Sous-marins nucléaires. Les autres patrouilles de France
Plus de 500 patrouilles pour les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) Français. Un chiffre à rapporter aux 350 patrouilles des Britanniques qui avaient lancé, en 1969, leur premier SNLE. (Photo Claude Prigent)
Par Stéphane Jézéquel – Le Télégramme – Modifié le 10 octobre 2018
La ministre des Armées, Florence Parly, est attendue jeudi matin, à l’Île-Longue, pour célébrer la 500e patrouille d’un sous-marin nucléaire de la force de dissuasion. Retour sur l’excellence de ces navires et de leurs équipages cultivant une efficacité et une discrétion à toute épreuve.
Quarante-six années d’une mission ininterrompue réalisée avec la même exigence et une rigueur absolue ! 500 patrouilles sans incident majeur, accident ou décès, pour une performance enfin mise en lumière. La 500e s’est déroulée cet été, toujours aussi discrètement.
La première patrouille s’élançait de l’Île-Longue le 27 janvier 1972. « Ou plus exactement, le lendemain, après un léger contretemps technique », se souvient Yves Cariou, ancien journaliste au Télégramme et auteur d’un ouvrage référence sur la Fost (Force océanique stratégique de la Marine nationale). « On a vu arriver cette coque noire sans imaginer et se douter de tout ce qu’elle renfermait ».
« Pour remonter le fil de cette réussite industrielle indiscutable, il faut commencer par évoquer la qualité de conception de ces navires, leur niveau d’entretien et revenir sur l’excellence des équipages qui ont conduit ces patrouilles capables de porter la menace nucléaire », complète le contre-amiral Dominique Salles, ancien commandant de sous-marins nucléaire lanceur d’engins (SNLE) et coauteur de l’encyclopédie des sous-marins français.
Savoir-faire secret-défense
Indiscutable expression des atouts industriels français, la force de dissuasion a permis, en plus d’asseoir une crédibilité militaire sur le plan international, de développer des procédés de fabrication de la plus haute technologie. Alliages aux caractéristiques exceptionnelles (capables d’encaisser la pression des profondeurs, une vitesse soutenue en immersion, le lancement de missiles de plusieurs dizaines de tonnes), développement de matériaux et de procédés favorisant la plus grande discrétion… Un sous-marin nucléaire lanceur d’engins concentre les éléments les plus sophistiqués d’un navire de combat, les lieux de vie pour 111 marins (135 au temps du Redoutable) pendant plus de deux mois, une compacte centrale nucléaire et une rampe de lancement pour 16 missiles nucléaires, cousins germains de la fusée Ariane.
Jusqu’à trois sous-marins à la mer
Depuis 1972, la permanence à la mer n’a pas toujours répondu aux mêmes exigences. Globalement, elle a été d’au moins un sous-marin, mais a été portée à trois du temps de François Mitterrand qui, malgré ses réticences de campagne, avait paradoxalement intensifié le nombre de patrouilles. Sur les plus de 500 missions, aucune interruption connue de la permanence, si ce n’est la remontée de sous-marins en surface afin d’évacuer des marins nécessitant des soins d’urgence (14 cas en 46 années). Alors que les SNLE américains naviguent sans médecin embarqué, on traite quasiment tout à bord des sous-marins français de la force de dissuasion, sans modifier le fil de la mission (une centaine d’interventions avec anesthésies répertoriées). Le chiffre est à rapporter aux 60 000 unités parties en patrouille depuis 1972, pour environ 12 000 marins différents.
« Pas d’à peu près »
La rigueur du suivi médical des marins est le prolongement d’une chaîne ne souffrant d’aucune approximation. « Il n’y a pas d’à peu près dans le métier de sous-marinier », confirme le contre-amiral Dominique Salles, commandant l’Inflexible de 1997 à 2000, avant de devenir chef d’escadrille de 2003 à 2006. Les navigants bénéficient du travail de construction et de préparation réalisé en amont. Jusqu’aux tirs d’essais, point d’orgue d’une chaîne d’une incroyable complexité et d’une mission dont on ne parle habituellement jamais. Même pas de retour à la maison auprès des siens.
Ces marins de l’ombre brillent pourtant pour leur efficacité et leur polyvalence durant la patrouille, qui peut s’étirer au-delà de 70 jours. Sur les quelque 55 métiers répertoriés à bord d’un sous-marin, chaque marin doit être capable d’enchaîner plusieurs activités dans la même journée. Concentré et parfaitement dédié, en plein monde du silence.