Les forces françaises s’apprêtent à rétrocéder la base de Port-Bouët à l’armée ivoirienne et à quitter le Sénégal

Les forces françaises s’apprêtent à rétrocéder la base de Port-Bouët à l’armée ivoirienne et à quitter le Sénégal


En février 2023, alors que les forces françaises venaient de mettre un terme à leur présence en Centrafrique et d’achever leur retrait du Mali avant d’en faire autant au Burkina Faso, le président Macron annonça que la France allait mettre en œuvre une nouvelle stratégie pour l’Afrique, laquelle devait se traduire par une « diminution visible » de son dispositif militaire ainsi que par la mise en place de partenariats impliquant une « montée en puissance » des forces africaines.

Depuis, à la suite d’un putsch, le Niger a dénoncé les accords militaires qu’il avait scellés avec la France… Et le Tchad en a récemment fait autant. En outre, le Sénégal n’est pas loin de suivre le mouvement. Et cela malgré les récentes annonces sur les réductions, drastiques, des effectifs des forces français prépositionnées en Afrique, ceux-ci devant passer de 2 300 à seulement 600 militaires [300 au Tchad, 100 au Gabon, 100 en Côte d’Ivoire et 100 au Sénégal].

Lors d’une audition parlementaire, en janvier 2024, le chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, avait justifié cette évolution.

« Nous avons des bases au Sénégal, au Tchad, en Côte d’Ivoire et au Gabon. Elles sont installées dans les capitales, et même parfois enclavées dans des aires urbaines en expansion. Leur empreinte et leur visibilité sont devenues difficiles à gérer. Nous devrons sans doute modifier notre schéma d’implantation pour réduire nos vulnérabilités » selon la formule « moins posé, moins exposé », avait-il dit.

Cependant, les enjeux sécuritaires, comme le terrorisme, les trafics et la compétition stratégique avec la Russie, la Chine, la Turquie ou encore l’Iran, n’ayant pas disparu, le CEMA avait défendu la nécessité de garder des « relations avec les autorités militaires locales » et de « garantir des accès stratégiques par voie maritime et aérienne ».

Lors de sa visite aux armées à Djibouti, le 20 décembre, le président Macron a soutenu qu’une telle évolution était nécessaire.

« Notre rôle change en Afrique […] parce que le monde change en Afrique, parce que les opinions publiques changent, parce que les gouvernements changent » et [aussi] « parce que nous avons décidé de manière souveraine en février 2023, après plusieurs années de changement progressif, de rebâtir un partenariat qui repose sur des partenaires respectés », « vis-à-vis desquels nous devons aider à la formation, à l’équipement, en renseignement, pour des opérations spécifiques », a en effet affirmé M. Macron.

Et d’ajouter qu’il fallait « changer la logique qui était la nôtre dans trop de pays » avec « des bases installées, pléthoriques, permanentes, qui nourrissaient des ambiguïtés ».

D’où l’annonce faite par le président ivoirien, Alassane Ouattara, le 31 décembre. « Nous pouvons être fiers de notre armée dont la modernisation est désormais effective. C’est dans ce cadre que nous avons décidé du retrait concerté et organisé des forces françaises en Côte d’Ivoire », a-t-il déclaré. « Ainsi, le camp du 43e BIMA, le bataillon d’infanterie de marine de Port-Bouët, sera rétrocédé aux forces armées de Côte d’Ivoire dès ce mois de janvier 2025 », a-t-il continué.

Une fois qu’il aura été rétrocédé, le camp de Port-Bouët sera baptisé du nom du général Thomas d’Aquin Ouattara, qui fut le premier chef d’état-major des armées ivoiriennes.

Pour rappel, à la suite du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale [LBDSN] de 2008, il avait été décidé de ne conserver que deux bases permanentes en Afrique, à savoir une au Gabon et une autre à Djibouti. Aussi, le 43e BIMa avait été dissous en 2009. Puis, après l’intervention au Mali, en 2013, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, revint sur cette décision et annonça la création des « Forces françaises en Côte d’Ivoire » [FFCI]. Ce qui était logique, Port-Bouët offrant l’avantage de donner l’accès à un aéroport et à un port en eaux profondes. Et cela dans le cadre d’un accord de défense révisé en 2012 et ratifié deux ans plus tard.

Quoi qu’il en soit, l’annonce de M. Ouattara ne met pas un terme à la coopération militaire entre les forces françaises et ivoiriennes. En novembre, l’armée de l’Air & de l’Espace a ainsi déployé une dizaine d’aéronefs en Côte d’Ivoire [A400M, Casa CN-235, C-130J, ALSR « Vador », hélicoptère Fennec, A330 MRTT et un 3 Mirage 2000D] pour prendre part à un exercice aéroterrestre organisé au profit des troupes aéroportées ivoiriennes.

Par ailleurs, les Éléments français au Sénégal, dont l’effectif devait être réduit à 100 militaires, devraient prochainement disparaître.

Dans un discours prononcé à l’occasion du Nouvel An, le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a en effet dit avoir « instruit le ministre des Forces armées de proposer une nouvelle doctrine de coopération en matière de défense et de sécurité, impliquant, entre autres conséquences, la fin de toutes les présences militaires de pays étrangers au Sénégal, dès 2025 ». Et de promettre que « tous les amis du Sénégal seront traités comme des partenaires stratégiques, dans le cadre d’une coopération ouverte, diversifiée et décomplexée »

Photo : Ministère des Armées

Le Tchad veut un désengagement militaire français beaucoup plus rapide (actualisé)

Le Tchad veut un désengagement militaire français beaucoup plus rapide (actualisé)

Au Tchad, où la campagne électorale pour les élections législatives et locales prévues le 29 décembre bat son plein, les autorités veulent accélérer le départ des forces françaises.

Selon mon confrère Franck Alexandre, de RFI, des sources proches du gouvernement français indiquent que Paris a bien reçu, jeudi soir 19 décembre, une demande pour un départ de tous les soldats français avant le 31 janvier prochain. Information que RFI a pu confirmer côté tchadien.

« La négociation est toujours en cours », assurent les militaires français cités par mon confrère. Les discussions seraient « techniques, mais se passent bien », précisent-ils. Même son de cloche apparemment à Ndjamena où l’on insiste sur la qualité du partenariat. « La situation n’a rien à voir avec les pays de l’AES », souligne une source proche des autorités tchadiennes, ajoutant qu’un premier calendrier de retrait s’étalant jusqu’en mars a été refusé, car jugé trop long.

« On veut montrer que le désengagement est bien en cours », ont déclaré de hauts responsables militaires français qui confirment aussi que les relèves prévues ont été annulées et le matériel des unités arrivantes a été rappelé en métropole. D’où le départ le 10 décembre du détachement chasse dont les Mirage 2000 stationnaient sur la base aérienne de Ndjamena. D’où aussi l’évacuation en cours des emprises françaises de Faya-Largeau (50 soldats) et d’Abéché (une centaine d’hommes). Deux bases lointaines, à dix jours de piste.

Il faudra ensuite s’occuper du camp Kossei.

Après les redéploiements français du Sahel (du Mali en particulier), les forces françaises ont éprouvé leurs procédures et maîtrisent les étapes des sorties de théâtre. Ce qui ne signifie pas que ce type d’opération est sans risques et sans surprises.

Une partie de matériel prendra certainement la route maritime pour regagner la métropole. Des ports du Cameroun pourraient être utilisés. A moins que les infrastructures portuaires de la Guinée Equatoriale, notamment le port de Bata, ne puissent aussi servir pour ce transit.

Actualisation
Ce vendredi, « 120 soldats français ont décollé de l’aéroport militaire de N’Djamena à bord d’un Airbus A330 Phoenix MRTT, à destination de la France », selon un communiqué publié sur la page Facebook du ministère tchadien des Armées. Interrogée par l’AFP à Paris, l’armée française n’a pas commenté cette annonce. Mais des photos du départ de ces soldats circulent sur les réseaux sociaux:

 

De 2300 à 600: le rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique présenté à Macron

De 2300 à 600: le rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique présenté à Macron

A Gao, au Mali en novembre 2021. Photo P. CHAPLEAU

 

Personne n’a oublié qu’en février 2023, le président français Emmanuel Macron a annoncé une prochaine « diminution visible » des effectifs militaires français en Afrique. Un an plus tard, on apprenait que Jean-Marie Bockel, éphémère ministre de la Coopération de l’ancien président Nicolas Sarkozy en 2007, était chargé d’une mission sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique.

Il était alors prévu qu’un rapport serait remis au Président à la mi-juillet 2024.

Lundi, Jean-Marie Bockel a remis au président français son rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique, a annoncé l’Elysée. Ce rapport prône un partenariat « renouvelé » et « coconstruit ».

« Les recommandations s’inscrivent dans la volonté de mise en œuvre d’un partenariat de défense renouvelé, répondant aux besoins exprimés par nos partenaires, et coconstruit avec eux, dans le plein respect de leur souveraineté », a ajouté la présidence sans commenter les constats et les recommandations. L’AFP précise d’ailleurs en ce 26 novembre que le plan de réduction « ne devrait pas faire l’objet d’annonces formelles ».

La mission de l’ancien secrétaire d’Etat à la Coopération sous l’ancien président Nicolas Sarkozy concernait les quatre pays où sont implantées des bases militaires françaises sur le continent, hors celle de Djibouti. Ces quatre pays sont le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Tchad et le Gabon. Au début de l’été dernier, deux sources proches de l’exécutif et une source militaire avaient confié à l’AFP que le projet visait à conserver une centaine de militaires au Gabon (contre 350 alors), autant au Sénégal (contre 350) et en Côte d’Ivoire (600 auparavant) ainsi que quelque 300 au Tchad (contre 1000). Soit un passage de 2300 militaires des forces prépositionnées à 600, volume qui constituera peut-être le « dispositif socle » dont parlait Jean-Marie Bockel, il y a quelques jours sur France24.

A noter qu’en avril 2024, la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale a tenu à prendre part à la réflexion sur l’avenir de la politique française de défense en Afrique en organisant, à partir du mois de novembre 2023, un large cycle d’auditions sur les mutations stratégiques du continent. Son Rapport d’information n°2461 est à lire ici.

Afrique : le rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français présenté à Macron

Afrique : le rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français présenté à Macron

https://www.lefigaro.fr/international/afrique-le-rapport-sur-la-reconfiguration-du-dispositif-militaire-francais-presente-a-macron-20241125


Des soldats français au Tchad, en 2022.

Des soldats français au Tchad, en 2022. AURELIE BAZZARA-KIBANGULA / AFP

 

Les nouvelles modalités de la présence militaire française en Afrique prévoient une réduction significative pour ne conserver qu’un détachement de liaison permanent.

L’envoyé personnel d’Emmanuel Macron en Afrique, Jean-Marie Bockel, a remis lundi au président français son rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique, qui prône un partenariat «renouvelé» et «coconstruit», a annoncé l’Élysée. «Les recommandations s’inscrivent dans la volonté de mise en œuvre d’un partenariat de défense renouvelé, répondant aux besoins exprimés par nos partenaires, et coconstruit avec eux, dans le plein respect de leur souveraineté», ajoute la présidence.

La mission de l’ancien secrétaire d’État à la Coopération sous l’ancien président Nicolas Sarkozy concernait les quatre pays où sont implantées des bases militaires françaises sur le continent, hors celle de Djibouti: Sénégal, Côte d’Ivoire, Tchad et Gabon.

Abaisser les forces prépositionnées

Contrairement aux autres pays où il s’est entretenu tant avec les autorités qu’avec des représentants de la société civile, Jean-Marie Bockel n’a pas pu se rendre à Dakar et émettre des recommandations concernant le Sénégal, en raison des élections présidentielles et législatives qui s’y sont déroulées ces derniers mois. Selon le plan envisagé par l’exécutif et qui ne devrait pas faire l’objet d’annonces formelles, la France prévoit d’abaisser les forces prépositionnées dont elle dispose sur ses emprises militaires.

Le 6 novembre, Jean-Marie Bockel avait confirmé, lors d’une audition devant les députés de la commission de la Défense, la réduction de voilure sans dévoiler de chiffres, arguant alors que les données étaient classifiées. Au début de l’été, deux sources proches de l’exécutif et une source militaire avaient confié à l’AFP que le projet visait à conserver une centaine de militaires au Gabon (contre 350 alors), autant au Sénégal (contre 350) et en Côte d’Ivoire (600 auparavant) ainsi que quelque 300 au Tchad (contre 1000).

Les nouvelles modalités de la présence militaire française en Afrique prévoient une réduction significative pour ne conserver qu’un détachement de liaison permanent et dans le même temps d’adapter l’offre de coopération militaire aux besoins exprimés par ces pays, explique-t-on à Paris.

Une militaire française, servant au 121e régiment du train de Montlhéry, meurt durant une mission au Liban

Une militaire française, servant au 121e régiment du train de Montlhéry, meurt durant une mission au Liban

La maréchal des logis Fany Claudin, rattachée au 121ᵉ régiment du train de Montlhéry, est décédée vendredi lors d’un accident de la route durant une mission d’escorte au Liban.

La maréchal des logis Fany Claudin s'est engagée le 4 février 2020 au 121ᵉ régiment du Train. Ce dernier fait part de son
La maréchal des logis Fany Claudin s’est engagée le 4 février 2020 au 121ᵉ régiment du Train. Ce dernier fait part de son « immense tristesse » à l’annonce de son décès lors d’un accident de la circulation survenu le 15 novembre sur la route côtière au nord de Naqoura au Liban. (©X / 121ᵉ régiment du Train)


L’annonce a été faite par le ministère des Armées. Vendredi 15 novembre 2024, la maréchal des logis Fany Claudin, servant au 121ᵉ régiment du train de Montlhéry (Essonne), est décédée dans un accident de la route lors d’une mission d’escorte de convoi au Liban. Elle avait 23 ans.

Elle assurait une mission d’escorte de convoi logistique

Arrivée au pays du cèdre au début du mois de novembre, la militaire française née à Annemasse (Haute-Savoie) était déployée au sein de la Force intérimaire des nations unies au Liban (Finul) dans le cadre de l’opération Daman, destinée à préparer le retour des populations déplacées par la guerre dans le Sud-Liban.

Elle assurait une mission opérationnelle d’escorte de convoi logistique entre Dayr Kifa et Naqoura lorsque l’accident qui lui coûta la vie s’est produit.

« Malgré une prise en charge rapide par un médecin de la Finul, l’équipe médicale n’a pu que constater le décès du maréchal des logis Claudin », précise le communiqué du ministère des Armées.

Le chef d’état-major des Armées fait part de « grande tristesse »

« Je m’associe à la douleur de sa famille, ses proches et ses frères d’armes du 121ᵉ régiment du train et les assure du soutien des armées françaises », écrit sur X le chef d’état-major des Armées Thierry Burkhard faisant part de sa « grande tristesse » à l’annonce du décès accidentel de la maréchal des logis Fany Claudin.

« Elle contribuait quotidiennement au soutien de la force œuvrant au retour de la paix », ajoute-t-il.

Selon l’Armée de Terre, la jeune militaire était en couple, sans enfant.

Plusieurs de ses camarades ont été blessés dans l’accident

De son côté, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, partage sur X, sa « vive émotion en apprenant le décès de la maréchal des logis Fany Claudin ».

« Nos pensées vont à sa famille, ses frères d’armes et ses camarades blessés dans l’accident. Ainsi qu’à l’ensemble des 700 militaires français qui œuvrent, au sein de la Finul pour la désescalade au Sud-Liban », poursuit-il.

« Tous les agents de l’État en Essonne s’associent à la peine de ses proches et de ses frères d’armes », déclare, sur X, la préfète de l’Essonne, faisant également part de sa « vive émotion » à l’annonce du décès de la militaire française.

Une militaire qui a fait preuve d’un « dévouement permanent »

Dans une biographie publiée sur Facebook, l’Armée de Terre décrit Fany Claudin comme un « élément prometteur aux yeux de ses chefs » qui «se distingue par son dynamisme, sa camaraderie, et montre de réelles aptitudes au commandement ».

Avant d’être déployée au Liban, la militaire française avait été projetée au Niger d’octobre 2022 à février 2023, au sein du groupement tactique désert logistique « Jura ». Elle y fit preuve « d’un dévouement permanent en s’investissant quotidiennement dans sa mission » selon l’Armée de Terre.

Fany Claudin avait obtenu en avril dernier son brevet militaire n° 1 avec des « résultats remarquables ».

En quelques années de service, la maréchal des logis avait obtenu plusieurs décorations : la croix du combattant, la médaille d’outre-mer avec agrafe « Sahel », la médaille de la protection militaire du territoire avec agrafe « Sentinelle » et la médaille de bronze de la défense nationale.

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Un rapport parlementaire appelle à accélérer le remplacement des E-3F AWACS de l’armée de l’Air

Un rapport parlementaire appelle à accélérer le remplacement des E-3F AWACS de l’armée de l’Air


En 2035, les quatre avions E-3F SDCA [Système de Détection et de Commandement Aéroporté], communément appelés AWACS, totaliseront près de 45 ans de service au sein du 36e Escadron de détection et de commandement aéroportés [EDCA] de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE].

Or, la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 ne prévoit pas de lancer un programme pour leur trouver des successeurs dans les années qui viennent. « Le remplacement de quatre systèmes de détection et de contrôle aéroporté [AWACS] pourrait reposer sur la capacité aérienne de surveillance et de contrôle de l’Alliance [AFSC] », précise seulement le texte.

Pour rappel, en novembre 2023, l’Otan a indiqué qu’elle remplacerait les 14 E-3A Sentry de sa Force aéroportée de détection lointaine et de contrôle [NAEW&C] par six E-7A Wedgetail, acquis auprès de l’américain Boeing, d’ici 2030.

Quoi qu’il en soit, pour le député François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis sur les crédits alloués au programme 146 « Équipement des forces – Dissuasion », le remplacement des E-3F SDCA ne doit pas attendre 2035, même si ceux-ci ont été régulièrement modernisés depuis leurs entrée en service.

« L’avion radar E-3F est une capacité stratégique pour l’armée de l’air et de l’espace, y compris pour la composante aéroportée de notre dissuasion. [Il] permet en effet de détecter, d’identifier et de classifier la situation tactique d’un théâtre d’opérations et de partager celle-ci avec les avions de chasse et le centre d’opérations », a d’abord rappelé le rapporteur.

Mais étant donné que le tableau capacitaire mis en annexe de la LPM 2024-30 n’évoque pas leur remplacement, il est logique que le projet de loi de finances pour 2025 ne prévoie pas d’autorisations d’engagement de crédits pour lancer un programme afin d’acquérir de nouveaux avions d’alerte avancée. Ce qui est une erreur pour M. Cormier-Bouligeon.

« Repousser la durée de vie de nos AWACS actuels jusqu’à 2035 ne parait pas opportun non seulement d’un point de vue opérationnel mais également financier. En effet, le coût de l’heure de vol ne manquerait pas d’exploser dans une telle hypothèse, du fait de l’augmentation des coûts de maintien en condition opérationnelle d’un aéronef en fin de vie », a-t-il fait valoir.

Aussi, a-t-il continué, il « semble donc urgent de décider du successeur de l’AWACS, dès 2025, dans le cadre du prochain ajustement annuel de la programmation militaire ».

Visiblement, le député a une idée précise de la solution qu’il conviendrait à adopter. Malgré la référence faite implicitement à l’E-7A Wedgetail par la LPM 2024-30, le meilleur choix, selon lui, serait le système GlobalEye, développé par le suédois Saab [et écarté par l’Otan au profit de l’avion de Boeing].

« Les premiers essais du système GlobalEye de Saab par l’armée de l’Air et de l’Espace semblent positifs. En outre, l’acquisition de ce système, peu onéreux en comparaison de l’E-7 Wedgetail […], constituerait un signal fort en faveur de l’Europe de la défense et consoliderait notre coopération capacitaire naissante avec la Suède [acquisition par la Suède d’Akeron MP et par la France de missiles NLAW] », a fait valoir M. Cormier-Bouligeon.

L’hypothèse d’un achat de systèmes GlobalEye pour remplacer les E-3F SDCA circule déjà depuis plusieurs mois. Elle a notamment été évoquée par Intelligence OnLine et le quotidien Les Échos, pour qui le Falcon 10X de Dassault Aviation serait pressenti pour mettre en œuvre cette capacité.

Pour rappel, la solution de Saab repose actuellement sur l’avion d’affaires Bombardier Global 6000. Ce dernier est doté de capteurs résistants au brouillage électronique, d’un radar à longue portée Erieye ER, d’un radar à antenne active SeaSpray [fourni par Leonardo] et d’une boule optronique. Les données qu’il collecte dans une rayon de 400 km sont ensuite fusionnées au sein d’un système de commandement et de contrôle [C2] multi-domaines.

Photo : Armée de l’Air & de l’Espace

Point de situation des opérations du jeudi 31 octobre au jeudi 7 novembre

Point de situation des opérations du jeudi 31 octobre au jeudi 7 novembre


EUROPE

 

Soutien militaire à l’Ukraine

 

Dans le cadre de la mission d’assistance militaire de l’Union européenne (EUMAM) à l’Ukraine, la France poursuit son soutien par des formations complètes et adaptées aux besoins exprimés par le partenaire.

En France, la formation progressive de la brigade « Anne de Kyiv » se poursuit. Après des modules dédiés aux formations sur les savoir-faire individuels du combattant, le travail se concentre maintenant sur la manœuvre des sections (30 à 40 combattants) au sein des compagnies (150 à 200 combattants). La progressivité de la formation dispensée permet une meilleure efficacité de la chaine de commandement à tous les échelons.

Par ailleurs, en Pologne, la formation du bataillon ukrainien se poursuit, mettant l’accent sur les cadres de contact, dont l’esprit d’initiative est un véritable vecteur de supériorité.

Flanc oriental de l’Alliance : activités de coopération opérationnelle

 

Sur le flanc oriental de l’Alliance, les armées françaises poursuivent leur engagement pour la sécurité régionale.

En Estonie, du 26 au 27 octobre, les soldats de la compagnie d’infanterie légère française déployée dans le pays se sont entrainés au combat interarmes avec leurs homologues estoniens dans le cadre d’un scénario favorisant l’intégration du drone dans la manœuvre tactique. Ainsi, l’Estonian defence league a renseigné avec ses drones les actions de reconnaissance conduites par les sections de Serval françaises. Ce type d’entrainement démontre le haut niveau d’expertise des deux armées dans le cadre d’une coopération bilatérale privilégiée.

 

Plus au sud, les soldats de la mission AIGLE qui appartiennent au bataillon multinational de l’OTAN en Roumanie sous commandement français poursuit les activités de coopération opérationnelles.

Le 30 octobre, les exercices DACIAN FALL 24 et CARPATHIAN ARCH 24 se sont terminés par une synthèse dynamique. Cette manœuvre interalliée a été réalisée au travers d’un scénario simulant un conflit sur le flanc est de l’Alliance. Cette séquence a illustré le haut niveau de préparation et de cohésion entre les alliés roumains, français, belges, luxembourgeois, espagnols, polonais, portugais, macédoniens du Nord et américains. Enfin, cette semaine, le bataillon multinational a accueilli un premier détachement espagnol. L’arrivée de ce détachement s’inscrit dans le cadre de la montée en puissance du bataillon multinational vers le niveau brigade sous le commandement de la France.

Enfin, cette semaine, le bataillon multinational a accueilli un premier détachement espagnol. L’arrivée de ce détachement s’inscrit dans le cadre de la montée en puissance du bataillon multinational vers le niveau brigade sous le commandement de la France.

 

Cette semaine a également été marquée par le début de l’exercice OTAN DYNAMIC FRONT. Ce dernier est conduit simultanément en Allemagne, en Pologne, en Estonie, en Roumanie et en Finlande pour la partie française. Mené du 4 au 24 novembre, cet exercice regroupe 33 nations participantes. Dans ce cadre, les militaires sont déployés dans des conditions climatiques très exigeantes. Ainsi, les artilleurs du 93e régiment d’artillerie de montagne ont rejoint la Finlande le 3 novembre. Les CAESAR ont été acheminés par voie ferrée depuis la France jusqu’en Suède, à la frontière avec la Finlande. Il s’agit d’une manœuvre logistique d’ampleur puisque le détachement français s’est déployé en autonomie au-delà du cercle polaire, à 3300km de leur base de départ, illustrant la mobilité stratégique de l’OTAN. Cet entraînement annuel de plus de 5000 soldats de l’Alliance vise ainsi à éprouver les capacités d’action communes entre alliés.

 

Par ailleurs, dans le ciel européen, un A330 MRTT de l’armée de l’Air et de l’Espace a participé à deux missions de ravitaillement en vol au profit d’avions de combat grecs, italiens et espagnols dans le cadre de l’exercice de frappe aérienne dans la profondeur de l’OTAN NEPTUNE STRIKE 24- 2.

Ces ravitaillements en vol, effectués dans le cadre des missions OTAN de réassurance sur le flanc est de l’Alliance, attestent de la capacité à conduire des missions complexes avec un haut niveau d’interopérabilité.

De plus du 4 au 8 novembre, 3 Rafale sont déployés sur la base aérienne de Zagreb en Croatie ainsi que 3 Rafale sur la base aérienne de Spangdhalem en Allemagne et un A330 MRTT en Pologne. Le déploiement prend la forme d’une dilution rapide et agile des moyens, avec une empreinte logistique la plus légère possible, conformément au concept ACE (Agile Combat Employment) de l’OTAN. Ces missions aussi appelées MORANE en France s’inscrivent dans le cadre des missions AIR SHIELDING de l’OTAN. L’objectif est simple : compliquer la solution de ciblage de l’adversaire sur les matériels à haute valeur ajoutée.

Plus particulièrement, le 6 novembre, les armées ont participé à un exercice de combat aérien simulant dans le ciel roumain une incursion d’un force aérienne adverse. Cette mission de l’OTAN a ainsi fictivement opposé dans un environnement complexe des F16 roumains renforcé du dispositif MAMBA de défense aérienne français face aux F18 espagnols et aux Rafale français.

La réactivité, la cohésion et l’efficacité des alliés participant à l’exercice démontrent leur capacité à se défendre dans l’espace aérien.

Atlantique Nord : activités opérationnelles

 

Dans l’Atlantique Nord, les activités opérationnelles se poursuivent dans le cadre de la posture défensive et dissuasive de l’OTAN sur le flanc est.

Depuis le 24 octobre, le chasseur de mines tripartite (CMT) Croix du Sud a quitté Brest pour son déploiement opérationnel en Baltique. Ainsi, il a rejoint le 31 octobre le Task Group de guerre des mines de l’OTAN (SNMCMG 1), composé de bâtiments allemands, lituaniens, belges, estoniens et néerlandais. Ensuite, le 4 novembre, la Croix du Sud et l’ensemble de la force OTAN ont débuté leur patrouille pour se déployer au large de l’Estonie et neutraliser des engins explosifs issus des deux guerres mondiales.

En parallèle, le 30 octobre, après sa patrouille en direction de la mer de Norvège, le patrouilleur de haute-mer (PHM) Commandant Blaison a rejoint le Task Group OTAN (SNMG1) au large de Bergen

Méditerranée centrale : activités de préparation opérationnelle

 

 

Par ailleurs, dans le sud de l’Europe en méditerranée centrale, une frégate de type La Fayette (FLF) participe à l’opération IRINI. En complément, un détachement d’avion de patrouille maritime Atlantique 2 (ATL2) déployé à la Sude (Crète) assure aussi des vols de surveillance maritime au profit de cette opération. Lancée le 31 mars 2020, l’opération EUNAVFORMED IRINI vise à faire respecter l’embargo des Nations Unies sur les armes à destination de la Libye avec des moyens aériens, spatiaux et maritimes.

PROCHE ET MOYEN-ORIENT

 

Méditerranée orientale : activités de préparation opérationnelle

 

Au Proche-Orient, face à la situation actuelle et s’appuyant sur des moyens régulièrement positionnés en Méditerranée orientale, les armées ont renforcé à titre de précaution leur dispositif militaire afin d’être en mesure de faire face à toute détérioration de la situation.

Ainsi, le 30 septembre, les armées françaises ont déployé un porte-hélicoptère amphibie (PHA) dans la région sur court préavis. Bâtiment polyvalent, il dispose de plusieurs capacités de projection par air ou par mer, ainsi que d’une capacité d’appui sanitaire pour un bâtiment qui a une vocation d’état-major embarqué. Le dispositif déployé est à la fois modulable et réactif.

En méditerranée orientale, une frégate multi-mission continue de patrouiller afin de maintenir la capacité d’appréciation autonome de situation de la France dans la zone. Cette semaine, elle a notamment conduit plusieurs activités opérationnelles conjointes avec la frégate allemande FGS Ludwigshafen.

En complément, depuis le 13 octobre, un avion de patrouille maritime Atlantique 2 (ATL2) opère depuis La Sude (Crète) pour conduire des missions de surveillance au profit de la sûreté maritime.

Forces françaises aux Emirats Arabes Unis (FFEAU) : activités opérationnelles

 

Plus au sud, en mer Rouge, depuis le 15 octobre, la frégate française déployée au sein de l’opération européenne ASPIDES continue ses accompagnements de navire de commerce pour garantir la liberté de navigation de Suez à Ormuz.

 

A terre, aux Emirats arabes unis dans le cadre de l’accord de coopération bilatéral franco-émirien, la 27e brigade de chasseurs alpins française et la 11e brigade de montagne des Forces armées émiriennes, s’entrainent ensemble au combat en zone montagneuse au cours de l’exercice DHIAB AL JABAL. Plus de 200 soldats manœuvrent et conduisent des campagnes de tir au travers de thèmes tactiques créés conjointement et

répondant aux besoins du partenaire hôte. Cet exercice s’intègre dans le cadre d’une coopération bilatérale étroite et démontre la pertinence du dispositif français au PMO.

Irak : coopération opérationnelle

 

En Irak, le dynamisme des activités opérationnelles illustre la qualité du partenariat de confiance unissant les Forces armées irakiennes et françaises.

Ainsi, les Rafale de la base aérienne projeté au levant ont poursuivi leur participation au sein de la Coalition au-dessus de la zone afin de lutter contre Daech. Du 24 au 31 octobre, ils ont effectué 18 sorties aériennes, pour un total de 71 heures de vol.

Le 29 octobre, ces mêmes Rafale ont également conduit des entraînements de combat air-air avec les forces irakiennes. Ces vols Partner Nation Integration ont permis un échange privilégié entre les forces françaises et les forces irakiennes.

 

Toujours, en Irak, la formation du 3e bataillon du désert débuté le 24 septembre dernier s’est achevée le 01 novembre. S’inscrivant dans le cadre du traité de coopération bilatéral, la Task Force LAMASSU placée sous le contrôle opérationnel des Forces françaises aux Emirats arabes unis vise à s’entrainer avec le partenaire aux manœuvres de combat en milieu désertique.

DAMAN : activité opérationnelle

 

Par ailleurs, au Sud-Liban, malgré l’intensification du conflit, les contingents de casques bleus maintiennent leurs positions sur ordre du Force Commander de la FINUL.

La Force Commander Reserve (FCR), unité de réaction et d’intervention armée par la France et la Finlande, demeure en posture d’alerte. Elle s’engage quotidiennement, sur décision du commandement de la FINUL pour maintenir la mobilité de la force dans l’ensemble de la zone. La FCR poursuit aussi sa mission de surveillance permanente de l’espace aérien et de détection des tirs d’artillerie.

La FCR effectue quotidiennement des reconnaissances d’axes dans la zone d’opération de la FINUL. Les détachements interarmes ont pour mission de rétablir la praticabilité des axes obstrués en s’assurant de l’absence de munitions non explosées et en déblayant les gravats liés aux destructions. Ces actions réaffirment la liberté de manœuvre de la FINUL au plus proche de la zone des combats.

Ces activités opérationnelles permettent une appréciation directe de l’évolution du conflit.

Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj) : coopération opérationnelle

 

Dans la corne de l’Afrique, la France poursuit son engagement aux côtés de la République de Djibouti. Ainsi, du 27 octobre au 2 novembre, les Mirage 2000-5 des FFDj ont effectué 22 sorties aériennes. Ces vols s’inscrivent dans le cadre de la préparation opérationnelle des pilotes dans le domaine de la défense de l’espace aérien djiboutien.

AFRIQUE

 

En Afrique, les armées françaises s’engagent au quotidien auprès de leurs partenaires pour mener des actions de coopération, adaptées aux besoins de chaque pays.

Golfe de Guinée : coopération opérationnelle

 

Dans le golfe de Guinée, le porte-hélicoptère amphibie (PHA) Dixmude déployé en Afrique de l’Ouest dans le cadre de la mission Corymbe a fait escale du 30 octobre au 2 novembre à Pointe-Noire en République du Congo.

Après la fin du stage SIREN la semaine dernière, cette escale a été marquée par le lancement le 4 novembre de l’édition 2024 de l’exercice de sécurité maritime GRAND AFRICAN NEMO 24.

Depuis 2018, GRAND AFRICAN NEMO est devenu un rendez-vous annuel majeur de coopération opérationnelle et réunit cette année 18 nations du golfe de Guinée aux côtés de la Marine nationale ainsi qu’une dizaine de partenaires multinationaux. Cette septième édition qui se déroule dans cinq zones d’exercices allant du Sénégal à l’Angola a pour objectif de contribuer au renforcement de l’expertise des marines participantes. Ces entrainements renforcent ainsi la capacité à agir ensemble dans les domaines de lutte contre la pêche illégale, la piraterie, la pollution maritime, les trafics illégaux et le sauvetage en mer. S’étendant sur 5 707 kilomètres de rivages de l’Afrique de l’Ouest, le golfe de Guinée est une région maritime de premier plan. Située à la croisée des grandes routes maritimes, la région abrite d’importantes ressources naturelles, notamment pétrolières, halieutiques et minérales, qui sont propices à la convoitise et au développement d’activités illicites.

Depuis le sommet de Yaoundé de 2013, la Marine nationale participe trois à quatre fois par an aux patrouilles conjointes African NEMO et à l’exercice annuel majeur Grand African NEMO, qui agrège un plus grand nombre d’unités et de centres opérationnels.

Eléments français au Sénégal (EFS) : coopération opérationnelle

 

Par ailleurs, en Mauritanie, du 20 septembre au 2 novembre, dix-sept militaires de la Marine nationale mauritanienne appuyés par un spécialiste des Éléments français au Sénégal se sont perfectionnés dans le domaine de la surveillance maritime. Cette séquence visait à développer une expertise approfondie de guetteur sémaphorique pour contribuer au renforcement de la sécurité des côtes mauritaniennes. La continuité de ce partenariat à la demande du partenaire consolide l’outil de défense national mauritanien, contribuant directement à la sécurité régionale en Afrique de l’Ouest et au contrôle efficace de ses espaces maritimes.

INDOPACIFIQUE

 

Forces armées de la zone sud de l’océan Indien (FAZSOI) : activité opérationnelle

 

En Indopacifique, dans la journée du 31 octobre, la frégate de surveillance (FS) Floréal a réalisé une saisie d’une centaine de kilos de drogue sur un bateau de type caboteur à 90 nautiques (environ 166 km) au nord des côtes de La Réunion.

Lors de sa montée à bord, l’équipe de visite du bâtiment de la Marine nationale a constaté la présence de drogues à l’intérieur du caboteur.

Cette opération est le fruit d’une coopération interservices. Elle a été réalisée par les Forces Armées dans la Zone Sud de l’Océan Indien, en coordination avec le préfet, délégué du gouvernement pour l’Action de l’Etat en Mer.

Cette opération contribue à assurer la stabilité régionale et à protéger les populations.

Forces armées de Polynésie française (FAPF) : activité opérationnelle

 

 

Enfin, après une patrouille dans l’océan Pacifique entre les Philippines et le Japon dans le cadre de la mission ASIE 24.2, la frégate de surveillance (FS) Prairial a accosté le 05 novembre dans le port de Maizuru au Japon.

Le Prairial est maintenant engagé aux côtés du F200 Gardian déjà présent au Japon, dans la mission de surveillance Enforcement Coordination Cell ECC/AETO. Cette mission vise à lutter contre les contournements des sanctions établies sur la Corée du Nord par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

 

ANTILLES – GUYANE

 

Forces armées en Guyane (FAG) : activités opérationnelles

 

Par ailleurs, en Guyane, suite à une période de sécheresse sans précédent, le fleuve Maroni et plus largement l’ensemble des cours d’eaux sont arrivés à un niveau d’étiage ne permettant plus la navigation.

Dans ce contexte, les FAG se mobilisent activement pour mener la mission d’assistance aux populations isolées et dépendantes du fleuve.

Cette mission s’est traduite par le transport de 45 élèves de Trois Sauts à Camopi. La livraison de denrées de premières nécessités débute aujourd’hui par rotation de CASA.

La mission d’assistance à la population témoigne ainsi de l’engagement des FAG à répondre avec réactivité aux besoins des populations locales. D’autre part, les FAG continuent d’assurer en permanence les opérations de lutte contre l’orpaillage et la pêche illégales.

 

Forces armées aux Antilles (FAA) : coopération opérationnelle

 

En Martinique, le 3 novembre, 25 soldats des forces armées d’Haïti (FAD’H) sont arrivés dans le cadre d’un partenariat militaire opérationnel (PMO) entre la France et Haïti. L’objectif de ce partenariat est de favoriser un partage de connaissance dans les opérations militaires au milieu des populations civiles et répond à un besoin exprimé par le partenaire.

Les Forces armées aux Antilles contribuent ainsi à la sécurité et à la stabilité régionale de la zone caraïbe.

Le Sahel après le retrait français par Bernard Lugan

par Bernard Lugan – AASSDN – publié le 3 novembre 2024

https://aassdn.org/amicale/le-sahel-apres-le-retrait-francais_par_bernard-lugan/


Après la mort de 52 des meilleurs enfants de France tombés pour défendre des Maliens et des Nigériens préférant émigrer en France plutôt que se battre pour leurs pays respectifs, que devient le Sahel depuis le retrait français des années 2022 et 2023 ? 
La région est en effet sortie de l’actualité française, d’une part parce que l’Ukraine et le Moyen-Orient attirent tous les regards ; d’autre part, en raison de la situation intérieure hexagonale. Or, à bas bruit, se poursuit l’extension des territoires contrôlés par les islamistes, par les trafiquants de drogue et par les passeurs de migrants. 

Avec des moyens dérisoires à l’échelle du gigantesque théâtre d’opérations saharo-sahélien, – plus de 8 000 000 km2 de désert et plus de 3 000 000 km2 de Sahel -, Barkhane, qui n’était que de passage, n’était évidemment pas en mesure de refermer ces plaies ethno-raciales ouvertes depuis la nuit des temps et qui sont à la base des guerres actuelles. 

Aujourd’hui, les Russes comprennent à leur tour qu’ils ne peuvent agir sur les constantes millénaires qui conditionnent les définitions politico-sociales régionales. Ils ne peuvent pas davantage résoudre les problèmes liés à la démographie, à la sous-administration et à l’inexistence d’Etats sans profondeur historique qui associent tout à fait artificiellement des Nord blancs et des Sud noirs immémorialement antagonistes. 

L’ignorance des constantes ethno-historico-politiques régionales et d’un milieu dans lequel les populations ont une tradition de violence en raison de la concurrence pour les maigres ressources en eau ou en pâturages, a fait qu’un conflit localisé à l’origine au seul nord-est du Mali, limité à une fraction touareg, et dont la solution passait par la satisfaction de revendications politiques légitimes de cette dernière, s’est transformé en un embrasement régional échappant désormais à tout contrôle. 

Un désastre qui s’explique par une erreur originelle de diagnostic. La polarisation sur le jihadisme fut en effet l’alibi servant à masquer la méconnaissance des décideurs français, doublée de leur incompréhension de la situation. Comme je n’ai cessé de le dire et de l’écrire depuis au moins deux décennies, le jihadisme saharo-sahélien est en effet, et d’abord, la surinfection de plaies ethniques séculaires et même parfois millénaires. 

Or, comme il vient d’être dit, nul n’étant en mesure de cautériser ces dernières, les malheureuses populations continueront donc à vivre dans la terreur. 

N’en déplaise aux tueurs de mémoire, nous assistons bien en réalité au retour à la longue durée régionale. Une situation qui avait été mise entre parenthèses entre les années 1890 et 1960, durant la brève parenthèse coloniale, quand la France s’est ruinée avec application pour assurer la paix aux populations, pour les soigner, pour les nourrir, pour tracer des routes, lancer des ponts, bâtir dispensaires, hôpitaux, écoles…

Bernard Lugan
Editorial du 1er novembre 2024
https://bernardlugan.blogspot.com/

Le général Michel Roquejeoffre, figure de la guerre du Golfe, s’est éteint à 90 ans

Le général Michel Roquejeoffre, figure de la guerre du Golfe, s’est éteint à 90 ans

Le général Michel Roquejeoffre avait notamment commandé les forces françaises durant l’opération Daguet, pendant la guerre du Golfe de 1990 à 1991.

par La rédaction du Dauphiné libéré – publié le 21 octobre 2024

Le général Michel Roquejeoffre, alors à la tête des forces françaises dans la guerre du Golfe le 28 février 1991. Capture écran Ina
Le général Michel Roquejeoffre, alors à la tête des forces françaises dans la guerre du Golfe le 28 février 1991. Capture écran Ina

 

Il était une figure de l’armée française. Le général Michel Roquejeoffre, décoré à de nombreuses reprises, est décédé vendredi, à l’âge de 90 ans.

Né en novembre 1933, Michel Roquejeoffre est entré à l’école militaire de Saint-Cyr en 1952. Après des postes en Algérie, au Mali ou encore au Dahomey (Bénin), il devient chef du 17e régiment du génie parachutiste à Montauban, de 1978 à 1980. Fort de plusieurs missions réussies, le régiment est cité à l’ordre de l’Armée.

Il coordonne l’opération Daguet durant la guerre du Golfe

Promu général de brigade en 1984, il est chef d’état-major, puis adjoint du général commandant la Force d’action rapide (FAR), puis, en 1987, il devient le commandement de la 7e division blindée. Promu général de division en 1987 et après un passage à Paris, Michel Roquejeoffre est, en juin 1990, élevé au rang de général de corps d’armée. Il reçoit le commandement de la FAR, dont le but était d’être déployée rapidement en Centre-Europe et sur les théâtres d’opérations extérieures en cas de crise. Il la dirige de 1990 à 1993, excepté entre septembre 1990 et avril 1991.

Le grand public le découvre lors de la guerre du Golfe, après l’invasion du Koweït par l’Irak : il coordonne l’opération Daguet des forces françaises, de septembre 1990 à fin avril 1991. La mission engage de 4 000, au début, à près de 15 000 militaires. « Je crois que l’outil le plus sophistiqué de l’armée, est essentiellement l’humain », assure-t-il dans La Dépêche du Midi, en 2002.

Il obtient sa cinquième étoile juste avant la retraite

De tous les chefs militaires engagés dans la guerre du Golfe, il était le seul à avoir dû attendre pour obtenir une promotion au grade supérieur. Il obtient enfin sa cinquième étoile en 1993, passant de général de corps d’armée à général d’armée. Il a également été médaillé par les États-Unis (Legion of Merit).

Après avoir pris sa retraite militaire fin 1993, Michel Roquejeoffre s’installe à Pamiers, dans l’Ariège. En 2000, il est interrogé lors des débats sur le « syndrome de la guerre du Golfe », affirmant que les soldats de la division Daguet avaient reçu des comprimés de pyridostigmine, un médicament présumé dangereux pour la santé, utilisé comme antidote à certains toxiques chimiques. Ce qu’a confirmé le ministère de la Défense.

Engagé dans la vie ariégeoise

Michel Roquejeoffre s’engage dans la vie publique locale et devient premier adjoint au maire de Pamiers de 1995 à 2001. Jusqu’en 2014, il est délégué départemental de l’Ariège au sein de la Fondation du patrimoine.

Après l’annonce de son décès, le sénateur de l’Ariège, Jean-Jacques Michau, a salué « son engagement exemplaire au service de la France », qui « a marqué notre histoire militaire. En tant que premier adjoint au maire de Pamiers, il a également contribué au développement de notre belle région de l’Ariège, où il a su allier son sens du devoir à une grande humanité. Sa passion pour la géopolitique et son dévouement envers notre territoire resteront gravés dans nos mémoires ».

Reconstruire des partenariats stables en Afrique à partir du cas malien

Reconstruire des partenariats stables en Afrique à partir du cas malien

par Gildas Lemarchand – Revue Conflits – publié le 21 octobre 2024

https://www.revueconflits.com/reconstruire-des-partenariats-stables-en-afrique-a-partir-du-cas-malien/


Onze ans après le début de l’intervention française, quatre ans après le premier coup d’État militaire au Mali, l’addition de problèmes sécuritaires que connaît le Sahel demeure. Sortie du cœur immédiat des préoccupations françaises, l’Afrique de l’Ouest reste l’espace d’une compétition renouvelée.

Dans le cadre d’une opposition Nord-Sud rendue lumineuse par la guerre russo-ukrainienne[1], les influences militaires russe et turque y trouvent un espace d’expression aussi fertile que celles religieuses des États du Golfe.

Pour un léger inventaire des évènements les plus récents, les Groupes Armés Terroristes (GAT) ont récemment mené une double attaque à Bamako, visant l’aéroport et l’école de Gendarmerie.  Les groupes indépendantistes ont également fait la preuve de leur adaptation aux putschs, au déploiement de Wagner, ainsi qu’à la perte de Kidal à la fin 2022. L’embuscade de Tin Zaouatine de fin juillet en témoigne amplement. Si elle enlève 84 hommes à Wagner et 47 aux Forces Armées Maliennes (FAMA), elle rend aussi possible la réunion de rebelles nigériens et maliens dans le même lieu le mois suivant afin de définir des axes communs de lutte contre les juntes. Bamako, Ouagadougou et Niamey sont en effet rassemblés depuis un an sous la bannière de l’Alliance des États du Sahel (AES) : nouvelle entente sécuritaire – peut-être un jour monétaire – concomitante à la sortie de ces pays du G5. Cela étant, la vague de rupture engagée par ces trois pays via une série de coups d’État entre 2020 et 2023 s’étend à toute la région. La rhétorique souverainiste à teinte anti-française atteint ainsi Dakar avec l’élection de Diomaye en avril dernier. À l’autre extrémité du Sahel francophone, le Tchad se prépare à accueillir des troupes hongroises sur son sol.

Battue en brèche, l’heure est à la réinvention des partenariats[2]. Les conclusions qui sont tirées de ce revers concernent cependant tous les pays qui ont pour volonté d’intervenir en Afrique : tout soupçon de domination est désormais condamné[3]. Dans ce nouveau concert, Paris hésite jusqu’à la passivité. Entre un alignement forcené dans un pôle occidental, au risque d’y perdre son identité et son indépendance stratégique, et le refus du manichéisme qui se traduirait par un regain de crédibilité comme par une reprise de sa tradition d’équilibre et de réinvention des Relations internationales[4]. Une des voies d’expression de cette deuxième option est précisément le Sud. Après avoir été conçus comme un pré-carré, puis comme un espace à démocratiser, les pays africains envoient leur message de souveraineté. Dans ce cadre, l’article qui suit s’applique à penser ces derniers en partenaires.

Errements français et césure malienne

Il est toutefois évident que la refondation de ces coopérations ne peut se concevoir qu’à l’aune des dernières tribulations. Il ne s’agit pas de sombrer dans l’uchronie, mais simplement d’appréhender les incompréhensions successives qui ont mené à un tel revers dans les relations franco-africaines. Quelques enseignements peuvent être tirés des décisions politiques, en particulier dans le cas malien.

À l’origine du déchirement entre Paris et Bamako, on trouve des divergences dans les « buts de guerre ». Alors que la France souhaite éviter qu’un sanctuaire djihadiste ne s’établisse au Sahel, le Mali compte s’appuyer sur l’intervention pour liquider définitivement le problème de l’Azawad.  Cette discordance trouve un premier écho dans la définition des groupes armés. Dès le début de la guerre en 2011, Mohamed Ag Najim et Bilal Ag Acharif[5] s’imposent en leaders de l’indépendantisme. Ag Ghali, tenu à l’écart, verse désormais dans le djihadisme en fondant Ansar Dine. Premier désaccord entre Paris et Bamako : l’État-hôte n’y voit que deux types du même séparatisme. La France accepte pourtant les services des groupes indépendantistes en 2013 et l’alliance tacite entre les Daoussak et Paris dure même tout le long de l’opération. L’Accord d’Alger de 2015 consacre définitivement les groupes indépendantistes comme des interlocuteurs légitimes. Certains Groupes Armés Signataires (GAS) entretiennent pourtant des relations avec les GAT[6]. À partir de là, Bamako ne fait que subir cette catégorisation, n’ayant pas les moyens d’évoquer l’unité, ni le courage de trouver une solution fédérale. Par la suite, la question des négociations avec des groupes djihadistes devient un des principaux points de discorde. Dès 2020, la junte nouvellement arrivée au pouvoir libère en effet 200 djihadistes. Pour elle, le Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM) obéit à des logiques très communautaires qui rendent, avec le passé diplomatique d’Iyad Ag Ghali[7], audible l’idée d’entrer en tractations. Universaliste et engagée contre le djihadisme, la France continuera d’appliquer au conflit ses propres clés de lecture qui ne seront jamais celles de l’État malien. Un certain « manque de courtoisie » est à relever. Cette expression, décrivant la volonté de Paris d’imposer des solutions purement françaises, est employée auprès du Chef d’État-major des Armées mi-2022 par ses homologues du golfe de Guinée.

La présence française est encore caractérisée par une absence d’opération de communication. Cela témoigne d’une posture trop morale de Paris, mais aussi d’une trop grande confiance dans sa popularité. Aidé par l’accueil malien de 2013, l’Élysée est convaincu d’avoir une assise suffisamment ancrée. La France subit pourtant une véritable guerre d’influence tout au long de son intervention. À Gossi, Paris passe enfin à la contre-offensive en avril 2022. Quelques jours avant de remettre les clés de la base aux FAMA, des personnels russes sont enregistrés par un drone en train d’ensevelir des corps. Le but était de faire croire à la communauté internationale que Barkhane avait eu recours aux massacres dans sa guerre au Mali. Malheureusement, Paris ne porte le conflit sur ce terrain qu’en quittant le pays. Depuis 2013 pourtant, la France est suspectée par Bamako de porter un projet de partition du pays favorable à l’Azawad, d’avancer ses pions par le biais d’un agenda caché. Elle empêche alors les FAMA de pénétrer dans certaines villes par crainte de massacres[8]. La rumeur ne cesse d’enfler tout le long de l’intervention. S’y ajoute la campagne d’influence russe qui naît en Centrafrique en 2013, au Sénégal en 2015, et au Mali en 2017. L’institutionnalisation du discours anti-français n’a lieu qu’en octobre 2020. La ville de Farabougou est alors assiégée pendant un mois à 80 kilomètres de la capitale. La junte, qui a justifié son coup d’État par son activisme sécuritaire, n’a d’autre choix que de trouver un responsable exogène. D’urbain, le discours anti-français devient gouvernemental. L’exemple malien sert de base rhétorique à toute une série de pays voisins.

De ces principaux points, quelques non-dits de la rupture méritent d’être soulignés. De l’absence de courtoisie que constitue le fait de vouloir imposer ses clés de lecture, les pays clament que le fait de rester se fait désormais à leurs conditions. De ce qu’a coûté l’absence d’opération d’influence de la France, on sait déjà qu’elle ne sera plus jamais seule dans ce qu’elle a longtemps considéré comme un espace exclusif. Mettant en avant une communauté de destin, en valorisant l’histoire et en séduisant des diasporas, l’Élysée croit longtemps que son avantage comparatif en Afrique lui y confère une place de droit. Désormais elle doit prouver, en concurrençant les autres acteurs, que le rôle qu’elle peut y jouer est constructif.

Les options d’une présence rénovée

Largement échaudée, la France garde comme luxe de ses revers de ne plus choisir que des partenaires proactifs sur les sujets de sécurité et de gouvernance. À cet égard, pour le Sahel l’exemple mauritanien est particulièrement parlant. Investie sur les questions théologiques, Nouakchott utilise sa profondeur stratégique pour mettre en place une zone militaire, des groupements spéciaux d’intervention ainsi que des unités méharistes. Elle muselle par ailleurs toute communication sur un apport extérieur en termes de sécurité, en même temps qu’elle diversifie ses partenariats[9]. Appuyée sur des pays volontaires, Paris réarticule sa présence à partir de ses bases régionales pour y mener une sorte de « leadership from behind » à la française. Le modèle des bases en Afrique de l’Ouest est également rénové. Avec des effectifs réduits et concentrés sur des opérations de formation, Abidjan et Dakar sont destinées à rayonner dans toute la sous-région.

Au Sénégal, on l’a vu, la rhétorique souverainiste africaine est portée au pouvoir avec l’élection de Diomaye Faye. Le premier geste du président à l’égard de la communauté internationale est de déclarer que « le Sénégal restera l’allié sûr et fiable de tous les partenaires étrangers respectueux ». Cette citation est caractéristique du message envoyé en creux par ces pays d’Afrique. Le défi de l’émergence est en effet difficile à relever sans aide. Autrement dit, certaines portes restent ouvertes, mais encore une fois aux conditions locales. Concernant cette question du développement, la France doit regagner sa crédibilité dans le domaine. Des années d’opération ont participé à un dévoiement de l’aide au profit de gouvernements jouissant d’une rente sécuritaire. Confortant l’État dans son absence de gestion, l’aide internationale est alors devenue une compétition d’ego des bailleurs sur les sommes débloquées. Mahamat Idriss Déby ne s’y trompe pas en lançant à Macron en 2023 : « aidez-nous sur le plan social par des coopérations économiques, industrielles, culturelles, éducatives, sanitaires […] alors nous resterons votre meilleur allié en Afrique ». Conscient du poids du verrou sécuritaire tchadien, il l’est aussi de la dérive de l’aide au développement dans la région. Un accroissement aveugle des aides ne suffit donc plus.

On le comprend, les axiomes des partenariats dans la région restent des gages dans les domaines de la sécurité et du développement. À cet égard, isolée dans une Union européenne (UE) considérée initialement comme un levier de puissance, délaissée par Berlin comme par l’axe Washington – Londres – Varsovie, Paris pourrait trouver au Sud un espace de regain de crédibilité sur la scène internationale. Si l’idée d’un partenariat respectueux peut paraître crédule, c’est sans compter sur la naissance d’une politique italienne volontariste et pour l’instant couronnée de succès. Dès son discours d’investiture, Meloni met en avant la nécessité de mettre en place une véritable politique africaine : le plan Mattei. Celui-ci se présente comme une méthode d’approche dont découle une structure de coordination dès fin 2023. Il se matérialise surtout par la conférence Italie-Afrique en janvier 2024, à laquelle vingt-six chefs d’États africains sont présents. L’idée est de mettre en avant une « diplomatie du sourire », un dialogue sur un pied d’égalité absolu et des gains partagés. Des partenariats de haut niveau jouxtent une aide au développement orientée localement. L’un des premiers effets pour Rome est une meilleure régulation de l’immigration[10]. L’Italie est également engagée dans une mission de formation militaire au Niger depuis 2017, toujours en cours malgré le coup d’État de 2023, ce qui atteste d’une lecture propre de l’État-major italien. Au niveau du minutage, cette position est adoptée en période de réorientation énergétique : Rome se veut un catalyseur des ressources africaines vers l’Europe. Elle s’engouffre encore dans un besoin évident de liaison entre les deux continents au moment où la France semble sortie du jeu.

Pour tous les pays du sud de l’UE, le continent africain reste une priorité, qu’il s’agisse des questions migratoires, économiques, énergétiques ou tout simplement de la proximité géographique. Afin d’y mener une politique ambitieuse, la France doit d’abord regagner sa crédibilité auprès des opinions locales. L’exemple italien est inspirant pour l’égalité complète instituée entre les acteurs. Celle-ci a pour corollaire la reprise en main de la notion de rapport de force, trop longtemps délaissée par la diplomatie au profit de la mise en avant d’impératifs sociaux ou de valeurs libérales. La France focaliserait a priori son action sur les pays du golfe de Guinée. Le partenariat global Nord-Sud serait porteur de gains conséquents pour les pays méditerranéens de l’UE : souveraineté réaffirmée et maîtrise sécuritaire de ses abords.

Conclusion

Manque de courtoisie et absence d’opération d’influence ont donc conditionné l’échec de la France au Sahel. Un autre point a également précipité la sortie de la France de la région : le discours à géométrie variable. Pressant les colonels de Bamako d’impératifs de transition, l’Élysée est mis devant ses incohérences à l’occasion de la mort d’Idriss Déby en avril 2021. Elle soutient en effet son fils Mahamat, Général d’Armée, à la tête du Conseil de transition, puis dans son élection à la présidence du Tchad. Cette différence de traitement a fourni une série d’arguments aux juntes et encouragé des reproches surréalistes. Elle parachève surtout l’image arrogante de la France, accusée de choisir les régimes en fonction de ses intérêts. Déjà lassées par des armées inopérantes, les militaires français plaident, dès la généralisation du discours anti-français, pour un retrait des forces. Quoi qu’il en soit, la France se heurte sur le continent à l’influence d’autres puissances, Russie, Chine, Turquie, mais aussi États-Unis. Pour éviter l’isolement, il paraît clair qu’établir une stratégie ambitieuse et de long terme s’impose. Un partenariat Nord-Sud suivant l’exemple italien permettrait non seulement à la France de regagner sa crédibilité, mais aussi de faire valoir son expertise auprès de l’Europe méditerranéenne. Cette option a pour avantage de ne pas contrevenir à nos engagements actuels, mais aussi de se placer dans la continuité et le respect de notre tradition stratégique. Le moment est plus indiqué qu’il n’y paraît. La volonté de souveraineté de certains États africains peut prendre des formes incompréhensibles. On pense ainsi à la Centrafrique qui se tourne vers la cryptomonnaie en 2022, ou aux efforts actuels de l’AES sur des passeports communs. Cela étant, le message envoyé appelle aussi à des partenariats plus réalistes qui seront désormais soumis aux conditions locales. Même à ce prix, les concurrents se multiplient, décuplant la certitude du continent de compter dans ce début de siècle où les camps s’organisent.

[1] Emmanuel Todd, La défaite de l’Occident, Paris, Gallimard, 2023.

[2] Revue de la Défense Nationale, Afrique, France, une nouvelle relation…, numéro 860, mai 2023.

[3] Général Bruno Clément-Bollée, « Fini, l’Afrique dominée, place à l’Afrique souveraine et son message : l’Afrique aux Africains ! », Le Monde, 26 janvier 2023.

[4] Pascal Boniface, Le gaullo-mitterrandisme, un concept toujours pertinent, Revue internationale et stratégique, N° 109, 2018, pp.22-35.

[5] Respectivement chef militaire et secrétaire général du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) créé en 2011.

[6] Des membres du HCUA sont par exemple accusés d’avoir participé à l’attaque de Tongo Tongo et de profiter des prises sur l’Armée nigérienne, voir RFI, Mali : le Niger accuse des membres du HCUA de complicité avec les terroristes, http://www.rfi.fr/fr/afrique/20190919-mali-le-niger-accuse-membres-hcua-complicite-terroristes, mis en ligne le 19 septembre 2019.

[7] Ancien cadre de la légion verte libyenne, leader de la révolte des années 1990, principal artisan des Accords de Tamanrasset en 1991, il devient par la suite représentant consulaire du Mali et négociateur pour Bamako dans les années 2000. Il fonde Ansar Dine en 2012 et le JNIM en 2017.

[8] Marc-André Boisvert, « Autopsie d’une défaillance : cohésion, discipline et leadership au sein des Forces armées maliennes en 2012-2013 », présentation lors du colloque « Les nouveaux visages des armées africaines », Paris, IRSEM, 5-6 octobre 2016.

[9] Membres du dialogue méditerranéen de l’OTAN, elle signe un accord de défense secret avec la Russie en 2021 et accepte les opérations de formation de la France. Le pays n’a pas connu d’attaque depuis 2011.

[10] D’après les statistiques du ministère de l’Intérieur italien, à la date du 16 septembre 2024, le nombre d’entrées de migrants en Italie a baissé de 65,4 % par rapport à 2023 et de 33,8 % par rapport à 2022.