Babcock signe un contrat historique pour la formation des pilotes de l’armée de l’air française

Babcock signe un contrat historique pour la formation des pilotes de l’armée de l’air française

Par Sabine Ortega – aerocontact.com – publié le 14 Jan 2025
Babcock signe un contrat historique pour la formation des pilotes de l'armée de l'air française
© Babcock

Le 10 janvier dernier, Babcock International a annoncé avoir signé un nouveau contrat de 17 ans pour la fourniture et le soutien de solutions de formation aérienne militaire pour l’armée de l’air et de l’espace française et la marine française.

Ce contrat de 795 millions d’euros, attribué par la Direction Générale de l’Armement (DGA), permettra aux élèves pilotes de s’entraîner sur 22 nouveaux avions PC-7 MkX Pilatus et sur 12 simulateurs de formation fournis par Babcock sur la base aérienne de Salon-de-Provence, avant de se spécialiser en tant que pilotes de chasse ou de transport.

En plus de la fourniture des avions et des simulateurs, ce contrat comprendra le support tout au long de la vie des avions, des infrastructures et des équipements pilotes.

Création de 100 postes dans les régions de Salon-de-Provence et du Cannet-des-Maures

Ce contrat permettra de créer plus de 100 nouveaux postes dans les régions de Salon-de-Provence et du Cannet-des-Maures, parmi lesquels des ingénieurs, techniciens, chefs de projet et administrateurs, qui contribueront à dispenser près de 11 000 heures de vol et 6 500 heures de formation sur simulateur à environ 120 élèves par an.

Pierre Basquin, directeur général de Babcock Aviation et directeur général France, a déclaré à ce propos : « L’Armée de l’air et de l’espace et la Marine française jouent un rôle majeur dans la sécurité nationale et internationale. Nous sommes ravis de soutenir notre client dans ses besoins de formation aérienne, lui permettant ainsi de se concentrer sur la satisfaction des besoins critiques de l’aviation militaire. Ce nouveau contrat à long terme renforce notre solide relation avec l’Armée de l’air et de l’espace et nous positionne comme son principal partenaire de soutien capacitaire dans les programmes de formation des pilotes de chasse. »

 Depuis 2018, Babcock collabore aux côtés de l’Armée de l’Air et de l’Espace pour fournir des systèmes de formation modernes sur simulateurs de vol et 26 avions PC-21 existants sur la base aérienne de Cognac-Châteaubernard.

Sabine Ortega Sabine Ortega
Journaliste emploi, formation, et nouvelles technologies

Accélérer la production, cette rupture qu’espère le ministre des Armées pour 2025

Accélérer la production, cette rupture qu’espère le ministre des Armées pour 2025

– Forces opérations Blog – publié le

L’année 2025 sera synonyme de « ruptures puissantes », assurait hier le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Parmi ces axes d’effort, une montée en cadence de la production d’armement qui exigera de gagner en audace, en simplification, en agilité et en compétitivité tout en restant vigilant face à certaines entraves persistantes ou potentielles notamment à l’échelle européenne. 

« Nous ne devons pas faiblir ». Le ton adopté lors des traditionnels voeux aux armées aura été clair, direct, parfois tranchant. Sébastien Lecornu avait fixé un cap en 2024, celui d’un réarmement devenu nécessaire « alors que le monde devient de plus en plus désordonné et brutal, alors que la course aux technologies est de plus en plus rapide et dérégulée, alors que les menaces se cumulent pour notre sécurité ». 

De ce constat découlent des lignes directrices pour les 12 prochains mois. Ou, plutôt, des « ruptures puissantes pour nous donner des capacités militaires concrètes et efficaces que l’histoire décidera ou non de mettre à l’épreuve », annonçait le ministre des Armées depuis la cours des Invalides. L’une d’entre elles consistera à accélérer encore sur la production de matériels militaires, une dynamique appelant à la prise de risque « pour faire plus, pour faire mieux et pour faire plus vite » et dans laquelle certaines grandes nations alliées ou concurrentes à l’exportation ont pris de l’avance. 

Cette rupture, c’est le fondement d’une économie de guerre présentée en juin 2022, largement théorisée depuis lors mais seulement partiellement mise en œuvre aujourd’hui. Le doublement de production d’obus de 155 mm et de missiles MISTRAL, ou encore le nouvel outil de production qu’EURENCO inaugurera à Bergerac au printemps en sont de trop rares exemples. « Soyons lucides, nous ne sommes qu’au début de ce que nous devons accomplir pour être au niveau d’une véritable économie de guerre », admettait Sébastien Lecornu tout en déplorant des freins « encore trop nombreux ». 

Parmi les chantiers à poursuivre, un agenda européen de soutien à l’industrie de défense « utile » mais dont la construction n’exclut pas, du moins pour l’instant, le spectre d’un cheval de Troie américain. Effort principal, le programme européen pour l’industrie de la défense (EDIP), vise certes à muscler l’autonomie mais pose la question de l’appui financier à la production d’équipements sous licence américaine. Un hiatus dont la France s’est emparée de longue date et qui se maintient à l’heure où la Pologne prend la tête du Conseil européen pour les six prochains mois. 

« Nous ne céderons rien », assure le ministre des Armées. Il est désormais impératif, pour ce dernier, que le pilotage des priorités reste dans les mains des États membres, que les autorités européennes participent à accélérer et simplifier le fonctionnement de la filière plutôt que de se substituer aux États par de nouvelles contraintes. Garantir l’équilibre des pouvoirs dans un secteur régalien, « c’est tout l’enjeu de la négociation en cours sur EDIP ». Et « en la matière, il vaut mieux ne rien faire que de faire mal », martelait Sébastien Lecornu. 

Autre chantier majeur, le financement des entreprises de défense s’avère plus que jamais nécessaire pour « investir dans de nouvelles machines, dans des stocks plus importants, dans la formation et, bien sûr dans les recrutements ». Ici aussi, l’Europe s’expose au tacle ministériel. « La taxonomie européenne actuelle génère encore un effet d’éviction au financement de nos entreprises de défense. Cela n’est pas acceptable ». Derrière ce combat mené à l’Europe, le degré national fera l’objet d’une réunion au premier trimestre 2025 des acteurs du financement et de l’industrie pour préciser les modalités de mise en oeuvre de nouvelles mesures incitatrices. 

L’export, parallèlement, « est vital pour développer notre base industrielle et technologique de défense ». Celle-ci s’en est bien sortie l’an dernier, avec plus de 18 Md€ de prises de commandes dont près de 10 Md€ pour des plateformes emblématiques. Si 2024 restera la deuxième meilleure année de l’histoire de la BITD française, « l’année 2025 s’annonce comme une excellente année », poursuivait Sébastien Lecornu avant de confirmer l’achat par l’Irak de 14 hélicoptères Caracal. 

Une nouvelle année record doit se profiler à l’horizon selon le ministre, à condition de transformer les essais sur les bâtiments de surface – « de frégates de défense et d’intervention en particulier » -, l’artillerie, les radars, les hélicoptères. L’effort portera également sur un système SAMPT NG « qui répond fondamentalement aux prochaines menaces balistiques notamment venues d’Iran et de Russie ». Pour s’en assurer, la BITD doit néanmoins gagner en compétitivité. L’exigence matérielle des clients s’assortit en effet de nouveaux critères de contraction des prix et des délais. Ce à quoi, justement, l’accélération visée pour l’an prochain tend à répondre. 

Crédits image : X/Sébastien Lecornu

Le Pentagone dévoile son programme d’investissement pour 2025

Le Pentagone dévoile son programme d’investissement pour 2025

Le Pentagone vient de dévoiler ses priorités d’investissement pour l’année suivante. Sans surprise, il se tourne vers des technologies de pointe pour assurer un approvisionnement suffisant aux États-Unis.

par Cédric Bonnefoy – armees.com – publié le

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Le Pentagone dévoile son programme d’investissement pour 2025 | Armees.com

En 2025, le Pentagone va continuer d’investir dans de nombreuses technologies, ciblant celles jugées vitales pour les États-Unis.

Le Pentagone lève le voile sur son programme d’investissement pour 2025

Une fois de plus, il s’agit d’une stratégie ambitieuse et minutieusement élaborée pour renforcer la sécurité nationale des États-Unis, sans oublier de stimuler l’innovation technologique. Cette initiative est orchestrée par le Bureau du Capital Stratégique (OSC), créé en 2022 sous l’impulsion du secrétaire à la Défense Lloyd Austin. Son objectif est clair : canaliser les ressources du secteur privé vers des technologies de pointe essentielles à la défense nationale et à l’avantage stratégique des États-Unis.

Le programme d’investissement 2025 du Pentagone cible principalement quinze segments industriels jugés critiques pour la sécurité nationale. Il inclut donc des domaines comme la fabrication de microélectronique, la biomanufacture, les technologies spatiales et les capteurs avancés. Ces priorités reflètent une vision stratégique à long terme visant à réduire les dépendances, à renforcer les chaînes d’approvisionnement et à anticiper les besoins de défense à l’échelle mondiale, mais surtout aux États-Unis.

Selon le rapport, l’investissement dans l’espace est considéré comme crucial pour maintenir un avantage concurrentiel face aux autres puissances mondiales. L’accent est mis sur le développement de vaisseaux spatiaux et de systèmes associés, qui joueront un rôle central dans la surveillance, la communication et la sécurité globale. Parallèlement, la biochimie, notamment la biomanufacture, est identifiée comme une industrie clé pour produire des solutions innovantes dans de nombreux domaines.

Le secteur privé mis à contribution

Depuis sa création, l’OSC déploie plusieurs outils financiers pour dynamiser les investissements dans ces secteurs critiques. Parmi les initiatives phares figure le programme SBICCT (Small Business Investment Company for Critical Technology), visant à attirer des capitaux privés vers les entreprises spécialisées dans les technologies de défense. En 2024, l’OSC a approuvé 13 fonds privés dans le cadre de ce programme. En octobre dernier, l’organisation a également annoncé un programme de prêts directs de 1 milliard de dollars destiné aux entreprises engagées dans la fabrication de composants de défense stratégiques. Cette initiative vise à surmonter les « points de strangulation » des chaînes d’approvisionnement et à accélérer la production dans 31 technologies critiques.

La stratégie du Pentagone s’étend sur plusieurs strates, des investissements immédiats à ceux s’échelonnant sur quinze ans. À court terme, l’objectif est de réduire les dépendances stratégiques et de sécuriser les approvisionnements essentiels. À moyen terme, soit entre deux et sept ans, l’OSC prévoit de renforcer la production américaine et alliée dans les technologies clés, notamment par des collaborations internationales. Enfin, à long terme, l’accent sera mis sur la commercialisation et la durabilité des innovations technologiques, permettant aux avancées de s’imposer durablement sur le marché.

Grenades à fusil, viseurs et autres évolutions à l’étude pour le HK 416F

Grenades à fusil, viseurs et autres évolutions à l’étude pour le HK 416F


Le fusil d’assaut HK 416F en service dans les armées françaises pourrait bientôt tirer des grenades à fusil, un coup de punch supplémentaire pour le combattant et une évolution parmi d’autres issues de la veille technologique et des évaluations conduites par la Section technique de l’armée de Terre (STAT). 

Retrouver une capacité perdue

Sept ans après son adoption par les armées françaises, le HK 416F récupère aujourd’hui une capacité perdue depuis le retrait du FAMAS : le tir de grenades à fusil. Si celles du FAMAS sont compatibles avec la version standard (S) du HK 416F, manquait le système de visée indispensable pour puiser dans les stocks disponibles. Un hiatus en passe d’être corrigé grâce au travail d’un expert en petits armements de la STAT. 

Conçue à partir d’une feuille blanche et en misant sur l’impression 3D, cette visée adaptée au HK 416F reprend les deux hausses correspondantes à chaque modèle de grenade en service. La plus petite autorise un tir à 75 et 100 m pour l’AC 58 antichar à charge creuse. L’autre, pour l’APAV (anti-personnel, anti-véhicule), permet de tirer de 50 à 150 m. La STAT a prôné la simplicité pour faciliter l’usage par le plus grand nombre : il suffit grosso-modo d’aligner de petites pointes sur l’objectif. 

Si les derniers tirs de validation datent de septembre 2024, l’idée n’est en réalité par toute neuve. Ce projet d’adaptation a démarré en 2019 avant de tomber dans l’oubli. Les réflexions avaient alors abouti à un premier modèle attaché au guidon, une configuration qui fonctionnait très bien selon la STAT. Le sujet est réapparu il y a quelques mois avec cette nouvelle contrainte qu’est la généralisation des viseurs et autres systèmes optiques.

Le système de visée sera donc intégré sur le côté tout en réduisant au maximum le déport sur le rail Picatinny. La configuration a néanmoins un avantage, car elle « permet d’avoir un découvert complet sur l’objectif au lieu d’être ‘enfermé’ dans un tube ». Elle reste par ailleurs adaptée aux ambidextres, le fichier d’origine pouvant être modifié par simple symétrie. En résulte une solution intérimaire simple et robuste permettant de maintenir un savoir-faire en attendant le lancement d’un éventuel marché pour de nouvelles grenades accompagnées d’un moyen de visée ad-hoc. 

Restent quelques inconnues, dont celle de la production. À supposer que l’impression 3D soit privilégiée, l’armée de Terre pourra s’appuyer sur les imprimantes déployées en régiment et sur l’expérience acquise, par exemple, via la ferme I3D ou par la 13e base de soutien du matériel pour produire et déployer rapidement l’outil. L’option de la fabrication additive amène cependant la question de la durabilité, une problématique à laquelle l’utilisation d’un métal comme l’aluminium répondrait mieux d’après notre interlocuteur de la STAT. 

Viseur, chargeur et réducteur

« Nous sommes obligés de nous adapter. La chance du HK 416F, c’est qu’il repose sur une plateforme de type AR-15 et reste donc une sorte de ‘Lego’. Tous les fabricants de la planète utilisent ses standards », observe un armurier de la STAT. Du garde-main à la crosse, la modularité de cette arme parmi les plus répandues au monde lui permet d’accueillir régulièrement de nouvelles briques. « On a pas mal de veille technologique », complète-t-il. Il s’agit non seulement de détecter la bonne idée au bon moment, mais aussi de mieux encadrer les modifications « maison » apportées sans logique d’ensemble et sans l’aval technique de la DGA.

L’aide à la visée, premièrement, fait dorénavant l’objet d’un effort d’acquisition. Un second essai après celui, avorté, réalisé à l’été dernier sur les viseurs de nouvelle génération proposés par Thales et Safran. Les chargeurs, ensuite, autre équipement souvent acquis à titre personnel, à l’échelon de la compagnie ou du régiment. La STAT évalue aujourd’hui des solutions en polymère synonymes de réduction de la masse et d’une « bien meilleure résistance ». Le chargeur métallique devient en effet inutilisable une fois cabossé tandis que son équivalent en polymère continuera de fonctionner même de manière dégradée. Des essais de casse se sont révélés « concluants », un chargeur fendu de bas en haut permettant toujours l’emport et le tir d’une majorité de cartouches. 

La STAT évalue enfin l’ajout de silencieux. Ou plutôt de « réducteurs de signature » (RDS) car l’atténuation n’est pas seulement sonore mais aussi thermique et visuelle. Ici aussi, certains ont pris les devants en s’équipant sur leurs propres deniers de matériels non testés et non validés par la DGA. Côté STAT, l’effort porte sur des RDS à double flux car le HK 416F n’est pas doté d’une buse permettant de réguler les gaz créés par la détonation de la cartouche. L’accumulation de gaz dans le canon doté d’un RDS accélère donc le cycle et l’usure des pièces, risque d’enrayement à la clef. 

Les RDS à double flux permettent justement de pallier à ce souci par l’évacuation d’une partie du gaz par la bouche. Leur conception « devient quelque chose de commun », note une section technique dont la recherche porte notamment sur des modèles proposées par les fabricants suisse BT et finlandais Ase Utra. Autrefois réduit aux forces spéciales, l’usage de RDS s’étendrait progressivement aux équipes spécialisées de l’armée de Terre, que sont les groupements commandos montagne et parachutistes, sections d’aide à l’engagement débarqué et autres équipes cynotechniques. 

Un nouveau lot de 8000 fusils HK 416F est attendu en 2025, l’un des derniers pour parvenir à la cible de 117 000 exemplaire définie par le programme « Arme individuelle future » (AIF). Les livraisons ne sont pas encore achevées que, déjà, l’armée de Terre entrevoit d’engager la réflexion sur l’évolution de son fusil d’assaut. Avec, d’après le dernier numéro du magazine institutionnel Fantassins, l’étude d’un éventuel changement de calibre et d’un retour vers le système « Bullpup » adopté pour le FAMAS.

Menaces sur l’industrie d’armement française

Présentation : Le Groupe “Vauban”, est composé d’experts des questions de Défense soucieux de préserver la souveraineté nationale notamment dans le domaine stratégique de l’industrie d’armement.
Les deux articles ci-dessous, parus fin 2024 dans La Tribune, ont pour objet d’alerter et de sensibiliser les Français sur les conséquences des opérations  de recomposition envisagées et en cours des alliances dans l’industrie d’armement européenne.
Selon les conclusions de l’analyse très argumentée réalisée par le Groupe “Vauban”, la situation de l’industrie de défense française, atout majeur de la souveraineté de notre pays en sortirait très affaiblie.

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L’Europe coalisée contre la France
Les deux Bruxelles contre la France
(1/2)

Où va l’Union européenne dans le domaine de l’industrie de la défense ? Selon le groupe Vauban, la création d’un marché unique au niveau européen ouvrira la porte aux industriels américains, israéliens et sud-coréens avec la création d’une autorité centralisée européenne de l’industrie de défense. Elle permettra une « coordination améliorée pour agréger l’acquisition de systèmes américains par des groupes d’États-Membres de l’UE », selon une recommandation du rapport Draghi. C’est pour cela que la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a souligné le rôle de l’Otan qui est, selon elle, « la colonne vertébrale » de la défense commune.

Dans sa longue histoire, la France s’est régulièrement retrouvée seule face à une Europe coalisée contre elle : la force de son État-nation, de son génie diplomatique et militaire et de son rayonnement culturel lui a toujours permis d’y faire face. Les guerres de Louis XIV puis celles de la Révolution et de l’Empire, jusqu’aux décisions diplomatiques et militaires du général de Gaulle, en témoignent. L’Histoire se répète aujourd’hui sous d’autres formes, moins épiques mais tout aussi décisives : la résurrection de la Communauté Européenne de Défense de 1952, l’alliance germano-italienne dans le domaine terrestre (avant son prolongement ultérieur dans le domaine naval), et l’accord germano-britannique de Trinity House, prenant à revers le Traité de Lancaster House et celui d’Aix-la-Chapelle, en sont trois récentes manifestations.

Au terme de ces développements, la France n’est nulle part dans une Europe qu’elle prétend pourtant bâtir mais qu’elle n’a ni volonté ni constance pour la guider vers le sens de ses intérêts.

Bruxelles la fédérale ou la « volière des cabris »

L’âme de la première coalition anti-française est à Bruxelles. S’arrogeant des compétences qu’aucun traité ne lui reconnaît, la Commission européenne, pourtant gardienne des traités, use et abuse des mêmes procédés, dénoncés en son temps par la France lors de la politique de la chaise vide (mai – juillet 1965) : utilisant avec zèle son droit d’initiative, elle prend prétexte du marché intérieur pour réglementer le domaine de la Défense, sanctuaire pourtant exclusif des États-nations.

Avec ses manières à la fois arbitraires et bureaucratiques mais toujours opaques, car avançant masquée, elle promet à ce secteur le même sort que les autres domaines dont elle s’est occupée depuis 1958 : la ruine totale au profit de la concurrence extra-européenne. L’agriculture, les transports, l’énergie, la métallurgie, l’automobile ont été sacrifiés sur l’autel de ses décisions et de ses convictions : les mêmes remèdes produisant les mêmes causes, la Défense ne fera pas exception.

En ce sens, le rapport Draghi et la nomination d’un Commissaire européen à la défense accélèrent le processus, amorcé en 1952 avec la CED. La marche fédérale de von der Leyen consiste en cinq étapes claires dont la caractéristique commune est de reposer sur des principes tous aussi faux que néfastes aux systèmes de défense de chaque État-membre :

L’Europe sous les fourches caudines américaines

Ce schéma n’est ni imaginaire ni exagéré : c’est très exactement l’Europe de la Défense que dessine le rapport Draghi et que M. Kubilius s’efforcera, pas à pas, de concrétiser durant son mandat. En ruinant assurément le secteur de l’industrie d’armement en Europe, il détruira l’objectif même recherché : la défense de l’Europe par elle-même. Que nombre d’États-membres n’aient pas protesté, se conçoit : comme le disait le général De Gaulle [1], « les Allemands, les Italiens, les Belges, les Pays-Bas sont dominés par les Américains ».

Mais il est tragique de constater qu’en France, il n’y aura plus communistes et gaullistes – ou un Mendès-France – pour faire échec à cette CED nouvelle version. Les communistes ont disparu et les gaullistes, depuis Jacques Chirac, se sont ralliés à la fédéralisation de l’Europe tout en maintenant la doctrine de dissuasion française, refusant de voir que l’une sacrifie délibérément l’autre. Aucun parti, y compris le RN, ne va jouer le rôle-clé qu’il aurait pu jouer sur ce dossier, à l’instar de celui joué par le gaullisme en 1954.

Cette marche à la supranationalité ne sera donc pas freinée par les États-membres sans géopolitique ni par les partis souverainistes sans courage, mais bel et bien recadrée par ceux-là même à qui elles profitent in fine : l’OTAN et les Etats-Unis, car ce que Madame von Der Leyen n’a pas voulu voir ou dire, c’est que sa CED à elle, en faisant doublon à l’OTAN, se condamne d’elle-même.

L’Europe ne faisant pas le poids face à l’OTAN, la seule issue à ce conflit, déjà palpable à Bruxelles, sera une supranationalité soigneusement encadrée ou recadrée par les Etats-Unis pour, à la fois, assoir leur leadership politique en Europe (un théâtre d’opération majeur pour eux quoiqu’en dise) et s’assurer des parts dominantes dans le marché européen de la Défense. « To get the U.S in, the Soviets out and the Germans down » : cette définition cynique de l’OTAN formulée par le premier Secrétaire-Général de l’OTAN, Lord Ismay, reste toujours d’actualité.

L’Europe de la défense de Mme von der Leyen se dissoudra donc dans le pilier européen de l’OTAN, donnant ainsi raison au général De Gaulle : « Vous savez ce que ça veut dire, la supranationalité ? La domination des Américains. L’Europe supranationale, c’est l’Europe sous commandement Américain » [2].

La seule initiative qui subsistera sera la communautarisation forcée de l’industrie de défense des États-membres, annoncée dès le 8 juillet 2017 par Mme Goulard, éphémère ministre de la Défense française : « Si nous voulons faire l’Europe de la défense, il va y avoir des restructurations à opérer, faire des choix de compatibilité et, à terme, des choix qui pourraient passer dans un premier temps pour aboutir à privilégier des consortiums dans lesquels les Français ne sont pas toujours leaders ». La perte de souveraineté industrielle assumée est toujours d’actualité si l’on en croit MM. Cingolani et Folgiero, respectivement PDG de Leonardo et de Fincantieri qui ont repris récemment la même antienne…tout en s’assurant que cette Europe industrielle-là se fera sous leur tutelle [3].

Au bilan, la seule « politique de la chaise vide » que la France aura faite, n’a pas été le fruit d’une décision d’un ministre de la Défense français qui s’affiche gaulliste, mais de quelques industriels tricolores qui ont refusé de signer leur arrêt de mort sur l’autel de la fédéralisation de l’industrie d’armement. Deux d’entre eux sont les maîtres d’œuvre de la dissuasion : ce n’est pas un hasard tant la CED de Mme von Der Leyen est négatrice de la doctrine de dissuasion nationale qui suppose la souveraineté intégrale et non la servitude volontaire aux deux Bruxelles.

[1] C’était de Gaulle, Alain Peyrefitte, Tome II, page 296
[2] Op.cit.
[3] Propos extrêmement clairs de M. Cingolani, Corriere della Serra, 27 octobre 2024, liant perte de souveraineté et leadership« Dans l’espace, comme dans la défense, ce qui est petit n’est pas beau et même une taille moyenne comme la nôtre ne suffit pas : les entreprises européennes doivent s’allier, sacrifiant leur souveraineté sur le petit marché intérieur pour pouvoir rivaliser ensemble sur l’immense marché mondial. Leonardo fait office de sherpa dans ce domaine et avec Rheinmetall, nous avons atteint un premier sommet historique ».

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L’Europe coalisée contre la France
L’Allemagne, l’âme des coalitions de revers
(2/2)

Après avoir exploré les pièges de la résurrection de la Communauté européenne de défense de 1952, le groupe Vauban décrypte la stratégie de marginalisation de la France par l’Allemagne, l’Italie et la Grande-Bretagne avec l’alliance entre Berlin et Rome dans le domaine terrestre et l’accord de Trinity House avec Londres.

L’âme de la deuxième coalition est, sans surprise, à Berlin même. Poursuivant sa politique de champions nationaux (Diehl dans les missiles ; OHB dans le spatial ; Rheinmetall plus que KMW, dans les blindés ; Hensoldt dans l’électronique de défense ; TKMS dans le naval ; Renk et MTU dans la propulsion) et de récupération des compétences qui lui font encore défaut (propulsion spatiale, satellites d’observation et aéronautique de combat et missiles), l’Allemagne a compris depuis les années 90 qu’elle obtiendrait beaucoup plus d’une France récalcitrante en faisant des alliances de revers que par la négociation directe.

En ce sens, l’actualité récente est la réédition des années 1997 à 2000, années où Berlin a proposé à Londres des fusions de grande ampleur : Siemens avec BNFL, bourse de Francfort avec celle de Londres, DASA avec British Aerospace. A chaque fois, il s’agissait moins de forger des alliances de revers que de faire pression sur la France. Trop faible pour voir clair dans ses intérêts et le jeu de ses concurrents, trop altruiste pour voir toute la naïveté et la portée de ses actes, la France de Lionel Jospin a offert la parité à l’Allemagne dans le domaine de l’aéronautique, elle qui n’en demandait au mieux que le tiers (qu’elle pesait au demeurant très justement…).

L’Allemagne, l’âme des coalitions de revers

Avec ses alliances en Italie (dans le domaine des blindés) et au Royaume-Uni (sur l’ensemble des segments), Berlin tend à Paris de nouveau le même piège : « cédez sur le MGCS et le SCAF, ou nous actionnons l’alliance de revers ». L’Europe de l’industrie d’armement qui se prépare, n’est en réalité qu’une coalition contre les thèses françaises dans la Défense et son indispensable corolaire, l’armement. Nulle surprise dans ce constat : dominant ses concurrents militaires et industriels grâce à l’héritage gaullien, possédant le sceptre nucléaire qui lui ménage une place à part dans le concert des grandes nations, influente par son siège au Conseil de sécurité aux Nations-Unies et ses exportations d’armement, la France est le pays à ramener dans le rang des médiocres aigris et jaloux et de la petite bourgeoisie de la défense européenne.

Rien de nouveau sous le soleil européen puisque, si l’on en croit Alain Peyrefitte, le général De Gaulle faisait déjà cette analyse : « Pour la dominer aussi, on s’acharne à vouloir la faire entrer dans un machin supranational aux ordres de Washington. De Gaulle ne veut pas de ça. Alors, on n’est pas content, et on le dit à longueur de journée, on met la France en quarantaine. » (13 mai 1964).

La menace Rheinmetall

Marginalisée depuis la création de KANT puis de KNDS, méprisée voire sacrifiée en France même par le gouvernement de François Hollande en 2015 avec la complicité des députés UMP, l’industrie terrestre nationale ne vit que par des îlots (canons, tourelles, obus), ayant abandonné les chars (sans que la DGA ne réagisse en 2009 lors de la suppression de la chaîne Leclerc par Luc Vigneron), les véhicules blindés chenillés (choix très contestable du tout-roues), l’artillerie à longue portée et saturante ; écrasée par la férule de Frank Haun, désormais noyé dans KNDS France sans trop oser se défendre lui-même, Nexter est menacé de disparition par la double alliance KMW/Rheinmetall au sein du MGCS et Rheinmetall/Leonardo dans l’ensemble des segments.

Aveuglé par le couple franco-allemand, Paris n’a pas accordé assez d’attention à la montée en puissance de Rheinmetall, vrai champion du terrestre allemand, qui, par commandes et acquisitions, se retrouve enraciné en plein milieu du jeu allemand (comme future actionnaire de TKMS et bras armé de la politique ukrainienne de Berlin), et de la scène européenne qu’il a conquise pas à pas : en Hongrie d’abord, puis au Royaume-Uni, en Lituanie, en Roumanie, en Ukraine, en Croatie et désormais en Italie, sans oublier d’établir la relation transatlantique (avec Lockheed Martin sur le F-35, avec Textron sur la compétition Lynx et en achetant le constructeur Loc Performance Products). La toile tissée par Rheinmetall en Europe est une véritable coalition contre les positions françaises.

Un partage de l’Europe sans la France

Le même coup de faux se prépare avec l’accord germano-britannique de Trinity House qui, même s’il ne réalisera pas toute ses prétentions faute de compétences et de moyens, érige un axe concurrent durable et redoutable dans des domaines clés pour la France : le nucléaire, les systèmes de missile à longue portée, les drones d’accompagnement des avions de combat de future génération, la robotique terrestre, la patrouille maritime.

Fidèles serviteurs de l’OTAN et de Washington, animés d’un désir de mettre la France en position d’infériorité militaire et industrielle, les coalisés se sont partagés l’Europe : à l’Allemagne, la défense du flanc Nord de l’OTAN ; à l’Italie, la défense du flanc Sud joignant théâtre de la Méditerranée orientale à l’Asie-Pacifique ; au Royaume-Uni, la Turquie, la Pologne et les pays baltes en liaison avec l’Allemagne. Les contrats industriels suivent les diplomates, avec une moisson gigantesque de chars de combat Leopard, de véhicules blindés Boxer, de l’artillerie RCH-155, de véhicules blindés de combat d’infanterie Lynx et de chars Panther et de systèmes sol-air (22 pays membres de l’initiative allemande ESSI).

La France nulle part dans l’Europe qu’elle prétend bâtir

Au bilan, la France est nulle part dans cette Europe qu’elle prétend pourtant bâtir ; elle n’a pas eu le courage politique de s’opposer aux dérives illégales de la Commission européenne en pratiquant la politique de la chaise vide ; son gouvernement est un mélange instable de fédéralisme affirmé, d’atlantisme assumé et de gaullisme à éclipses : comment pourrait-il mener une autre politique que celle « du chien crevé au fil de l’eau » (De Gaulle) consistant à se couler avec facilité et confort dans le mainstream institutionnel otanien au nom de l’Ukraine ? Comme lors de la IVe République, ses partis politiques sont occupés à la tambouille politicienne et ne pensent plus le monde selon les intérêts nationaux mais selon les intérêts de l’OTAN, de l’Ukraine et d’Israël.

Alors que la France s’épuise en débats stériles politiciens dans un régime devenu instable (les deux vont de pair), ses positions stratégiques en Europe se dégradent :

Le pire est que ces développements ont été portés par la classe politique elle-même qui les a encouragés à coup de proposition de « dialogue sur la dissuasion », « d’autonomie stratégique européenne » ou de programmes en coopération mal négociés, en mettant de côté les aspects gênants comme les divergences de doctrine, de niveau technologique et d’analyses sur les exportations.

Le pire est également que ces développements se profilent au moment même où la France, faute de limiter son gouvernement aux seuls domaines régaliens et de créer la richesse au lieu de la taxer et de la décourager, n’a plus les moyens de sa défense : comment celle-ci pourrait-elle en effet continuer de résister à la dérive des finances publiques, à la sous-estimation systématique de tous ses besoins (des capacités négligées aux infrastructures délaissées en passant par les surcoûts conjoncturels prévisibles mais ignorés) et à la mauvaise gestion de ses finances propres (comme en témoigne le montant faramineux des reports de charges) ?

Si la LPM est officiellement maintenue en apparence, ses fondements financiers, déjà minés dès sa conception par un sous-financement général, apparaissent pour ce qu’ils sont : insuffisants à porter le réarmement national de manière durable et soutenu. Faudra-t-il comme Louis XIV vendre l’argenterie royale ? Faudra-t-il vendre des biens nationaux comme la Révolution le fit dans son incurie ? Ou lui faudra-t-il écraser d’impôts les Français comme le Premier Empire s’y est résigné pour éviter l’emprunt ?

Une révision drastique de ses alliances

La rupture avec les deux Bruxelles est la double condition de la renaissance nationale. Face à l’Europe coalisée contre son système de défense, la France n’aura pas d’autre choix qu’un sursaut passant par une révision fondamentale du rôle de l’État, c’est-à-dire la réduction drastique de ses interventions sociales et économiques ruineuses et inefficaces, et d’une révision complète de son cadre d’alliances, afin que celles-ci la fortifient au lieu de l’atrophier.

La guerre froide n’a pas empêché ni la politique de la chaise vide ni le retrait du commandement intégré de l’OTAN, c’est-à-dire de quitter les deux Bruxelles au profit d’une politique du grand large, et pourtant le général de Gaulle qui a pris ces deux décisions majeures, n’était ni irresponsable ni irréfléchi. Les fruits de la grande politique qu’il a voulue, sont connus : un rayonnement considérable de sa diplomatie et de ses exportations d’armement.


Groupe Vauban*
Article paru dans « La Tribune »
04 et 05/11/2024

[*] Le groupe Vauban regroupe une vingtaine de spécialistes des questions de défense.

OPINION. Le futur avion de patrouille maritime, une affaire triplement risquée

OPINION. Le futur avion de patrouille maritime, une affaire triplement risquée

L’ingénieur général hors classe de l’armement (2S) Philippe Roger appelle à le ministère des Armées à la vigilance sur le programme du futur avion de patrouille maritime. Il rappelle que trois programmes de ce type, qui ont été conduits récemment sur la base d’avions civils, ont connu des difficultés de développement, des retards de plusieurs années et des dépassements de budget de plusieurs milliards. Par Philippe Roger, ingénieur général hors classe de l’armement (2S).

« L’ambition opérationnelle est très forte, la forme contractuelle a généré des difficultés dans le cas de l’A400M, et l’industriel pressenti, Airbus, ignore le domaine de la patrouille maritime anti-sous-marine » (L’ingénieur général hors classe de…DGA

 

Contrat à prix forfaitaire et choix d’un maître d’œuvre inexpérimenté dans le domaine militaire concerné, pour atteindre des performances très ambitieuses : ce fut la recette des difficultés techniques, calendaires et budgétaires rencontrées sur de nombreux programmes militaires dans le passé, y compris pour l’Airbus A400M qui donne toutefois aujourd’hui toute satisfaction opérationnelle.

Mais pourquoi prendre strictement les mêmes ingrédients pour le futur avion de patrouille maritime français, qui doit être mené à bien dans un délai qu’on ne peut allonger, et dans le contexte budgétaire que l’on devine ? A-t-on suffisamment trié les performances demandées, pourrait-on choisir un type de contrat moins risqué, les maîtres d’œuvre mis en compétition sont-ils au bon niveau technique et comprennent-ils la mission de patrouille maritime ?

Il existe une méthode éprouvée.

La Marine nationale et la Direction générale de l’armement (DGA) poursuivent deux programmes très lourds devant aboutir à une mise en service entre 2035 et 2038 : le porte-avions nucléaire successeur du Charles de Gaulle, et le sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération. Ces programmes comportent, conformément à la longue expérience de la DGA, plusieurs phases, permettant de ne s’engager qu’après avoir constaté les résultats de l’étape précédente et vérifié qu’il reste des marges financières suffisantes.

Mais on peut y déroger : cette méthode peut n’être pas appliquée, quand on estime que le développement est simple et que les prix unitaires sont prévisibles, au point que l’industriel accepte un contrat à prix forfaitaire pour l’ensemble du programme, développement et production, et fait son affaire des risques, couverts par une marge que son conseil d’administration a acceptée au nom de ses actionnaires. Le cas se présente souvent quand l’industriel propose de dériver une version militaire d’un produit civil existant, les modifications apparaissant faibles et le client demandant un prix forfaitaire, qui semble lui simplifier la vie.

C’est sur la base d’un tel contrat forfaitaire qu’est lancé un troisième programme majeur pour la Marine, un programme d’avion de patrouille maritime, basé sur un avion civil. Ce programme doit impérativement aboutir à temps, car on ne peut ni prolonger au-delà l’avion Atlantique 2 ni interrompre une mission nécessaire à la protection des SNLE. Malheureusement, c’est autour de la date d’aboutissement des deux autres programmes que l’Atlantique 2 doit disparaître, si bien qu’il y a deux exigences : réussir le développement dans les temps, et financer simultanément les trois programmes. Est-on bien dans un cas d’adaptation simple ?

Désastres de plusieurs programmes analogues

Trois programmes d’avions de patrouille maritime conduits récemment sur la base d’avions civils ont connu des difficultés de développement lourdes, des retards de plusieurs années, et des dépassements de budget de plusieurs milliards. Le pire des cas a été celui de la dernière version de l’avion de patrouille maritime Nimrod de la Royal Air Force, dont le développement a été arrêté après une dépense infructueuse d’une dizaine de milliards de livres.

L’avion de patrouille maritime P8 de l’US Navy basé sur le Boeing 737 n’a pu quant à lui être mis en production qu’après un long et complexe développement ayant coûté près de 10 milliards de dollars. Quant au système dit Meltem développé par Thales avec Airbus Espagne pour la marine turque sur la base d’un biturbopropulseur simple, le CN235, il a eu de fortes difficultés techniques. Il a fallu dix ans pour livrer les premiers appareils, après une renégociation du contrat et des pertes lourdes pour l’industriel, alors même que des centaines de CN235 civils étaient en service.

La difficulté de transformer un avion civil de série en un système d’armes complexe évoluant à basse altitude et basse vitesse avec des virages serrés pendant les pistages de sous-marins, dans un brouillard salin très corrosif, a été sous-estimée dans ces trois cas, et les industriels comme l’État acheteur ont pris des vessies pour des lanternes et ont bu le bouillon. Un des éléments du problème, la corrosion saline, est bien connu, au moins en France, par les fortes difficultés induites dans l’entretien, plus que laborieux, des hélicoptères de la Marine livrés par Airbus et NHIndustries. Quant aux virages à fort facteur de charge, ils ont nécessité des transformations profondes des structures des avions civils pris comme base, et une surveillance permanente de leur état de fatigue.

Sur un sujet beaucoup plus simple, la transformation en avion ravitailleur MRTT de l’Airbus A330, le développement a connu quelques lenteurs, alors même que les risques avaient été réduits par le développement préalable d’une version à base d’A310. Les difficultés budgétaires de l’époque ont fait que les commandes françaises initiales ont été passées, prudemment, pour une version moins ambitieuse que celle spécifiée.

L’A400M, un développement que l’on savait difficile

Le développement de l’avion de transport Airbus A400M partait, quant à lui, d’une feuille blanche, et non pas d’un avion civil existant. Mais il est utile de le citer ici, car le contrat correspondant a été passé à prix forfaitaire pour l’ensemble du développement et de la production, c’est-à-dire avec la méthode contractuelle retenue pour le nouvel avion de patrouille maritime. Les nombreuses difficultés techniques à envisager pour ce programme A400M, aux spécifications justifiées mais très exigeantes, auraient demandé un type de contrat permettant un suivi pied à pied du programme par l’OCCAr, agence délégataire des États.

Mais les promesses d’Airbus et les exigences des États coopérants ont fait adopter une méthode contractuelle toute autre, qui apparaissait protectrice mais n’a pas permis de tenter de contrer à temps les difficultés techniques rencontrées. Elle a été une des causes des multiples réunions de crise où les États et Airbus se sont réparti les charges supplémentaires, après avoir même envisagé l’arrêt du programme à ses débuts. On aurait peut-être pu arriver à l’excellent service opérationnel que rend aujourd’hui l’A400M par des voies plus sûres.

Ces exemples montrent qu’on peut s’attendre à des difficultés :

– Quand les capacités demandées sont très ambitieuses, même si elles sont opérationnellement justifiées,

– Quand on demande aux industriels de traiter à prix forfaitaire sur l’ensemble du développement et de la production, ce qui leur impose de prendre des marges très élevées dont l’acheteur ne peut contrôler la justification pour comparer les offres, ce qui fausse la concurrence. Il ne peut pas non plus en contrôler la consommation pendant le développement, si bien que les demandes de renégociation du marché pour couvrir les aléas n’apparaissent que par surprise, mettant le programme en danger, et amenant à des ponctions sur les programmes contemporains.

– Quand on s’adresse à un industriel qui ne connaît pas le domaine opérationnel à traiter.

Un pari triplement risqué

Qu’en est-il dans notre programme d’avion de patrouille maritime ? L’ambition opérationnelle est très forte, la forme contractuelle a généré des difficultés dans le cas de l’A400M, et l’industriel pressenti, Airbus, ignore le domaine de la patrouille maritime anti-sous-marine. L’ambition opérationnelle : que peut-on élaguer ?

Une mesure simple du niveau de l’ambition opérationnelle est que Airbus a dû proposer un appareil de 100 tonnes pour remplacer l’Atlantique 2 qui exécutait de façon satisfaisante la mission principale anti-sous-marine, et des missions secondaires anti-surface et air-sol, avec 47 tonnes. La cause principale semble en être le choix d’emporter en interne à l’avion un missile anti-navires lourd (missile qui reste à développer) pour une mission secondaire, la mission anti-navires de surface qui est remplie actuellement sur l’Atlantique 2 par l’Exocet AM39.

Ce choix amène à prévoir une soute très importante, et a amené Airbus à ne pas se contenter de modifier un A320, comme prévu à l’origine, et à passer à un A321XLR à très grand rayon d’action, bien plus lourd, ce qui va nécessiter une refonte des hangars et de leurs voies d’accès. Il amène aussi à anticiper des coûts à l’heure de vol et des coûts de maintenance qui, étant en général proportionnels au poids, seront au moins doubles de ceux de l’Atlantique 2. Sachant que ces coûts forment les deux tiers du coût complet de tout programme aéronautique, l’effet de ce choix est extrêmement important.

Sur l’avion bien moins lourd retenu par Dassault Aviation la difficulté est évitée par l’accrochage sous voilure du nouveau missile, mais cette solution simple et éprouvée n’a pas, ou n’a plus, les faveurs de la Marine. C’est pourtant celle retenue pour l’avion P8 par l’US Navy, qui est de loin le plus grand opérateur au monde d’avions de patrouille maritime. Une révision de ce choix serait de nature à réduire les risques, la taille de l’appareil nécessaire, le devis initial et ses marges, et le coût sur la durée de vie.

Faire plus ambitieux que l’US Navy ? Il y faut réfléchir à deux fois ! A-t-on une autre option dans la situation budgétaire actuelle, face à la menace que fera peser un programme très ambitieux et risqué sur les deux autres programmes majeurs, et face au besoin de renforcement de la flotte de surface, qu’un rapport parlementaire vient de mettre à nouveau en évidence ?

Veut-on dimensionner l’avion pour aller à plus de 4.000 km de la France tirer des missiles anti-navires, ou bien accepte-t-on de se concentrer sur la mission principale anti-sous-marine, qui participe à la protection des SNLE, et d’emporter sous la voilure les armes destinées aux missions secondaires, comme le fait l’US Navy ?

Réduire les autres risques : Faut-il pousser les aléas du programme sous le tapis du contrat forfaitaire, qui donne une fausse sécurité et n’est pas adapté à un programme risqué, surtout si l’ambition opérationnelle n’est pas réduite ? Ou adopter un type de contrat qui permette de suivre pas à pas le développement, mais aussi de vérifier le détail des marges initiales : sont-elles suffisantes, induisent-elles ou non une distorsion de concurrence ? Et il faut se demander à nouveau si on doit confier une partie importante d’un développement majeur à un bureau d’études inexpérimenté dans le domaine concerné.

Rêveries

Le domaine de la patrouille maritime aurait dû être couvert par un programme de coopération franco-allemande, dit MAWS, mais l’Allemagne l’a fait capoter en cours de route pour acheter plusieurs lots d’avions américains P8, nous laissant financer seuls un nouveau développement. A la génération précédente, elle avait refusé d’acheter l’Atlantique 2, dont elle fabriquait pourtant 40%. Deux claques dont la France se serait bien passée.

Mais voilà qu’on entend dire aujourd’hui au sein de l’État qu’une des vertus du choix d’Airbus serait de permettre de relancer la coopération franco-allemande sur le sujet, coopération qui est morte et « ganzkaputt » (toute cassée) depuis que l’Allemagne a commandé un deuxième lot de P8… Après ce camouflet, qui n’est pas le seul dans la période récente, faut-il faire tourner à travers un programme de patrouille maritime les usines allemandes, en plus des usines espagnoles ? Ce serait appeler la claque suivante.

Un triple effort pour renouveler un pan de l’optronique du combattant

Un triple effort pour renouveler un pan de l’optronique du combattant

– Forces opérations Blog – publié le

Après les jumelles de vision nocturne, place à l’acquisition de jumelles multifonctions et de viseurs d’armes de nouvelle génération. Une démarche en trois actes lancé hier et pour laquelle le ministère des Armées envisage d’investir plus de 1,5 Md€. 

Noël ne pouvait être célébré sans une petite surprise de dernière minute de la part de la Direction générale de l’armement (DGA). Hier, celle-ci lançait un appel d’offres visant à acquérir de nouvelles aides à la visée, des jumelles multifonctions au profit des unités de combat et des jumelles multifonctions pour les unités spécialisées dans l’appui-feu et le renseignement. 

Trois besoins et autant d’ « accords-cadres multi-attributaires à marchés subséquents » potentiellement conclus pour une durée de sept ans. Chaque lot pourra être attribué à plusieurs candidats. Montant maximal estimé de cet investissement consenti principalement au profit de l’armée de Terre ? 1,573 Md€. Les cibles ne sont pas connues, mais l’un des prérequis exigés permet d’en mesurer l’étendue. Pour être retenu, il faudra notamment pouvoir fabriquer au minimum 1500 viseurs ou 250 jumelles par an.

Plus de 400 M€ sont fléchés vers l’achat d’un viseur d’armes, une enveloppe dont la partie ferme permettra de compléter un développement déjà engagé et de qualifier une solution combinant une voie directe optique et une voie infrarouge. Des commandes suivraient pour équiper tant le fusil d’assaut HK 416F que des armes d’appui comme la MINIMI. Il s’agit d’une seconde tentative pour les armées, à l’origine d’une procédure nommée « tir réflexe » mais finalement avortée. 

Mais l’engagement le plus significatif relève des jumelles multifonctions. Près de 1,2 Md€ sont consacrés au remplacement des parcs actuels par deux nouveaux modèles. L’un, pour le combattant, sera doté a minima d’une vision infrarouge thermique, d’une vision longue portée d’une part, et moyenne portée d’autre part. L’autre, pour les unités spécialisées, devra proposer une vision bi-oculaire, une voie infrarouge thermique, un télémètre et un pointeur laser, des fonctions logicielles de calcul et d’interfaçage avec des systèmes d’information, le tout à très longue portée. 

Ces marchés étaient attendus de longue date, la filière française a donc eu le temps d’aiguiser son offre. Difficile de ne pas penser aux deux géants du secteur, Safran et Thales. Le premier devrait miser sur le succès des jumelles JIM Compact et Moskito TI, mais aussi sur une nouvelle référence. Baptisée Nightwolf, cette jumelle est la première au monde à intégrer nativement un capteur infrarouge à ondes courtes (Short-Wave Infrared ou SWIR). S’il reste discret sur la question du viseur, Safran a bel et bien pris pied dans le segment grâce à un système DANIS à première vue au stade du prototype. 

Fournisseur des Sophie aujourd’hui en service, Thales a depuis longtemps levé le voile sur ses jumelles de 4e génération Sophie Ultima et Optima. Si l’Ultima s’oriente vers les fonctions spécialisées et a déjà trouvé preneur à l’export, sa « petite soeur » Optima répondrait aux besoins du combattant. Sa production en série est programmée pour 2025. Côté viseur, Thales propose un système XTRAIM lui aussi vendu à l’export. D’autres pourraient tenter l’aventure, à l’instar d’Elynxo. Il lui faudra néanmoins intégrer un groupement pour répondre au critère d’envergure du chiffre d’affaires. 

Crédits image : 11e RAMa

Opération Poker : une démonstration de force des Forces aériennes stratégiques

Opération Poker : une démonstration de force des Forces aériennes stratégiques

Jean-Baptiste Leroux – armees.com – Publié le

Les forces aériennes stratégiques ont achevé une nouvelle édition de l'opération Poker. Défense.gouv
Les forces aériennes stratégiques ont achevé une nouvelle édition de l’opération Poker. Défense.gouv | Armees.com

 

Dans la nuit du 17 au 18 décembre 2024, les Forces aériennes stratégiques françaises ont mené avec succès une nouvelle édition de l’opération Poker. Cet entraînement d’envergure met en lumière la maîtrise opérationnelle et l’expertise technique de la composante nucléaire aéroportée.

Un exercice stratégique au cœur de la dissuasion nucléaire

L’opération Poker, organisée quatre fois par an, incarne le savoir-faire des Forces aériennes stratégiques (FAS). Cette manœuvre militaire d’ampleur vise à simuler un raid nucléaire d’entraînement au-dessus du territoire français. Lors de cette édition, le général de corps aérien Stéphane Virem a dirigé les opérations depuis le centre opérationnel de Taverny, soulignant l’importance stratégique de cet exercice.

Au cœur de cet entraînement, une quarantaine d’aéronefs, dont les Rafale B de la 4e escadre de chasse et les ravitailleurs A330 MRTT Phénix, ont été mobilisés. En parallèle, des avions conventionnels, comme les Mirage 2000-5 et les Rafale C, ont soutenu le raid. L’ensemble de l’Armée de l’Air et de l’Espace (AAE) a été impliqué, y compris les bases aériennes et aéronavales, les contrôleurs aériens et les unités de défense sol-air. Ce déploiement massif vise à reproduire des conditions réalistes et exigeantes pour tester la réactivité des équipages et la coordination interarmées.

Innover pour garantir la crédibilité opérationnelle

L’opération Poker dépasse la simple répétition de procédures. Elle joue également un rôle clé dans le développement de nouvelles tactiques, intégrant le multimilieu et le multichamp (M2MC). Cette approche innovante permet de s’adapter aux défis contemporains et de renforcer la posture de dissuasion française. Chaque étape, de la planification à l’exécution, est minutieusement évaluée pour identifier les marges d’amélioration.

Au-delà de l’entraînement, l’exercice a pour objectif de démontrer la crédibilité opérationnelle de la composante nucléaire française à ses alliés et partenaires internationaux. Cette édition de décembre 2024 a réaffirmé la place centrale des FAS dans la stratégie de dissuasion nucléaire, tout en mettant en avant l’engagement et l’expertise de l’ensemble des personnels impliqués.

La Grèce privilégie la modernisation de 500 blindés M113 aux dépens d’un achat de VBCI français

La Grèce privilégie la modernisation de 500 blindés M113 aux dépens d’un achat de VBCI français

https://www.opex360.com/2024/12/09/la-grece-privilegie-la-modernisation-de-500-blindes-m113-aux-depens-dun-achat-de-vbci-francais/


Depuis que le projet de véhicule de combat d’infanterie [VCI] Kentauros, qui devait être mené par le constructeur automobile ELVO, a été abandonné, dans les années 2000, l’armée grecque tente, en vain, de moderniser son infanterie mécanisée.

« Nous en sommes arrivés à aujourd’hui à de gros problèmes de vieillissement et de dévaluation opérationnelle auxquels sont confrontés les véhicules blindés grecs. Malheureusement, les échecs, les omissions et les occasions manquées du passé font que les forces mécanisées et blindées manquent d’un véhicule blindé moderne agile et doté d’une grande puissance de feu », avait estimé le site grec Defence Review. Or, on était alors en 2019… et ce dossier n’a que très peu évolué par la suite, la seule avancée ayant été la livraison de 40 VCI Marder allemands en échange de la cession à l’Ukraine de BMP-1 d’origine russe.

Pourtant, en 2020, la Grèce avait adressé une demande aux États-Unis afin d’obtenir au moins 350 VCI M2A2 / M2A2OD Bradley d’occasion. Mais il fallut trois ans à l’administration américaine pour instruire cette requête, celle-ci ayant fini par approuver le transfert de 300 exemplaires en mars 2023.

Cette dernière proposa ainsi à Athènes la cession, à titre gracieux, de 62 Bradley au titre du programme « Excess Defense Articles » [EDA] et de lui en vendre 102 autres, alors stockés chez BAE Systems Land & Armaments. Mais l’état-major grec refusa cette offre, la remise en état des blindés proposés étant beaucoup trop coûteuse par rapport à ses disponibilités financières.

Puis, en octobre, l’armée grecque confirma son intérêt pour une offre qui lui avait remise KNDS France quelques mois plus tôt. Celle-ci portait sur la livraison « immédiate » de 120 VBCI [Véhicules blindés de combat d’infanterie], sous réserve d’une commande de 250 VBCI « Philoctète », dans le cadre d’une « co-production » avec l’industrie locale. Et cela alors que l’allemand Rheinmetall espérait lui vendre son KF-41 Lynx.

Finalement, selon le site spécialisé OnAlert, l’état-major grec ne commandera ni l’un ni l’autre. En effet, considérant que l’achat de VCI neufs étant trop coûteux, il privilégierait une offre faite par l’israélien Rafael visant à moderniser des blindés M-113 de facture américaine.

« Il semble que la proposition de l’Israélien Rafael, faite en collaboration avec le Grec METKA, au sujet de la modernisation d’au moins 500 M-113, ait désormais pris un net avantage », écrit OnAlert.

Ainsi, il est question de doter les M-113 concernés d’un tourelleau téléopérée muni d’un canon de 30 mm, d’un blindage renforcé, d’une nouveau groupe motopropulseur plus puissants, de systèmes de communications et de capteurs optroniques dernier cri. Les travaux seraient assurés par l’usine que possède METLA à Magnesia. Le coût de ce programme serait bien inférieur à 8 millions d’euros par blindé qu’il aurait fallu débourser pour remettre en état les Bradley d’occasion.

Cela étant, le M-113 ne « boxe » pas dans la même catégorie que les VBCI, KF-41 Lynx et autres Bradley. Étant un véhicule de transport de troupe, il affiche une masse de seulement 12 tonnes… alors qu’un VCI est deux fois plus lourd.

L’Inde conclura un accord avec la France pour 26 Rafale-M et 3 sous-marins Scorpène d’ici janvier 2025

L’Inde conclura un accord avec la France pour 26 Rafale-M et 3 sous-marins Scorpène d’ici janvier 2025

L’industrie de la défense indienne s’apprête à franchir une étape majeure dans sa modernisation navale. Un accord stratégique avec la France devrait être conclu d’ici janvier 2025, renforçant considérablement les capacités maritimes de l’Inde. Cette collaboration franco-indienne s’inscrit dans un contexte géopolitique tendu, marqué par l’expansion maritime chinoise et les activités navales pakistanaises dans la région indo-pacifique.

Linde Conclura Un Accord Avec La France Pour 26 Rafale M Et 3 Sous Marins Scorpene Dici Janvier 2025
L’Inde conclura un accord avec la France pour 26 Rafale-M et 3 sous-marins Scorpène d’ici janvier 2025 – © Armees.com

L’acquisition prévue de 26 avions de chasse Rafale-M constitue un pilier majeur de cet accord. Ces appareils, spécialement conçus pour les opérations maritimes, viendront équiper le fleuron de la marine indienne, le porte-avions INS Vikrant. Le Rafale-M se distingue par sa structure renforcée et son train d’atterrissage adapté aux catapultages et appontages sur porte-avions.

Les caractéristiques techniques du Rafale-M en font un atout précieux pour la marine indienne :

  • Vitesse maximale : supérieure à Mach 1,8
  • Rayon d’action en combat : plus de 1 850 km
  • Armement varié : missiles air-air Meteor, missiles de croisière SCALP-EG, missiles anti-navires Exocet
  • Technologie de pointe : radar RBE2-AA AESA, système de guerre électronique SPECTRA

Cette acquisition s’inscrit dans la continuité de la collaboration franco-indienne en matière d’aviation de combat. En effet, l’Indian Air Force a déjà intégré 36 Rafale entre 2019 et 2022, validant l’efficacité de ces appareils dans diverses missions.

Expansion de la flotte sous-marine

Le volet sous-marin de l’accord prévoit la construction de trois nouveaux sous-marins de classe Scorpène. Ces submersibles, fruit d’une collaboration entre l’Inde et le groupe Naval, viendront compléter la flotte existante de six sous-marins Scorpène, dont le dernier a été livré en 2021.

Les Scorpène, construits localement au chantier naval Mazagon Dock Limited à Mumbai, offrent des capacités avancées :

L’amiral Dinesh K. Tripathi, chef de la marine indienne, a souligné l’importance de ces acquisitions dans un contexte où l’Inde surveille étroitement les mouvements navals en océan Indien. La présence croissante de navires de recherche et de suivi par satellite chinois, ainsi que la collaboration militaire sino-pakistanaise, poussent New Delhi à renforcer sa flotte pour maintenir l’équilibre stratégique dans cette région cruciale.

Transferts technologiques et production locale

Au-delà des acquisitions d’équipements, cet accord franco-indien vise à développer l’industrie de défense locale. Dassault Aviation prévoit d’établir un centre de maintenance, réparation et révision (MRO) en Uttar Pradesh pour soutenir les flottes indiennes de Rafale et de Mirage 2000. De son côté, Naval Group s’est engagé à augmenter la part de composants locaux dans les nouveaux sous-marins Scorpène.

Cette stratégie de transfert technologique et de fabrication locale s’inscrit dans la vision plus large de l’Inde visant à :

  1. Renforcer son autonomie en matière de défense
  2. Stimuler l’innovation technologique nationale
  3. Créer des emplois qualifiés dans le secteur de la défense
  4. Réduire la dépendance aux importations d’armements

En bref, l’acquisition prochaine de Rafale-M et de sous-marins Scorpène supplémentaires témoigne de la volonté de l’Inde de s’affirmer comme une puissance navale majeure dans la région indo-pacifique. Face aux défis sécuritaires croissants, New Delhi mise sur une coopération renforcée avec Paris pour moderniser ses forces armées et consolider sa position stratégique. Cette collaboration franco-indienne promet de redéfinir l’équilibre des forces maritimes dans une région au cœur des enjeux géopolitiques mondiaux.


Laurène Meghe

Rédactrice spécialisée en économie et défense armées. Je couvre également les domaines des enjeux industriels et politique, y compris les relations entre les entreprises et leurs partenaires financiers.