Le ministère des Armées a acté l’acquisition des dernières tranches de poids lourds et véhicules légers pour forces spéciales (PLFS/VLFS), une opération réalisée en 2023 au profit d’Arquus mais jusqu’à présent restée sous les radars.
Exit les tranches annuelles, place à une « commande globale » pour faire progresser le programme « véhicules forces spéciales » (VFS), effort lancé en 2015 pour remotoriser les unités du Commandement des opérations spéciales (COS) et de la 11e brigade parachutiste (11e BP). Une manœuvre parmi d’autres mises en lumière par le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2023.
Notifiée « tardivement dans l’année », cette commande pour 96 PLFS et 136 VLFS résulte de la fusion des tranches planifiées de 2022 à 2024. De quoi atteindre dès à présent les cibles à terminaison de 151 PLFS et 206 VLFS, deux parcs rabotés en cours de route du fait de l’acquisition d’autres véhicules hors programme.
Ce regroupement, le ministère des Armées l’explique par « une recherche d’optimisation industrielle et financière du programme ». En résulte une hausse de près de 100 M€ des engagements en 2023, mais aussi un regain de visibilité pour les équipes du site limougeaud d’Arquus et la possibilité d’optimiser les commandes de pièces.
Le sujet VFS subit cependant les aléas rencontrés dans la chaîne d’approvisionnement « à cause du contexte géopolitique ». Aucun des cinq VLFS et PLFS prévus l’an dernier n’a pu être livré. La réception du premier VLFS est désormais reportée à décembre prochain.
Le déploiement dans les forces du PLFS « Grizzly », tous standards confondus, a quant à lui déjà démarré. Non prévue à l’origine, la réorientation de certains véhicules vers les régiments de la 11e BP s’est matérialisée à l’occasion du défilé militaire du 14 juillet. Premier bénéficiaire, le 1er régiment de hussards parachutistes avait alors descendu les Champs-Élysées au volant de trois exemplaires.
Troisième volet du programme, la livraison de fardiers et de leurs remorques accuse elle aussi des retards justifiés par des « difficultés d’approvisionnement de certains composants ». Seuls 48 fardiers et six remorques auront pu être perçus sur les 60 et 34 exemplaires attendus.
À peine créé, le Commandement des actions dans la profondeur et du renseignement (CAPR) s’est confronté pour la première fois à la réalité du terrain à l’occasion de l’exercice Grand Duc. Un exercice autant qu’une expérimentation source de premiers résultats encourageants en matière de construction des synergies et d’accélération de la boucle renseignement-feux.
Une édition inédite
Inhabituel, Grand Duc l’aura été à plus d’un titre. De par son ampleur, premièrement. Conduit du 15 au 29 mars dans le quart nord-est de la France, cet exercice annuel des unités du renseignement de l’armée de Terre a cette fois été joué entre Amiens et Belfort. Inspiré de l’exercice d’hypothèse d’engagement majeur ORION 2023, son scénario voyait l’ennemi symétrique Mercure et sa milice Tantale envahir la nation voisine Arnland. Un allié fictif de l’OTAN opposé à des ennemis tout aussi fictifs et dont l’agression entraînait la formation d’une vaste coalition, déploiement de divisions française, britannique et américaine à la clef.
Trois divisions formant un corps d’armée au profit duquel oeuvrait un groupement de recherche multicapteurs (GRM) déployé dans la profondeur avec l’ensemble de ses moyens. Ses quelques 400 combattants provenaient essentiellement du 2e régiment de hussards, spécialiste du renseignement de source humaine et de l’infiltration à travers les lignes ennemies. Des éléments des 54e, 61e et 1er régiments d’artillerie, du 28e groupe géographique, des 54e et 44e régiments de transmissions ainsi qu’un sous-groupement aéromobile armé par le 5e régiment d’hélicoptères de combat sont venus s’y agréger.
Ce GRM intégrait un détachement belge du bataillon ISTAR, signe parmi d’autres des liens grandissants entre forces terrestres des deux pays. Cette unité de chasseurs à cheval a pour l’occasion envoyé son escadron A renforcé d’une section radar Squire, d’une équipe drones et d’une section de génie (EARS). Une « belle unité » dont les membres « apportent une certaine philosophie et une certaine approche de la planification d’une opération. Nous avons beaucoup à apprendre de nos camarades belges tout comme, je l’espère, ils ont beaucoup de choses à apprendre de nous », soulignait le colonel Nicolas Louis, chef de corps du 2e RH et commandant du GRM.
La mission de ce GRM à l’accent belge ? Trouver l’ennemi, comprendre ses modes d’action, déterminer des cibles et faire remonter ces informations jusqu’au corps d’armée. Par le lien direct qu’il crée avec les feux et les moyens de guerre électronique, le GRM contribue ainsi au grignotage, à l’affaiblissement de l’ennemi au profit des divisions et brigades de la ligne de contact. Dans un espace de jeu grand comme la Bulgarie, impossible de se la jouer « big brother ». Bien que dédoublée fictivement, l’envergure du GRM impliquait « de manoeuvrer, de faire des choix en utilisant au mieux les compétences de chacun », relève le colonel Louis.
Surtout, Grand Duc constituait un premier essai grandeur nature pour le CAPR, mis en place le 1er janvier 2024 pour succéder au Commandement du renseignement (COM RENS). Organisé autour d’un état-major implanté à Strasbourg, ce nouveau commandement Alpha rassemble le centre de renseignement Terre (CRT) ainsi que trois brigades : la 4e brigade d’aérocombat (4e BAC) et les futures 19e brigade d’artillerie (19e B.ART) et brigade de renseignement et de cyber électronique (BRCE). Ces unités opérant au profit de la division et du corps d’armée, focalisent leur action sur un compartiment profond de 50 à 500 km, tant au sol que dans la 3e dimension. Ce CAPR est commandé par le général de division Guillaume Danès, dont la carrière a démarré au 13e régiment de dragons parachutistes avant de se poursuivre au 2e RH puis à la tête de l’ex-COM RENS.
Derrière l’entraînement et l’évaluation Antarès du PC du GRM, cette édition devait « mettre en synergies toutes ces compétences » qui évoluaient auparavant dans leur couloir de nage et de « tester une nouvelle organisation, de nouvelles procédures pour aller toujours plus vite et être toujours plus efficaces face à ces défis qui prennent une importance beaucoup plus grande par rapport à ce que les armées françaises ont connue ces 15-20 dernières années », résume le commandant du 2e RH. Un séminaire organisé en janvier dernier avec tous les acteurs du CAPR avait débouché sur de premières réflexions communes d’amélioration. Des idées pour la première fois mises en pratique lors de Grand Duc.
Accélérer face à un ennemi à parité
À l’instar de l’ensemble des armées, les unités du CAPR ont définitivement pris le tournant de la « haute intensité », cette volonté de durcissement de la préparation opérationnelle face à l’hypothèse d’un engagement majeur. Essentiel au bon déroulé d’un exercice, le réalisme de l’animation est l’une des spécialités de la major Stéphanie. « On nous demande depuis 2-3 ans de basculer vers la haute intensité », explique cette équipière « recherche au contact » (RAC) du 2e RH rattachée à la section entraînement-exercice du CAPR.
Grand Duc n’y a pas coupé et prolongeait quelques grandes idées d’ORION 2023. C’est ainsi que la milice Tantale aura généré des actions de harcèlement et de sabotage les arrières de la force alliée pour déstabiliser celle-ci et faciliter l’avancée des divisions Mercure. Réalisme oblige, 23 « sources » ont été créées parmi la population arnlandaise, pour moitié réellement jouées. Des joueurs auxquels l’animatrice « fait dire des choses plus ou moins intéressantes à creuser ensuite ». Ces sources, additionnées aux événements conçus de toute pièce, auront atteint un volume inédit. « J’adore faire vivre l’exercice », se réjouit la major Stéphanie. Celle-ci a imaginé un monde artificiel d’associations, de médias, de réseaux sociaux alimentés à l’occasion par la petite force adverse présente sur le terrain. Jusqu’à l’écriture d’un journal quotidien : « Le Roseau », canal d’information exploitable jusque dans ses encarts publicitaires.
Étendue d’Amiens à Belfort, la zone d’action profonde de plus de 400 km se voulait la plus représentative possible des élongations dans lesquelles les unités du CAPR sont appelées à opérer. Des distances sources de challenges, dont celui de l’accélération. « Notre objectif, c’est de réduire la boucle renseignement-feu, le délai entre la détection d’une cible et sa neutralisation quel que soit l’effecteur retenu », relève le général de division Danès. Pourquoi ? « Parce que, face à un ennemi à parité, il faut savoir saisir les opportunités. Nous n’avons pas toujours l’initiative, nous sommes contraints par les combats contrairement aux opérations extérieures conduites ces 20 dernières années ». Ces fenêtres d’action peuvent être très courtes, « d’où cette nécessité d’accélérer ».
Le CAPR a en effet cela d’utile qu’il permet de « faire des choix un peu innovants en matière d’équipements » grâce au dialogue renforcé entre acteurs d’un même monde. Durant Grand Duc, la focale aura surtout porté sur les transmissions. L’acquisition rapide de systèmes disponibles sur le marché et en partie civils est ainsi venu soutenir le concept d’hybridation, cette combinaison de moyens civils et militaires privilégiée pour éviter les ruptures de communication et compenser les éventuelles perturbations adverses.
« Comment j’utilise internet, le réseau GSM, les satellites à orbite basse en complément des satellites et liaisons radios militaires, c’est un sujet que l’on travaille à l’occasion de l’exercice Grand Duc », pointe le général de division Danès. L’armée de Terre a, entre autres, acheté des boîtiers GSM sur lesquels elle intègre un chiffrement « maison » pour pouvoir les relier à ses propres systèmes d’information. « Nous avons mis en oeuvre des passerelles automatiques et intelligentes qui nous permettent de faire basculer une information d’un niveau de classification à l’autre tout en en interdisant la redescente vers le niveau inférieur », confie le colonel Louis. Les transmetteurs auront par ailleurs réussi à pallier à l’absence de liaison 16 sur les cinq hélicoptères du SGAM, facilitant par là le positionnement ami et la coordination dans la 3e dimension.
Résultat parmi d’autres des expérimentations, la patrouille de recherche opérant à Vesoul a pu transmettre ses informations en moins de deux minutes au poste de commandement du GRM installé à Mourmelon-le-Petit. Soit près de 300 km parcourus sans anicroches ni intervention technique. Certes, le processus n’est pas encore instantané, mais « gagner deux minutes, c’est déjà énorme », assure le général de division Danès. Ce petit gain de temps devient effectivement précieux lorsqu’il s’agit d’avoir un impact sur la manoeuvre ennemie. « Nous sommes sur une très bonne voie, car nous réussissons à prendre des décisions de tirs en quelques minutes », constate le colonel Louis. « Le pari de création de ce CAPR incubateur et laboratoire est donc gagné », estime pour sa part le général de division Danès.
Des pistes organisationnelles et matérielles
Face à un ennemi puissant et protéiforme, la réduction des délais de la boucle renseignement-feux n’est pas le seul enjeu. Repenser certains modes d’action, en concevoir de nouveaux et faire évoluer les matériels en sont d’autres. Hormis l’écriture doctrinale, il s’agira par exemple de déterminer quel sera le meilleur « pion multicapteurs » à déployer selon le contexte. Une compagnie de recherche humaine ? Une compagnie de guerre électronique ? Une section, voire une patrouille ? L’intégration de plusieurs capteurs est-elle nécessaire ? Quel est la combinaison offrant le meilleur équilibre en termes d’efficacité et de discrétion ? Bref, où placer les différents curseurs pour obtenir « un renseignement précis, fiable » ?
Laboratoire à ciel ouvert, Grand Duc offrait le terrain idéal pour tester de nouveaux équipements. « Nous avons mis en oeuvre un certain nombre de matériels assez innovants dans le domaine du renseignement électromagnétique», explique le colonel Louis. Des systèmes de guerre électronique qui auront conduit à la capture anticipée d’un chef de la milice Tantale infiltré à proximité du PC du GRM. Un fait inattendu mais sans réelle conséquence pour le travail de la major Stéphanie, car le cadre scénaristique de Grand Duc n’a rien de figé et évolue tout au long de l’exercice. Le conflit russo-ukrainien influence certainement ce travail d’écriture mais « je me sers du monde entier », assure celle qui, à l’heure où nous la rencontrons, planche déjà sur la prochaine action de Tantale : l’attaque d’un aéroport à coup d’engins explosifs improvisés et de drones.
Si la porosité d’un front – ou son absence dans le cas sahélien – facilite l’infiltration, celle-ci se trouve complexifiée lorsque ce front s’avère dense, parsemé de capteurs, de champs de mines, fortifications et autres obstacles présents dans les trois dimensions. La relative stabilité du front russo-ukrainien et les difficultés éprouvées par les belligérants pour le franchir en sont des rappels quotidiens.
Traverser la ligne pour s’enfoncer dans le dispositif adverse, c’était déjà la préoccupation principale de Chamborant quand le général de division Danès était à sa tête, il y a plus d’une décennie. Pour ce dernier, « il y a toujours des moyens de passer, il faut être audacieux » et « chercher les espaces lacunaires, en espérant qu’ils existent ». Quitte à remettre au goût du jour des savoir-faire passés au second plan au cours des dernières décennies afin de « faire très mal, dès ce soir, à un ennemi disposant de capacités équivalentes », indique le colonel Louis. Grâce à Grand Duc, « nous avons pu mettre en oeuvre des savoir-faire spécifiques dans les conditions les plus réelles possibles », poursuit-il. Exemple avec ces VB2L engagés dans une phase de franchissement d’ « un cours d’eau assez profond qui allait contraindre notre manoeuvre », un procédé exceptionnellement joué de nuit.
Le défi est tout aussi prégnant pour les hélicoptères de la 4e BAC, vecteurs de mobilité, de reconnaissance, de destruction d’objectif et d’escorte par excellence mais confrontés aux capacités d’interdiction de l’adversaire. Aux équipages d’à leur tour chercher et exploiter le trou dans la raquette adverse tout en comptant sur leur maîtrise du vol tactique et sur le renouvellement progressif des parcs d’hélicoptères. De là à agir jusqu’à 500 km ? « Nous pourrions, car nous sommes capables de réaliser des FARP [Forward Arming and Refueling Point] pour pouvoir aller plus loin. C’est ce que nous avons fait durant cet exercice », précise le lieutenant François, officier contrôleur de circulation aérienne au sein du 5e RHC. Couramment déployés lors des opérations au Sahel, ces FARP sont autant de points de ravitaillement avancés permettant d’accroître l’élongation des machines, au prix d’une exposition accrue.
Plus encore, la transparence du champ de bataille qu’amène la combinaison de satellites, drones et autres capteurs suppose un risque d’érosion de la discrétion chère au 2e RH. « D’ores et déjà, on voit les Russes comme les Ukrainiens s’adapter à cette situation. On le voyait sur les autres théâtres d’opération aussi, les gens s’enterrent », remarque le général de division Danès. Mais chez les hussards, l’effort relève plutôt du camouflage, à l’instar de cette bâche en aluminium à mémoire de forme« remontée » du 13e RDP et de solutions atténuants le rayonnement infrarouge. Faute de pouvoir traverser, d’autres voies subsistent pour le renseignement d’origine humaine, à l’image des sources disséminées sur les arrières par l’équipe animation de Grand Duc et susceptibles d’être en lien avec les populations situées au-delà du front.
Le retour d’un ennemi à parité pose, enfin, la question de la maîtrise du ciel. Le défi est surtout prégnant pour les hélicoptères de la 4e BAC, vecteurs de mobilité, de reconnaissance, de destruction d’objectif et d’escorte par excellence mais confrontés aux capacités d’interdiction de l’adversaire. Aux équipages d’à leur tour chercher et exploiter le trou dans la raquette adverse tout en comptant sur leur maîtrise du vol tactique et sur le renouvellement progressif des parcs d’hélicoptères. De là à agir jusqu’à 500 km ? « Nous pourrions, car nous sommes capables de réaliser des FARP [Forward Arming and Refueling Point] pour pouvoir aller plus loin. C’est ce que nous avons fait durant cet exercice », précise le lieutenant François, officier contrôleur de circulation aérienne au sein du 5e RHC. Couramment déployés lors des opérations au Sahel, ces FARP sont autant de points de ravitaillement avancés permettant d’accroître l’élongation des machines, au prix d’une exposition accrue.
Surveiller et protéger l’espace aérien, c’est justement la mission principale du lieutenant Philippe. Grand Duc « permet de travailler avec tous les acteurs des brigades de la 3e dimension et, parce que nous sommes plus hauts dans la chaîne de commandement, la qualité d’information est beaucoup plus claire et précise tandis que les interlocuteurs sont moins nombreux », explique ce chef de centre de management de la défense dans la 3e dimension (CMD3D) au sein du 54e régiment d’artillerie. Son compartiment de travail s’étendait sur environ 100 km2, « ce qui est quand même assez conséquent et contient énormément de nouveaux acteurs car c’est la première fois que l’on se déploie avec le GRM du 2e RH », continue-t-il. La manoeuvre exige donc une vigilance de tous les instants. Gagner du muscle et traiter les menaces actuelles et futures demandera à la fois de la multiplicité et de nouvelles technologies. « Nous nous adapterons, et l’armée s’adapte déjà », souligne-t-il. En témoigne le rattrapage engagé sur la défense sol-air grâce à la loi de programmation militaire 2024-2030, un effort qui se traduira notamment par l’arrivée au 54e RA de véhicules Serval de lutte anti-drones (LAD) et de Serval équipés de missiles MISTRAL.
Pari gagné
À quelques jours de la fin de l’exercice, le colonel Louis se disait « plus que satisfait et même fier de ce qui a été réalisé », ce dernier relevant « des résultats remarquables, ne serait-ce que dans le délai de transmission ». Un sentiment partagé par son supérieur, le général de division Danès. « C’est très concluant. La réorganisation autour de ces commandements Alpha, c’est déjà un pari gagnant pour le CAPR ».
Si les premières impressions sont positives, Grand Duc 2024 n’était qu’une étape préliminaire dans un vaste chantier soutenu par une LPM de « transformation ». Son enveloppe de 413 Md€ sur sept ans « apporte pas mal de choses en ce qui concerne le triptyque majeur de la défense sol-air, des feux dans la profondeur et de la guerre électronique ». Derrière les Serval LAD et MISTRAL, le CAPR bénéficiera du renouvellement des lance-roquettes unitaires (LRU), un projet pour lequel « il est bien dans les intentions des armées d’augmenter la portée au-delà des 70-80 km autorisés aujourd’hui pour aller bien au-delà, et pourquoi pas jusqu’à 500 km ».
L’hélicoptère interarmées léger (HIL), le (re)décollage du drone Patroller, les moyens radars intégrés avec l’armée de l’Air et de l’Espace seront d’autre axes d’effort à matérialiser. Sans oublier cet essai à transformer dans le champ de la guerre électronique, car « le conflit ukrainien nous montre bien que c’est un sujet d’importance face à un adversaire à parité ». Qu’importe le domaine, « nous allons essayer de tirer le maximum de la LPM en cours. Et tout ce qu’on aura pas réussi à faire, il faudra, si la situation internationale ne change pas, que ce le soit dans la prochaine », indique le patron du CAPR.
De niveau divisionnaire, le CAPR rassemblera à terme quelque 3000 militaires. Si la 4e BAC a été créée en 2016, les deux autres brigades le seront au 1er août prochain. Le CAPR sera officiellement mis sur pied début septembre, cérémonie suivie de quelques bascules internes d’unités actées le 1er novembre. Les 1er, 61e et 54e régiments d’artillerie rejoindront la 19e B.ART, par exemple. Quelques éléments de commandement seront sensiblement renforcés, notamment au profit de la 4e BAC. Après petite année de transformation, « la réorganisation sera alors terminée », annonce le général de division Danès.
Plusieurs rendez-vous sont déjà au programme. Après l’exercice préfigurateur réalisé le mois dernier, le CAPR contribuera aux exercices des brigades qu’il englobe, à commencer par l’exercice BACCARAT que la 4e BAC conduira à l’automne prochain. Autant de jalons qui mèneront au franchissement d’un nouveau pas, celui d’un exercice de corps d’armée baptisé DIODORE. Attendue pour l’automne 2025, la première édition visera à continuer les travaux engagés sur la coordination 3D et l’accélération de la boucle renseignement-feux. « Quand je vois les résultats de Grand Duc, je sais que nous continuerons à avancer à toute vitesse d’ici-là », se félicite le général de division Danès.
Le jeudi 4 avril 2024, l’amiral Nicolas Vaujour, chef d’état-major de la Marine, a prononcé l’admission au service actif du sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Duguay-Trouin. Il est le second de la série de six SNA de type Suffren qui remplaceront l’intégralité des SNA de type Rubis à l’horizon 2030.
L’admission au service actif est prononcée après des phases d’essais à la mer débutées en mars 2023. Ces phases de Vérification des caractéristiques militaires (VCM) permettent aux équipages de tester les performances, l’endurance du bâtiment ainsi que la conformité des équipements aux spécifications demandées.
Durant ses essais, le Duguay-Trouin a navigué en eaux froides comme en eaux chaudes, avec une escale à Fort-de-France en mars 2024 ; une première pour un SNA de type Suffren. Il sera désormais déployé en opérations.
Le SNA Duguay-Trouin, à l’instar du premier de série, le SNA Suffren, assurera les mêmes missions que les SNA de type Rubis, avec des capacités supérieures. Il dispose en particulier d’une capacité de frappe contre terre avec le Missile de croisière naval (MdCN) et d’une capacité de mise en œuvre des forces spéciales par un sas nageurs et par son hangar de pont.
Les forces sous-marines et la force océanique stratégique
Les forces sous-marines françaises sont composées de 3 200 marins. Elles disposent de 10 sous-marins nucléaires : 6 sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) et 4 sous-marins nucléaires lanceur d’engins (SNLE).
Chaque sous-marin est armé par 2 équipages (bleu et rouge) qui se succèdent à bord. Le métier de sous-marinier est un métier hors norme, de haut niveau, nécessitant exigence et une grande rigueur au quotidien.
Depuis 1972, au moins un SNLE est en mer pour assurer, n’importe où dans les mers et océans du globe, la permanence à la mer de la dissuasion nucléaire.
Les SNA, eux, constituent une composante essentielle des forces armées françaises. Ils sont à la fois des navires de combat et des instruments de puissance. La possession de SNA confère à la Marine nationale des capacités permettant d’appuyer l’efficacité opérationnelle (en termes d’endurance, de discrétion et de performance).
Les SNA ont 4 grandes missions : soutien à la dissuasion nucléaire (notamment blanchiment de zone lors des départs des SNLE) ; protection d’une force aéronavale (notamment lors des déploiements du porte-avions) ; connaissance-anticipation et intervention (frappe dans la profondeur et mise en œuvre de forces spéciales).
Les sous-marins constituent une capacité clef de la Défense française.
Marine & Océans
La revue trimestrielle “Marine & Océans” a pour objectif de sensibiliser le grand public aux grands enjeux des mers et des océans. Informer et expliquer sont les maîtres mots des contenus proposés destinés à favoriser la compréhension d’un milieu fragile. Même si plus de 90% des échanges se font par voies maritimes, les mers et les océans ne sont pas dédiés qu’aux échanges. Les ressources qu’ils recèlent sont à l’origine de nouvelles ambitions et peut-être demain de nouvelles confrontations.
Héritier des Commandos de renseignement et d’action dans la profondeur [CRAP], le Groupement de commandos parachutistes [GCP] se compose de détachements fournis par les régiments relevant de la 11e Brigade Parachutiste [BP]. Avec ses chuteurs opérationnels, l’une de ses tâches consiste à opérer en avant d’une force terrestre, afin de marquer, par exemple, des zones de parachutage. Sans pour autant faire partie des forces spéciales, il peut également être engagé dans des missions exigeant un savoir-faire dépassant les capacités des unités « classiques » de l’armée de Terre.
C’est donc à ce titre que le GCP commence à mettre en œuvre le « Système de mise à terre des chuteurs opérationnels » [SMTCOPS] qui, partiellement qualifié par la Direction générale de l’armement [DGA] en septembre 2022, permet de sauter à partir d’une altitude supérieure à 9’000 mètres et de parcourir, sous voile, environ 50 km, avec une charge de 200 kg [chuteur et équipement compris].
En effet, dans son dernier numéro, le magazine RAIDS indique que le GCP était en train de s’approprier ce SMTCOPS, qui remplacera les parachutes G9 d’Air Azur qu’il utilise jusqu’à présent. Dans le même temps, les commandos de la 11e BP pourraient très prochainement compléter leur armurerie avec de nouveaux fusils d’assaut.
Actuellement, le GCP dispose de pistolets automatiques Glock 17 et HK USP, de lance-grenades HK LG40, de mitrailleuses Minimi 5,56/7,62 mm, de pistolets-mitrailleurs HK MP5 ainsi que de plusieurs modèles de fusils, comme le Sako TRG [précision], le SCAR-H [7,62 mm], le HK-416 [commun à toutes les unités de l’armée de Terre] et le HK-417. À cette liste, selon RAIDS, viendra donc s’ajouter le SIG Sauer MCX Spear LT en calibre 5,56 mm ou .300 Blackout [7.62×35 mm, ndlr].
Dans son catalogue, l’armurier suisse précise que le MCX Spear LT est une évolution du MCX Virtus, lequel est en dotation au sein du 1er Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine [RPIMa], qui relève du Commandement des opérations spéciales [COS]. Le Groupement des commandos de montagne [GCM] en est également doté.
En 1997, l’armée de Terre créa le Groupement spécial autonome [GSA] avec le 1er Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine [RPIMa] et le Détachement ALAT des opérations spéciales [DAOS]. Puis, cinq ans plus tard, cette structure devint la « Brigade des Forces Spéciales Terre » [BFST], le 13e Régiment de Dragons Parachutistes [RDP] lui étant désormais subordonné. Cette unité ne connut pas de profonds changements lors des réformes du ministère des Armées conduites entre 2008 et 2014.
Ce qui ne fut pas le cas en 2016, lors de la mise en oeuvre du plan « Au Contact » de l’armée de Terre. À l’époque, il fut décidé de transformer la BFST en « Commandement des Forces Spéciales Terre » [CFST]. Fort de 2500 militaires environ, il réunissait le 1er RPIMa, le 13e RDP et le 4e Régiment d’Hélicoptères de Forces Spéciales] ainsi que le Groupement d’appui aux opérations spéciales [GAOS], une compagnie de commandement et de transmissions [CCTFS] et l’Académie des forces spéciales [Centre Arès].
Seulement, en raison de l’évolution de la conflictualité et de la nécessité de prendre en compte les menaces liées aux guerres hybrides et l’influence, le dernier plan de transformation de l’armée de Terre, dévoilé en avril dernier, prévoit de faire évoluer à nouveau le CFST.
Ainsi, en plus des unités sur lesquelles il exerçait déjà sa tutelle, il sera rejoint par le Centre interarmées des actions sur l’environnement [CIAE] ainsi que par le Centre terre pour le partenariat militaire opérationnel [CPMO]. En clair, il s’agit de lui donner les moyens de développer ses « capacités hybrides et d’influence » et de mener des missions relevant des « PSYOPS » [opérations psychologiques]. En outre, il travaillera en lien avec les 6e et 43e BIMa [Bataillons d’Infanterie de Marine], implantés respectivement au Gabon et en Côte d’Ivoire.
La conséquence est que, depuis le 1er janvier, le CFST s’est effacé au profit du «Commandement des Actions Spéciales Terre » [CAST]. Selon les succinctes explications données par l’armée de Terre, celui-ci intègre donc trois nouvelles capacités, à savoir les opérations d’influence, le partenariat militaire opérationnel et la cyberdéfense.
D’autres grandes unités sont appelées à évoluer, quand elles ne l’ont pas déjà fait. Ainsi, certains commandements issus du modèle « Au Contact » vont se muer en structures dédiées à des missions bien précises, comme le Commandement du numérique et du cyber ou encore le Commandement de l’appui et de la logistique de théâtre, qui chapeautera trois brigades [logistique, génie, maintenance].
Enfin, à l’image du CAST, le Commandement du Renseignement [COM RENS] va voir ses prérogatives élargies et deviendra le « Commandement des actions dans la profondeur et du renseignement » [CAPR]. Il sera rejoint par la 4e Brigade d’Aérocombat [BAC] ainsi que par les 1er et 54e Régiments d’Artillerie [RA].
DECES : Mort du capitaine Mathieu GAYOT du 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales lors d’un exercice
Paris, le 12 novembre 2023
Samedi 11 novembre 2023, le capitaine Mathieu GAYOT du 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales est décédé lors d’un exercice dans le cadre de la préparation opérationnelle de son unité.
Désigné comme coordinateur d’un exercice dédié à l’instruction des nouveaux arrivants au quartier Guynemer à Uzein (64), le capitaine GAYOT a été mortellement blessé en soirée.
Les secours sont intervenus très rapidement et ont constaté son décès peu de temps après.
S’inclinant avec une profonde tristesse devant la mémoire de ce militaire mort en service dans l’accomplissement de sa mission, le général d’armée Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre, s’associe à l’immense douleur de sa famille. Ses pensées accompagnent tous ses proches ainsi que ses frères d’armes.
Hormis quelques publications, parfois récentes, comme « Les tueurs de la République » de Vincent Nouzille ou « Les guerriers de l’ombre » de Jean-Christophe Notin, la « littérature » sur le Service Action de la Direction générale de la sécurité extérieure [DGSE] est peu abondante. Et quand la presse en parle, c’est qu’une opération [ou un entraînement] a mal tourné [ce qui arrive rarement] ou que le débat sur son éventuel rapprochement avec les forces spéciales a été relancé…
Par ailleurs, le ministère des Armées n’évoque pratiquement jamais le Service action… sauf dans les pages du Journal Officiel. Et, ces dernières années, seul Bernard Bajolet, alors à la tête de la DGSE, a confié qu’il était utilisé « au plein de ses capacités », à l’occasion d’une audition parlementaire réalisée peu après les attentats commis en France par l’État islamique [EI ou Daesh].
Cela étant, on sait que le Service Action se compose de trois unités chapeautées par le Centre d’instruction des réserves parachutistes [CIRP] de l’armée de Terre, du Groupe aérien mixte 56 « Vaucluse » de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] et du navire Alizée de la Marine nationale.
Quoi qu’il en soit, pour le lancement de Terre Mag, son nouveau magazine d’informations, l’armée de Terre a fait le choix de braquer les projecteurs sur l’une des trois unités du CIRP, à savoir le Centre parachutiste d’instruction spécialisée [CPIS] établi à Perpignan… et dont le DGSE ne parle même pas sur son site Internet.
Ainsi, on apprend que cette unité prépare « des dizaines » de militaires « triés sur le volet » à des « actions clandestines de coercition et à la guérilla » dans les zones de crise, en particulier « là où les forces spéciales ne sont pas autorisées à opérer ». Ces activités peuvent conduire à « exercer une pression ou une influence sur un individu, une organisation ou un État » et inclure « du renseignement, des cyberattaques, des campagnes de désinformation, etc. ».
« Nos agents agissent hors du cadre législatif. C’est la principale différence avec les forces spéciales ou armées en général », rappelle le chef de corps du CPIS dans les pages de Terre Mag.
L’une des spécificités de cette unité [mais qui doit valoir aussi pour les deux autres du CIRP, à savoir le Centre parachutiste d’entraînement aux opérations maritimes et le Centre parachutiste d’entraînement spécialisé] est que les opérationnels disposent « d’une autonomie incomparable dans la préparation et la conduite » de leurs missions. « Chacune est unique et les équipes projetées changent en permanence, selon les besoins », explique Terre Mag.
Visiblement, l’activité du CPIS est intense. « Les agents cumulent en général plusieurs spécialités. Leur rythme de projection s’élève à environ 200 jours par an », apprend-on en effet.
Aussi, la sélection est impitoyable… et pour le chef de corps du CPIS, « présenter son dossier est déjà un acte de courage ». Ainsi, un candidat fera d’abord l’objet d’une enquête de sécurité, qui s’intéressera aussi à son entourage. Puis il aura à passer des entretiens, des tests psychotechniques et une évaluation de « mise en situation sur le terrain ». À noter que Terre Mag ne parle pas de tests sportifs mais sans doute que cela va de soi…
Une fois ces étapes passées, le volontaire va suivre une formation de dix-huit mois, laquelle alterne des phases d’apprentissage et de restitution. Et l’échec est interdit. Mais d’après Terre Mag, très peu de candidats échouent, en raison notamment de la solidité du processus de sélection, lequel met l’accent sur l’expérience opérationnelle, la capacité à se fondre dans la population, la rusticité, l’honnêteté intellectuelle ainsi que la capacité à gérer la tension nerveuse et à supporter l’isolement.
« Les personnes qui se présentent veulent donner un sens plus grand à leur engagement. Elles ne cherchent ni la reconnaissance, ni les médailles. Il n’y a pas de place pour l’ego chez nous », résume le chef de corps du CPIS.
Même si le califat qu’il avait autoproclamé en 2014 a été défait, l’État islamique [EI ou Daesh] demeure une menace et le dernier rapport des Nations unies sur l’activité des organisations jihadistes a mis en garde contre un « risque de résurgence bien réel » du groupe « en cas de relâchement de la pression antiterroriste. D’où les opérations régulièrement menées contre lui par les forces locales ainsi que par les forces spéciales, notamment américaines, dans le cadre de l’opération Inherent Resolve [OIR].
Cela étant, des commandos français, affectés à la « task force » Hydra [qui relève de la force Chammal, ndlr], sont également engagés, généralement en toute discrétion, dans de telles missions contre l’EI. Et c’est au cours de l’une d’elles, menée en appui des forces de sécurité irakiennes que le sergent Nicolas Mazier, du Commando Parachutiste de l’Air n°10 [CPA 10] a été mortellement blessé, le 28 août.
« Hier, en fin d’après-midi, une unité de militaires français a été engagée dans une opération de reconnaissance en appui des forces irakiennes, à une centaine de kilomètres au nord de Bagdad. Un groupe de terroristes retranchés a vivement pris à partie les forces irakiennes. Les militaires français ont immédiatement riposté pour le partenaire, infligeant de sérieuses pertes à l’ennemi », a expliqué l’État-major des armées [EMA], dans un communiqué.
Malheureusement, lors de cet échange de tirs, le sergent Mazier a été mortellement touché et quatre de ses camarades ont été blessés. Ils ont depuis été transférés vers un hôpital militaire américain à Bagdad.
« Issu du CPA 10, le sergent Nicolas Mazier était déployé en opération extérieure depuis le 19 juillet 2023 dans le cadre de l’opération Chammal. Il contribuait à la formation et à l’appui de nos partenaires irakiens dans le domaine de la lutte anti-terroriste », a précisé l’EMA.
« C’est avec une très vive émotion que le président de la République a appris la mort du sergent Nicolas Mazier du commando parachutiste de l’air n°10, tué hier en Irak alors que son unité appuyait une unité irakienne en opération antiterroriste », a fait savoir l’Élysée. « La Nation pleure de nouveau aujourd’hui l’un de ses fils […] J’adresse mes condoléances à sa famille, ses proches et à ses frères d’armes. Face au terrorisme, la France ne reculera pas », déclaré Sébastien Lecornu, le ministre des Armées.
« Je m’incline avec tristesse devant l’engagement du sergent Nicolas Mazier, CPA 10, mort le 29 août en Irak dans le cadre de l’opération Chammal. Un Aviateur remarquable aux qualités reconnues de tous. Mes pensées vont vers sa famille, ses camarades blessés, ses frères d’armes », a réagi le général Stéphane Mille, le chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE].
« D’abord engagé comme militaire du rang, le sergent Mazier était un sous-officier perfectionniste et d’une motivation sans faille. Cet aviateur aguerri a très rapidement démontré son sens de l’engagement et ses compétences, que ce soit lors de ses différentes OPEX ou en métropole », a-t-il précisé.
Après l’adjudant Nicolas Latourte et le sergent Baptiste Gauchot, de l’armée de Terre, le sergent Mazier est le troisième militaire français à avoir perdu la vie en Irak au cours de ces deux dernières semaines. Pour rappel, les forces spéciales françaises avaient été endeuillées pour la première fois au Levant en septembre 2017, avec la perte de l’adjudant-chef Stéphane Grenier, du 13e Régiment de Dragons Parachutistes [RDP], lors d’une mission de combat contre l’EI.
En novembre dernier, le Pentagone a annoncé qu’il livrerait à l’armée ukrainienne des systèmes de lance-roquettes à guidage laser VAMPIRE [Vehicle-Agnostic Modular Palletized ISR Rocket Equipment] dans le courant de l’année 2023. Une commande de 14 exemplaires, d’une valeur de 40 millions de dollars, a ensuite été notifiée à L3Harris en janvier.
Se composant d’un panier de quatre roquettes à guidage laser AGR-20 APKWS [Advanced Precision Kill Weapon System], d’un système de visée modulaire WESCAM MX-10 RSTA-D et de différents capteurs, ce dispositif a la particularité de pouvoir être installé en moins de deux heures sur n’importe quel véhicule 4×4 de type pick-up, qu’il soit militaire ou civil. Destiné aux forces spéciales et à l’infanterie légère, il permet d’engager des cibles terrestres et aériennes, dont les drones.
Visiblement, le système VAMPIRE a donné des idées aux forces françaises… puisqu’un projet similaire a été dévoilé lors d’une journée dédiée à l’innovation organisée par l’École des troupes aéroportées [ETAP] de Pau, dont « Qui Ose Gagne« , le bulletin de l’amicale du 1er Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine [RPIMa], s’est fait l’écho dans son dernier numéro.
Cependant, celui-ci n’a pas donné de détails sur ce projet encore en cours de développement, si ce n’est qu’il a été baptisé « BUTHUS » [du nom d’un scorpion que l’on trouve surtout dans le sud de la France] et qu’il repose sur un « panier lance-roquettes à guidage laser, d’une précision métrique et d’une portée utile de 7 km» pouvant être installé sur un… fardier.
Pour rappel, le ministère des Armées a commandé un total 300 véhicules de type fardier [avec 172 remorques] auprès de l’entreprise française UNAC. D’une masse de 2 tonnes, ces engins peuvent être soit parachutés par un avion de transport tactique, soit transportés sous élingue par un hélicoptère NH-90 ou Caracal. Leur armement se compose de deux mitrailleurs de 7,62 mm et ils sont capables de tracter un mortier de 120 mm ou de transporter jusqu’à 400 kg d’équipements grâce à leur remorque.
Cela étant, il n’est pas non plus impossible que ce panier lance-roquettes soit intégré sur le Grizzly, le nouveau « véhicule de reconnaissance et d’avant-garde aéroportée » de la 11e Brigade Parachutiste [BP].
Quant à la roquette que le système BUTHUS est susceptible d’utiliser, la description donnée par le bulletin de l’amicale du 1er RPIMa fait penser à la FZ275 LGR de 70 mm qui, selon Thales, est « la plus légère et la plus compacte du marché », tout en ayant une précision métrique et une portée de 7 km.
Le putsch militaire au Niger — troisième du genre au Sahel ces dernières années — est un nouveau revers pour la France en Afrique de l’ouest, sa zone de prédilection. Et surtout pour ses forces militaires, restées présentes sur le continent plus de soixante ans après la vague des indépendances, et de moins en moins supportées par les populations et les classes politiques locales.
par Philippe Leymarie – Le Monde diplomatique – publié le 2 août 2023
Depuis la défection du Mali, puis du Burkina Faso, le Niger était — avec le Tchad, également gouverné par un régime de type militaire — le seul pays sahélien à accueillir, et même à demander le secours de forces étrangères. Le président Mohamed Bazoum, renversé le 26 juillet dernier par le général Abdourahamane Tchiani, chef de sa garde présidentielle, était un allié fidèle et assumé de la France, même s’il connaissait depuis longtemps les limites de ce pari risqué (1).
La présence renforcée des éléments militaires français avait été assortie de conditions qui en faisaient le « laboratoire » d’un nouveau « partenariat de combat » : une empreinte « modulable et légère » — avec le désir de « ne plus être visible sur le temps long », et une action de terrain placée exclusivement sous commandement nigérien, soulignait en mai dernier (2) le général Bruno Baratz, chef des forces françaises au Sahel, pour qui il fallait « reformater les esprits de nos militaires. On a beaucoup d’unités qui sont passées au Mali et ont connu l’opération Barkhane. Or, ce que font les forces françaises au Niger et au Tchad aujourd’hui n’a rien à voir. On se met vraiment à la disposition des partenaires, on se cale sur leur rythme opérationnel. C’est un changement culturel ».
Montée en puissance
Contrainte en 2022 d’évacuer ses bases au nord et au centre du Mali, puis au début de cette année son emprise de « forces spéciales » au Burkina Faso, et de renoncer à l’ambition régionale incarnée côté français par l’opération Barkhane, et côté africain par le G5-Sahel, Paris avait replié une partie de ses effectifs au Niger, atteignant 1500 hommes, pour mettre en œuvre des moyens essentiellement aériens — chasseurs et drones —, tandis que mille hommes sont restés stationnés au Tchad, ancien centre de commandement de l’opération Barkhane. Au total, les effectifs des troupes françaises au Sahel auront déjà été divisés par deux en quelques mois. Il était prévu qu’ils soient à nouveau réduits d’ici 2025, parallèlement à la montée en puissance de l’armée nigérienne — un pays qui a mis en place « une stratégie de contre-insurrection particulièrement efficace », reconnaissait le général Baratz.
Ce « partenariat de combat » d’un type nouveau, qui s’appliquait notamment dans la zone irrédentiste des « trois frontières », aux limites du Niger, du Mali et du Burkina Faso, où sévissent des groupes armés, et qui semblait fonctionner plutôt bien, ne paraît pas pouvoir être reconduit sous le nouveau régime, qui n’a pas supporté la condamnation immédiate du putsch par Paris, ainsi que la suspension des aides financières, et a accusé la France « d’ingérence », laissant des manifestants dans la capitale s’en prendre à des symboles français et brandir des drapeaux russes. Les incidents du dimanche 30 juillet avaient conduit l’Élysée à menacer la junte d’une « réplique immédiate et intraitable », en cas de menace sur ses ressortissants, militaires, diplomates au Niger ; ils ont motivé la décision le 1er août de rapatrier par voie aérienne militaire les Français et Européens qui le souhaitaient. L’étape suivante devrait être au minimum la suspension, voire l’arrêt de toute coopération militaire avec le Niger.
Les relations avec le gouvernement américain, qui dispose d’une base de drones au nord du pays mais a rapidement condamné le putsch, s’annoncent également problématiques. La solitude militaire à laquelle le Niger risque ainsi de s’astreindre pourrait être périlleuse pour un pays qui est défié sur deux fronts « djihadistes » : au nord-ouest, les attaques dans la zone des « trois frontières » ; au sud-est, les mille deux cents kilomètres de frontière avec le Nigeria, où sévissent les sectes armées de Boko Haram.
Utilité technique
Côté français, la nouvelle formule de coopération militaire avec le Niger faisait partie d’une réforme plus large du dispositif français sur le continent, avec le souci d’alléger encore les effectifs permanents — actuellement près de 6000 hommes — et de transformer le rôle des bases d’Abidjan, Dakar et Libreville : dans ce schéma, elles deviendraient des centres de formation militaire et non plus des points d’appui pour des interventions. La diminution des effectifs en Côte d’Ivoire, et l’accent mis sur l’affectation de coopérants militaires en longue durée — notamment d’enseignants dans les écoles militaires nationales à vocation régionale (ENVR) que Paris soutient depuis leur création — rendront difficile à l’avenir des opérations offensives, comme Serval au Mali, en 2013.
L’heure était, ces derniers mois, à l’africanisation, à la mutualisation de ces emprises qui remontent pour la plupart aux années soixante, voire plus avant… et ont souvent concentré les contestations ou protestations africaines. Aucune ex-puissance coloniale autre que la France n’a ainsi conservé un tel réseau et des capacités militaires aussi étendues sur le continent. L’efficace évacuation en mai dernier de plusieurs centaines de ressortissants français ou européens du Soudan, et l’actuelle opération du même genre au Niger, démontrent l’utilité technique — à défaut de politique — de ce réseau d’implantations.
Dans Afrique XXI, Raphaël Granvaud, de l’association Survie, invitait — avant même ce putsch — à ne pas se laisser abuser par le « trompe-l’oeil » de la « ré-articulation » du dispositif français dans le Sahel, décidée par le président Emmanuel Macron après la dissolution de l’opération Barkhane, et qu’illustraient les nouvelles pratiques militaires au Niger. Il s’agit, selon cet analyste, d’un « ravalement de façade » ; il rappelle que les gouvernements des dernières décennies ont tous promis la fin de la françafrique, la réduction des effectifs militaires, le changement de vocation des bases… et voulu déchirer l’image de « gendarme de l’Afrique » qui a longtemps collé à la peau des Français.
Survivances de la colonisation
Même si les modalités d’un retrait plus que probable des soldats français (et sans doute américains, et autres) du Niger ne sont pas encore détaillées, le putsch de Niamey signe sans doute la fin de l’aventure de l’armée française au Sahel, qui remonte aux temps coloniaux. Et aussi le déclin quasi total d’une arme originale au sein des forces françaises : l’infanterie de marine. Ces troupes, survivantes de la colonisation, sont détentrices d’un savoir-faire acquis dans les interventions outre-mer. Elles revendiquent leur origine populaire, le goût du voyage et de l’aventure, et défendent l’idée d’un soldat attentif aux besoins des populations, comme d’une certaine rusticité (3).
Elles ont été l’ossature des expéditions au Mexique, à Tahiti, en Chine et Cochinchine, en Crimée, Tunisie, à Madagascar, et en Afrique de l’ouest et centrale au XIXe siècle. Renforcés par des unités de spahis et tirailleurs recrutés sur place, les régiments de « marsouins » et « bigors » ont été engagés dans les combats de 14-18, puis en Rhénanie, en Syrie, au Maroc, dans les Balkans. Ils ont formé le gros des volontaires de la France libre, à la fin de la seconde guerre mondiale, puis participé — avec la Légion étrangère — aux opérations de « pacification » à Madagascar, en Indochine, en Algérie.
On les retrouvera, dans la seconde moitié du siècle dernier, et au début du siècle en cours en « forces de souveraineté » dans les départements et territoires d’outre-mer, en « forces de présence » dans les bases militaires en Afrique, et comme fer de lance des interventions extérieures (« opex ») au Tchad, Liban, Nouvelle Calédonie, Djibouti, Afghanistan, et en Europe de l’est ainsi qu’au Sahel — que les forces françaises n’avaient jamais vraiment quitté, avec notamment une présence quasi-permanente au Tchad depuis les débuts de la colonisation.
Omniprésence militaire
Pour la France, déjà évincée de fait en République centrafricaine avant de l’avoir été dans plusieurs pays du Sahel, et dont les principaux alliés en Afrique de l’ouest et du centre (Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Sénégal) risquent d’être confrontés à des contextes difficiles de succession, le putsch au Niger fait figure de nouvel échec politique, après plusieurs autres dans les parages. Aucun bilan de la « guerre perdue » au Mali, par exemple, n’a été mené jusqu’ici, à l’échelon militaire comme politique.
Et la réflexion sur le maintien ou non d’un dispositif militaire qui paraît de plus en plus insupportable aux opinions publiques des pays africains n’a pas été entamée au Parlement ou dans d’autres enceintes de débat, alors même que le poids, l’influence diplomatique, économique et culturelle de la France sur le continent sont sans commune mesure aujourd’hui avec son omniprésence militaire, pour le coup, très « visible », et que les résultats — notamment au Sahel — n’ont pas été à la hauteur des attentes. Trop axée sur le militaire (alors que gendarmes et policiers auraient parfois été plus adaptés), à la recherche d’un ennemi aux contours flous (le « terrorisme »), sur un temps trop long finissant en « occupation » de fait, la stratégie politico-militaire française dans cette région a été victime aussi de ses rigidités « éthiques » : « Jamais avec les djihadistes… Jamais avec Wagner… »
Autres fronts
Même si cette accumulation de déconvenues a l’allure d’une défaite (4), l’armée française ne quittera pas complètement le terrain africain : outre une coopération plus étendue en matière de formation, plus bilatérale et sur mesure, il reste une demande de certains pays en appui à l’antiterrorisme, notamment dans le golfe de Guinée ; et toujours, des ressortissants à exfiltrer dans tel ou tel pays : et, dans les deux cas, du travail pour les forces spéciales » — les moins « visibles » justement.
Pour les militaires français, il reste surtout du grain à moudre sur les autres fronts : déjà, ces derniers mois, il y avait plus d’hommes mobilisés à l’est européen, aux frontières de l’Ukraine, ou en Méditerranée orientale que sur le continent africain. Des forces restent déployées au Proche-Orient, au Liban, en Jordanie, dans les Émirats, à Djibouti, en Irak. Et l’exécutif souhaite développer une stratégie de présence dans l’Indo-Pacifique, et renforcer les emprises dans les départements et territoires d’outre-mer, notamment sur le plan aérien et naval. Mais l’adieu croissant à l’Afrique sera, de fait aussi, un sacré « changement culturel »…
(3) Cf, Michel Goya, « Les troupes de marine, les conquérants de l’outre-terre », Guerres et Histoire n° 33.
(4) Et d’une autre, passée inaperçue : la fin prématurée de l’opération Tabuka, au Mali, dans laquelle Paris avait entraîné plusieurs pays européens, et qui n’a pas survécu l’an dernier au désengagement français.