Faut-il remettre en cause la deuxième section des officiers généraux? [MàJ]
Parmi les 174 primes encore au vigueur au sein du ministère des Armées, certaines, aux montants dérisoires, sont devenues « obsolètes », voire « irrégulières », avait constaté la Cour des comptes, dans un rapport publié en 2013. Et de citer la dotation personnelle pour frais de représentation des maréchaux de France ou encore l’indemnité allouée aux « personnels travaillant dans les souterrains non aménagés ou sous béton » [moins de deux euros par mois]. Aussi, les magistrats avaient-ils suggéré de les supprimer afin de « simplifier le système indemnitaire » des militaires. Ce qui devrait être fait, près de dix ans plus tard, avec la NPRM [nouvelle politique de rémunération des militaires].
Cela étant, d’autres dispositions, dont l’origine remonte à des époques lointaines, sont rarement remises en question, alors que leur pertinence peut se discuter. Tel est le cas de la deuxième section des officiers généraux [2S], créée par la loi sur l’organisation de l’État-major général de l’Armée du 4 août 1839, c’est à dire durant la monarchie de juillet.
L’idée était alors de placer situation de réserve les officiers généraux atteints par la limite d’âge afin de pouvoir les rappeler en cas de guerre. Aujourd’hui, les généraux de deuxième section perçoivent une solde de réserve, au montant équivalent à celui d’une pension de retraite et considérée comme étant un revenu d’activité par l’administration fiscale, ce qui donne droit à un abattement de 10% pour frais professionnels. Et s’ils bénéficient par ailleurs de réductions tarifaires pour leurs déplacements en train comme les militaires d’active, ils restent soumis, comme ces derniers, à une obligation de réserve. Ce qui a récemment suscité une polémique quand quelques uns d’entre eux se sont invités dans le débat politique en signant une lettre ouverte adressée aux « gouvernants » pour dénoncer le « délitement de la France »
Justement, si cette polémique a pris, c’est que certains élus ont sous-entendu que cette tribune venait des rangs de l’armée, alors qu’elle avait été signée par des généraux en deuxième section n’ayant plus exercé le moindre commandement depuis au moins une dizaine d’années. Même la ministre des Armées, Florence Parly, s’y est perdue en affirmant que les signataires étaient des généraux en retraite, ce qui n’était pas non plus exactement le cas. Ils le seront sans doute quand un conseil d’enquête aura statué sur leur sort pour s’être affranchis de leur devoir de réserve.
Reste que cette deuxième section des généraux suscite de la confusion… Et qu’elle prête le flanc à la manipulation. En 2013, une vidéo diffusée par un média russe affirmait que les armées françaises comptaient plus de 5.500 généraux. « Tout ça pourrait prêter à sourire, si cela ne nuisait pas gravement aux capacités opérationnelles des régiments qui eux, doivent diminuer leur effectifs, militaires du rang et sous-officiers », était-il avancé dans ce « reportage ». Évidemment, pour atteindre le nombre évoqué, les généraux 2S étaient comptés… en plus des 370 [environ] encore en activité. Il s’agissait de gonfler les chiffres pour amorcer la polémique et susciter la défiance parmi l’opinion publique française.
Cela étant, on peut effectivement s’interroger sur la raison d’être de cette deuxième section. La conscription ayant été suspendue, entraînant mécaniquement une réduction du format des forces françaises, son maintien ne se justifie plus. Et même si, demain, une levée en masse s’avère nécessaire, il serait alors sans doute préférable de faire monter en grade des colonels plutôt que de rappeler des généraux n’ayant plus exercé de responsabilités depuis dix ou vingt ans.
D’autant plus que les tactiques, les technologies, la conflictualité, les doctrines, les manières de commander évoluent sans cesse. Et très vite par dessus le marché. L’armée qu’un général a connue au moment de passer en deuxième section ne sera pas celle qu’il trouvera s’il est rappelé.
La question de la limite d’âge des officiers généraux 2S avait été soulevée au moment de la révision du statut général des militaires de 2005. Une commission avait alors « examiné l’opportunité de limiter la période passée en deuxième section et de placer automatiquement les officiers généraux en position de retraite à partir de 68 ans, qui est actuellement la limite d’âge la plus élevée de la fonction publique. » Mais cette proposition fut écartée à l’époque…
Cependant, la législation a fini par évoluer il y a dix ans. Mais avec des dispositions qui ne s’appliquent qu’aux généraux placés en seconde section… après le 1er juillet 2011. Les intéressés perçoivent ainsi une solde de réserve jusqu’à leur 67e anniversaire, puis une pension de retraite par la suite [article L 4141-4 du code de la défense]. En outre, précise le BOG [Bureau des officiers généraux] dans une notice éditée en 2017, les « officiers généraux en congé du personnel navigant et les officiers généraux de la 2e section peuvent être radiés par mesure disciplinaire ou sur leur demande ».
MàJ : Précision avec ajout d’une référence à l’article L 4141-4 du code de la défense