« Un hiatus de 13,3 milliards d’euros » dans la LPM 2024-2030
Le flou persiste quant à la provenance des 13,3 Md€ de ressources supplémentaires qui permettront à la prochaine loi de programmation militaire de répondre à l’ensemble des besoins. Un point d’attention parmi d’autres relevés hier au Sénat par le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) et de la Cour des comptes, Pierre Moscovici.
Si les 400 Md€ de ressources budgétaires demandés pour 2024-2030 ne suscitent pas d’objection, l’impact des besoins programmés, rehaussée à 413,3 Md€, reste « affecté d’incertitudes ». En cause, le flou subsistant sur l’origine des 13,3 Md€ de dépenses supplémentaires, un sujet en grande partie éludé dans le projet de LPM 2024-2030.
Il ressort, selon le président du HCFP, que le ministère des Armées envisage d’abonder cette enveloppe de quatre manières. L’une a été détaillée depuis longtemps. Ce sont les ressources issues des cessions immobilières et de matériels et des recettes du Service de santé des armées. Total pour la période : 5,9 Md€. S’appuyer sur les seules cessions immobilières « n’est pas réaliste » selon le HCFP, celles-ci n’ayant représenté que 101 M€ en 2022. À première vue, l’essentiel de l’effort proviendrait du SSA, « ce qui, compte tenu de la taille du service, n’est pas négligeable », relève l’ancien ministre de l’Économie. Et même si ce service génère en moyenne 500 M€ par an, cet objectif « ne nous paraît pas inatteignable », complète-t-il.
Derrière, 7,4 Md€ ne sont jusqu’à présent pas documentés. Ils seraient, toujours d’après le ministère des Armées, financés la par solidarité interministérielle, par les moindres dépenses observées dans le budget des armées et par le report de charges. Bien que réaffirmée dans la précédente LPM, la solidarité interministérielle n’est jamais parvenue à s’imposer lorsqu’il a fallu régler les factures des surcoûts occasionnés par les OPEX et MISSINT.
Quant aux moindres dépenses et au report de charges, la seconde option ne rendrait que plus difficile l’atteinte des objectifs fixés. L’inflation fera grimper le seuil établi pour 2023 de trois points, soit 15% des crédits hors masse salariale. L’enjeu de maîtrise de cette courbe et d’un retour au niveau incompressible de 10% est cependant absent du rapport annexé à la future LPM.
Ce « hiatus de 13,3 Md€ », équivalent à deux porte-avions de nouvelle génération et demi, n’est pas sans susciter des craintes dans les rangs parlementaires. « Cette loi de programmation militaire ne va pas être un long fleuve tranquille », soulignait le sénateur LR Dominique de Legge. « Peut-être que le budget ne peut pas être qualifié d’insincère, mais c’est une incertitude quand même très forte », complète le rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de défense.
Même son de cloche du côté du sénateur LR Cédric Perrin, selon qui « il y a une vraie question à poser ». « Est-il normal de compter dès à présent sur la solidarité interministérielle ou sur de supposées marche frictionnelles ? », questionnait-il. Bien que minime, cette tranche « n’est pas une paille compte tenu de l’augmentation annuelle du budget jusqu’en 2030, puisqu’on est quasiment à 2 Md€ par an ». Un bas de laine incertain mais dont les armées ne peuvent se passer pour poursuivre leur transformation.
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