L’Allemagne prépare un avion/navette capable de dépasser les 6174 km/h et d’évoluer dans l’espace à des fins militaires

L’Allemagne prépare un avion/navette capable de dépasser les 6174 km/h et d’évoluer dans l’espace à des fins militaires

L'Allemagne prépare un avion/navette capable de dépasser les 6174 km/h et d'évoluer dans l'espace à des fins militaires
L’Allemagne prépare un avion/navette capable de dépasser les 6174 km/h et d’évoluer dans l’espace à des fins militaires

 

Vitesse hypersonique et ambitions spatiales ! l’Allemagne défie la Chine et les Etats-Unis avec une nouvelle navette.

Le gouvernement allemand a récemment officialisé son engagement dans le développement d’un engin spatial hypersonique réutilisable, marquant un tournant significatif dans la course à la suprématie technologique et militaire face à la Chine et les États-Unis. Ce projet, piloté par POLARIS Raumflugzeuge GmbH, promet de révolutionner le transport spatial et la reconnaissance militaire avec une mise en service prévue pour 2028.

L’Allemagne prépare une nouvelle navette spatial hypersonique avec des ambitions spatiales

Le nouvel appareil, conçu pour décoller horizontalement et atteindre des vitesses hypersoniques (donc supérieures à Mach 5 soit 6174 km/h) , sera doté de deux étages et aura la capacité de réutilisation, un critère devenu essentiel dans l’industrie spatiale moderne. La collaboration avec POLARIS Raumflugzeuge GmbH, entreprise innovante dans le domaine aérospatial, vise à développer un prototype fonctionnel d’ici six ans.

Objectifs multiples du projet de Polaris Raumflugzeuge GmbH

L’engin spatial envisagé servira de plateforme pour des tests hypersoniques approfondis. Au-delà de ses fonctions de recherche, l’appareil aura également la capacité de lancer de petits satellites. Cette polyvalence est rendue possible grâce à sa conception réutilisable, offrant une solution plus économique et plus fréquente que les lanceurs traditionnels.

Une contribution importante pour le secteur de la défense allemande

Le rôle potentiel de cet engin dans la reconnaissance spatiale pourrait transformer la capacité de l’Allemagne à surveiller ses adversaires. En fournissant des données de renseignement en temps réel, tout en étant presque insensible aux armes antisatellite, cet appareil représente un atout stratégique majeur pour les forces armées allemandes.

Le nouvel appareil, conçu pour décoller horizontalement et atteindre des vitesses hypersoniques (donc supérieures à Mach 5 soit 6174 km/h).
Le nouvel appareil, conçu pour décoller horizontalement et atteindre des vitesses hypersoniques (donc supérieures à Mach 5 soit 6174 km/h).

Développement progressif et innovations techniques

Le développement se fera en plusieurs étapes, avec des prototypes de plus en plus grands. Le modèle le plus avancé, mesurant environ 5 mètres de long et pesant 240 kg, précédera un prototype de 8 mètres de long et pesant entre 1,5 et 2 tonnes, dont le premier vol est prévu pour la fin de l’année 2025.

Capacité de transport et perspectives d’avenir

Le prototype final devrait être capable de transporter environ 1 000 kg de charge utile en orbite. En outre, POLARIS explore la possibilité d’étendre les fonctions de l’engin pour inclure des missions de reconnaissance spatiale, ce qui représenterait un avantage considérable pour les opérations de défense et de renseignement de l’Allemagne.

L’avenir des prototypes et tests en vol

POLARIS opère actuellement huit prototypes qui servent de démonstrateurs technologiques pour une gamme de clients existants. Le prototype développé spécifiquement pour le ministère de la Défense allemand sera le neuvième de la série, et son développement continue à un rythme soutenu, avec des tests de vol prévus pour évaluer et optimiser les systèmes de contrôle de vol de l’appareil.

Cette initiative allemande ne se contente pas de répondre à un besoin de défense; elle incarne aussi un pas en avant dans l’ambition de l’Allemagne de devenir un acteur majeur dans la nouvelle ère de l’exploration spatiale. Avec une approche résolument tournée vers l’innovation et la réutilisabilité, ce projet pourrait bien redéfinir les normes du voyage spatial et de la surveillance globale dans les prochaines décennies.

Source : Communiqué de presse de Polaris Raumflugzeuge GmbH

Nouvelle-Calédonie : Réflexions sur un accord à venir (ou pas)

Nouvelle-Calédonie : Réflexions sur un accord à venir (ou pas)

AP Photo/Charlotte Antoine-Perron)/MEU103/24268478680297//2409241524

par Eric Descheemaeker – Revue Conflits publié le 3 mars 2025

https://www.revueconflits.com/nouvelle-caledonie-reflexions-sur-un-accord-a-venir-ou-pas/


Paris et Nouméa seraient sur le point de trouver un accord, que les deux parties attendent. Mais un accord pour faire quoi et pour quel but ? Réflexions sur la Nouvelle-Calédonie.

Alors que tout Paris et Nouméa bruissent des discussions qui pourraient parvenir – quoique cela semble en réalité peu probable – à un « accord » que tout le monde dit espérer comme la terre la pluie après une longue sécheresse, essayons comme à l’habitude de prendre un peu de recul sur l’actualité immédiate. C’est le but de ces Chroniques calédoniennes : réfléchir à haute voix, agiter des idées, suggérer, proposer. Libre à chacun, ensuite, d’en faire ce qu’il veut.

Deux remarques, d’abord, sur la nature même de ce processus. Pourquoi vouloir un « accord » – et un accord sur quoi, pour faire quoi ? On ne se pose qu’à peine la question, tant tout le monde semble partir du principe que celui de Nouméa ayant expiré (« cette solution définit pour vingt années l’organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son émancipation », dit le point 5 du préambule), il faut bien le remplacer par quelque chose d’autre. Côté indépendantiste, ou séparatiste, de nouvelles « modalités d’émancipation » ; côté pro-français, une nouvelle « organisation politique ». Pourtant, il y au moins deux différences fondamentales entre 1998 et 2025, dont les implications sont considérables.

1998, 2025 : deux différences fondamentales

La première, c’est qu’il n’y a plus deux blocs face à face.

S’il y a une chose qu’on n’a pas reprochée à l’accord de Nouméa, comme avant à ceux de Matignon-Oudinot, c’est de ne pas être représentatifs de la population de l’archipel. Bien sûr, chaque camp a dû négocier avec ses propres troupes autant qu’avec son adversaire, mais il y avait bien, face à l’État, d’un côté une délégation indépendantiste (en 1998, le FLNKS en tant que tel), de l’autre, une délégation non-indépendantiste (en 1998 le RCPR). Aujourd’hui, à l’inverse, il n’y a plus un seul parti, ou une seule figure, rassemblant chacun des camps – à supposer même qu’on pût encore ranger tout le monde d’un côté ou de l’autre (quid des « non maintenant, oui plus tard » de l’Éveil océanien ?). Ce sont désormais pas moins de six délégations qui sont censées représenter – sans qu’on ne nous ait d’ailleurs expliqué pourquoi ni comment – les Calédoniens (dont on ne sait pas non plus qui ils sont, la définition même des parties intéressées étant, de manière un peu circulaire, un enjeu des négociations) ! Pas grand monde ne semble avoir remarqué, à haute voix tout du moins, que cela change radicalement la nature de l’exercice, puisque l’éventuel accord à venir ne serait pas bilatéral, mais multilatéral ; ni avoir posé deux questions pourtant fondamentales. Qui devrait le signer : toutes les six, ou bien une majorité (mais de qui ou de quoi) ? Et qui serait demain, dans un paysage politique calédonien en constante fluctuation, responsable de la parole ainsi donnée et de sa mise en application ?

La seconde, c’est la durée de cet accord (en tout cas telle que lui-même l’envisagerait). Matignon et Oudinot – dont on peut d’ailleurs considérer qu’ils forment un processus unique, le second ayant été conclu pour ne pas aller au référendum prévu par le premier – se donnaient une date d’échéance. C’est dans la logique d’un accord politique, qui est avant tout un accord de cessez-le-feu en échange de concessions réciproques. Mais celui à venir ? Pour ceux qui veulent faire sécession, sa limitation de durée va de soi : il s’agit de conduire, à nouveau, « Kanaky » vers sa « pleine émancipation », en 2053, par exemple.

Du côté loyaliste, c’est beaucoup moins clair. Ils veulent d’évidence un statut pérenne, ce qui semble la moindre des choses dans la mesure où nous sortirions des « dispositions transitoires » de Nouméa (et sa traduction juridique en droit français). Mais ils semblent réserver un droit à l’autodétermination de l’île, c’est-à-dire la possibilité unilatérale pour celle-ci de recommencer un processus référendaire qui pourrait, nécessairement, mener à la fin de ses propres dispositions. Et puis, il est peu probable qu’ils aient le désir de fixer « pour toujours » les grandes questions institutionnelles, surtout en ayant si peu préparé leur affaire. Sans compter, bien sûr, qu’en droit constitutionnel français tout ou presque est temporaire par nature : contrairement au Royaume-Uni et aux pays suivant son modèle, les Français changent structurellement de régime toutes les quelques décennies. Dans la mesure où, statistiquement, la Constitution de la 5e République n’en a plus pour très longtemps à vivre, il pourrait être intéressant de se demander ce qui arriverait alors aux dispositions concernant la Nouvelle-Calédonie…

Préparer l’avenir

Mais si, explicitement ou de manière tacite, l’accord conclu est lui aussi « pour vingt années » (ou « pour aussi longtemps qu’il pourra tenir politiquement »), alors il est évident qu’il ne réglera rien. Il ne ferait, comme Matignon et comme Nouméa, que remettre les problèmes à plus tard en échange d’un retour au calme immédiat. Que cela fasse le miel des séparatistes est une évidence. On comprend beaucoup moins bien comment cela pourrait satisfaire ceux qui pensent que non veut dire non, pas non maintenant, plus tard on verra.

Dans ces conditions, on peut se demander si la meilleure solution, d’un point de vue loyaliste, ne serait pas qu’il n’y ait pas d’accord : cela obligerait alors l’État à formuler lui-même un projet (incluant un suffrage universel ou quasi-universel pour les habitants de l’île, puisque la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme l’exige). En tous les cas, il serait inconcevable de signer un accord censé être autre chose que définitif sans se demander maintenant ce qu’il se passera lorsqu’il faudra, de nouveau, en sortir : c’est de ne pas s’être posé la question dès 1998 que l’accord de Nouméa agonise aujourd’hui, entraînant le Caillou dans son sillage. Il est vrai qu’on a eu 25 ans depuis pour anticiper le jour d’après et que cela non plus n’a pas été fait. Il fut un temps où gouverner c’était prévoir ; manifestement ces temps ne sont plus.

Nouméa ou Kanaky ?

Poursuivons le raisonnement. Ce que veulent les séparatistes, c’est d’évidence unkana « Nouméa-II » avec de nouvelles concessions françaises tout de suite et de nouveaux référendums pour plus tard, exigés par la Constitution puisqu’on ne peut pas se débarrasser d’un territoire sans l’accord de ses habitants. Référendums qu’ils espèrent bien gagner, ils nous l’ont montré depuis un an de la manière la plus transparente possible, en faisant fuir ceux qui pourraient s’opposer à eux. Dont acte. Mais alors que convient-il, en face, de vouloir ? Avant tout, nous semble-t-il, un statut effectivement pérenne au sein de la France, c’est-à-dire définitif dans son principe, même si on ne sait jamais ce que l’histoire nous réservera. Cependant, on l’a dit, d’une part, on voit mal un statut satisfaisant être conçu en quelques mois – toute la question des institutions, de leurs compétences, de l’éventuelle citoyenneté, etc. devra être revisitée – ; d’autre part, un accord transitoire serait pire encore que pas d’accord du tout, puisqu’il forcerait le Caillou à revivre ce qu’il a déjà vécu, tout en encourageant les plus radicaux des indépendantistes dans leur politique de « la valise ou le cercueil ».

Espérer que les problèmes s’évaporeront entre temps relève d’une pensée magique qui ne devrait plus avoir cours depuis longtemps.

Dans ces conditions, un accord général, en plus de n’être dans les faits pas réaliste, n’apparaît plus comme aussi désirable qu’on n’a tendance à le penser (du moins à haute voix). Un statut imposé d’en haut, mais qu’on aurait pris le temps de concevoir de manière intelligente, si possible en réfléchissant à la manière dont la Calédonie s’articulerait avec le reste de l’outre-mer français, et qui serait, lui, a priori aussi intangible que n’importe quelle autre norme constitutionnelle (ou constitutionnalisée), serait probablement bien meilleur. Les indépendantistes n’en voudront certes pas, mais qu’est-ce que cela change ? Ils ne veulent de toute façon de rien, sauf d’une indépendance aux frais du contribuable français. Quant à l’éternel chantage aux violences, on a vu à quoi y céder nous menait.

Trouver malgré tout un accord

Cela ne veut pas dire qu’il faille renoncer à toute perspective d’accord, aujourd’hui en 2025. À moins d’être va-t’en-guerre, on ne peut que préférer la concorde à une division actée entre deux camps. Mais comme un accord global n’est ni possible ni sans doute même souhaitable, restreignons-le aux seules questions urgentes : le retour à la paix civile et l’élargissement du corps électoral pour les provinciales à venir. Tout le reste peut attendre. Reste la question de savoir comment obtenir un accord avec les indépendantistes (et d’ailleurs, on l’a dit, quels indépendantistes ?) sans rien leur donner de ce qu’ils disent vouloir. Question difficile à laquelle il serait bien prétentieux de prétendre avoir la réponse, mais c’est à cela qu’on devrait réfléchir, à Nouméa comme à Paris.

Deux pistes : un véritable travail d’explication du fait que, sans ce que la France apporte, les Kanaks seront les premiers à souffrir, bien plus qu’hier, bien plus qu’en 2024, et dans une mesure qu’ils n’ont visiblement pas l’air de comprendre. Travail qui devrait venir en large mesure de tous ces Kanaks qui l’ont, eux, déjà compris, et savent que l’histoire a noué leur destin à celui de la France. Et puis de véritables réformes économiques et fiscales qui permettraient à tous ceux qui le souhaitent de s’intégrer à la société commune dans des conditions plus justes qu’aujourd’hui (à ne pas confondre, bien sûr, avec le chèque social, aussi contre-productif que méprisant).

Un petit accord rapidement, modeste dans ses ambitions, mais qui pourrait réellement changer la vie des habitants de l’île, plutôt qu’un accord global, dont on voit mal comment il ne ferait pas que décaler les problèmes pour que ceux-ci nous reviennent encore plus violemment au visage dans une génération, et qui de toute façon, ne semble avoir aucune chance d’aboutir : voilà en tout cas une suggestion. Libre, comme toujours, à chacun d’en faire ce qu’il veut.

*Eric Descheemaeker est professeur à l’Université de Melbourne

La dissuasion nucléaire française peut-elle devenir européenne ?

La dissuasion nucléaire française peut-elle devenir européenne ?

Alors que les États-Unis pourraient réduire leur engagement en Europe, la dissuasion nucléaire française apparaît comme une solution.

Par Clément Machecourt – Le Point –

https://www.lepoint.fr/politique/la-dissuasion-nucleaire-francaise-peut-elle-devenir-europeenne-01-03-2025-2583611_20.php


Le 24 février, un article du Telegraph jette le trouble. Le quotidien britannique annonce que le bouclier nucléaire français pourrait s’étendre à toute l’Europe, avec le stationnement d’avions Rafale, porteurs de l’arme nucléaire, en Allemagne. Aucune déclaration officielle ne vient confirmer les propos d’une source anonyme française. L’information tombe alors qu’Emmanuel Macron est en visite à Washington pour faire entendre raison à Donald Trump sur le règlement du conflit ukrainien.

Plus récemment, le futur chancelier allemand, Friedrich Merz, s’est dit prêt à se placer sous la dissuasion nucléaire française. Un signe supplémentaire montrant que les chancelleries européennes considèrent le scénario d’un désengagement militaire des États-Unis du Vieux Continent.

« Les pays européens se sont rendu compte que les États-Unis ne risqueraient jamais un conflit nucléaire avec la Russie pour un pays européen », analyse Étienne Marcuz, spécialiste des systèmes balistiques et ancien membre du ministère des Armées. Une situation qui pousse à repenser le rôle de l’arsenal français en Europe.

Dès 2020, dans un discours prononcé à l’École de guerre, Emmanuel Macron avait bien souligné que « les intérêts vitaux de la France ont désormais une dimension européenne ». « Dans cet esprit, je souhaite que se développe un dialogue stratégique avec nos partenaires européens qui y sont prêts, sur le rôle de la dissuasion nucléaire française dans notre sécurité collective. »Un message en partie brouillé en octobre 2022 quand le président avait affirmé que les intérêts vitaux de la France ne seraient pas menacés en cas d’attaque balistique nucléaire en Ukraine ou dans la région.

« C’est français et ça restera français »

Désormais, « il faudrait avoir des déclarations bilatérales fortes, au moins avec les Allemands, éventuellement les Polonais, peut-être les Suédois, comme celle faite avec les Britanniques à l’époque de Jacques Chirac », suggère Héloïse Fayet, chercheuse en prolifération nucléaire et balistique à l’Ifri. En 1995, Paris et Londres avaient déclaré ne pas imaginer « de situation dans laquelle les intérêts vitaux de l’un de nos deux pays, la France et le Royaume-Uni, pourraient être menacés sans que les intérêts vitaux de l’autre le soient aussi ».

Sur le plan opérationnel, l’intégration européenne pourrait passer par des exercices conjoints. Jusqu’ici, seul un avion ravitailleur italien a participé en 2022 aux exercices français « Poker » de simulation de frappe nucléaire. « On pourrait très bien faire un équivalent de Poker à l’échelle européenne, avec des tactiques dégradées », propose Étienne Marcuz, c’est-à-dire sans partager toutes les procédures sensibles. La dissuasion pourrait-elle être un jour partagée ? « C’est français et ça restera français », a réaffirmé sur France Info le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Le message est clair : le président de la République restera le seul à pouvoir déclencher le feu nucléaire.

Mais la France aurait-elle les épaules assez solides pour assumer seule la défense de ses intérêts vitaux sur l’ensemble du continent européen ? Face aux 300 armes nucléaires françaises, représentant la « stricte suffisance » d’un arsenal au caractère avant tout défensif, Les États-Unis alignent 3 700 têtes nucléaires, la Russie près de 6 000 ogives. Le Royaume-Uni, bien que n’étant plus membre de l’Union européenne, dispose de 225 têtes, mais sa dissuasion repose principalement sur la technologie américaine.

Un manque de capacités conventionnelles

« Ce n’est pas tant une question de nombre que de flexibilité de l’arsenal », souligne Étienne Marcuz, qui plaide pour une approche combinant capacités nucléaires et conventionnelles. « Il faut réussir à dissuader les attaques qui ne relèvent pas de nos intérêts vitaux. Dans ce cas-là, c’est aux forces conventionnelles de le faire », renchérit Héloïse Fayet. Le projet européen Elsa (European Long-Range Strike Approach) initié par la France pour développer conjointement un ou des missiles capables de frappes longue portée et de précision, en est un exemple. Une capacité permettant de rester « sous le seuil » et qui manque cruellement dans les armées européennes, pourtant conscientes de son importance dans le conflit en Ukraine.

Mais cette européanisation de la dissuasion française ne viserait pas, pour le moment, à remplacer la dissuasion élargie américaine, estime Héloïse Fayet : « C’est donner des garanties supplémentaires au cas où la dissuasion américaine soit moins crédible. » D’autant que le retrait des armes nucléaires américaines d’Europe, une centaine de bombes à gravité B61 réparties en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, en Allemagne et en Turquie, semble peu probable à court terme. Ces dernières jouant aussi un rôle dans la lutte contre la prolifération nucléaire au sein même de l’Europe.

Et hormis la Turquie, tous les autres pays qui accueillent des B61 achètent le F-35A américain pour remplacer leurs anciens avions. Un marché représentant plusieurs milliards de dollars de contrat pour la base industrielle et technologique de défense américaine.

L’échange entre Trump et Zelensky : texte intégral

L’échange entre Trump et Zelensky : texte intégral

Dans une scène d’une violence verbale sans précédent, le président des États-Unis Donald Trump et son vice-président J.D. Vance ont repris les éléments de langage de Vladimir Poutine pour chercher à humilier en direct à la télévision leur allié, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche.

Nous publions la transcription intégrale de cet échange — un tournant historique.

Auteur : Le Grand Continent – publié le 1er mars 2025
https://legrandcontinent.eu/fr/2025/02/28/lechange-entre-trump-et-zelensky-transcription-integrale/

Dans le Bureau ovale, le 28 février 2025. © Shutterstock

Alors que le président ukrainien rappelait que l’invasion russe remontait à l’annexion de la Crimée en 2014 et que l’Ukraine a déjà signé un cessez-le-feu que la Russie n’a pas respecté, le vice-président américain J.D. Vance l’a violemment interrompu, lui reprochant de plaider sa cause devant les médias américains, exigeant qu’il remercie Trump pour son soutien et insistant sur le fait que l’Ukraine manquait de soldats.

La forme est choquante.

L’objet du débat n’a pourtant rien de trivial.

Il est crucial pour l’Ukraine et pour l’Europe : un cessez-le-feu — que Donald Trump veut obtenir au plus vite — doit-il être précédé de garanties de sécurité ?

Du côté ukrainien et européen, on craint que tout accord qui ne serait qu’un gel des lignes de front — une sorte de Minsk — ne serve qu’à permettre à la Russie de se réarmer et regrouper dans un moment où son économie montre des signes de faiblesse.

Cette séquence, assez visiblement orchestrée, intervient alors que, dans les dix derniers jours, Donald Trump a traité Zelensky de dictateur et que les États-Unis ont voté aux Nations Unies avec la Russie et la Corée du Nord contre une résolution demandant la fin des hostilités ainsi qu’une résolution pacifique du conflit et réaffirmant l’engagement de l’organisation pour l’intégrité territoriale du pays.

Elle a fait réagir la plupart des chancelleries européennes en soutien à l’Ukraine dans la soirée.

Un haut fonctionnaire européen a déclaré au Grand Continent dans la soirée qu’il s’agissait « d’une embuscade pour les caméras ».

En diplomatie, chaque mot compte — ils comptent même double lorsqu’ils sont prononcés face caméra. Pour que chacun puisse avoir connaissance de ceux qui viennent d’être prononcés à Washington, de leur brutalité mais aussi de leur portée, nous publions une transcription non altérée, non éditée des échanges.

Donald Trump 

(répondant à un journaliste) Je ne suis pas aligné avec Poutine. Je ne suis aligné avec personne. Je suis aligné avec les États-Unis d’Amérique. Et pour le bien du monde. Je suis aligné avec le monde. Et je veux en finir avec cette histoire. Vous voyez la haine qu’il a pour Poutine. C’est très difficile pour moi de conclure un accord avec un tel niveau de haine. Il a une haine immense. Et je comprends cela. Mais je peux vous dire que l’autre camp ne l’aime pas non plus.

Donc, ce n’est pas une question d’alignement. Je suis aligné avec le monde. Je veux régler ce problème. Je suis aligné avec l’Europe. Je veux voir si nous pouvons trouver une solution. Vous voulez que je sois dur ? Je peux être plus dur que n’importe quel être humain que vous ayez jamais vu. Je serais si dur. Mais vous n’obtiendrez jamais d’accord comme ça. Voilà comment ça fonctionne.

J.D. Vance

Je vais répondre à cela. Écoutez, pendant quatre ans aux États-Unis, nous avons eu un président qui se montrait dur avec Vladimir Poutine lors des conférences de presse. Et ensuite, Poutine a envahi l’Ukraine et a détruit une grande partie du pays. Le chemin vers la paix et la prospérité passe peut-être par la diplomatie. Nous avons essayé la voie de Joe Biden, celle de bomber le torse et de faire comme si les paroles du président des États-Unis comptaient plus que ses actions.

Ce qui fait des États-Unis un grand pays, c’est leur engagement dans la diplomatie. C’est ce que fait le président Trump.

Volodymyr Zelensky

D’accord. Il a occupé des territoires, nos territoires. De grandes parties de l’Ukraine. L’est et la Crimée. Il les a occupés en 2014. Pendant de nombreuses années, et je ne parle pas seulement de Biden. À cette époque, c’était Obama, puis le président Obama, puis le président Trump, puis le président Biden, et maintenant le président Trump. Que Dieu bénisse : maintenant, le président Trump va l’arrêter. Mais depuis 2014, personne ne l’a arrêté. Il a simplement occupé et pris. Il a tué des gens.

Donald Trump

2015.

Volodymyr Zelensky

2014.

J.D. Vance

2014 et 2015.

Donald Trump

2014. Je n’étais pas là.

Volodymyr Zelensky

Mais de 2014 à 2022 (…) personne ne l’a arrêté. Vous savez que nous avons eu des discussions avec lui, beaucoup de discussions. Mes discussions bilatérales. Et nous avons signé avec lui. Moi, en tant que nouveau président, en 2019, j’ai signé avec lui un accord, j’ai signé avec lui, Macron et Merkel. Nous avons signé un cessez-le-feu. Un cessez-le-feu. Tous m’ont dit qu’il ne bougerait jamais. Nous avons signé avec lui un contrat sur le gaz. Mais après, il a rompu le cessez-le-feu. Il a tué notre peuple et il n’a pas échangé les prisonniers. Nous avons signé un échange de prisonniers, mais il ne l’a pas respecté. De quelle diplomatie, J.D., parlez-vous ? Que voulez-vous dire ?

J.D. Vance

Je parle de la diplomatie qui mettra fin à la destruction de votre pays.

Monsieur le Président, avec tout le respect, je pense que c’est irrespectueux de venir dans le Bureau Ovale et d’essayer de débattre de cela devant les médias américains. En ce moment, vous envoyez de force des conscrits sur le front parce que vous manquez d’hommes. Vous devriez remercier le président d’essayer de mettre fin à ce conflit.

Volodymyr Zelensky

Êtes-vous déjà allé en Ukraine ? Vous parlez de nos problèmes.

J.D. Vance

J’y suis allé…

Volodymyr Zelensky

Venez une fois.

J.D. Vance

J’ai regardé et vu les reportages, et je sais que vous emmenez des gens en tournée de propagande, Monsieur le Président. N’êtes-vous pas d’accord pour dire que vous avez des difficultés à recruter des soldats ?

Volodymyr Zelensky

Nous avons des problèmes. Je vais répondre.

J.D. Vance

Et pensez-vous qu’il soit respectueux de venir dans le Bureau Ovale des États-Unis d’Amérique et d’attaquer l’administration qui essaie de prévenir la destruction de votre pays ?

Volodymyr Zelensky

Beaucoup de questions. Commençons par le début.

J.D. Vance

D’accord.

Volodymyr Zelensky

Tout d’abord, en temps de guerre, tout le monde a des problèmes, même vous. Mais vous avez un bel océan et ne ressentez pas cela pour l’instant, mais vous le sentirez à l’avenir.

Donald Trump

Vous n’en savez rien.

Volodymyr Zelensky

Que Dieu vous bénisse, vous n’aurez pas de guerre.

Donald Trump

Ne nous dites pas ce que nous allons ressentir. Nous essayons de résoudre un problème. Ne nous dites pas ce que nous allons ressentir.

Volodymyr Zelensky

Je ne vous dis pas…

Donald Trump

Parce que vous n’êtes pas en position de nous dicter cela. Rappelez-vous ceci : vous n’êtes pas en position de nous dicter ce que nous allons ressentir. Nous allons nous sentir très bien.

Volodymyr Zelensky

Vous en ressentirez l’influence. Je vous le dis.

Donald Trump

Nous allons nous sentir très bien et très forts.

Volodymyr Zelensky

Vous en ressentirez l’influence.

Donald Trump

Vous n’êtes pas en bonne position en ce moment.

Vous vous êtes placé dans une très mauvaise position. Et il a raison à ce sujet. Vous n’êtes pas en bonne position. Vous n’avez pas les cartes en main pour le moment. Avec nous, vous commencez à en avoir.

Volodymyr Zelensky

Je ne joue pas aux cartes. Je suis très sérieux, Monsieur le Président. Je suis un président en temps de guerre…

Donald Trump

Vous jouez aux cartes. Vous jouez aux cartes. Vous jouez avec la vie de millions de personnes. Vous jouez avec la Troisième Guerre mondiale. Vous jouez avec la Troisième Guerre mondiale. Et ce que vous faites est très irrespectueux envers ce pays, ce pays qui vous a soutenu bien plus que ce que beaucoup de gens ont dit qu’il aurait dû faire.

J.D. Vance

Avez-vous dit « merci » une seule fois pendant toute cette réunion ? Non. Pendant toute cette réunion, avez-vous dit « merci » ? Vous êtes allé en Pennsylvanie et avez fait campagne pour l’opposition en octobre. Offrez quelques mots d’appréciation aux États-Unis et au président qui essaie de sauver votre pays.

Volodymyr Zelensky

S’il vous plaît. Vous pensez que si vous parlez très fort de la guerre, vous…

Donald Trump

Il ne parle pas fort. Il ne parle pas fort. Votre pays est en grande difficulté. Attendez une minute.

Volodymyr Zelensky

Puis-je répondre ?

Donald Trump

Non. Non. Vous avez beaucoup parlé. Votre pays est en grande difficulté.

Volodymyr Zelensky

Je sais. Je sais.

Donald Trump

Vous n’êtes pas en train de gagner. Vous ne gagnez pas cette guerre. Vous avez une sacrée chance de vous en sortir grâce à nous.

Volodymyr Zelensky 

Monsieur le Président, nous restons dans notre pays, nous restons forts. Depuis le début de la guerre, nous avons été seuls, et nous sommes reconnaissants. J’ai dit merci dans ce cabinet, et seulement dans ce cabinet.

Donald Trump

Vous n’avez pas été seuls. Nous vous avons donné, par l’intermédiaire de ce président stupide, 350 milliards de dollars. Nous vous avons fourni du matériel militaire. Et vos hommes sont courageux. Mais ils ont dû utiliser notre matériel militaire. Si vous n’aviez pas eu notre équipement militaire…

Volodymyr Zelensky

Vous m’avez invité…

Donald Trump

Si vous n’aviez pas eu notre équipement militaire, cette guerre aurait été terminée en deux semaines.

Volodymyr Zelensky

En trois jours. Je l’ai entendu de la bouche de Poutine : en trois jours.

Donald Trump

Peut-être moins.

Volodymyr Zelensky

C’est quelque chose, en deux semaines. Bien sûr. Oui.

Donald Trump

Ça va être très difficile de faire affaire dans ces conditions, je vous le dis.

J.D. Vance

Dites juste merci.

Volodymyr Zelensky

Je l’ai dit de nombreuses fois, merci au peuple américain.

J.D. Vance

Acceptez qu’il y ait des désaccords. Allons débattre de ces désaccords au lieu d’essayer de les exposer aux médias américains alors que vous avez tort. Nous savons que vous avez tort.

Donald Trump

Mais vous voyez, je pense qu’il est important pour le peuple américain de voir ce qui se passe. Je pense que c’est très important. C’est pourquoi j’ai laissé cette discussion durer si longtemps. Vous devez être reconnaissant.

Volodymyr Zelensky

Je suis reconnaissant.

Donald Trump

Vous n’avez pas les cartes en main. Vous êtes acculé là-bas, votre peuple meurt. Vous manquez de soldats.

Volodymyr Zelensky

Non, s’il vous plaît, Monsieur le Président.

Donald Trump

Écoutez. Vous manquez de soldats. Ce serait une sacrée bonne chose. Ensuite, vous nous dites : « Je ne veux pas de cessez-le-feu. Je ne veux pas de cessez-le-feu. Je veux continuer et obtenir ceci. » Écoutez, si vous pouviez obtenir un cessez-le-feu maintenant, je vous dirais de le prendre. Ainsi, les balles cesseraient de voler et vos hommes cesseraient de mourir.

Volodymyr Zelensky

Bien sûr que nous voulons arrêter la guerre.

Donald Trump

Mais vous dites que vous ne voulez pas de cessez-le-feu.

Volodymyr Zelensky

Mais je vous ai dit, avec des garanties.

Donald Trump

Je veux un cessez-le-feu, parce que vous obtiendrez un cessez-le-feu plus rapidement qu’un accord de paix.

Volodymyr Zelensky

Demandez à notre peuple ce qu’il pense du cessez-le-feu—

Donald Trump

Ce n’était pas avec moi. Ce n’était pas avec moi. C’était avec un type nommé Biden, qui n’était pas une personne intelligente. C’était avec Obama.

Volodymyr Zelensky

C’était votre président.

Donald Trump

Excusez-moi. C’était avec Obama, qui vous a donné des draps, et moi, je vous ai donné des Javelins.

Volodymyr Zelensky

Oui.

Donald Trump

Je vous ai donné des Javelins pour détruire tous ces chars. Obama vous a donné des draps. En fait, l’expression est : Obama a donné des draps, et Trump a donné des Javelins. Vous devez être plus reconnaissant parce que, laissez-moi vous dire, vous n’avez pas les cartes en main. Avec nous, vous avez des cartes. Mais sans nous, vous n’avez aucune carte.

Ce sera un accord difficile à conclure, car les attitudes doivent changer.

Une journaliste

Et si la Russie viole le cessez-le-feu ? Et si la Russie rompt les négociations de paix ? Que ferez-vous dans ce cas ? Je comprends que la conversation est tendue.

Donald Trump

Que dites-vous ?

J.D. Vance

Elle demande : et si la Russie viole le cessez-le-feu ?

Donald Trump

Et si quoi que ce soit ? Et si une bombe tombait sur votre tête maintenant ? OK ? Et s’ils le violaient ? Je ne sais pas, ils l’ont fait avec Biden, parce qu’ils ne le respectaient pas. Ils ne respectaient pas Obama. Ils me respectent.

Laissez-moi vous dire, Poutine en a bavé avec moi. Il a traversé une fausse chasse aux sorcières où ils l’ont utilisé, ainsi que la Russie, la Russie, la Russie, la Russie. Vous avez déjà entendu parler de cette affaire ? C’était un mensonge. C’était une arnaque impliquant Hunter Biden et Joe Biden. Hillary Clinton, le sournois Adam Schiff. C’était une arnaque des démocrates. Et il a dû traverser cela. Et il l’a fait. Nous n’avons pas fini en guerre. Et il a dû le supporter. Il était accusé de toutes ces choses. Il n’avait rien à voir avec ça. C’était sorti de la chambre à coucher de Hunter Biden. Ça venait de la chambre à coucher de Hunter Biden. C’était dégoûtant. Et puis ils ont dit : « Oh, l’ordinateur portable de l’enfer a été fabriqué par la Russie ». Les 51 agents. Tout cela n’était qu’une escroquerie. Et il a dû supporter tout cela.

On l’accusait de toutes ces choses. Tout ce que je peux dire, c’est ceci : il a peut-être rompu des accords avec Obama et Bush, et peut-être avec Biden. Il l’a fait. Peut-être. Peut-être qu’il ne l’a pas fait. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Mais il ne les a pas rompus avec moi. Il veut conclure un accord. Je ne sais pas s’il peut conclure un accord.

Le problème, c’est que je vous ai donné du pouvoir pour être un dur à cuire, et je ne pense pas que vous auriez été un dur à cuire sans les États-Unis. Et votre peuple est très courageux.

Volodymyr Zelensky

Merci.

Donald Trump

Mais soit vous concluez un accord, soit nous nous retirons. Et si nous nous retirons, vous devrez vous battre. Je ne pense pas que ce sera joli, mais vous devrez vous battre.

Mais vous n’avez pas les cartes en main. Une fois que nous signerons cet accord, vous serez dans une bien meilleure position. Mais vous ne montrez aucun signe de gratitude. Et ce n’est pas une bonne chose. Honnêtement, ce n’est pas une bonne chose.

Très bien. Je pense que nous en avons assez vu. Qu’en pensez-vous, hein ? Ça va faire de la très bonne télévision. Je peux vous le dire. Très bien. Nous verrons ce que nous pouvons faire pour arranger cela. Merci.

Permanence de la menace de l’État islamique

Permanence de la menace de l’État islamique

par Alain Rodier – CF2R – Note d’actualité N°675 / février 2025

https://cf2r.org/actualite/permanence-de-la-menace-de-letat-islamique/


Le groupe État islamique (EI) continue d’être actif non seulement sur le terrain, mais aussi grâce à ses publications sur les réseaux sociaux en particulier via le centre médiatique Al-Hayat créé en 2014 en même temps que le « califat ». Ce dernier cible les publics étrangers et produit ses publications en anglais, allemand, russe, ourdou, indonésien, turc, bengali, chinois, bosniaque, kurde, ouïghour et français.

Des musulmans radicalisés souhaitant exprimer leurs frustrations et leur révolte par la violence sont encouragés par de ses discours actuels ou passés (plus rarement par ceux d’Al-Qaida qu’ils considèrent comme « ringard ») à se livrer à des attentats avec les moyens disponibles, généralement en lançant leur véhicule sur la foule ou, plus couramment, en utilisant des armes blanches. Ces moyens avaient déjà été « conseillés » par les sites islamistes-jihadistes au milieu des années 2010 par lemagazine Inspire d’Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) et dans les propos du porte-parole de l’époque de l’EI, le Syrien Abou Mohammed al-Adnani : « Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen – en particulier les méchants et sales Français – ou un Australien ou un Canadien, ou tout (…) citoyen des pays qui sont entrés dans une coalition contre l’État islamique, alors comptez sur Allah et tuez-le de n’importe quelle manière. (…). Frappez sa tête avec une pierre, égorgez-le avec un couteau, écrasez-le avec votre voiture, jetez-le d’un lieu en hauteur, étranglez-le ou empoisonnez-le ». Les attentatsles plus meurtriers ont été ceux des camions lancés dans la foule le 16 juillet 2016 à Nice (86 morts, 458 blessés), le 19 décembre 2016 à Berlin (13 morts, 50 blessés) et le 31 mai 2017 à Kaboul (environ 90 morts et 400 blessés). La liste des attentats à l’arme blanche s’allonge elle aussi avec le temps. Parfois certains fidèles parviennent à se procurer des armes à feu et cela tourne au carnage.

Par contre, il est symptomatique de constater que les activistes qui passent à l’acte aujourd’hui ne recherchent plus systématiquement à mourir en « martyrs » comme c’était le cas pour leurs aînés qui étaient généralement équipés de vestes explosives (attentats du 13 novembre 2015 à Paris) où s’exposaient volontairement aux tirs de riposte des forces de l’ordre (attentats des 7 et 9 janvier 2015 à Paris).

Les risques début 2025

En 2024, le porte-parole officiel du mouvement, Abou Hudhayfah al-Ansari, a adressé le message suivant aux forces de la coalition anti-Daech : « vous vous réunissez pour trouver des solutions (…) ; il n’y en n’a pas (…). L’expansion continue au niveau global (…) la guerre américaine a commencé contre un petit groupe en Irak et aujourd’hui l’EI est en Afrique ». Dans un autre message, il prévient que des attaques seront menées à l’échelle globale. Les « loups solitaires » sont encouragés à viser spécifiquement des chrétiens et des juifs, surtout en Europe, aux États-Unis, à Jérusalem et en Palestine. Il a appelé à de nouvelles attaques contre les troupes américaines en Irak et a exhorté les cellules clandestines au Mozambique et aux Philippines à poursuivre leurs activités.

Le mois du Ramadan (qui débute cette année le 1er mars) est généralement favorable au déclenchement d’actions terroristes Cela est dû au fait que selon la tradition musulmane, le Ramadan est une période pendant laquelle Dieu donne la victoire aux croyants. Les jihadistes se réfèrent principalement à la bataille de Badr (624) qui at vu les disciples de Mahomet triompher d’une caravane de la tribu Quraysh. Ce mois sacré est aussi considéré comme une période durant laquelle toutes les actions des musulmans pieux sont davantage récompensées par Dieu.

Enfin, l’EI via le média anglophone non officiel Hallummu a appelé ses partisans à commettre des attentats dans les stades, soulignant que ce sont des « cibles faciles à atteindre » pour des « résultats énormes ».

En dehors de son sanctuaire moyen-oriental, l’EI a développé des « provinces » extérieures formées d’anciens activistes d’Al-Qaida et de nouvelles recrues attirés par ses succès et par sa propagande effrénée. Les plus importantes se trouvent dans le Sinaï (elle semble aujourd’hui en perte de vitesse), au Yémen, en Indonésie, sur le continent africain – qui en compte au moins cinq (État islamique dans le Grand Sahara, État islamique en Afrique de l’Ouest, État islamique en Afrique centrale, EI Somalie, EI Libye) et au Khorasan (EI-K) basé en Afghanistan et au Pakistan.

L’État islamique représente ainsi toujours une menace importante pour l’Iran, la Russie et la Turquie, comme le montrent les attaques de 2024 : double attentat du 3 janvier à Kerman, en Iran (94 morts, 284 blessés) ; attentats contre la salle de spectacles Crocus le 22 mars à Moscou (145 morts, 551 blessés). Il ne s’agit alors pas là de terrorisme endogène mais de petits commandos dépêchés de l’extérieur ou de cellules clandestines intérieures qui se sont rangées sous la bannière de l’EI. Dans le cas de Moscou, les activistes ont été capturés, mais à Kerman, ils se sont fait exploser avec leur ceinture piégée.

Les opérations de l’EI-K

De nombreuses actions terroristes ayant eu lieu en Europe ont été attribuées à l’EI-K mais dans le cas de l’attentat de Moscou de 2024, les principales revendications ont été estampillées « État islamique » et pas « État islamique au Khorasan » (EI-K), qui pourtant est la wilaya (province) à laquelle appartiendraient les activistes qui ont effectué l’attaque. Cela laisse à penser qu’il reste un « commandement central », sans doute toujours basé en Syrie et/ou en Irak, mais que les « provinces » ont une grande autonomie de décision. Quand l’opération est suffisamment spectaculaire, elle serait alors revendiquée au plus haut niveau. Par contre, le nouveau calife se fait très discret pour ne pas subir le sort de ses prédécesseurs, alors que les responsables des provinces extérieures sont en grande partie identifiés.

L’EI-K semble être la branche chargée de l’action internationale, un peu à l’image d’Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA). Cela vient peut-être du fait que beaucoup de ses membres sont des Caucasiens pouvant passent inaperçus en Occident.

Son émir de l’EI-K serait toujours Sanaula Ghafari – alias Shahab al-Muhajir – bien qu’il ait été donné pour mort à plusieurs reprises. Il désigne les talibans au pouvoir à Kaboul comme des « alliés des deux camps », et appelle les « noyés dans le complotisme » à avancer de théories défaitistes » car cela participe à l’effondrement moral des populations et facilite la tâche des recruteurs. La choura de cette wilaya se déplacerait en permanence entre l’Afghanistan, le Pakistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan…

L’État islamique en Syrie

En Syrie et en Irak, malgré les craintes d’une résurgence locale, l’EI n’a pas lancé d’attaques à grande échelle ces dernières années, se contentant de mener des embuscades et des coups de main dans des régions reculées. Il n’a pas conquis de territoire majeur mais parvient à survivre car aucune résistance sérieuse ne lui est opposée.

Dans sa publication Al-Naba et dans une vidéo de 15 minutes, le groupe a récemment déclaré la guerre au nouveau gouvernement de Damas, qualifiant ses dirigeants de « pions » de « puissances étrangères ». Si sa capacité de combattre à grande échelle apparaît émoussée, sa résilience idéologique et sa capacité de guerre asymétrique demeurent préoccupantes. La persistance des menaces terroristes sur zone dépend donc non seulement de la force de l’EI, mais aussi de la stabilité de la Syrie.

Par contre, la capacité de l’EI à se régénérer en Syrie et en Irak dépend souvent des évasions de prisons ou de centres de rétention comme cela a été le cas lors de l’opération Abattre les murs menée par l’EI en 2013 en Irak.

Donc, une des questions les plus pressantes dans la Syrie post-Assad est le sort de milliers de combattants de l’EI et de leurs familles détenues dans les camps contrôlés par les Forces démocratiques syriennes (FDS), en particulier ceux d’al-Hol et d’al-Roj, dans le nord-est du pays. Construits pour abriter 5 000 réfugiés irakiens dans les années 1990, ils abritent aujourd’hui environ 70 000 personnes, dont 35 000 Syriens et un nombre similaire d’Irakiens, ainsi que 10 000 ressortissants de 30 à 40 autres pays.

Les FDS qui ont joué un rôle central dans les combats contre l’EI aux côtés de la coalition dirigée par les États-Unis, se trouvent dans une position précaire. Elles craignent un retrait américain, ce qui pourrait les rendre vulnérables à des attaque de l’EI et plus encore, à une action militaire turque d’envergure.

L’EI poursuit donc ses combats en Syrie, en Irak, sur le continent africain et en Afghanistan. Ailleurs, il inspire des convertis à sa cause à passer à l’action et continue de recruter de nouveaux combattants grâce à sa propagande. Curieusement, il ne s’est pas impliqué directement dans le soutien à la cause palestinienne – s’en servant uniquement pour victimiser, dans sa propagande, les musulmans du monde entier et se présenter comme leur seul défenseur.

Il ne faut pas se faire d’illusions : les actions terroristes d’origine salafiste-jihadiste vont perdurer dans le monde car l’idéologie mortifère prônée par l’EI ne parvient pas à trouver de contradiction convaincante et parce qu’il attire un nombre croissant d’adeptes sensibles à ses discours qu’ils considèrent comme « révolutionnaires ».

Destiné à l’armée de Terre, le futur Engin du Génie de Combat vient de franchir un nouvelle étape

Destiné à l’armée de Terre, le futur Engin du Génie de Combat vient de franchir un nouvelle étape


Jusqu’à présent, le programme SCORPION [Synergie du Contact Renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation] s’est concentré sur le remplacement des blindés médians de l’armée de Terre, avec la mise en service des Griffon, des Serval et autres Jaguar. Mais il vise également à renouveler les capacités des unités du Génie, via le projet EGC [Engin du Génie de Combat], appelé auparavant MAC [pour Moyen d’Appui au Contact].

Actuellement, les régiments du génie disposent de l’EBG [Engin Blindé du Génie] qui, mis en service en 1989, a été conçu à partir du châssis du char AMX-30B2. Depuis, il a fait l’objet de deux opérations de modernisation, la dernière ayant consisté à lui installer une climatisation et à remplacer le bras de levage par un autre modèle pour lui permettre d’effectuer des travaux de terrassement.

Le projet EGC vise à remplacer non seulement les EBG mais aussi les EGRAP [Engins du génie rapide de protection] et les EGAME [Engins du génie d’aménagement]. En outre, l’an passé, il a été rejoint par la Belgique, au titre du partenariat stratégique CaMo [Capacité Motorisée]. Il s’agira de permettre à la composante Terre de la Défense belge de remplacer ses véhicules Pionnier.

Selon la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, l’armée de Terre devrait recevoir ses cinq premiers EGC avant 2030 [et 125 d’ici 2035]. Mais ce calendrier ne sera pas tenu, selon la consultation de marché que vient de publier l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement [OCCAr], chargée de suivre ce programme pour le compte de la France et de la Belgique.

En effet, les premières livraisons de l’EGC ne sont pas attendues avant 2031. Au total, 200 exemplaires devront être produits, pour un coût compris entre 800 millions et 1,2 milliard d’euros [somme qui tient compte du développement, de la production et du soutien initial].

« L’OCCAr a l’intention de négocier et d’attribuer un contrat par le biais d’un processus concurrentiel qui devrait démarrer en 2025. Celui-ci sera ouvert uniquement aux fournisseurs de l’OCCAr issus de ses États membres et de l’Union européenne », explique l’organisation.

Selon l’armée de Terre, l’EGC devra s’intégrer au réseau SCORPION, en ayant une « mobilité adaptée au rythme de la manœuvre tactique », ce qui passera par des « capacités élevées à organiser le terrain dans des délais contraints pour l’appui à la manœuvre offensive et défensive ». Aérotransportable, il offrira une « protection suffisante pour permettre de réaliser des travaux sous le feu ».

À ce jour, un seul candidat pour ce projet est connu : l’Auroch. Développé par CNIM Systèmes industriels, qui s’est associé à Texelis et KNDS France, il s’agit d’un véhicule de type 8×8 affichant une masse de 28 tonnes. Équipé de système optroniques pour surveiller son environnement et d’un tourelleau téléopéré de 7,62 mm, il serait en mesure de rouler à 80 km/h sur route, grâce à un moteur diesel de 600 chevaux.

Photo : Illustration / Auroch

Les contrats d’État à État (GtoG) sur le marché international de l’armement

Les contrats d’État à État (GtoG) sur le marché international de l’armement

Fondation pour la Recherche Stratégique – publié en février 2025

https://www.frstrategie.org/publications/recherches-et-documents/contrats-etat-etat-gtog-sur-marche-international-armement-2025


Tensions sécuritaires et impératifs de modernisation des équipements des forces armées viennent nourrir une hausse des dépenses de défense au niveau mondial, notamment en Europe, au Moyen-Orient et en Asie-Pacifique. De nouvelles dynamiques se font jour sur le marché international de l’armement, avec l’entrée en force de la Chine et plus récemment de la Corée du Sud dans le Top 10 des États exportateurs, et des États clients demandeurs de partenariats stratégiques et de coopérations industrielles (exigences de transferts de technologies et de compétences). Cette montée des ambitions et des attentes transparaît dans l’importance donnée aux relations interétatiques dans le domaine des ventes de matériels militaires. Ce cadre intergouvernemental peut être plus ou moins formalisé et engageant pour les différentes parties prenantes. 

Cette étude entend mieux appréhender ces dispositifs intergouvernementaux dans le domaine de l’armement, et en particulier les contrats d’État à État (GtoG ou G2G), c’est-à-dire les ventes de biens et de services de défense effectuées de gouvernement à gouvernement. Cette modalité de ventes se distingue des contrats notifiés directement par un État acheteur étranger à une entreprise. Elle implique que l’État exportateur agisse au nom et pour le compte de l’État client en passant un marché public au fournisseur industriel et apporte toutes les garanties nécessaires à la bonne exécution du contrat. En la matière, le mécanisme américain des Foreign Military Sales (FMS) est un modèle du genre. Mais il n’est pas le seul. Des offres GtoG concurrentes se développent, portées par des États exportateurs souhaitant répondre aux besoins exprimés par les États acheteurs. 

Afin de comprendre cette tendance d’évolution sur le marché international de l’armement, l’étude propose, dans un premier temps, un état des lieux des dispositifs mis en place par les principaux États exportateurs (hors Russie et Chine) : États-Unis, France, Royaume-Uni, Italie, Suède, Espagne, Israël et Corée du Sud. Dans un second temps, nous nous pencherons sur la scène européenne pour illustrer la hausse de la demande d’accompagnement étatique dans un contexte sécuritaire dégradé. Nous questionnerons les motivations des États acheteurs en la matière ainsi que les implications de modalités de ventes plus complexes pour les États exportateurs et leurs fournisseurs.

[…]

La version intégrale de cette publication n’est disponible qu’au format PDF.
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FRS- Les contrats d’État à État (GtoG) sur le marché international R&D 01/2025

En sortant de la paralysie politique, le Liban se remet à espérer

En sortant de la paralysie politique, le Liban se remet à espérer

par Jean-Baptiste Noé – Revue Conflits – publié le 25 février 2025

https://www.revueconflits.com/en-sortant-de-la-paralysie-politique-le-liban-se-remet-a-esperer/


L’élection d’un nouveau président et le cessez-le-feu conclu avec le Hezbollah permet d’espérer des jours plus radieux pour le Liban et les Libanais. Il y a encore fort à faire pour restaurer l’économie et la politique du pays du Cèdre. 

Le temps est loin de l’âge d’or des années 1950 et 1960 où le Liban était un îlot de stabilité au Moyen-Orient et un refuge pour les intellectuels arabes qui trouvaient à Beyrouth un havre de paix et de liberté pour fuir les régimes autoritaires de la région. L’ancienne « Suisse de l’Orient » n’est plus que l’ombre d’elle-même. Ravagé par des décennies de guerre ponctuées de massacres et de destructions, et gangréné par un clanisme politique corrompu, l’État libanais est aujourd’hui un État failli. Aussi la défaite du Hezbollah et de l’axe iranien face à Israël et l’élection en janvier d’un nouveau gouvernement à Beyrouth pourraient-elles permettre au pays du Cèdre de se reconstruire et de se doter d’institutions régaliennes dirigées par des fonctionnaires compétents plutôt que par des clientèles communautaires. Pour Alain Bifani, directeur des Finances au Liban pendant vingt ans et figure de l’opposition à la corruption, « la fenêtre qui vient de s’ouvrir est l’opportunité pour le Liban d’enfin engager une transition de fond qui ne peut passer que par le renouvellement des élites dirigeantes. »

Une corruption endémique : l’héritage de la reconstruction post guerre civile

Tout a commencé par la sortie de crise après la longue guerre civile (1975-1989) lorsque le pouvoir est tombé entre les mains des anciens chefs miliciens, avides d’accaparer leur « part du gâteau » et qui ont mis le pays en coupe réglée. La reconstruction de l’État libanais s’est traduite par un lent déclin de ses institutions, rongées par une corruption endémique d’une part, et par les nombreuses difficultés posées par les occupations étrangères (israélienne et syrienne) de l’autre. Selon l’expression de Fabrice Balanche, la reconstruction ne fut que « la continuation de la guerre civile par d’autres moyens ». Autrement dit, la fragmentation territoriale du Liban sur une logique confessionnelle a persisté après 1990, et elle explique toujours la faiblesse actuelle de la souveraineté de l’État.

De fait, la nouvelle constitution entérinée par les accords de Taëf n’a fait qu’affaiblir le rôle du président de la République, chrétien maronite, en renforçant celui du Premier ministre, sunnite, et du président du Parlement, chiite. C’est donc un système qui repose sur un consensus permanent de toutes les forces politiques en présence, c’est-à-dire une « vétocratie » où personne n’a les moyens d’engager des réformes structurelles. La guerre continue autour de la table du conseil des ministres dans un contexte de délitement de l’état de droit où les chefs de clans bénéficient d’une impunité totale. Sans autorité et sans vision, le Liban est depuis condamné au brigandage politique. Une anarchie dans laquelle les élites se partagent les richesses selon leurs intérêts communautaires et familiaux, et où le travail de fond des technocrates et du personnel administratif n’a aucune marge de manœuvre.

À cela se sont ajoutées les limites de la politique de reconstruction nationale conduite par Rafic Hariri — un homme d’affaires libano-saoudien nommé Premier ministre en 1992. En voulant refaire de Beyrouth un centre financier régional et une destination touristique pour les monarchies du Golfe, Hariri a sacrifié l’agriculture et l’industrie libanaises à tel point que le Liban a fini par importer 80 % de ce qu’il consomme. Dans le même temps, les clientèles au pouvoir se sont bâti des empires immobiliers en obtenant tous les permis de construire dans les zones les plus lucratives de Beyrouth et en puisant dans les fonds publics. Pire encore, cette oligarchie s’est financée via un modèle qui s’est avéré être une « pyramide de Ponzi » géante : pour financer sa dette, la banque centrale libanaise pratiquait des taux outrancièrement généreux pour attirer les capitaux étrangers et ceux de la diaspora. Une dette le plus souvent utilisée à des fins personnelles par les élites corrompues, ce qui a laissé les infrastructures et les services publics du pays dans un état calamiteux. La crise était inéluctable dès les années 2000.

Un État failli à bout de souffle

Alors que les vagues d’émigration syrienne mettent déjà l’économie à rude épreuve, les événements s’accélèrent à partir de 2019.

En octobre, l’annonce d’une nouvelle taxe sur la messagerie WhatsApp précipite dans la rue un mouvement révolutionnaire qui conspue la corruption des élites. Puis, les banques imposent des premières restrictions sur les retraits bancaires et les transferts de dollars vers l’étranger, créant une panique chez les déposants. En mars 2020, l’abcès est crevé, le Liban fait défaut sur sa dette pour la première fois de son histoire, tandis qu’en août, une explosion dévaste le port de Beyrouth provoquant en plus d’un traumatisme social, des dégâts matériels de plusieurs milliards de dollars. La livre libanaise subit une flambée qui la fait bondir d’un taux de 1500 pour 1 dollar à plus de 80 000 en 2023, plongeant la majeure partie de la population dans la pauvreté en pleine pandémie de Covid…

Le bilan est apocalyptique. 80 % de personnes sous le seuil de pauvreté, une inflation à trois chiffres pendant plusieurs années, des centaines de milliers de personnes qualifiées quittent le pays vers des horizons plus radieux. Entre 2018 et 2024, le PIB du Liban a chuté de 55 milliards de dollars à 16 milliards, soit une baisse d’environ 70 %. La contraction est si brutale qu’elle est considérée par la Banque mondiale comme une des trois pires dépressions qu’ait connues le monde depuis le milieu du XIXe siècle. Dans un pays où il faisait encore bon vivre quelques années auparavant, les gens n’ont désormais plus que quelques heures d’électricité par jour et peinent à accéder à l’eau potable.

L’État régalien et le service public, quant à eux, ont presque disparu de la carte. Les militaires sont payés au lance-pierre et sont sans moyens face aux milices communautaires. Médecins, infirmières et professeurs ont émigré en masse. Le pays est maintenu sous perfusion par sa diaspora pendant que le Hezbollah refuse l’aide internationale du FMI sous conditions de réformes, lesquelles le priverait notamment des revenus du captagon syrien.

Enfin, les quelques hauts fonctionnaires qui ont tenté d’imposer un gouvernement de transition basé sur la compétence plutôt que le clientélisme sont ignorés ou poussés à l’exil. Ainsi des technocrates compétents ont été placardisés ou entravés. C’est le cas par exemple d’Alain Bifani – l’ancien directeur général des Finances qui avait accompli « l’œuvre herculéenne », selon l’économiste et ancien ministre des Finances George Corm, de réaliser une reconstruction complète et un audit des comptes financiers de l’État libanais – qui a dû démissionner malgré le soutien que les bailleurs internationaux avaient apporté à ses tentatives de redresser les finances publiques et de restructurer le secteur bancaire afin de protéger les déposants.

La défaite du Hezbollah ouvre un espace pour l’espoir

Le malheur du Liban est dans son voisinage. Situé sur une faille tectonique entre Israël et la Syrie, il a toujours été une « caisse de résonance » des conflits régionaux, tantôt sacrifié sur l’autel du panarabisme de Nasser et de l’irrédentisme syrien, tantôt sur celui de la cause palestinienne et de « l’axe de résistance » iranien. Ces dernières décennies, le pays du Cèdre est surtout devenu la proie de la République islamique iranienne, pour ne pas dire sa colonie.

En satellisant la communauté chiite libanaise via son bras armé, le Hezbollah, Téhéran a progressivement infiltré toutes les institutions du Liban en constituant un véritable État dans l’État. Cette prédation, en plus de bloquer toute résolution durable de la crise économique, a finalement provoqué les deux interventions israéliennes destructrices de 2006 et 2024. « Au-delà d’un changement de dirigeants, le pays doit cesser d’être une terre de convoitises », expliquait d’ailleurs l’universitaire Joseph Maïla pour Ouest France en 2020.

Toutefois, la décapitation du commandement du Hezbollah et sa défaite face aux troupes de l’État hébreu en 2024 ont changé la donne. « Le Hezbollah est affaibli militairement et politiquement », affirme ainsi Ghassan Salamé, professeur à Sciences Po, au micro de Radio France. Avec la chute du régime de Bachar El-Assad en Syrie le 9 décembre, la défaite de la milice chiite marque un revers significatif de la puissance iranienne dans la région qui aura besoin de temps avant de retrouver ses forces. Si le Hezbollah n’est pas mort comme force politique, son affaiblissement et le cessez-le-feu ont rapidement permis l’élection d’un président et la nomination d’un Premier ministre au Liban le 9 janvier 2025, après deux ans de vacance du pouvoir. « La logique voudrait qu’aujourd’hui, il soit plus difficile qu’auparavant d’entraver les réformes et de protéger la classe politique corrompue, et cela constitue une ouverture significative pour le renouvellement du Liban.», selon Alain Bifani. La recomposition des forces politiques dans les ministères marque tout du moins la sortie du Liban de l’orbite iranienne, sachant qu’Israël garde un œil attentif sur la situation du Sud-Liban.

C’est donc peut-être une nouvelle phase politique qui s’ouvre sur les décombres du pays. La fenêtre est étroite et le chantier est immense, mais il y a bien un espace en ce moment géopolitique charnière pour que le peuple libanais reprenne les rênes de son destin et s’affranchisse des puissances étrangères en se constituant un État fort et moderne. Pour sortir de l’ornière, l’État doit rapidement poser le bon diagnostic. La priorité est d’abord de renouveler la classe dirigeante en substituant aux élites prédatrices des hommes compétents qui ne manquent pas au Liban et dans la diaspora. L’autre est de couper définitivement avec les tutelles iranienne et syrienne afin de rassurer la diaspora et les investisseurs, cesser l’émigration de masse et reconstruire l’économie. Autant de mesures ardues qui pourraient permettre au Liban de renaître de ses cendres, si tant est que le gouvernement en ait les moyens et qu’un sentiment de « libanité » supra-confessionnel au sein de la population parvienne à surpasser les clivages communautaires de toujours.

Qui pourrait être mobilisé si une guerre éclatait sur le territoire français ?

Qui pourrait être mobilisé si une guerre éclatait sur le territoire français ?

Emmanuel Macron a rappelé jeudi le danger que représenterait, pour le reste de l’Europe, une victoire russe en Ukraine. Que se passerait-il si la guerre venait à s’étendre ? On fait le point.

Le président de la République a longuement échangé avec des internautes sur les réseaux sociaux, ce jeudi 20 février 2025.

Il a notamment évoqué «la menace que représente la Russie pour l’Europe et pour la France », indiquant qu’elle allait « nous imposer des choix très forts pour nous-mêmes, pour notre défense et notre sécurité ». Il a également donné des détails sur les arguments qu’il comptait présenter à Donald Trump, le mettant en garde contre toute « faiblesse » face à Vladimir Poutine.

« Si tu laisses l’Ukraine prise » par la Russie, elle sera « inarrêtable pour les Européens », puisqu’elle « récupérerait » l’armée ukrainienne « qui est une des plus grandes d’Europe, avec tous nos équipements, y compris les équipements américains ». Dans ce scénario du pire, en cas d’invasion de la Russie sur le territoire hexagonal, que se passerait-il alors ? Qui serait mobilisé ? On vous explique.

La mobilisation générale quasi impossible

Avec la fin du service militaire, la France possède ce qu’on appelle une armée de métier. On compte environ 200 000 militaires d’active dans l’armée française. Ce sont eux qui seraient envoyés en priorité sur le front. Environ 40 000 volontaires âgés de 17 à 35 ans constituent également ce que l’on appelle la réserve de sécurité nationale.

Dans ses vœux aux armées, en janvier, Emmanuel Macron avait à ce sujet évoqué un projet, encore flou, pour « mobiliser » davantage de jeunes volontaires « en renfort des armées » en cas de besoin. « Aujourd’hui, nous nous contentons d’un recensement, d’une journée défense et citoyenneté », « c’est trop peu », avait-il dit, demandant au gouvernement et à l’état-major des propositions d’ici au mois de mai pour « mieux détecter », « former » et « être capable de mobiliser » des volontaires « le jour venu ».

La France vise ainsi 210 000 militaires d’active et 80 000 réservistes à l’horizon 2030.

La mobilisation générale serait utilisée en dernier recours mais elle n’a quasiment aucune chance d’aboutir en raison de capacités logistiques insuffisantes. La dernière date de 1939, dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale. 4,5 millions de Français avaient alors été appelés sous les drapeaux

La chance de l’Europe pour déjouer la vassalisation de l’Ukraine

La chance de l’Europe pour déjouer la vassalisation de l’Ukraine

Poutine et Trump voudraient vassaliser l’Ukraine sans les Européens.
Mais l’Union détient encore l’une des cartes les plus fortes de la table des négociations.
Si elle tarde trop à la jouer, elle pourrait perdre la partie.Lee Buchheit, l’une des sommités mondiales sur la question des dettes souveraines, formule une proposition simple et claire pour éviter de laisser les Empires se partager la mise.
James Gillray, « The Plumb-pudding in danger; — or — State Epicures taking un Petit Souper », 1805. Domaine public

En 1805, le caricaturiste anglais James Gillray publiait une illustration célèbre intitulée The Plumb-pudding in danger ; — or — State Epicures taking un Petit Souper. Le dessin représente le Premier ministre britannique, William Pitt, et l’Empereur des Français, Napoléon Bonaparte, assis à une table en train de se partager un énorme pudding aux prunes en forme de globe. Le Premier ministre Pitt tient fermement l’hémisphère occidental en place à l’aide d’un trident et se découpe proprement le Nouveau Monde. L’Empereur semble de son côté satisfait de se trancher une part qui comprend toute l’Europe à l’est des îles britanniques.

C’est une caricature devant laquelle aucun Ukrainien, ni d’ailleurs aucun Européen, ne peut rester indifférent en février 2025.

La semaine dernière, le président américain Donald Trump a annoncé qu’il s’était entretenu près d’une heure et demie au téléphone avec le président russe Vladimir Poutine. Ils ont notamment discuté de la fin de la guerre en Ukraine. À Bruxelles, le même jour, le nouveau secrétaire à la Défense de Donald Trump a publiquement qualifié d’« irréalistes » les principales conditions que l’Ukraine est susceptible de demander dans le cadre d’un règlement négocié du conflit. Il s’agit notamment de la restitution des territoires ukrainiens  occupés par les forces russes et de solides garanties de sécurité, y compris  l’adhésion à l’OTAN, ou du moins la participation active des États-Unis, afin de s’assurer que la Russie ne tente pas de répéter l’expérience une fois que son armée aura eu le temps de se regrouper et de se réarmer. Il est inconcevable que ces évaluations des conditions de paix ukrainiennes « irréalistes » n’aient pas été partagées avec Vladimir Poutine lors d’une conversation téléphonique de 90 minutes.

Il est apparu par la suite que Poutine et Trump prévoyaient de se rencontrer en Arabie Saoudite en l’absence de l’Ukraine et des représentants des alliés européens de Kiev afin de régler les conditions  de l’accord de paix. Après celle entre Marco Rubio et Sergueï Lavrov du 18 février à Ryiad, il y a de fortes probabilités qu’une telle rencontre permettrait aux deux participants de se mettre d’accord. Les chances de parvenir à un « deal » sont généralement meilleures lorsque l’on concède à son adversaire ses principales demandes avant même le début des négociations.

Tout cela rappelle de manière inquiétante la géopolitique du XIXe siècle. De grandes puissances, ou de « grands hommes », s’assoient autour d’une table, au-dessus d’une carte, et se répartissent le stylo à la main les territoires et les sphères d’influence sans tenir compte — ou très peu — de l’avis de ceux qui y habitent.

Pour l’Ukraine, le pire des scénarios, ou du moins l’un des plus mauvais, pourrait se dérouler de la manière suivante :

  • Poutine et Trump conviennent d’un accord prévoyant que la Russie conserve ou étende ses gains territoriaux en Ukraine et laisse le reste d’une Ukraine indépendante sans garantie de sécurité américaine solide. 
  • Les autorités ukrainiennes devraient alors : soit accepter ces conditions sans sourciller ; soit risquer de passer aux yeux de Donald Trump pour des ingrats. Or dans le deuxième cas, la sanction pour avoir rejeté un accord négocié par Donald Trump lui-même risquerait tout simplement de se traduire par la fin du soutien financier américain. 

Cela poserait deux problèmes aux alliés européens de l’Ukraine :

  • Tout d’abord, sont-ils prêts sans la participation des États-Unis à fournir à l’Ukraine des garanties de sécurité qui, si elles étaient déclenchées, risqueraient de faire de faire d’eux des co-belligérants dans une guerre avec le deuxième plus grand arsenal nucléaire du monde ?
  • Deuxièmement, sont-ils  prêts à fournir à l’Ukraine, là encore sans l’appui de Washington, les fonds nécessaires pour continuer à résister à l’invasion russe  plutôt que de capituler devant un règlement défavorable du conflit ?

Bien sûr, les événements pourraient ne pas se dérouler de cette façon.

Poutine pourrait se présenter à la table des négociations en Arabie saoudite avec des exigences supplémentaires — telles que le  retrait de toutes les troupes de l’OTAN d’Europe de l’Est — que même Trump  aurait du mal à accepter. Autre possibilité : le contrecoup politique aux États-Unis de l’abandon d’un allié américain « aussi longtemps qu’il le faudra » pourrait devenir trop  inconfortable, même sous cette administration. 

Cela étant dit, les événements pourraient tout aussi bien se dérouler de cette façon.

Face à ces changements spectaculaires de la politique américaine, les alliés de l’Ukraine ne peuvent pas rester comme des lapins paralysés par la lumière des phares. Une mesure pourrait être prise rapidement pour atténuer la menace américaine d’un retrait du soutien financier si l’Ukraine ne se soumettait pas à des conditions de règlement inacceptables : utiliser les actifs russes gelés depuis 2022 pour soutenir une ligne de crédit au bénéfice de Kiev. Une proposition allant dans ce sens, baptisée « prêt en réparation », a été lancée l’année dernière 1.

Le mécanisme juridique qui la sous-tend est d’une grande simplicité. Les pays détenant des actifs russes gelés prêteraient jusqu’à 300 milliards de dollars à l’Ukraine, garantis par l’engagement de Kiev à réclamer des dommages et intérêts à la Russie pour les dommages causés par l’invasion. Cette demande, en droit, est indubitable. Cela placerait ces  pays dans une position où ils ont une créance sur la Russie (la demande en  réparation héritée de l’Ukraine) correspondant exactement à leur dette envers la Russie  (les avoirs gelés), l’équilibre de ce mécanisme reposant sur la compensation des créances réciproques.

Pour les alliés de l’Ukraine, cette option présenterait les avantages suivants : 

  • Le maintien du financement de l’Ukraine serait assuré même en cas de retrait du soutien américain.
  • Ce financement ne proviendrait pas des contribuables des pays alliés mais, indirectement, des contribuables russes.
  • Dotée d’une source de financement sûre, non soumise aux caprices des politiciens américains, l’Ukraine retrouverait un poids considérable dans le processus de paix. Les inquiétudes qui semblent avoir provoqué une paralysie de la part des pays européens détenant les avoirs gelés — de vagues préoccupations concernant le droit international et les dommages potentiels à la réputation de l’Union en tant que garant de la sécurité des avoirs d’États étrangers — semblent dérisoires par rapport au risque qu’un pays européen soit contraint de céder à la fois son territoire et son indépendance politique à un voisin détenteur de l’arme nucléaire.
  • Les alliés de l’Ukraine détiendraient un privilège sur les actifs gelés de la Russie et une garantie sur la demande de réparation de l’Ukraine contre la Russie. En d’autres termes : la mise en place d’un tel mécanisme garantirait que personne à la table des négociations ne puisse céder sur les actifs ou la demande de réparation sans le consentement de ces pays.
  • Enfin, cela démontrerait que l’Europe a encore en main des cartes très fortes — et qu’elle est prête à les jouer.

Sources
  1. Hugo Dixon, Lee Buchheit et Daleep Singh, Ukrainian Reparation Loan : How it Would Work, 20 février 2024. SSRN : https://ssrn.com/abstract=4733340