Triste jour pour notre pays, notre patrie. Nous avons atteint le fond.
Sidération, incroyable, hier ils ont osé. Même la chienlit de 68 ne nous avait pas conduits à pareille nausée. L’Arc de triomphe est devenu d’un coup l’Arc de la honte. Lieu sacré, symbole absolu, lieu ultime de recueillement, il a été profané par des sous-hommes que l’on a laissé agir à leur guise. Depuis longtemps l’insulte aux des cimetières est devenue monnaie courante, les morts ne peuvent plus rester en paix et peu s’en soucient, la simple notion de respect étant devenue proche de l’atteinte à la liberté individuelle selon des critères trop partagés dans notre époque.
Hier, c’était trop. C’était le symbole du sacrifice pour la nation qui a été atteint. Le sacrifice d’un million quatre cent mille soldats morts, de quatre millions de blessés et invalides, mais aussi des mêmes de la deuxième guerre mondiale et de tous les conflits qui ont suivis, y compris nos plus récentes interventions extérieures. Ce pauvre gars explosé dans le plus grand sacrifice consenti par un peuple, sis en dessous d’une flamme que l’on a décidé éternelle, s’est vu submergé par des rigolards pressés de satisfaire leur mal être en poussant à l’effondrement d’un monde qui contribue pourtant à leur médiocre existence.
Hier, nous avons eu mal à la France. Ceux qui aiment charnellement ce pays ont été atteints au plus profond d’eux-mêmes, atteints par une détresse irréparable parce que l’irréparable a été accompli. Jamais honte ne semble avoir été aussi écrasante.
Cette vile pollution du sacrifice réclame vengeance. On invoque la justice. Il n’y a plus à comprendre mais à réprimer. Mais peut-on croire que justice sera rendue devant tant d’incapacité à conduire la chose publique ?
Problème social. Sans doute. Mais c’est l’Etat qui est atteint, il est enrayé, il ne fonctionne plus. L’excuse sociale à cette abjection n’est plus recevable, n’est plus concevable, parce que la disparition entrevue de cet Etat rend dérisoire l’invocation d’un social qui ne peut être généré que par cet Etat. La France est une nation. Elle s’est donné un Etat qui, au respect de sa devise de liberté, d’égalité et de fraternité, s’est édicté une constitution impliquant toute sollicitude envers les plus humbles. « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » selon le premier article de cette constitution. Le social vient de réduire la démocratie qui définit cet État : comment quelques centaines d’individus peuvent-ils ainsi circonvenir la volonté de tous, s’en prendre au symbole profond de ce qui fonde notre unité ? Le pays est arrêté, subjugué, paralysé, sans réaction face à cette incroyable transgression, face à ce coup de force obscène rapporté par les écrans des heures durant. Incontestablement les institutions sont altérées, elles se montrent incapables de répondre au malaise.
Sans doute le terrain était-il préparé. La mise en œuvre d’une constitution prêtant à une interprétation autoritariste, à l’exercice d’un pouvoir accaparant tous les leviers du fonctionnement de l’État, ceux notamment de l’information et de l’éducation, conduisant à la création d’une caste administrative fermée imposant ses convictions avec autant de morgue que d’échecs a-t-elle conduit au maelström présent. Symbole de dérision, la rue se colorait du jaune d’un artifice de sécurité imposé par une administration besogneuse, soucieuse de l’absolu de son autorité. Ce symbole se retournait contre elle, en se moquant, en la ridiculisant.
Sans aucun doute aussi faut-il réformer ces institutions pour ouvrir la tour d’ivoire qui nous gouverne, permettre cette respiration entre le peuple et les élites au pouvoir, y éviter l’accès d’intrigants engageant le pays dans les voies de l’irraison et de l’injustice au nom d’une pseudo-justice transcendantale. Il est scandaleux de constater que la présente crise a été provoquée par l’injonction de quelques Savonarole prêchant une doctrine se réclamant de la science, doctrine contestée par nombre de scientifiques qui en rejettent formellement les conclusions et que l’on refuse d’entendre. Crise provoquée en application d’un texte résultant de cette foi nouvelle, celui de la COP 21, qui recevra une application très aléatoire car tous reconnaissent qu’il est peu contraignant. Bien dérisoire était alors la mesure qui en relevait, et qui atteignait précisément les plus humbles tout en influant bien peu sur le cours des choses dans la haute atmosphère.
Pour revenir à la blessure infligée à notre symbolique nationale, il serait sans doute judicieux de confier la garde de notre illustre inconnu à l’armée française comme cela se fait déjà dans beaucoup de pays de par le monde dans des lieux comparables. Sans doute la présence d’une troupe en armes dûment renforcée en la circonstance aurait pu arrêter ce lamentable spectacle qui nous a été offert hier, jour maintenant tristement inscrit dans nos mémoires.
Colonel (e.r. TdM) Gilles LEMAIRE
Membre de l’ASAF et du Cercle de réflexion interarmées (CRI)