Immobiliers du ministère des armées : la braderie perdure

Immobiliers du ministère des armées : la braderie perdure

IFRAP – 22 novembre 2018Un expert des questions de Défense

http://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/immobiliers-du-ministere-des-armees-la-braderie-perdure

 

Depuis le transfert vers le site de Balard (15ème arrondissement de Paris) de l’ensemble des états-majors et des directions de la Défense, a été opérée la cession d’une partie du site de l’îlot Saint-Germain (7ème arrondissement) qui les abritait : cela concerne la tour et l’immeuble donnant sur la rue Saint-Dominique (un ensemble de près de 17.000 m²). Une vente à 29 millions d’euros… alors que l’ensemble avait été estimé par France Domaine à 350 millions d’euros. 

C’est ainsi que la régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP – 2ème plus gros bailleur social de la ville), a signé en mai 2018 devant notaire l’acte de vente de cet ensemble suite à la signature d’un protocole le 16 octobre 2017 entre le ministère des armées (MINARM), la Ville de Paris et la préfecture de la région de l’Île-de-France avec une libération prévue avant le 31 décembre 2018. La transformation des bureaux en logements devrait durer au moins 2 ans et les nouveaux locataires devraient faire leur entrée dans les lieux fin 2020, voire en 2021. Sur ce site, seront construits, outre une crèche de 66 places et un gymnase, 251 nouveaux logements à caractère social et familial dont 10% sont réservés aux agents du MINARM et qui sont répartis de la façon suivante :

  • 126 au titre du PLAI (prêt locatif aidé d’intégration) ;
  • 100 au titre du PLUS (prêt locatif à usage social) ;
  • 25 au titre du PLS (prêt locatif social).

Le montant de cette cession est de 29 millions d’euros alors que France Domaine l’avait évalué à environ 350 millions d’euros, montant qui est l’équivalent de l’achat de 2 avions AIRBUS 400 M – NB = l’armée de l’air n’en a reçu en juin 2018 que 18 sur les 50 commandés.

En effet, la vente de cet ensemble immobilier semblait prometteuse compte tenu de sa superficie et de sa situation géographique privilégiée : proximité de l’Assemblée nationale, du musée d’Orsay, des quartiers des ministères, de grandes institutions nationales et internationales, des Invalides, de la place de la Concorde… La justification des conditions de cette vente résulte de la volonté de la Ville de Paris de développer le nombre de logements sociaux dans cet arrondissement qui lui semble déficitaire dans ce domaine. L’opération a été rendue possible grâce au dispositif de décote introduit dans la loi SRU (2013) dite «  loi Duflot » qui permet la vente de terrains de l’État à un prix inférieur aux prix du marché.

Sur le portail de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes public, est mis actuellement en vente une autre partie de l’Îlot Saint-Germain qui est présentée dans le schéma suivant : partie encadrée par un trait bleu =

Cet ensemble datant du 19ème siècle dont la vente a été repoussée à cette date en raison de la volonté de la Ville de Paris d’en prendre une partie comme l’y autorise la loi SRU, présente les caractéristiques suivantes : une superficie de 11.763 m², une surface de plancher totale de 27.797 m² et 8.543 m² en infrastructure.

Sa composition qui est présentée ci-dessus apparaît prometteuse en termes du montant de la cession. Certes, existe toujours la possibilité de vendre le m2 à un montant d’environ 5.000€, en vertu du principe de la décote introduite dans la loi SRU (2013). Mais en prenant en référence le prix du m2 de France Domaine relatif à la vente de la 1ère partie de l’îlot Saint-Germain, la cession de cette 2ème partie pourrait être évaluée à environ 450 millions d’euros – montant correspondant environ à l’acquisition de 11 hélicoptères NH90 dont ceux de la Marine nationale en service actif affichent un taux de disponibilité difficile.

Toutefois, il apparaît nécessaire d’associer la vente de cette partie de l’îlot Saint-Germain à celle de l’hôtel de Brienne (situé à gauche du schéma présenté ci-dessus) dans lequel sont installés les cabinets civils et militaires du MINARM et de son secrétariat d’état alors que l’ensemble des états-majors et directions centrales ont été transférées sur le site de Balard. Le ministre de la Défense (MINDEF) de l’époque a refusé ce transfert pour différents motifs qui ne semblent pas recevables alors que le site de Balard peut accueillir les logements et les postes de travail du ministre, du secrétaire d’Etat et de leurs cabinets, qui demeurent ainsi vacants.

En prenant en référence le montant de la cession en 2014 du site Bellechasse-Pentemont1 qui était de 137 millions d’euros, celui de l’Hôtel de Brienne pourrait être évalué au prix du marché entre 150 et 200 millions d’euros. Ce montant correspond à l’achat de 5 à 6 hélicoptères d’appui protection (HAP) Tigre de l’Aviation légère de l’armée de terre (ALAT) alors que leur disponibilité est d’environ 25% (confer le rapport d’information n°650 (2017-2018) du sénateur, Monsieur Dominique de LEGGE, rapporteur spécial des crédits de la mission « Défense »).

Conclusion

Avec le transfert de ses états-majors et services à Balard, le MINDEF comptait engranger des recettes exceptionnelles avec la vente des emprises qu’il occupait dans l’îlot Saint-Germain – ce qui n’est pas actuellement le cas. En outre, la valeur du parc immobilier du MINARM est évaluée à environ 16 milliards d’euros – confer le tableau ci-dessous qui est annexé au rapport spécial d’information n° 661 (2016-2017) du sénateur, Monsieur Dominique de LEGGE, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 juillet 2017.

Source : direction de l’immobilier de l’État, réponse au questionnaire du rapporteur spécial.

Dans ce parc immobilier, il y a, outre l’hôtel de Brienne, la possibilité de cession d’un certain nombre d’hôtels de quartier général2 destinés au logement de certaines autorités militaires du MINARM dans des grandes villes régionales3. Ces bâtiments qui font partie d’un ensemble de 160 emprises classées comme monuments historiques, génèrent des coûts de fonctionnement mais aussi d’entretien partagés avec le ministère de la culture dans le cadre d’un protocole Défense-Culture signé en 1983, reconduit en 1990, 1994 et du 17 septembre 2005.

C’est ainsi que les cessions au prix du marché de ces emprises pourraient permettre au MINARM d’engranger, sous réserve que les municipalités ne fassent pas jouer la loi SRU comme présenté ci-dessus :

  • des économies non négligeables de fonctionnement (notamment en énergie) pour les allocataires de ces logements ;
  • des économies substantielles en entretien de ces bâtiments qui sont classés au patrimoine culturel ;
  • des recettes nécessaires à l’entretien des infrastructures, notamment en ce qui concerne l’hébergement des militaires du rang (confer le rapport du sénateur, Monsieur de Legge, du 8 novembre 2017 dans le cadre du PLF 2018 de la Défense) et à l’investissement en matériels et équipements des forces armées.

Naturellement, pour des raisons de disponibilité et de sécurité de ces autorités militaires, il s’agit d’assurer4 à ces autorités militaires des logements au sein des emprises militaires intégrant des forces armées et des services comme cela est effectué dans la gendarmerie qui peuvent être attribués :

  • soit par nécessité absolue de service – NAS – (« obligation de disponibilité totale pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de responsabilité » ;
  • soit par simple utilité de service (convention d’occupation temporaire précaire avec astreinte).

Enfin, au vu du coût des engagements actuels et futurs en OPEX, l’effort devrait être porté, à partir des recettes relatives à la cession des infrastructures citées supra, notamment sur l’investissement dans la composante Marine nationale et la 3ème dimension tactique (aéronefs à voilures fixe et tournante) – ce qui ne semble pas être tout à fait le cas de la loi de programmation militaire 2019-2025.


1Où était basé le secrétariat aux anciens combattants.

2Ces bâtiments génèrent des coûts de fonctionnement qui font partie d’un ensemble de 160 emprises, mais aussi d’entretien partagé avec le ministère de la culture, définissent le cadre d’un protocole Défense-Culture signé en 1983, reconduit en 1990, 1994 et du 17 septembre 2005.

3Lille, Metz, Strasbourg, Marseille, Grenoble, Bordeaux, Toulouse, Nantes…- Lyon étant un cas particulier car l’hôtel de quartier général est loué par le ministère des armées à la Ville de Lyon. D’ailleurs, un certain nombre d’hôtels de quartiers généraux ont fait l’objet de cessions fructueuses comme à Montpellier, Nancy, Lille, Limoges…

4Décret n° 2012-752 du 9 mai 2012 portant réforme du régime des concessions de logement.