Les modes tactiques des forces terrestres

Les modes tactiques des forces terrestres

TACTIQUE GÉNÉRALE, Principes pérennes de la guerre… procédés nouveaux

Le cadre  opératif.

Les options de stratégie militaire définies dans la première partie déterminent la manière générale d’opérer sur un théâtre pour atteindre les objectifs politiques fixés.

En fonction de ces options, les opérations que mènent les forces terrestres sur un théâtre combinent plusieurs modes tactiques. Ils visent à obtenir soit la décision par la destruction des forces adverses, soit la résolution d’une situation de crise par des mesures de sûreté, de contrôle voire d’assistance aux parties en présence.

Les forces terrestres organisent leurs opérations autour de quatre modes tactiques caractérisant un type d’action en fonction de la nature des effets à produire sur l’adversaire ou le milieu :

– l’offensive, – la défensive, – la sécurisation, – l’assistance.

 

Les modes tactiques des forces terrestres

Les modes tactiques sont déclinés en :

  • modes d’action génériques (MAG) qui sont des façons d’agir dominantes permettant de choisir les moyens nécessaires et de combiner leurs capacités en vue de réaliser un effet sur l’ennemi ou le milieu ;
  • missions qui sont l’expression claire et concise de l’action à accomplir et du but poursuivi.

Les  modes  d’action  génériques  et  missions24 ne  sont  cependant  pas exclusivement attachés à chacun des modes tactiques. Ils constituent les outils qui permettent au chef tactique d’exprimer une idée de manœuvre qui s’adapte efficacement à l’adversaire et au milieu.

L’offensive

Au combat, le succès est obtenu par l’action offensive. Même dans la défensive, toute occasion doit être saisie pour prendre l’initiative et passer à l’offensive.

L’offensive  s’inscrit  dans  une  dynamique  générale  de  mouvement  vers l’avant dont les buts sont principalement la destruction ou l’effondrement des forces adverses et la saisie de points clefs du terrain. Elle intervient essentiellement en phase d’intervention lors d’un conflit limité face à un adversaire symétrique ou dissymétrique.

Afin de s’assurer des facteurs de succès que sont la “prise d’ascendant” et la “production des effets”, le déroulement d’une manœuvre offensive peut suivre les étapes suivantes :

☞ PREPARATION / PRENDRE L’ASCENDANT

La prise d’ascendant sur l’adversaire a pour but de lui interdire toute initiative.  Dans cette phase préparatoire à l’action, divers procédés peuvent être mis en œuvre : conduire une manœuvre de déception, devancer et désorganiser l’ennemi ; ils permettent d’enrayer puis de restreindre sa liberté d’action. Il s’agit alors de :

  • désorganiser ses capacités de renseignement et d’acquisition d’objectifs, ses capacités de commandement tant physiques (systèmes de transmissions) qu’immatérielles (capacités de jugement et volonté des chefs), ses capacités de défense, ses lignes de communications qui relient les échelons de combat à leur soutien logistique et lient les échelons de combat entre eux.

Cette désorganisation est acquise par des actions dans la profondeur : feux d’artillerie, de l’ALAT ou de l’aviation, appui électronique, opérations spéciales et manœuvres de déception.

  • fixer et cloisonner ou isoler les échelons de contact par les feux et les obstacles naturels ou artificiels. La prise de conscience par l’ennemi de sa perte de liberté d’action permet aussi de le “fixer” moralement.

Dans cette phase où il s’agit de contraindre un ennemi symétrique ou dissymétrique, un rapport de force de 1,5 contre 1 est globalement suffisant.

☞ EFFORT

Après avoir réuni toutes les conditions pour limiter la liberté d’action et accroître le doute chez l’adversaire, il s’agit de concrétiser l’action de destruction ou de conquête.

Pour cela, la vitesse et le choc sont déterminants. La manœuvre s’effectue sur les points faibles créés ou décelés au cours de l’étape précédente. Elle repose sur la surprise, la capacité à saisir une opportunité et selon les circonstances, sur la brutalité ou la souplesse afin d’affaiblir l’ennemi pour faciliter sa destruction et réduire à néant sa volonté.

Le mouvement offensif se conçoit des deux façons suivantes :

  • Le débordement – par enveloppement ou contournement  – a pour but d’atteindre l’objectif principal25 avec un volume significatif de forces après avoir fixé l’ennemi chargé de protéger cet objectif et débordé son dispositif. Le contournement diffère de l’enveloppement par le dessein de déborder l’ennemi immédiat pour atteindre directement l’échelon arrière. L’ascendant sur l’adversaire est conservé grâce à la diversion réalisée. C’est le mouvement à privilégier.
  • La pénétration est l’alternative qui a pour but la destruction ou la saisie d’un objectif après le franchissement frontal du dispositif adverse. L’action principale consiste à percer le dispositif ennemi pour atteindre l’objectif tout en se couvrant face à une réaction adverse. L’action se fait en deux échelons successifs.

Le succès repose sur le maintien du rythme de l’action par la simultanéité des actions et la capacité à les coordonner notamment grâce à la disposition d’appuis.

❐ Le  choc  se  combine  à  ce  mouvement  pour  annihiler  la  volonté  de l’adversaire.

Il se traduit généralement par la destruction physique. Le prolongement de celle-ci dans la profondeur s’opère soit progressivement, soit sous forme d’un raid ou d’une poursuite.

☞ CONSOLIDATION

La phase de consolidation qui succède à l’action offensive proprement dite est celle qui transforme la victoire locale en victoire décisive ; elle se concrétise par la percée, l’exploitation ou la poursuite. La percée est très consommatrice de moyens et peut remettre en cause l’exploitation qui consiste à conserver sa liberté d’action sur les arrières de l’adversaire. La poursuite, quant à elle, doit empêcher l’ennemi de se réorganiser.

Face à un ennemi symétrique ou dissymétrique, le rapport de force global à préserver est de 3 contre 1.

❐ L’offensive en zone urbaine

Afin d’éviter l’enlisement et l’usure, les actions offensives en zone urbaine doivent être ciblées. Les modes d’action y seront adaptés. Ils s’inscrivent généralement dans un mouvement visant des objectifs précis lors d’une manœuvre d’enveloppement ou d’isolement. Ils nécessitent le plus souvent une longue préparation (en particulier dans le domaine du renseignement), l’acquisition d’un rapport de forces très favorable (jusqu’à 10 contre 1) et l’adaptation du soutien logistique. Les manœuvres de déception et la conquête nocturne d’une tête de pont urbaine doivent donc être favorisées.

  • La prise d’ascendant sur l’adversaire revêt  un  caractère  particulier. L’acquisition du renseignement est plus malaisée en zone urbaine qu’en terrain ouvert, les capteurs humains y occupent en outre une place prépondérante. Selon la disposition de la ville, des moyens complémentaires (ROEM-GE, ROIM27, etc.) seront mis en œuvre. La désorganisation de l’adversaire par la suppression de toute liberté d’action est, quant à elle, beaucoup plus difficile à obtenir.

La présence ou non de la population et son attitude sont un facteur déterminant à prendre en compte.

La préparation nécessite de la minutie et une organisation rigoureuse. Elle est complétée par des opérations de déception et de cloisonnement de l’adversaire pour lui interdire tout renforcement, repli ou possibilité de manœuvre.

  • La phase d’effort se concrétise par une ou plusieurs actions puissantes menées simultanément et dans un cadre interarmes permanent, selon deux grands principes qui se dégagent des opérations récentes :

– Le premier repose sur des attaques d’envergure qui consistent en un nettoyage méthodique de la ville, quartier par quartier, par l’infanterie débarquée.

– Le second s’articule autour du contrôle progressif des accès principaux de la ville puis de raids blindés sur des objectifs ciblés.

  • La consolidation consiste à conquérir la ville pour s’en assurer le contrôle dans la durée par des actions de sécurisation.

La défensive

  • La défensive contribue généralement à la reprise de l’offensive sans perte d’initiative soit en phase préliminaire, soit pour faire face à une surprise adverse. En outre, ce mode tactique n’est pas forcément rétrograde ; des modes d’action offensifs peuvent servir une finalité défensive. Celle-ci commande en effet de briser la cohérence du dispositif ennemi pour développer les conditions favorables à l’offensive ou économiser ses forces localement en vue de porter un effort sur un autre point.
    L’action défensive comporte deux étapes : la valorisation et l’affaiblissement destinés à prendre l’ascendant sur l’adversaire puis l’arrêt  qui concrétise les effets à produire avant de pouvoir les exploiter.
     
    ☞ PREPARATION / PRENDRE L’ASCENDANT
    Dans le cas de la défensive, la prise d’ascendant s’exerce sur l’adversaire lui-même mais aussi par des aménagements du terrain dans le but d’exploiter l’avantage d’être le premier sur la zone d’engagement.
    Les procédés mis en œuvre sont les suivants :

    • déployer dans la profondeur un dispositif de capteurs qui permette de renseigner sur l’adversaire et de définir des zones privilégiées de harcèlement ;
    • valoriser le terrain en s’appuyant sur un réseau d’obstacles en vue de désorganiser   l’adversaire  tout  en  protégeant   et  camouflant   le dispositif ami ;
    • affaiblir l’adversaire et le priver de sa liberté d’action en le dissociant par des actions combinées de destruction dans toute la profondeur du dispositif, tout en réduisant ses capacités de cohésion et de renseignement (procédés de déception).

    ☞ EFFORT
    Le fait d’avoir utilisé la profondeur du dispositif pour contrarier l’attaque ennemie permet de rompre le rythme adverse et de reprendre l’initiative. Profitant de la suprématie locale obtenue, il s’agit alors d’arrêter l’adversaire en exploitant la maîtrise du terrain.
    Cette action repose sur le choc puis sur le mouvement pour susciter la surprise et acquérir un rapport de force localement favorable. Elle se conclut par la phase d’exploitation destinée à relancer l’offensive.
    ❐ Le choc vise à arrêter l’ennemi pour favoriser la bascule de l’initiative. Selon le but recherché, la neutralisation de l’ennemi ou la défense d’une zone, les modalités de réalisation peuvent varier. Pour autant, quel que soit le procédé retenu, les forces amies doivent être en mesure de délivrer des feux puissants et concentrés tant dans la profondeur que lors d’embuscades ou de débouchés lors d’une contre-attaque.

    • Dans le cas de la neutralisation de l’ennemi, l’action défensive doit façonner celui-ci pour l’exposer sur un terrain favorable dans la phase finale de la production d’effets. L’accent est porté sur la défaite de l’ennemi plutôt que sur la conservation ou la reconquête du terrain. La défense combine alors des actions d’usure appuyées par des feux et des obstacles.
    • La défense de zone, où la destruction complète de l’ennemi n’est pas recherchée, conjugue l’emploi de réserves mobiles et de positions défensives. Elle est basée sur la préservation du terrain en y absorbant l’ennemi dans une série de positions entrecroisées à partir desquelles il peut être en grande partie détruit par le feu. Elle combine des actions d’interdiction et de harcèlement.

    ❐ Le  mouvement  consécutif  à  l’arrêt  de  l’ennemi,  repose  sur  un débordement ou une contre-attaque conduits par une réserve identifiée.
    La force défensive doit avoir globalement une mobilité supérieure ou égale à celle de l’ennemi.

    • La neutralisation de l’ennemi nécessite le déploiement vers l’avant de forces relativement restreintes et la capacité de former une réserve importante qui mènera la contre-attaque décisive sur un espace avantageux.
    • Dans une défense de zone, le gros de la force défensive est déployé afin de conserver le terrain. Ce procédé privilégie la mobilité des unités dans toute la zone dans le but d’intercepter l’adversaire avec des éléments réservés réduits. Dans tous les cas, la réserve exploite l’intégralité des moyens techniques dont elle dispose pour frapper au bon endroit et au bon moment.

     
    ☞ CONSOLIDATION
    Par principe, la phase défensive est le plus souvent transitoire. Une exploitation offensive planifiée doit en effet mettre à profit l’inversion d’initiative obtenue. Elle repose sur la capacité résiduelle du défenseur à pouvoir relancer son action grâce à des forces qu’il aura mises en réserve et préservées pour cette étape décisive de l’action d’ensemble.
    Selon la manière générale d’opérer issue des options militaires stratégiques (i.e. obtenir la décision ou résoudre une situation de crise), les forces terrestres mènent les opérations selon une combinaison des quatre modes tactiques : offensive, défensive, sécurisation et assistance.
    – En  mode  offensif,  la  prise  d’ascendant  est  acquise  après  avoir désorganisé et fixé l’adversaire. Sa destruction ou la saisie du terrain sont ensuite obtenues par un mouvement de débordement qui prépare l’action sur l’objectif. L’action en zone urbaine nécessite une préparation minutieuse et un rapport de forces plus favorable qu’en zone ouverte.
    – Le  mode  défensif,  est  une  étape  nécessaire  au  rétablissement de l’ascendant sur l’ennemi. Le nouveau contexte opérationnel favorise les modes d’action défensifs qui privilégient la préservation du terrain par rapport à la stricte destruction de l’adversaire. La reprise d’ascendant repose sur le renseignement, sur des actions de valorisation du milieu et d’affaiblissement de l’ennemi. Après une phase d’arrêt de celui-ci, les effets obtenus doivent être exploités pour affirmer la suprématie acquise.
    – La sécurisation a pour but de créer un environnement sûr. La domination du milieu et la maîtrise de l’espace terrestre sont acquises par l’influence, le contrôle et le maintien d’une capacité d’intervention.
    L’éradication d’une rébellion armée ne sera obtenue qu’après avoir limité sa liberté de manœuvre puis maintenu une pression dissuasive sur ses zones de refuge.
    – L’assistance consiste à venir en aide aux populations par des actions de secours, d’information et de réorganisation de l’Etat et des infrastructures.