Défilé du 14 juillet. L’armée française se veut au top européen
Publié le
L’armée française peut-elle devenir, comme le souhaite le président Macron, l’armée de référence en Europe ? La Loi de programmation militaire, promulguée hier soir, doit y contribuer.
Emmanuel Macron, chef des Armées, passera ce samedi matin les troupes françaises en revue à l’occasion du traditionnel défilé du 14 juillet. Des armées que le président de la République souhaite voir comme une référence en Europe. En 2017, le Global Firepower américain a établi un classement des armées mondiales basé sur cinquante indicateurs (nombre d’armes, effectifs, alliances militaires, capacités industrielles, flexibilité logistique etc.) : la France se classait alors en 5e position mondiale, derrière les États-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde. Et donc en tête des Européens.
Mais conserver la tête des armées européennes exige, d’une part, de la lucidité sur nos propres faiblesses et, d’autre part, des efforts pour les compenser.
Europe : deux armées et demie
« En Europe, il y a deux armées et demie, la Britannique, la Française et un peu l’Allemande » résumait en 2017 Jean-Luc Sauron qui enseigne à l’université Paris-Dauphine. Certes les militaires du Bénelux, d’Italie, d’Espagne ou d’Europe de l’Est ne déméritent pas mais leurs capacités réduites et la volonté politique limitée de leur gouvernement en font des acteurs de second rang. Reste donc l’Allemagne et la Grande-Bretagne.
Deux pays dont les armées n’affichent pas une forme olympique. L’armée allemande manque de tout, selon le « verdict désastreux » du dernier rapport annuel du Bundestag. Le ministère britannique de la Défense, lui, n’en finit pas de se réformer à la baisse, tout en tentant d’absorber les effets dramatiques (tant humains que matériels) de ses interventions en Irak et en Afghanistan.
Une armée française à la peine
Et si nous étions les moins mauvais élèves de l’Europe de la Défense ? « Cela fait plus de vingt ans que les armées françaises subissent un éreintement budgétaire catastrophique », juge Christian Cambon (LR), président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat. « L’armée française est largement suremployée par rapport à ses capacités. Elle s’use. Elle ne peut plus se reconstituer (formation, entraînement, remise en condition…) entre deux engagements », ajoute le général Vincent Desportes, ancien directeur du Collège Interarmées de Défense.
Les conséquences ? Des matériels vieillissants, des infrastructures dégradées, un rythme opérationnel effréné, une fidélisation des effectifs en berne…
L’armée française, alors ? La première certes, mais dans une Europe qui néglige ses armées. Au grand dam de Donald Trump qui en est arrivé, jeudi à Bruxelles, à exiger que les Européens consacrent 4 % de leur PIB à leur défense !
La LPM au secours
La Loi de programmation militaire (2019-2025), promulguée hier par le président Macron, veut porter l’effort de défense de la France à 2 % du PIB en 2025, contre 1,78 % en 2017. Ce seront 295 milliards qui seront consacrés à la remontée en puissance des armées ; ils permettront de supprimer les ruptures capacitaires chroniques et d’accélérer les investissements dans les grands programmes d’armement.
Toutefois, de l’avis du général Lecointre, le chef d’état-major des armées qui a succédé à Pierre de Villiers, démissionnaire en juillet 2017 sur fond de désaccord avec Emmanuel Macron, « nos troupes n’en verront pas la couleur tout de suite ». Et de préciser : « Je pense qu’il faudra deux années avant que nos soldats, dans la reconstruction de leurs infrastructures, dans l’arrivée de nouveaux équipements, puissent mesurer concrètement l’effort qui va être fait par la Nation. »
Encore faudra-t-il que cette LPM soit scrupuleusement exécutée ! Ce qui n’a pas été le cas des précédentes. Effectivement, même si les ressources financières ont été décidées « de manière ferme » pour la période 2019-2023, rien n’assure que « l’État pourra pleinement assumer ses ambitions en matière de défense » comme avertit régulièrement le député François Cornut-Gentille (LR).
« On ne peut pas critiquer l’ambition mais il ne faut pas se contenter de l’incantatoire et des déclarations d’intention », ajoute Alexandre Papaemmanuel, directeur du Pôle Défense du Think Tank L’Hétairie. « Il va falloir éprouver la volonté du gouvernement chaque année, lors des préparatifs du budget, et encore plus spécialement en 2022, en amont de l’élection présidentielle. »