La France dénonce l’espionnage d’un satellite militaire par la Russie

La France dénonce l’espionnage d’un satellite militaire par la Russie

Par  Alain Barluet  – Le Figaro Publié

http://www.lefigaro.fr/international/2018/09/07/01003-20180907ARTFIG00314-la-france-en-ordre-de-bataille-dans-l-espace.php

Paris dénonce une tentative d’espionnage russe sur un de ses satellites. Un satellite russe a tenté l’an dernier d’espionner un satellite franco-italien permettant des communications militaires sécurisées, a dénoncé vendredi la ministre française des Armées Florence Parly dans un discours consacré à l’espace.
Pour Florence Parly, l’élaboration d’une stratégie de défense spatiale est une «priorité absolue» et nécessite de «véritables opérations».

Un tabou est tombé. Pour la première fois, la guerre dans l’espace, les menaces qui se développent dans ce «milieu» et la nécessité d’y répondre par une stratégie aboutie sont évoquées publiquement à haut niveau, en l’occurrence par la ministre des Armées, Florence Parly. Certes, Emmanuel Macron avait déjà évoqué la question, le 13 juillet dernier, dans son discours aux armées.

«Une défense spatiale, c’est nécessaire, c’est essentiel»

Florence Parly, ministre des Armées

Selon une bonne source, le chef de l’État a d’ailleurs pris le sujet très à cœur, au point d’y travailler durant ses vacances à Brégançon… Il prévoit un grand discours sur ce thème, début 2019. Mais cette fois, en visite au CNES, à Toulouse, Mme Parly a érigé l’espace au rang de «priorité absolue». «Une défense spatiale, c’est nécessaire, c’est essentiel», a insisté vendredi la ministre, illustrant son propos par une histoire de «petite guerre des étoiles», connue des spécialistes, mais jamais confirmée officiellement.

L’an dernier, le satellite Athena-Fidus, utilisé pour les opérations militaires françaises, a été «butiné» par un «satellite russe» -l’adversaire est désormais nommé- pour l’espionner. Avec des conséquences potentielles lourdes pour les forces sur le terrain. Surveillance des satellites, captation de données, déni de service, satellites rendus «aveugles», désorbités ou carrément détruits par des armes à énergie dirigée ou à impulsions électromagnétiques: ces menaces seront bientôt largement à l’œuvre.

Cela alors que les satellites sont désormais omniprésents, tant pour les usages civils (chacun de nous utilise sans le savoir dix satellites par jour) que militaires. L’agroalimentaire, les grands domaines vinicoles s’en servent pour gérer leurs productions. Mais que se passerait-il si les communications militaires étaient court-circuitées, si les systèmes permettant l’engagement des missiles étaient piratés ou si les horloges à l’œuvre dans la dissuasion nucléaire étaient malintentionnellement déréglées? «Non, nous ne sommes pas protégés contre ces menaces. Non, l’espionnage et les actes offensifs, cela n’arrive pas qu’aux autres», a dit Florence Parly, pour qui «la guerre antisatellite est déjà une réalité».

Un budget annuel de 2 milliards d’euros

À l’œuvre depuis la guerre froide, la militarisation de l’espace n’est pas une nouveauté -on parle désormais d’arsenalisation. «L’espace exo-atmosphérique est en train de devenir un champ d’opérations en tant que tel», a rappelé Mme Parly.

«Nous sommes au milieu du gué», explique-t-on dans son entourage. Depuis le discours présidentiel, à Brienne, un audit stratégique, avec tous les intervenants du secteur, a été lancé. Il débouchera en novembre et la ministre présentera sa stratégie spatiale à la fin de l’année.

«Nous connaissons les menaces. Nous connaissons les défis. Nous ne resterons pas les bras ballants»

Florence Parly, ministre des Armées

«Nous devons […] conduire de véritables opérations spatiales pour protéger nos moyens et décourager toute agression», a affirmé Florence Parly. «Nous connaissons les menaces. Nous connaissons les défis [les satellites seront 8500 dans dix ans et les débris spatiaux prolifèrent, NDLR]. Nous ne resterons pas les bras ballants», a-t-elle souligné. Les notions d’«opérations offensives» et de «combattants de l’espace» ne sont pas explicites, comme c’est maintenant le cas pour le cyber. Mais on s’en approche. «Nous nous donnerons les moyens d’agir et de surveiller», a ainsi insisté la ministre.

La France consacre 2 milliards d’euros par an à l’espace -contre 50 milliards aux États-Unis. Florence Parly a confirmé le renouvellement, à l’horizon 2023, de tous ses satellites permettant de voir, d’écouter et de communiquer dans l’espace. Le radar de surveillance Graves sera rénové. La piste de la coopération européenne poursuivie. Et la gouvernance de l’espace sera revue, pour répondre aux défis d’une possible guerre dans l’espace. Faut-il aller jusqu’à une Space Force, comme celle annoncée récemment par Donald Trump? Florence Parly ne se prononce pas à ce stade. Mais elle salue une initiative américaine qui, dit-elle, «envoie un signal extrêmement puissant, [celui] des confrontations à venir».