of the Earth Europe (1,5 million d’euros) et Climate Action Network, ont des lignes d’actions politiques marquées, notamment contre le nucléaire.

Grâce à l’action du nouveau Department of Governmental Efficiency (DOGE) créé par le binôme Trump-Musk, il a été découvert que des médias prestigieux comme Politico et Reuters ont été financés par Washington. Ils auraient perçu des subventions totalisant 8,2 millions de dollars entre 2016 et 2025 au titre des actions humanitaires de l’USAid. Cet organisme officiel, qui finance 47 % de l’aide humanitaire dans le monde, est évidemment essentiel pour soulager les souffrances dans de nombreux pays, mais il est déplorable de constater qu’une partie des fonds a été détournée pour manipuler l’opinion publique. En Ukraine, 80 % des médias auraient collaboré avec l’agence, favorisant une dépendance accrue à Washington. Tous les fonctionnaires européens peuvent recevoir gratuitement sur leur bureau une copie de l’hebdomadaire Politico, qui ne manque pas de les formater à la pensée unique promue par la Commission européenne et l’administration Biden.

Des manipulations de l’opinion publique au sein même de l’UE

Cette affaire remet en question l’intégrité démocratique de l’UE, dénoncée par des eurodéputés comme une manipulation de l’opinion publique et une atteinte à la confiance dans les institutions. Elle souligne un besoin urgent de transparence dans les relations entre la Commission, les ONG et la paléopresse comme l’appelle le philosophe Drieu Godefridi. Ce que fait l’UE avec le contrôle des médias est — a dit Vance — « le moyen le plus sûr de détruire la démocratie ». À l’instar de ce qu’a fait la tornade Trump, l’UE a besoin d’un « EU Department of Governmental Efficiency (EU DOGE) » pour mettre fin à la dilapidation de nos taxes à des fins partisanes.

Malgré les défis actuels, des acteurs persistent à défendre l’éthique et la transparence, en particulier au sein des médias non conventionnels. C’est grâce à leur vigilance et à leur indépendance que l’espoir demeure de voir un retour à des pratiques plus intègres et responsables, essentielles pour rétablir la confiance des citoyens envers les institutions européennes et les médias en général.

Greta Thunberg et l’endoctrinement climatique : un rappel de Vance

JD. Vance a voulu faire rire en disant que : « Si la démocratie américaine peut survivre à dix ans de sermons de Greta Thunberg, vous pouvez survivre à quelques mois d’Elon Musk. » Mais personne n’a ri et les médias subventionnés se sont empressé de se moquer de J. D. Vance sans se rendre compte que c’est précisément pour cela qu’il l’a dit.

La militante pour le climat avait rapidement acquis une notoriété mondiale disproportionnée au regard de son jeune âge et de son manque d’expertise. L’accueil que lui a réservé Ursula von der Leyen a été choquant : elle a été reçue à la table de la Commission européenne avec les honneurs habituellement réservés aux chefs d’État. Les Universités de Mons et d’Helsinki sont allées jusqu’à lui décerner un doctorat honoris causa. Le mouvement « Youth for Climate », initié par Thunberg en 2018, soulève des questions quant à son origine et sa propagation rapide. Cette expansion fulgurante suggère un soutien coordonné de la part des institutions européennes et des médias grand public.

Des commissaires européens comme Maroš Šefčovič, étrangement en poste depuis 2009, ont activement participé à des initiatives impliquant des jeunes et le climat, financées par des programmes aux liens étroits. Ces actions révèlent une volonté manifeste de l’establishment européen d’influencer la jeunesse sur les questions climatiques.

L’attention médiatique disproportionnée accordée à Greta Thunberg, notamment sa désignation comme personnalité de l’année 2019 par le Time Magazine, révèle l’ampleur de la manipulation orchestrée par l’État profond aux États-Unis comme dans l’UE. L’endoctrinement a conduit à une jeunesse européenne largement influencée par cette idéologie climatique. Bien que le site officiel de Youth for Climate semble moins actif depuis 2022, l’impact de ce mouvement sur la sensibilisation des jeunes Européens aux enjeux climatiques reste significatif et continue d’influencer les politiques européennes.

Ce n’est donc pas par hasard que le vice-président des États-Unis a rappelé aux élites européennes leur admiration béate, pourtant totalement injustifiée, de cette égérie. Il a souligné que ce type de contrôle des médias et de manipulation de l’opinion publique représente « le moyen le plus sûr de détruire la démocratie ». Il est crucial de remettre en question ces narratifs imposés et de promouvoir un débat ouvert et équilibré sur les questions climatiques et énergétiques.

Notons en passant qu’en mentionnant Elon Musk dans sa comparaison, Vance semble suggérer que l’influence de Musk, bien que significative, pourrait être transitoire. Cette remarque peut être interprétée comme une tentative de relativiser l’importance accordée à certaines figures médiatiques dans le débat public.

L’entêtement de la Commission européenne : vers une destruction économique ?

En fin de compte, le discours de Vance aura eu le mérite de mettre en lumière le fossé grandissant entre les élites européennes et les réalités du terrain. Alors que ces dernières persistent dans leur déni, refusant d’admettre leurs erreurs et leurs contradictions, Vance a joué le rôle du grain de sable dans la machine bien rodée du politiquement correct européen.

La Commission européenne a fait savoir qu’elle travaille sur un paquet législatif appelé « omnibus » dans lequel elle prévoit une réduction de 90 % des émissions de CO₂ d’ici 2040. C’est de l’entêtement, c’est se moquer d’une large partie de l’opinion publique qui ne veut plus entendre parler de ces réductions inutiles et coûteuses. Rappelons que dans le monde, les émissions de CO₂ ont augmenté de 65 % depuis l’adoption de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et que l’Europe ne représente que 7 % de ces émissions. Si l’on veut détruire l’économie européenne plus rapidement, c’est exactement ce qu’il faut faire. Trump ou pas Trump, Vance ou pas Vance, on ne peut pas continuer à mentir sur des questions aussi cruciales pour notre avenir. Nous ne pouvons pas permettre à l’UE de poursuivre la destruction organisée de notre économie, comme je le démontre dans mon livre « Énergie, mensonges d’État ».

Un appel au courage et à l’écoute

Vance, l’ancien Marine, le catholique pratiquant, aura fait son devoir en suivant le très vieux précepte biblique « tu ne manqueras pas de reprendre ton prochain pour ne pas te charger d’un péché » (Lévitique 19,17). Lui a fait son devoir ; nos dirigeants vont-ils avoir le courage de l’écouter ?

KNDS France espère porter les chars Leclerc émiriens à un « niveau de performance inégalé »

KNDS France espère porter les chars Leclerc émiriens à un « niveau de performance inégalé »


Selon la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, l’armée de Terre devra se contenter de 200 chars Leclerc portés au standard XLR à l’horizon 2035. Aussi, contrairement à l’Allemagne, il n’est pas question, du moins pour le moment, de financer le développement d’une solution intérimaire permettant d’attendre la mise en service du Système principal de combat terrestre [MGCS – Main Ground Combat System].

Le standard XLR du Leclerc comprend l’intégration d’équipements nécessaires au combat collaboratif, comme le Système d’information du combat SCORPION [SICS] et la radio CONTACT, d’un tourelleau téléopéré de 7,62 mm et d’une nouvelle conduite de tir. L’accent est mis sur la protection, en particulier contre les engins explosifs improvisés et les roquettes. Il est aussi question d’installer le brouilleur BARAGE. L’ajout d’un système de protection active [APS], pourtant souhaité par l’armée de Terre, n’a pas été retenu.

Les Leclerc français seront-ils, à l’arrivée, moins performants que ceux mis en œuvre par les forces armées émiriennes ?

À l’occasion du salon de l’armement IDEX, qui vient d’ouvrir ses portes à Abou Dhabi, KNDS France a réaffirmé « son soutien aux forces armées émiriennes pour les 30 prochaines années ». Et l’industriel d’ajouter qu’il a « structuré un projet de modernisation des chars Leclerc » avec plusieurs acteurs locaux, dont les groupes EDGE et BHE. Et cela à l’appui d’une « offre engageante » en cours de discussion avec le ministère émirien de la Défense afin de « porter le Leclerc à un niveau de performance inégalé ».

Reste à voir ce que KNDS France entend par « niveau de performance inégalé ». En tout cas, selon la photographie illustrant son communiqué de presse relatif au salon IDEX 2025, le char Leclerc devant être exposé n’est pas doté du système ASCALON.

Cela étant, la modernisation des chars Leclerc émiriens est sur la table depuis plusieurs années. En novembre 2020, le directeur de KNDS France [Nexter, à l’époque] pour le Moyen-Orient avait expliqué au mensuel Al Jundi [« Le soldat »] que cette rénovation consisterait à augmenter la puissance de feu ainsi que la capacité d’observation grâce à la robotique. Un accent devrait être mis sur les capacités C2 [command & control] et la protection.

Probablement que l’armée de Terre suivra de près cette affaire… car si la modernisation de ses Leclerc doit se faire a minima, c’est parce qu’il lui manquait des partenaires pour être plus ambitieuse. En tout cas, c’est ce qu’avait suggéré son chef d’état-major, le général Pierre Schill, lors d’une audition parlementaire en 2023.

« Concernant le Leclerc, mon objectif est de lancer une première modernisation. Nous réaliserons des études complémentaires afin de définir en 2025 la portée et la profondeur de cette modernisation », avait-il dit. « Je souhaite m’associer autant que possible à des pays partenaires », avait-il continué, avant de préciser que les « Émiriens [étaient] prêts à coopérer » avec la France.

Pour rappel, les forces armées émiriennes ont reçu 388 exemplaires d’une version « tropicalisée » du Leclerc, ainsi que 46 chars de dépannage. Et cela, dans des conditions très avantageuses puisque le contrat, signé en 1992, se révéla être un gouffre financier pour la partie françaises. Engagés au Yémen, ils ont fait une très bonne impression, à en juger par les retours d’expérience [RETEX] publiés à l’époque. Puis, les Émirats arabes unis en ont cédé plusieurs dizaines d’unités à la Jordanie, en 2020.

JD Vance s’alarme du recul de la liberté d’expression

JD Vance s’alarme du recul de la liberté d’expression

Photo by dts News Agency Germany/Shutterstock (15150588as) Munich Security Conference 2025: James David « JD » Vance, Vice President of the United States, delivers a speech Munich Security Conference 2025, Hotel Bayerischer Hof, Germany – 14 Feb 2025/

 

par Henrik Werenskiold – Revue Conflits- publié le 16 février 2025


Le vice-président des États-Unis a poussé la question à l’extrême, mais il a raison : la liberté d’expression en Europe est sérieusement menacée, avec des conséquences potentiellement catastrophiques.

Une fois de plus, un représentant de l’administration Trump et du mouvement MAGA a mis en ébullition les milieux politiques traditionnels et les grands médias libéraux en Europe. Cette fois, c’était le vice-président JD Vance, au cœur de l’attention lors de son discours très commenté à la conférence sur la sécurité de Munich.

En plus des problèmes posés par l’immigration de masse pour le Vieux Continent, Vance a désigné ce qu’il considère comme la plus grande menace pour les démocraties européennes : ni l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ni la montée en puissance de la Chine totalitaire, ni aucun autre acteur extérieur, mais des facteurs politiques internes qui érodent progressivement la liberté d’expression. Que JD Vance y croie sincèrement ou qu’il use d’un procédé rhétorique pour souligner l’inquiétante évolution politique et juridique de la liberté d’expression en Europe, peu importe au fond.

Liberté d’expression

Il n’en reste pas moins que tous les exemples cités par le vice-président des États-Unis au sujet de ce resserrement progressif de la liberté d’expression en Europe devraient alarmer tout défenseur de la démocratie. Qu’il s’agisse de la censure de ceux qui ont suggéré que la Covid-19 pourrait provenir d’une fuite de laboratoire à Wuhan, de citoyens britanniques privés de liberté d’expression au sujet de l’immigration sur les réseaux sociaux, de l’interdiction de prier à proximité des cliniques d’avortement, de l’étouffement de la controverse entourant des gangs de violeurs sud-asiatiques ou de l’interdiction de brûler le Coran – la conclusion reste la même.

Ces situations ne correspondent pas au concept de liberté d’expression hérité des Lumières, qui est le socle même des systèmes démocratiques occidentaux. Les principes inscrits dans la Constitution américaine de 1787 et dans la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » de la Révolution française de 1789 ne peuvent pas s’appliquer pleinement sans la libre circulation des opinions.

Libre circulation des opinions

Tout comme l’huile dans les rouages des systèmes démocratiques, la libre circulation des opinions permet d’optimiser le processus politique en assurant des décisions efficaces et légitimes aux yeux des citoyens. Sans ce mécanisme, les démocraties perdent l’avantage qu’elles ont sur les régimes autocratiques, car elles finissent par adopter des choix politiques moins pertinents, susceptibles de devenir fatals.

Pour que le processus démocratique marche comme prévu dans nos sociétés contemporaines, la collectivité doit tolérer davantage les opinions impopulaires et controversées, même sur les questions les plus sensibles. C’est d’autant plus crucial dans des États de plus en plus divers, où des politiques fondées sur des intérêts de groupes peuvent heurter l’intérêt général.

Ce principe semble avoir été oublié dans la plupart des pays d’Europe de l’Ouest, invoquant pourtant la tolérance et la diversité. Sans nier la sincérité de ces intentions, on remarque un effort coordonné, de haut en bas, de la part des défenseurs du multiculturalisme et des idées progressistes – dans la politique, les médias et la société civile – pour limiter les opinions impopulaires dans l’espace public, misant sur le fait que les divergences disparaîtront d’elles-mêmes. Or c’est une voie sans issue sur le plan idéologique, qui produit l’inverse de ce qu’elle vise et fragilise nos systèmes démocratiques de l’intérieur.

À mesure que la mosaïque d’identités de niche en Europe de l’Ouest s’étend, l’espace réservé aux propos jugés acceptables se réduit d’autant. Et plus cet espace se restreint, plus l’huile essentielle au bon fonctionnement de nos démocraties s’assèche. C’est une évolution très préoccupante qui pourrait entraîner des conséquences potentiellement désastreuses à long terme pour nos sociétés.

Qu’est-il donc advenu du principe : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire » ?

Marine nationale : La stratégie française de maîtrise des fonds marins comporte un « volet offensif »

Marine nationale : La stratégie française de maîtrise des fonds marins comporte un « volet offensif »


Réorganisation du Centre expert dans la plongée humaine et l’intervention sous la mer [CEPHISMER], expérimentations de nouvelles capacités, missions Calliope, acquisition de drones et robots sous-marins, partenariat avec l’IFREMER, etc. Ces derniers mois, la Marine nationale se met en ordre de marche pour être en mesure de mener des opérations dans les grandes profondeurs [jusqu’à moins 6 000 mètres], conformément aux orientations de la stragégie ministérielle de maîtrise des fonds marins, dévoilée en février 2022.

Cette dernière se résume en trois points : connaître, surveiller et agir.

Ainsi, il s’agit de cartographier les fonds marins, de mesurer les variations du champ de gravité de la Terre [on parle de gravimétrie], lesquelles peuvent avoir une influence sur les centrales inertielles, ou encore de collecter des informations sur les sédiments, qui, selon leur nature, sont susceptibles d’avoir des effets sur la propagation des ondes acoustiques.

En clair, la fonction « connaissance » a des implications au niveau opérationnel. Elle « permettra d’améliorer l’efficacité de nos moyens dans les grandes profondeurs et de faciliter leur navigation au sein de notre Zone économique exclusive et de nos zones d’intérêt », souligne la stratégie ministérielle.

La fonction « surveillance » concerne évidemment les infrastructures sous-marines sensibles [câbles de télécommunication, gazoduc, etc.], lesquelles sont susceptibles de faire l’objet d’actes malveillants, dans le cadre de ce que l’on appelle la « guerre hybride ». D’où la nécessité de disposer de moyens d’action pour intervenir si nécessaire.

« À l’instar de la surveillance et de la recherche, notre capacité à agir doit également être élargie afin de pouvoir opérer jusqu’à 6 000 m de profondeur. Il sera nécessaire de doter la Marine de capacités militaires complémentaires aux programmes d’armement actuels afin de pouvoir intervenir, même en milieu contesté », est-il expliqué dans la stratégie ministérielle.

Cela étant, cette capacité d’intervention a généralement été présentée comme étant défensive ou comme devant permettre de récupérer des objets « sensibles » dans les grandes profondeurs. Or, elle comporte un volet « offensif ». C’est en effet ce qu’a indiqué le contre-amiral Cédric Chetaille, coordonnateur central pour la maîtrise des fonds marins, lors du dernier point presse du ministère des Armées, le 13 février.

« Agir, ça veut dire aussi être en mesure de neutraliser ou de détruire des cibles chez l’adversaire puisque la maîtrise ne vise pas seulement un volet défensif mais développe aussi des options offensives au profit du chef d’état-major des armées [CEMA] et des opérations qu’il décidera », a affirmé le contre-amiral Chetaille.

« Donc, on s’entraîne, lors des missions Calliope, pour en être capable le jour où cela sera nécessaire et décidé », a-t-il ajouté, sans évidemment donner plus de détails, sensibilité du sujet oblige.

Cependant, le contre-amiral Chetaille a laissé entendre que les fonctions « connaissance » et « surveillance » contribuaient également à ce volet offensif étant donné qu’elle permettent de « collecter » des « informations sur l’infrastructure, les points de faiblesse ou les systèmes militarisés adverses posés sur les fonds marins ».

Justement, ces « systèmes militarisés », qui sont une source de « préoccupation », pourraient faire l’objet « d’actions offensives » menées par « nos futurs robots, des actions spéciales navales ou par des moyens de minage », a-t-il conclu.

Photo : Ministère des Armées

Le chef militaire et l’automatisation du combat (CMF – Dossier 31)

Le chef militaire et l’automatisation du combat (CMF – Dossier 31)


La montée en puissance de l’intelligence artificielle dans les armées semble aujourd’hui inéluctable. Il convient donc de s’y préparer et de s’interroger avec le Général de corps d’armée (2S) Patrick Alabergère sur la capacité du commandement à faire face aux bouleversements qu’elle va générer.

* * *

L’IA peut très schématiquement être définie comme un ensemble d’algorithmes conférant à une machine des capacités d’analyse et de décision, lui permettant de s’adapter intelligemment aux situations réelles en faisant par exemple des prédictions à partir de données déjà acquises.

Le monde de la défense s’est emparé de ce nouvel outil d’avenir aux capacités encore insoupçonnées qui constitue une véritable rupture stratégique dans l’affrontement de puissance. On prête à Vladimir Poutine cette phrase : « Celui qui deviendra leader en ce domaine, deviendra le maître du monde ».

Les armées françaises ont naturellement choisi d’investir dans l’IA pour bénéficier du potentiel prometteur de cette nouvelle technologie. Pourtant il faut dès à présent fixer les limites de son usage et appréhender la révolution que son introduction va générer dans l’exercice du commandement.

L’IA dans les armées est une réalité incontournable

Le général Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre, affirme que « l’IA va irriguer toutes les dimensions de notre travail ». Elle est devenue une réalité tout autant qu’une rupture stratégique dans les conditions d’engagement des armées.

En effet, le déploiement de l’IA sur le champ de bataille doit théoriquement permettre d’acquérir plus facilement la supériorité opérationnelle pour les forces qui en sont dotées, tout en conférant à la Nation qui l’utilise une plus grande autonomie stratégique.

C’est pour cette raison que la France a créé l’Agence Ministérielle de l’Intelligence Artificielle de Défense (AMIAD), dotée de 300 millions d’euros de budget annuel, et confiée à un Ingénieur de l’Armement, polytechnicien. Les ingénieurs de l’AMIAD sont les opérateurs d’un supercalculateur capable de traiter des données classifiées en très grand nombre, le plus puissant d’Europe consacré à l’IA. Avec l’IA de défense, l’idée n’est pas de remplacer les analystes et les officiers de terrain mais de « faire aussi bien et mieux des choses que l’homme fait déjà, et des choses impossibles compte tenu de l’urgence, lorsqu’il n’y a pas assez de temps pour réfléchir face à la multitude de données », expliquait l’amiral Vandier, Major général des armées, lors du récent lancement de l’AMIAD.

« Dans dix à quinze ans, un tiers de l’armée américaine sera robotisé et largement contrôlé par des systèmes dotés de l’IA » déclare le général Mark Milley, ancien chef d’état-major des armées américaines.

Personne ne veut donc passer à côté des évolutions permises par l’IA tellement le champ des possibles est immense, voire infini.

Ainsi, nous sommes passés du drone télépiloté aux essaims de drones aériens, terrestres ou navals gérés par l’IA. Cela permet à un ensemble de dizaines, de centaines, voire de milliers[1] de drones de traiter un objectif de manière coordonnée en les concentrant sur un espace très restreint pour saturer les défenses.

Thalès sait déjà faire voler des essaims d’une dizaine de drones hétérogènes qui accomplissent des missions sous le contrôle d’un opérateur unique.

Des essaims de drones peuvent également servir de camouflage électronique, en émettant des ondes au-dessus d’un poste de commandement.

Les ingénieurs travaillent maintenant sur des algorithmes permettant l’analyse du renseignement, la surveillance automatisée des mouvements ENI, la maintenance prédictive des équipements majeurs.

Même si le potentiel semble infini, il faut dès à présent réfléchir aux limites qu’il faut fixer au développement de l’IA dans les armées.

Les limites éthiques et juridiques qui sont imposées à nos armées résisteront elles à la réalité des conflits futurs  et à la course aux armements permise par l’IA ? 

Toujours mettre l’homme dans la boucle pour en garder le contrôle est le principe intangible sur le lequel se fonde le développement de l’IA en France pour des raisons éthiques évidentes.

Mais jusqu’à quand ce principe tiendra-t-il face aux développements à venir des capacités de l’IA ?

La France a accepté dans un premier temps de se doter de drones en refusant qu’ils soient armés. Puis très vite, face à la réalité des conflits actuels et du développement de ces armes, elle a fait le choix de s’équiper et d’utiliser des drones armés, tout en refusant les Systèmes d’Armes Létaux Autonomes (SALA).

Face au développement de l’autonomie des systèmes d’armes permis par les progrès de l’IA, la France a choisi de développer les Systèmes d’Armes Létaux Intégrant de l’Autonomie (SALIA), en refusant l’autonomie complète. Le comité d’éthique de la Défense a précisé la notion de SALIA dans son avis du 29 avril 2021 en les définissant comme étant « des systèmes auxquels le commandement consent de déléguer un certain nombre de calculs de décisions, dans un cadre général fixé par l’humain ».

Pourtant, les systèmes d’IA couplés à des robots autonomes sur terre, sur mer et dans les airs seront très vite en mesure d’identifier et détruire des objectifs plus rapidement que jamais, et sur une très vaste échelle. Cette rapidité va modifier l’équilibre entre soldat et software. Aujourd’hui, les armées font intervenir un être humain pour toute décision létale. Dès lors que l’identification et la frappe d’une cible se dérouleront en quelques secondes, l’humain n’aura plus qu’un rôle secondaire. Il ne fera que superviser les opérations sans intervenir dans chaque action. Ainsi, aujourd’hui certains systèmes autonomes ont déjà la capacité de décider de leurs cibles en temps réel en fonction des règles générées par les algorithmes. Ces derniers peuvent même les faire évoluer en cours d’action en fonction des leçons apprises.

Alors quelle attitude adopter face à un adversaire qui ne s’est pas fixé les mêmes règles éthiques que nous, estimant comme Machiavel que « la fin justifie les moyens ». Pourrons-nous toujours préserver l’éthique au détriment de l’efficacité ?

Les armées américaines ont fait le choix d’une IA « adaptative » où, par défaut, ils maintiennent l’homme dans la boucle mais en développant des modes d’autonomie accrue, voire totale, selon les règles éthiques suivies par leurs adversaires potentiels.

Les limites de l’IA découlent aussi du paramétrage des algorithmes qui la régissent.  En matière de SALA, cela revient à décider quel est le prix d’une vie humaine dans l’algorithme pour qu’il puisse déterminer le niveau de dommages collatéraux jugé acceptable par rapport à la valeur de la cible traitée. Il faut également définir quelle distinction doit être faite entre combattants et non combattants. Cela pose clairement la question de la détermination dans un algorithme de la proportion acceptable du nombre de civils qui pourraient être sacrifiés pour atteindre un objectif militaire.

Pour fixer des limites à l’IA encore faut-il pouvoir la contrôler tout au long de son processus de création et d’utilisation, notamment les algorithmes qui la structurent. 

Pour se faire, l’US Air Force a lancé un appel d’offres pour recruter des officiers de sécurité de l’IA qu’elle veut former pour surveiller le comportement des algorithmes et les réorienter si nécessaire. Mais outre le fait que c’est un métier totalement nouveau à créer, le défi s’annonce très difficile. En effet, comprendre le fonctionnement d’une IA est beaucoup plus complexe que la créer car elle évolue en permanence durant son apprentissage et à chaque utilisation. C’est pourtant une nécessité car l’empoisonnement de l’IA devient une menace réelle avec l’introduction de codes malveillants, de fonctionnalités cachées ou de défauts volontaires.

Cela pose la question de fond : l’IA est-elle contrôlable et si oui comment ?

L’exercice du commandement sera-t-il bouleversé par l’usage de l’IA ?

L’implication de l’IA sur le champ de bataille est de plus en plus importante. Elle bouleverse peu à peu les structures traditionnelles de commandement et de contrôle des états-majors avec le risque que d’un simple outil d’aide à la décision, l’IA devienne le preneur de décision.

En effet, l’IA peut améliorer significativement la qualité des décisions en produisant des analyses de données complexes et des prédictions plus précises, tout en automatisant les tâches décisionnelles routinières. La production des ordres, le choix entre deux modes d’actions (MA), leur confrontation avec les modes d’actions de l’ennemi (ME), tout cela peut être confié à la machine en automatisant le travail de nombreuses cellules d’un état-major opérationnel. L’intuition du chef, sa fameuse intention qui constitue souvent l’esprit de la mission auront-elles encore leur place dans le processus décisionnel et la production d’ordres d’opérations ?

Plus que jamais, un équilibre doit être trouvé entre l’apport indéniable de l’IA dans l’analyse et la synthèse rapides et pertinentes de données de plus en plus nombreuses, la présentation de solutions possibles et la prise de la décision finale qui engage la responsabilité du chef militaire et doit lui revenir. Ne serait-ce que parce qu’il est comptable de la vie de ses hommes devant leurs familles et leurs frères d’armes contrairement à la machine et ses concepteurs.

Il faut donc redéfinir la place pour le chef face à la réactivité accrue des machines en réussissant à préserver l’intégrité et surtout la cohérence d’une chaine de commandement mêlant des machines et des hommes.

L’introduction accrue de l’IA dans le processus de décision pose aussi la question de la responsabilisation. En effet, la responsabilité se retrouve diluée dans une chaine de commandement allant de l’ingénieur qui a conçu l’algorithme jusqu’à l’opérateur qui active le mode autonome, en passant par le responsable politique qui a commandé ces armes et par les officiers qui en ont ordonné l’usage. Il sera très difficile de déterminer la part de responsabilités de chacun et il y a fort à parier que, comme souvent, le chef militaire en bout de chaine, à la tête des opérations, soit considéré comme le premier et seul responsable.

Comme l’IA s’impose de manière incontournable dans le processus de décision, dans l’élaboration des ordres, dans la gestion des données et des équipements du champ de bataille, elle doit être enseignée dans toutes les écoles de formation. Elle doit être suffisamment vulgarisée pour que chaque acteur du champ de bataille, du soldat au général, en comprenne, à son niveau de responsabilités, les enjeux, les risques, les forces et les faiblesses.

Il faut éviter que les systèmes embarquant de l’IA à tous les niveaux de la chaine de commandement ne finissent par transformer les officiers conduisant les opérations en de simples opérateurs spécialisés, se reposant aveuglément sur les conclusions de la machine. Les chefs doivent particulièrement être formés à l’utilisation d’outils pilotés par l’IA pour en connaitre les limites et prendre suffisamment de recul pour ne pas être submergés par le flot d’informations qui leur parvient. Pour autant, l’automatisation du traitement de nombreuses données dans le processus d’élaboration des ordres et de la prise de décision en temps extrêmement rapide, constitue une véritable aide au commandement.

Cependant, il faut échapper à la tentation du tout IA car la menace cyber est suffisamment prégnante pour que les armées se retrouvent parfois engagées sans l’aide d’une IA rendue inutilisable ou inaccessible. Le mode dégradé doit plus que jamais continuer d’être enseigné, car il représente la dernière garantie d’efficacité pour les armées de plus en plus dépendantes du numérique, de la technologie et de l’IA.

Demain si les plus fervents partisans de l’IA ont raison et que presque tout peut être géré par l’IA en une fraction de seconde, il faudra s’assurer que le cerveau humain pourra suivre le rythme imposé par la machine et toujours en comprendre le fonctionnement. C’est à ce prix que le chef militaire, peut espérer conserver sa place dans la boucle décisionnelle.


NOTES :

  1. En mai 2024, les Américains ont fait décoller 5 293 drones pour un spectacle nocturne.

CERCLE MARÉCHAL FOCH

CERCLE MARÉCHAL FOCH

Le Cercle Maréchal Foch est une association d’officiers généraux en 2e section de l’armée de Terre, fidèles à notre volonté de contribuer de manière aussi objective et équilibrée que possible à la réflexion nationale sur les enjeux de sécurité et de défense. Nous proposons de mettre en commun notre expérience et notre expertise des problématiques de Défense, incluant leurs aspects stratégiques et économiques, afin de vous faire partager notre vision des perspectives d’évolution souhaitables. Le CMF est partenaire du site THEATRUM BELLI depuis 2017. (Nous contacter : Cercle Maréchal Foch – 1, place Joffre – BP 23 – 75700 Paris SP 07).