Scorpion XI : derrière la validation du GTIA, la formation d’une première brigade Scorpion
Clap de fin pour Scorpion XI, au terme de deux semaines d’expérimentations qui auront permis d’entériner la doctrine d’emploi d’un groupement tactique interarmes Scorpion et de son poste de commandement. Mais aussi de progresser vers le prochain jalon majeur : la mise sur pied et la projection d’une première brigade interarmes Scorpion.
Acter la doctrine d’emploi d’un GTIA-S
Organisé du 29 novembre au 10 décembre, Scorpion XI était, à l’instar des trois éditions précédentes, une nouvelle étape majeure dans l’expérimentation de la doctrine du combat Scorpion. Si les nouveaux véhicules, capteurs et autres systèmes de communication font partie intégrante du changement d’échelle de l’armée de Terre, ceux-ci « ne sont pas une finalité, ils sont un moyen d’y parvenir », rappelle le général Rémy Cadapeaud, commandant en second de la 3e division, selon qui l’objet des exercices Scorpion est bien d’ « éprouver la doctrine, les modes d’action, la manière de raisonner, de combattre ».
Quand l’édition 2020 mobilisait 750 militaires, ils étaient cette fois près de 2500 pour mener un combat de haute intensité contre un ennemi symétrique fictif. Au cœur du dispositif, deux GTIA Scorpion armés respectivement par la 13e demi-brigade de la Légion étrangère et le 1er régiment d’infanterie et leurs appuis. À peine sortie de sa période de restitution de la transformation Scorpion (PRETS), la 13e DBLE a déployé 500 légionnaires et 38 Griffon pour mettre à l’épreuve les connaissances et savoir-faire nouvellement acquis. Pour les 250 Picards du 1er RI, il s’agissait d’une dernière mise au point avant de réaliser leur propre PRETS en janvier prochain.
Partenariat CaMo oblige, un SGTIA 100% belge aurait normalement dû être de la partie. La reprise de l’épidémie de Covid-19 aura eu raison du projet, mais n’a pas empêché de jouer l’action d’un GTIA au travers de l’outil de simulation SOULT, de former un SGTIA franco-belge et d’intégrer des éléments au sein de la chaîne de commandement et dans la force adverse.
Scorpion XI était l’avant dernier rendez-vous du genre avant de « fixer » la doctrine en 2023. Il était dès lors primordial à plus d’un titre. De la même manière que Scorpion X entérinait la doctrine d’emploi du SGTIA, l’édition 2021 a rehaussé le niveau d’ambition d’un cran en se concentrant sur le GTIA et son poste de commandement placés dans leur environnement interarmes.
En plus de mettre à l’épreuve la doctrine, Scorpion XI participait à évaluer le concept de théâtre d’opérations hybrides partagées (TOHP). Derrière cet acronyme, une combinaison d’animations d’exercice réelles et simulées. Ce sont le CAX (Computer Assisted Exercise), une animation entièrement simulée ; le « carré vert », une liste d’incidents et événements injectés au fur et à mesure de la progression ; et le FTX (Field Training Exercise), l’exercice de terrain. La combinaison des trois permet de simuler l’action 25 000 soldats en en déployant « que » 2500.
Scorpion XI a, enfin, permis de relever les défis techniques liés au déploiement à grande échelle du système d’information du combat Scorpion (SICS) et à la cohabitation de matériels d’ancienne et de nouvelle génération. Il aura par exemple autorisé la 3e division à relever le défi technique que représente la mise en œuvre de SICS. En attendant SIA C2 et pour ne pas freiner l’action de combat des GTIA, le SICS aura été monté jusqu’au niveau de la brigade, un choix « nécessaire pour anticiper dès maintenant les briques de demain ».
Une occasion unique pour la 3e division
Si Scorpion XI se concentre principalement sur le GTIA, son horizon a été élargi à l’ensemble de la chaîne de commandement. « Pour éprouver la doctrine d’un GTIA, il faut que celui-ci soit commandé dans des conditions les plus proches du réel, avec la même pression, par sa brigade et par sa division ». Le cas contraire, le régiment pourrait « être désynchronisé du cycle décisionnel », commente le général Cadapeaud.
Afin de les faire agir dans une manœuvre globale, les GTIA de la 13e DBLE et du 1er RI ont ainsi été subordonnés aux postes de commandement de la 3e division et de la 6e BLB, chacun armé par une centaine de militaires. « Nous avons engagé tout ce que nous pouvions, compte tenu du fait que nous sommes en phase de projection », relève le général Cadapeaud. L’enjeu principal ? « Mettre sous tension tant les unités de terrain que les organes de décision est essentiel pour atteindre les objectifs ».
Chaque PC, en plus de s’entraîner, aura joué des rôles précis dans l’établissement de la doctrine. Celui de la 3e division s’est employé à rédiger et à valider les versions en cours des manuels d’emploi de la brigade interarmes Scorpion (BIA-S), du GTIA-S et du SGTIA-S. Celui de la 6e brigade légère blindée (6e BLB) a développé le concept doctrinal de brigade multirôle et est venu renforcer le réalisme de l’action au sein d’une manœuvre de niveau divisionnaire.
« Le commandant de la 3e division considère à juste titre que nous ne sommes jamais assez entraînés », souligne le général Cadapeaud. Scorpion XI était à ce titre « une occasion unique de s’entraîner avec tous les moyens et les types d’animation disponibles. On ne peut pas faire mieux ». Pour la division, il s’agissait d’ « anticiper les marches à franchir par la suite, demain au combat mais aussi et surtout en terme de processus décisionnel aux niveaux brigade et division, parce qu’il est hors de question que notre rythme décisionnel abaisse celui du SGTIA ».
« Demain, et contrairement à aujourd’hui, le chef ‘saura’ grâce au partage instantané d’informations complètes et fiables au travers d’un système comme le SICS. Désormais, les systèmes d’information sont stables, fluides et opérés par tout le monde, qu’importent l’arme ou la mission », commente le général Cadapeaud. Avec pour conséquence que « plutôt que d’être poussés, les ordres vont être tirés ». Un changement de rythme qui implique un travail de refonte des mentalités, au risque de perdre tout l’avantage. « L’enjeu de la division, c’est de se préparer à ce nouveau mode de pensée, ce nouveau processus de décision pour tirer la pleine puissance de l’infovalorisation ».
Vers la projection d’une première brigade interarmes
« Le but de cette doctrine, c’est de précéder un engagement opérationnel. Nous la validons en amont de nos jalons opérationnels de projection », souligne le général Cadapeaud. L’un de ces jalons a été atteint cette année conformément au calendrier, c’est la projection d’un premier GTIA équipé du couple SICS/Griffon. Armé par le 3e RIMa, ce groupement tactique désert Korrigan opère au Sahel depuis fin octobre et a réalisé il y a peu sa première opération d’envergure entre les villes de Gao et de Tombouctou.
Une expérimentation comme Scorpion XI participe à l’atteinte du prochain : la mise sur pied et la projection d’une première brigade interarmes Scorpion (BIA-S). Ce sera un autre rendez-vous majeur pour la 3e division et la 6e BLB. Avec ses quatre régiments déjà dotés de Griffon, celle-ci a été désignée pour devenir la première BIA-S projetable. Scorpion XI représentait à ce titre une occasion unique de tester le PC de brigade.
Pour la 6e BLB, il s’agira également de poursuivre l’intégration de matériels majeurs dès le premier semestre 2022. Hormis les Griffon et le SICS, elle sera en pointe sur l’appropriation du Jaguar, au travers du 1er régiment étranger de cavalerie (1er REC). Après quelques retards, la livraison des 20 premiers Jaguar doit intervenir dans les prochaines semaines. Les primo-formations démarreront dans la foulée au 1er régiment de chasseurs d’Afrique de Canjuers.
Les régiments de la « brigade des coups durs et des identités fortes » poursuivront en parallèle leur cycle normal de préparation opérationnelle. Le 1er RI effectuera sa période de restitution de la transformation Scorpion en janvier. Une fois revenue de projection au second quadrimestre 2022, la 6e BLB combinera son exercice Gladiateur à l’exercice Monsabert de la 3e division pour aboutir à une mobilisation de plus grande ampleur que celle de Scorpion XI. Chacune de ces étapes permettra de valider la transformation de la brigade, celle-ci devant se poursuivre après 2023 avec l’arrivée de nouveaux matériels.