Quel avenir pour l’hélicoptère de combat ?

Quel avenir pour l’hélicoptère de combat ?

par Gil Mihaely – Revue Conflits – publié le 19 avril 2025


L’hélicoptère de combat ou d’attaque, plateforme essentielle au service des forces terrestres pendant un demi-siècle, semble aujourd’hui entrer dans une phase de remise en question globale. Partout où ils sont utilisés, les flottes vieillissent, et la question de leur renouvellement se pose. Mais est-ce un choix stratégique pertinent, ou conviendrait-il de s’orienter vers d’autres vecteurs ?

La multiplication des pertes russes sur le front ukrainien a provoqué un effet domino dans plusieurs pays, soucieux de préserver à la fois leurs équipages et leurs budgets. Le Japon a ainsi annoncé envisager le retrait progressif de ses principaux hélicoptères d’attaque et de reconnaissance, au profit de drones tactiques jugés plus adaptés aux conditions du champ de bataille contemporain. La France, de son côté, a choisi de renoncer au standard Mk3 du Tigre, censé prolonger et moderniser les capacités de son hélicoptère d’attaque. Officiellement, le retrait de l’Allemagne du programme binational a pesé dans la décision. Mais les déclarations du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, lors d’une audition parlementaire en février 2023, révèlent que les doutes sont en réalité bien antérieurs.

L’hélicoptère sert-il encore à quelque chose ?

Même les États-Unis, pionniers dans l’emploi massif des hélicoptères de combat, ont récemment infléchi leur stratégie. Le 8 février 2024, l’U.S. Army a annoncé la fin du programme FARA (Future Attack Reconnaissance Aircraft), qui devait initialement remplacer les AH-64 Apache et les OH-58D Kiowa Warrior. Ce renoncement marque un tournant : le rotor ne semble plus incarner l’avenir de la manœuvre aéroterrestre, du moins dans sa forme classique.

Ces décisions, prises dans des contextes nationaux différents, mais convergents, traduisent un basculement doctrinal. L’hélicoptère de combat, désormais confronté à la prolifération des capteurs, des drones et des systèmes sol-air, n’est plus le vecteur dominant qu’il fut. Sa pertinence future dépendra de sa capacité à s’insérer dans un écosystème connecté et réactif, ou à céder progressivement sa place à d’autres vecteurs, plus adaptés aux dynamiques du champ de bataille contemporain.

Pour comprendre ce débat, il faut revenir à une question simple : pourquoi continue-t-on d’utiliser des hélicoptères de combat, alors même que les avions à voilure fixe semblent, sur le papier, leur être supérieurs ? En effet, ces derniers sont généralement plus rapides, plus endurants, capables de transporter une charge utile plus importante, tout en étant souvent moins coûteux à l’heure de vol. Pourtant, l’hélicoptère conserve un ensemble de qualités tactiques qui en font un outil unique sur le champ de bataille.

Les atouts de l’hélicoptère

Son principal avantage réside dans sa capacité à manœuvrer à très basse vitesse, à stationner en vol, voire à rester totalement immobile, et à décoller ou atterrir verticalement sans piste. Là où l’avion a besoin d’espace et d’élan, l’hélicoptère peut se poser au cœur du combat, suivre en temps réel la progression d’unités terrestres, ou intervenir dans des zones complexes — montagne, forêt, environnement urbain — inaccessibles à d’autres vecteurs aériens.

Cette aptitude à « habiter » l’espace tactique, à voler au rythme des troupes, à assurer une surveillance constante et un appui-feu au plus près du sol, constitue sa vraie valeur ajoutée. Plus qu’un simple tireur embarqué, l’hélicoptère devient un prolongement mobile et réactif des forces terrestres, capable de frapper, d’observer, de coordonner, et parfois de sauver. C’est cette présence aérienne souple, au contact direct du terrain, que ne peut offrir aucun autre aéronef habité.

Dès la Seconde Guerre mondiale, l’introduction de l’hélicoptère sur le champ de bataille ne s’est pas faite d’abord par la voie de la puissance de feu, mais par celle de l’urgence vitale. Dès la guerre de Corée (1950-1953), puis à plus grande échelle au Vietnam, l’hélicoptère a bouleversé la logistique sanitaire des armées modernes. Pour la première fois, il devenait possible d’évacuer un blessé en quelques minutes, directement depuis la zone de combat, sans avoir à attendre la sécurisation de routes ou à recourir à des convois terrestres lents et exposés.

Cette capacité nouvelle a profondément modifié les doctrines médicales militaires. Elle a permis de mettre en œuvre ce que les Anglo-Saxons nomment le « golden hour », cette heure cruciale durant laquelle une prise en charge chirurgicale rapide augmente de façon significative les chances de survie. Dans les conflits du XXe siècle, cette innovation a fait baisser drastiquement les taux de mortalité des blessés au combat.

Encore aujourd’hui, dans les armées modernes, l’évacuation héliportée reste un pilier de la chaîne sanitaire opérationnelle, notamment dans les opérations spéciales, les théâtres isolés ou les environnements non permissifs. Même face à la montée en puissance des drones, aucun système robotisé ne remplace encore cette capacité d’extraction humaine en conditions critiques, au plus près de la ligne de front.

Transport de troupes

Leur usage militaire offensif naît au Vietnam, face à l’incapacité des avions de chasse à opérer avec précision dans la jungle. Les premiers hélicoptères de combat, comme le Cobra américain, sont conçus pour accompagner les troupes, observer le terrain, identifier les cibles, et frapper avec précision, y compris contre des blindés. D’autres pays, comme la Russie, la Chine ou Israël développent alors leurs propres flottes. L’efficacité de ces appareils est prouvée dans plusieurs conflits, notamment au Liban ou en Afghanistan.

En Asie, deux puissances montantes ont également intégré l’hélicoptère de combat dans leurs doctrines : l’Inde et la Chine. L’Inde, confrontée à des frontières disputées et à des environnements extrêmes comme le Ladakh, a massivement investi dans les hélicoptères à haute altitude. Elle opère des Apache AH-64E américains, mais développe aussi des programmes indigènes, comme le Light Combat Helicopter (LCH), conçu pour opérer jusqu’à 5 000 mètres d’altitude, comme el Ladakh. Dans cette région, théâtre d’affrontements réguliers entre troupes indiennes et chinoises, l’hélicoptère de combat s’est imposé comme un atout majeur face aux contraintes de l’altitude et de l’isolement. Lors des tensions de 2020, l’Inde a déployé ses AH-64 Apache et ses hélicoptères légers LCH pour assurer des missions de reconnaissance armée, d’intimidation et de soutien aux forces au sol dans un environnement où l’aviation à voilure fixe est difficilement exploitable. L’Inde voit l’hélicoptère de combat comme un outil tactique, mais aussi stratégique, notamment pour affirmer sa souveraineté sur ces zones contestées de très haute altitude. Dans un environnement montagneux où les avions de chasse ne peuvent pas toujours manœuvrer efficacement, l’hélicoptère conserve une capacité de réaction inégalée.

La Chine, de son côté, a mis en service le Z-10, hélicoptère d’attaque moderne, accompagné du plus léger Z-19. Si leur efficacité reste débattue, la Chine poursuit une modernisation rapide de ces plateformes et les intègre dans une doctrine de guerre informatisée. Pékin considère que l’hélicoptère ne peut plus opérer seul : il doit fonctionner en réseau avec des drones, des systèmes de guerre électronique, et des capacités d’artillerie longue portée. Dans le détroit de Taïwan, les manœuvres chinoises font souvent appel à ces appareils pour simuler des opérations amphibies ou des percées mécanisées, preuve que l’Armée populaire de libération continue de miser sur cette capacité.

La France et ses hélicoptères

La France, pour sa part, tarde à s’engager dans la création d’un hélicoptère de combat dédié. Pendant longtemps, elle modifie des appareils de reconnaissance, comme la Gazelle, en les armant de missiles. Cette posture résulte d’une doctrine centrée sur la dissuasion nucléaire et des opérations expéditionnaires légères. Ce n’est qu’à partir des années 1980 que la France, avec l’Allemagne, lance le programme Tigre, dans une logique de souveraineté européenne. Entré en service en 2005, le Tigre est engagé en Afghanistan, en Libye et au Sahel. S’il se montre efficace sur le plan tactique, sa disponibilité reste faible et son entretien coûteux. Face à l’émergence des drones et à la vulnérabilité accrue face aux missiles portables, la pertinence du programme est remise en question. La France choisit pourtant de prolonger l’aventure avec le Tigre MkIII, modernisé pour intégrer les opérations en réseau, tandis que l’Allemagne se retire du projet.

Dans d’autres pays, les doutes émergent dès les années 1990. Le succès des frappes précises menées par des avions lors de la guerre du Golfe, combiné à la montée en puissance des armes anti-aériennes, révèle la fragilité de l’hélicoptère sur le champ de bataille. Lors de la guerre du Kosovo, les États-Unis refusent d’engager leurs Apache, de peur des pertes. En Irak, en 2003, une opération à Kerbala avec 31 hélicoptères d’attaque vire au fiasco : deux sont abattus, les autres gravement endommagés.

En parallèle, des vecteurs alternatifs apparaissent : les avions de soutien léger comme le A-10 offrent une plus grande autonomie, une charge utile plus importante et un coût réduit. Difficile d’imaginer aujourd’hui une mission que l’hélicoptère pourrait accomplir mieux qu’eux, à l’exception de certaines opérations de sauvetage ou de débarquement sous feu ennemi. Et pourtant, les États-Unis poursuivent la production d’hélicoptères de combat. Cette réalité s’explique en partie par l’accord de Key West de 1948, qui interdit à l’US Army d’utiliser des avions d’attaque. N’étant pas concernés par cette restriction, les Marines se tournent quant à eux vers des avions multirôles et des tiltrotors comme le MV-22 Osprey, tandis que l’armée de terre entretient une flotte massive d’Apache pour conserver une capacité d’appui-feu autonome.

Face à l’Ukraine

En Ukraine, l’expérience opérationnelle des hélicoptères de combat s’est révélée contrastée. L’armée russe les a engagés dans trois types de missions : l’appui aux troupes aéroportées, l’interdiction des percées blindées et les tirs d’artillerie depuis les airs. Mais dans les faits, ces déploiements ont largement échoué, en particulier lors des trois batailles décisives du début de l’invasion, que l’on peut considérer comme ayant sauvé l’Ukraine : Hostomel (25 février 2022), Vasilkiv (26 février 2022) et Voznessensk (2–3 puis 9–18 mars 2022). À chaque fois, les hélicoptères d’assaut et d’escorte n’ont pas réussi à assurer la couverture des forces aéroportées russes, qui ont été décimées avant même la jonction avec les unités terrestres. Ces revers ont mis en évidence les limites de l’emploi des hélicoptères dans des environnements saturés de défenses aériennes légères et de missiles sol-air portables.

Les missions antichars, menées par des Ka-52 et Mi-28 équipés de missiles guidés, ont obtenu quelques succès locaux, notamment en freinant certaines tentatives ukrainiennes de percées mécanisées. Toutefois, ces actions, conduites à longue distance et souvent en vol rasant pour éviter la défense antiaérienne, n’ont produit aucun effet décisif face à l’usage massif de drones armés et de l’artillerie ukrainienne. Plus encore, elles ont révélé la vulnérabilité croissante de ces plateformes dans un environnement saturé de capteurs et de systèmes de ciblage autonomes.

Enfin, l’emploi tactique des hélicoptères comme artillerie volante, consistant à tirer des roquettes non guidées depuis une trajectoire d’évitement rapide, s’est révélé inefficace. Hérité de conflits passés, ce mode opératoire, assimilable à des tirs d’« artillerie volante » hasardeux, expose des plateformes coûteuses et vulnérables pour un effet au sol limité et imprécis. L’expérience russe en Ukraine illustre les limites de cette approche : les hélicoptères, contraints de voler à basse altitude pour éviter les défenses sol-air, ne parviennent ni à délivrer des feux précis ni à survivre durablement sur un champ de bataille saturé de menaces. Cette impasse tactique a été résumée de manière saisissante dans un rapport du think tank britannique Royal United Services Institute (RUSI) : « Dans les conflits modernes, ce n’est pas l’hélicoptère qui s’adapte au champ de bataille, c’est le champ de bataille qui rejette l’hélicoptère mal employé. »

(Jack Watling, chercheur au Royal United Services Institute (RUSI). Elle figure dans le rapport intitulé « The Russian Air War and Ukrainian Requirements for Air Defence », publié en novembre 2022, https://rusi.org/explore-our-research/publications/special-resources/russian-air-war-and-ukrainian-requirements-air-defence)

Pourtant, la Russie continue d’affirmer la centralité de l’hélicoptère de combat dans sa doctrine militaire. Loin d’abandonner cette capacité malgré les pertes en Ukraine, Moscou cherche à la réinventer. Depuis le début de la guerre, les hélicoptères russes, notamment les Ka-52 et Mi-28, ont subi des pertes importantes. Néanmoins, le Kremlin ne remet pas en cause leur utilité. Bien au contraire : les efforts ont été redoublés pour moderniser les plateformes existantes. Le Ka-52M et le Mi-28NM, par exemple, sont en cours d’intégration, avec des capteurs améliorés, une meilleure protection balistique et des liaisons de données sécurisées.

Cette persistance tient à plusieurs facteurs : l’ampleur du territoire russe, la doctrine héritée d’une guerre mécanisée de masse, et la conviction que l’hélicoptère, s’il est inséré dans une architecture tactique renouvelée, conserve sa pertinence. En parallèle, la Russie développe aussi des drones de combat lourds, comme le S-70 Okhotnik-B, misant sur une complémentarité entre moyens habités et non habités. Pour Moscou, l’expérience ukrainienne n’a pas signé la fin de l’hélicoptère de combat, mais plutôt précipité sa transformation.

Israël, confronté à une autre configuration tactique, a choisi de maintenir et moderniser ses hélicoptères Apache. L’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 a souligné l’importance d’une réponse immédiate et adaptée, dans un théâtre où la proximité des menaces empêchait l’intervention d’autres vecteurs. Les hélicoptères ont permis l’appui-feu rapproché, la coordination avec les forces au sol, l’évacuation sous le feu. Leur rôle s’est avéré crucial, mais strictement localisé, et limité à un environnement contrôlé par ailleurs par une supériorité technologique et organisationnelle.

Les limites du modèle

Mais ces exemples montrent aussi les limites du modèle. Dans un espace aérien bas saturé de drones kamikazes et de munitions rôdeuses, l’hélicoptère de combat est un colosse vulnérable. Il peut certes repérer et neutraliser ponctuellement certaines menaces, mais il n’est ni conçu ni adapté pour intercepter efficacement des vagues de microdrones. Il est visible, lent, et chaque minute de vol dans un tel environnement l’expose à la destruction.

Aujourd’hui, la défense anti-drones repose sur des systèmes dédiés : radars, brouilleurs, munitions interceptrices, canons à très courte portée, lasers. L’hélicoptère peut y trouver une place marginale, comme relais de détection ou plate-forme de coordination, mais ne peut plus être le pivot de la maîtrise du TBA.

Enfin, comme on l’avait constaté dans le cas américain, l’hélicoptère de combat occupe une position doctrinale ambivalente dans les forces armées contemporaines, et ce n’est pas une question administrative mineure. Ni tout à fait aérien, ni totalement terrestre, il se situe à l’intersection de deux logiques opérationnelles souvent contradictoires : celle de la maîtrise de la troisième dimension, traditionnellement confiée à l’armée de l’air, et celle du combat interarmes, propre à l’armée de terre. Selon les pays, ce dilemme a été tranché en faveur de l’une ou l’autre de ces visions, révélant ainsi des conceptions profondément différentes de l’art de la guerre.

Armée de l’Air ou de Terre ?

Dans certains États, les hélicoptères de combat sont placés sous l’autorité de l’armée de l’air, qui les considère comme une extension de ses moyens d’action, au même titre que les avions d’attaque au sol. C’est notamment le cas de la Russie, où les forces aérospatiales (VKS) opèrent des appareils tels que les Ka-52 et Mi-28, y compris pour des missions d’appui direct aux troupes terrestres. Cette centralisation reflète une volonté de maîtrise unifiée de la dimension aérienne, mais elle se heurte à des difficultés persistantes de coordination interarmes, comme l’ont montré les déboires russes en Ukraine. Israël appartient également à cette catégorie : les hélicoptères d’attaque, principalement des AH-64 Apache, sont intégrés à l’armée de l’air israélienne, et non aux forces terrestres. Cette organisation repose sur une conception intégrée de la puissance aérienne, dans laquelle les moyens à voilure tournante et fixe participent d’un même continuum stratégique. De même, l’Algérie et, dans une certaine mesure, la Chine ont opté pour une gestion aérienne centralisée de leurs hélicoptères de combat.

À l’inverse, d’autres puissances ont fait le choix d’une autonomie complète des forces terrestres en matière de moyens d’appui hélicoptère. Les États-Unis illustrent de façon exemplaire cette logique : l’U.S. Army dispose d’une aviation autonome, dotée de milliers d’appareils – en particulier les AH-64 Apache – considérés comme des vecteurs organiques du combat terrestre. L’armée de l’air américaine n’intervient pas dans leur emploi opérationnel. La France suit une approche similaire avec son Aviation légère de l’armée de Terre (ALAT), qui exploite les hélicoptères Tigre et NH90 pour l’appui-feu, la reconnaissance ou l’aéromobilité. Cette organisation favorise la souplesse tactique et l’intégration directe dans la manœuvre au sol. L’Allemagne, l’Italie ou encore le Royaume-Uni ont également confié l’emploi des hélicoptères d’attaque à leur armée de terre respective, en soulignant leur rôle essentiel dans les opérations interarmes.

Certains pays enfin adoptent une structure hybride ou en transition. C’est le cas de l’Inde, longtemps marquée par une prédominance de l’armée de l’air, mais qui développe désormais une aviation de terre autonome pour ses hélicoptères d’attaque. La Turquie, quant à elle, partage les moyens entre les forces terrestres et d’autres branches (gendarmerie, forces spéciales), selon les besoins spécifiques de chaque composante.

Ce clivage entre armée de l’air et armée de terre dépasse le simple organigramme. Il engage une philosophie du combat : centraliser l’hélicoptère au sein d’une force aérienne, c’est le rattacher à une logique de frappe et de supériorité dans la profondeur ; le confier à la terre, c’est l’inscrire dans la manœuvre immédiate, dans la dynamique du contact. Chaque modèle présente ses avantages et ses limites. La centralisation peut offrir une gestion plus rationnelle des ressources, mais au prix d’une réactivité tactique moindre. L’autonomie terrestre favorise l’agilité, mais suppose une interopérabilité fluide entre les systèmes sol et air, souvent difficile à atteindre.

Cette diversité organisationnelle se prolonge dans les structures de formation des équipages. Là encore, deux modèles s’opposent. Dans les pays où l’hélicoptère de combat relève de l’armée de l’air, celle-ci conserve un monopole sur la formation de ses pilotes, depuis la sélection initiale jusqu’à l’instruction tactique. C’est le cas en Israël, où les équipages d’Apache sont issus de la filière unique de l’armée de l’air, laquelle unifie la formation des pilotes de chasse, de transport et d’hélicoptères de combat selon une logique centralisée. En Russie également, les académies aériennes des forces aérospatiales assurent l’intégralité de la formation des pilotes de Ka-52 ou de Mi-28, dans le prolongement d’une doctrine soviétique qui subordonnait déjà le rotor à l’aviation militaire. Cette centralisation garantit une cohérence doctrinale, mais tend à éloigner les pilotes d’hélicoptère de la culture propre au combat terrestre.

À l’inverse, dans les pays où les hélicoptères de combat sont intégrés à l’armée de terre, la formation est assurée par cette dernière, dans un cadre doctrinal cohérent avec l’emploi tactique attendu des appareils. Aux États-Unis, l’U.S. Army dispose de ses propres écoles et centres de formation, notamment à Fort Novosel, où les pilotes d’Apache suivent un cursus entièrement distinct de celui de l’Air Force. La France, avec son Aviation légère de l’armée de Terre, forme ses pilotes à l’École de Dax, dans une filière spécifique qui privilégie la compréhension fine des opérations interarmes. Cette logique de formation organique permet une meilleure intégration des pilotes au sein des unités terrestres, au prix parfois d’un cloisonnement technologique ou logistique vis-à-vis des autres forces aériennes.

Le cas indien

Certaines nations adoptent une approche mixte, comme l’Inde, qui tend à faire évoluer un modèle longtemps dominé par l’armée de l’air vers une autonomie croissante de l’armée de terre en matière de formation. D’autres, comme la Turquie, partagent les rôles entre différentes structures selon les besoins des forces concernées. Dans tous les cas, la question de la formation des équipages ne se réduit pas à une simple gestion des compétences techniques : elle constitue un révélateur doctrinal majeur, un point d’articulation entre vision stratégique, culture opérationnelle et organisation des forces. Former un pilote d’hélicoptère de combat, c’est déjà lui assigner une fonction dans la grammaire du combat : aérienne ou terrestre, centralisée ou interarmes, stratégique ou tactique.

À cette divergence dans la formation des pilotes correspond, de manière logique, une structuration parallèle en ce qui concerne la maintenance, la formation des techniciens et la gestion logistique des hélicoptères de combat. Dans les armées où ces appareils relèvent de l’armée de l’air, la maintenance est assurée par des personnels techniques formés et commandés par cette même armée, selon des standards homogènes à l’ensemble de la flotte aérienne. C’est le cas en Israël, où la Heyl HaAvir conserve le monopole sur l’entretien des AH-64 Apache, les techniciens étant formés dans un cursus commun à celui des autres appareils aériens. En Russie également, les équipes de maintenance dépendent des forces aérospatiales, y compris lorsqu’elles interviennent en appui des troupes terrestres, ce qui peut parfois générer des frictions ou des délais dans les environnements décentralisés. À l’inverse, dans les pays où les hélicoptères de combat sont intégrés à l’armée de terre, celle-ci développe ses propres structures de soutien, avec des techniciens formés en interne et des capacités de maintenance et de gestion logistique conçues pour fonctionner au plus près du front. Aux États-Unis, l’U.S. Army forme ses mécaniciens à Fort Novosel et gère l’ensemble de la chaîne technique et logistique de ses AH-64 Apache. En France, l’ALAT dispose de ses propres filières de formation technique, distinctes de celles de l’armée de l’air, et les opérations de maintenance sont intégrées aux régiments. Ce modèle organique favorise une plus grande autonomie tactique et une meilleure continuité entre emploi opérationnel et soutien technique. Toutefois, il implique une duplication des structures entre les différentes armées, au risque de la redondance et de la complexité interarmées. La logistique de l’hélicoptère de combat, loin d’être un simple enjeu technique, révèle ainsi les tensions structurelles entre centralisation aérienne et décentralisation terrestre, entre interopérabilité et souveraineté tactique.

À l’heure où les conflits contemporains redéfinissent les rapports entre drone, artillerie et hélicoptère, cette question reste plus que jamais ouverte : l’hélicoptère de combat est-il encore un outil aérien, ou bien est-il devenu une composante du combat terrestre, pilotée depuis le ciel ? À cette interrogation, chaque nation apporte une réponse qui reflète non seulement ses priorités opérationnelles, mais aussi sa culture stratégique. En somme, l’hélicoptère de combat demeure utile, mais dans un rôle redéfini. Il conserve une pertinence pour l’appui réactif, les interventions rapides et la coordination interarmes. Toutefois, il n’est plus l’instrument de domination qu’il a pu incarner dans les conflits du passé. Sa survie opérationnelle passe désormais par son intégration dans un écosystème plus vaste, connecté, distribué, et articulé autour de capteurs, de drones et de feux longue portée. C’est à cette condition qu’il pourra éviter l’obsolescence, et ne pas devenir une variable d’ajustement dans les arbitrages budgétaires difficiles qui s’annoncent.

C’est quoi le nouvel hélicoptère NH90, spécialement conçu pour les Forces spéciales ?

C’est quoi le nouvel hélicoptère NH90, spécialement conçu pour les Forces spéciales ?

« 20 Minutes » vous détaille la nouvelle version de l’hélicoptère NH90, dévoilée la semaine dernière lors du salon des Forces spéciales Sofins qui se tenait sur le camp de Souge en Gironde

Mickaël Bosredon
par Mickaël Bosredon – 20minutes – 

L’essentiel

  • Le nouvel hélicoptère NH90 Caïman pour les Forces spéciales, ou NH90 Standard 2, a été présenté pour la première fois publiquement lors du salon pour les Forces spéciales Sofins, que 20 Minutes a suivi la semaine dernière au camp de Souge en Gironde.
  • Parmi les nouveautés qui le distinguent du NH90 conventionnel, le NH90 FS voit l’apparition d’une nouvelle boule optronique disposée à l’avant de l’appareil, l’Euroflir 410 de chez Safran, composée de plusieurs caméras et d’un pointeur laser.
  • Dix-huit exemplaires seront livrés entre 2026 et 2029 au 4e Régiment d’hélicoptères des Forces spéciales de Pau, en remplacement de leurs Cougar et Caracal.

Avec son nez proéminent, il a été l’une des grandes attractions du Sofins, le salon des Forces spéciales, qui s’est tenu la semaine dernière sur le camp de Souge en Gironde. Le nouvel hélicoptère NH90 Caïman pour les Forces spéciales, ou NH90 Standard 2, y a été présenté pour la première fois publiquement.

L’appareil qui peut embarquer 20 commandos, équipera le 4e Régiment d’hélicoptères des Forces spéciales (RHFS) de Pau à partir de 2026. Dix-huit exemplaires leur seront livrés jusqu’en 2029, en remplacement de leurs Cougar et Caracal, ces derniers rejoignant les rangs de l’armée de l’Air. L’armée de Terre de son côté dispose depuis le mois de février de l’ensemble des 63 NH90 « conventionnels » qui devaient lui être attribués. Ils sont répartis au sein des 1er, 3e et 5e régiments d’hélicoptères de combat. Ce qui veut dire que l’armée de Terre ne vole plus, quasiment, qu’avec du NH90 Caïman, conventionnel ou standard 2.

Il peut voir à plusieurs kilomètres de jour comme de nuit

Mais quelles différences existe-t-il entre les deux versions de l’appareil ? Nous avons interrogé Airbus Helicopters, la maison mère de NHIndustries chargé de la construction des NH90. « Nous sommes partis de la version conventionnelle, et y avons ajouté des capacités destinées aux Forces spéciales, explique à 20 Minutes Emmanuel Huberdeau, responsable de la communication chez Airbus Helicopters. Il y a quatre grandes nouveautés, avant qu’une cinquième ne vienne se rajouter dans un second temps. »

Le NH90 pour les Forces spéciales dispose de plusieurs innovations par rapport au NH90 standard.
Le NH90 pour les Forces spéciales dispose de plusieurs innovations par rapport au NH90 standard. - Anthony Pecchi

La première nouveauté consiste en l’apparition d’une nouvelle boule optronique disposée à l’avant de l’appareil, l’Euroflir 410 de chez Safran. « Le NH90 ne disposait jusqu’ici que d’une caméra pour aider le pilote, alors que cette boule optronique propose plusieurs caméras et un pointeur laser, pour aller voir très loin, identifier de jour comme de nuit ce qu’il se passe à longue distance, explique Emmanuel Huberdeau. C’est le tout dernier système développé, et cela représente une vraie plus-value pour l’équipage qui peut voir à plusieurs kilomètres la zone où il doit intervenir, identifier des ennemis au sol, et suivre des opérations en cours. »

La deuxième nouveauté, en lien avec l’Euroflir 410, se trouve dans l’installation d’une console dans le cockpit. Celle-ci va permettre au mécanicien navigant, le « troisième homme » de l’équipage avec le pilote et le chef de bord, de prendre un rôle plus important. « Il va à la fois contrôler la caméra et avoir accès à un certain nombre d’informations, par exemple de cartographie, ou sur la situation tactique. Il sera davantage acteur de la mission, ce qui soulagera l’équipage, notamment dans les moments un peu tendus. Ce dernier pourra ainsi davantage se concentrer sur l’aspect pilotage. Cela ouvre la possibilité à des missions plus complexes, avec plusieurs appareils et des drones. »

Envoyer des drones depuis l’hélicoptère

Une armoire a également été ajoutée sur laquelle les Forces spéciales peuvent connecter leurs systèmes de communications. « Elles ont en effet des systèmes qui ne sont pas les mêmes que ceux des forces conventionnelles, notamment par satellite, explique Emmanuel Huberdeau. Elles pourront donc y brancher leurs radios. » Enfin, quatrième élément, qui est très visible de l’extérieur : « Nous avons agrandi les hublots à l’arrière de l’appareil, que l’on a transformés en sabords [ouvertures], pour pouvoir embarquer des mitrailleuses Mag 58 qui sont des armes d’autoprotection, notamment lorsque l’appareil se pose. » Sur le NH90 conventionnel, « ces armes sont placées à la porte où l’équipage doit embarquer et débarquer, ce qui n’est pas une position idéale pour les Forces spéciales. En les mettant à l’arrière on dégage totalement la porte. »

La mitrailleuse Mag58 a été déplacée à l'arrière de l'apapreil, sur le NH90 pour les Forces spéciales.
La mitrailleuse Mag58 a été déplacée à l’arrière de l’apapreil, sur le NH90 pour les Forces spéciales. - Mickaël Bosredon / 20 Minutes

Les Forces spéciales ont par ailleurs demandé qu’une cinquième capacité soit ajoutée, « celle de pouvoir contrôler des drones ». « C’est une solution sur laquelle nous travaillons déjà, et qui consiste en une tablette que l’on vient brancher sur l’hélicoptère, et depuis laquelle on accède aux capteurs des drones et à leur plan. Les militaires pourront ainsi envoyer un ou plusieurs drones en vol, sur la zone de posé, pour en connaître le contexte. Cela devrait arriver dès 2027 sur les appareils. »

Vision de l’environnement en 3D

Une deuxième étape est prévue, au cours de laquelle le système DAS, développé par Safran et Thales, devrait aussi être intégré. « Il s’agit d’un système de caméras intégré dans le nez de l’appareil et qui regardent tout autour, à l’avant de l’hélicoptère, recréant dans le casque du pilote une vision synthétique du monde qui l’entoure, que ce soit de nuit ou par mauvais temps. Le pilote a ainsi une vision en 3D, ce qui est une plus-value pour aller dans des environnements encore plus difficiles », détaille Emmanuel Huberdeau, qui précise toutefois que cette étape « n’est pas encore contractualisée ».

Reste à savoir si toutes ces innovations pourront un jour bénéficier à l’ensemble des NH90 conventionnels de l’armée de Terre ? « Cela a été évoqué par le passé, et peut-être qu’un jour on rappellera les NH90 pour les mettre au standard 2, mais ce n’est absolument pas budgétisé pour le moment, et cela ne reste donc qu’un éventuel projet à l’heure actuelle. »

La Direction générale de l’armement a fait franchir un « premier jalon » à la coopération drone / hélicoptère

La Direction générale de l’armement a fait franchir un « premier jalon » à la coopération drone / hélicoptère


L’idée de mettre en œuvre un drone aérien [voire plusieurs] depuis un hélicoptère n’est pas nouvelle : le Tigre porté au standard MK2+ ainsi que le NH-90 devraient disposer de cette capacité qui, appelée MUM-T [pour Manned-Unmanned Teaming], a récemment fait l’objet d’une démonstration organisée par Airbus Helicopters et Leonardo dans le cadre du projet MUSHER.

Ainsi, l’Aviation légère de l’armée de Terre [ALAT] développe le concept de « dronisation de l’aérocombat », qui est dans ses « cartons » depuis quinze ans, selon son commandant, le général David Cruzille. « Le drone, aujourd’hui, c’est une belle opportunité. Il y a un tel bond technologique que l’on peut passer de la doctrine à la mise en œuvre », a-t-il d’ailleurs récemment souligné, lors d’un entretien diffusé par le Commandement du combat futur [CCF].

Outre la notion d’Engins Lancés par Aéronefs [ELA], l’ALAT envisage le développement d’un drone tactique d’aérocombat [DTA], capable d’évoluer, comme un ailier, au côté d’un hélicoptère habité. Selon le CCF, il permettrait de « préserver l’effet de masse et d’augmenter la liberté d’action du chef en fonction du niveau de risque ou de complexité de l’enjeu opérationnel ».

En attendant, il s’agit de défricher le terrain… D’où les essais simulés de coopération entre des drones et un hélicoptère, conduits en février par DGA Essais en Vol [DGA EV] avec le concours de pilotes du Groupement aéromobile de la Section technique de l’armée de Terre [GAMSTAT], du 3e Régiment d’hélicoptères de combat [RHC], en pointe dans l’élaboration de la doctrine d’emploi des futurs ELA, et du 4e Régiment d’hélicoptères des forces spéciales [RHFS].

Cette campagne d’essais avait trois objectifs : définir les interactions « les plus pertinentes » entre les équipages et les drones, mesurer la charge cognitive des personnels navigants et évaluer une « interface tactile pour la gestion des drones ».

Le scénario a consisté à mener « une mission de reconnaissance offensive d’un hélicoptère appuyé par deux drones. Cette mission a été découpée en plusieurs phases élémentaires qui ont été jouées plusieurs fois chacune en variant les niveaux d’interopérabilité [LOI] et la configuration de l’équipage [à 2 ou à 3]. Pour chaque phase, des mesures subjectives et physiologiques de la charge cognitive des équipages ont été réalisées pour évaluer leur capacité à gérer toutes les tâches induites », explique la Direction générale de l’armement [DGA].

Quant à l’interface tactile, elle permettra « d’interagir avec une cartographie, d’afficher les informations venant des drones et de prendre le contrôle de ceux-ci [création et assignation du plan de vol, contrôle de la charge utile] », précise-t-elle, avant de se féliciter d’avoir franchi un « premier jalon ».

Les résultats de ces essais, réalisés grâce à « plusieurs simulateurs interconnectés », seront utilisés pour développer une capacité analogue pour la Marine nationale et l’armée de l’Air & de l’Espace ainsi que pour préparer un « projet d’étude amont devant intégrer des briques technologiques développées par l’industrie. »

« Cet apport améliorera la représentativité de certaines fonctionnalités, augmentera l’autonomie fonctionnelle intégrée dans les systèmes, drones ou hélicoptères, permettra d’affiner les scénarios d’emploi et devra déboucher sur la conduite d’essais en vol hybridés avec la simulation », conclut la DGA.

Photo : DGA

L’État-major de l’ALAT va s’installer à Metz

L’État-major de l’ALAT va s’installer à Metz

A partir de l’été prochain, l’Etat-major de l’ALAT va poser ses valises dans la ville de Metz.

par Jean-Baptiste Leroux – armees.com – Publié le,
Un hélicoptère Tigre de l'ALAT. Wikipedia
Un hélicoptère Tigre de l’ALAT. Wikipedia | Armees.com

Dès l’été prochain, Metz accueillera l’état-major de l’Aviation légère de l’Armée de Terre (ALAT). Un renforcement militaire et économique significatif pour la ville.

Un transfert en plusieurs étapes

Avec l’arrivée du commandement de l’Aviation légère de l’Armée de Terre (ALAT), Metz renforce sa présence militaire. Ce déménagement, prévu dès l’été, constitue un tournant stratégique après la perte de plusieurs unités en 2008. Cette relocalisation s’inscrit dans la volonté de rééquilibrer les implantations militaires sur le territoire français.

Actuellement basé à Vélizy-Villacoublay, l’ALAT compte 145 militaires et civils. Une centaine d’entre eux intégreront Metz dès les premiers mois, tandis que les autres suivront progressivement sur les deux à trois prochaines années. Certains postes seront pourvus par des recrutements locaux.

Un choix géographique stratégique

L’arrivée de nouveaux militaires et de leurs familles dynamisera l’économie locale. Des dispositifs municipaux ont été mis en place pour faciliter leur intégration. En plus de renforcer le tissu économique, cette installation contribue à redonner un poids stratégique à Metz sur la carte militaire nationale.

La Lorraine s’est imposée comme un choix logique pour l’installation du commandement de l’ALAT. La présence des régiments d’hélicoptères de combat de Phalsbourg et d’Étain garantit une synergie opérationnelle idéale. Cette proximité facilite également la coordination avec d’autres unités spécialisées.

Des infrastructures modernisées

Le commandement de l’ALAT s’établira dans la caserne Ney, en plein cœur de Metz. Rénovés pour répondre aux exigences contemporaines, ces locaux offriront aux militaires un cadre de travail optimal. Cet investissement marque aussi une réhabilitation bienvenue d’un site historique de la ville.

Metz retrouve une place clé dans l’organisation militaire française. Après la fermeture de la base de Frescaty, ce retour d’un commandement prestigieux est perçu comme une reconnaissance de l’importance stratégique de la ville. L’installation de l’ALAT représente bien plus qu’un simple déménagement : elle s’inscrit dans un projet global de renforcement des capacités de l’armée de Terre.

La DGA livre deux hélicoptères Caracal à l’armée de l’Air et de l’Espace

La DGA livre deux hélicoptères Caracal à l’armée de l’Air et de l’Espace

par Antony Angrand – Air & Cosmos – publié le 17 janvier 2025

Le 20 décembre 2024, la Direction générale de l’armement (DGA) a livré à l’armée de l’Air et de l’Espace deux hélicoptères H225M Caracal. Ces livraisons sont les deux premières d’une commande de huit appareils effectuée en avril 2021 au titre du plan de soutien aéronautique à Airbus Helicopters. Ces appareils portent la dotation des forces à 21 hélicoptères, dont treize à l’armée de l’Air et de l’Espace et huit à l’Aviation légère de l’armée de terre (ALAT).


Deux premières livraisons sur 8 machines commandées 

Le 20 décembre 2024, la Direction générale de l’armement (DGA) a livré à l’armée de l’Air et de l’Espace deux hélicoptères H225M Caracal. Ces livraisons sont les deux premières d’une commande de huit appareils effectuée en avril 2021 au titre du plan de soutien aéronautique à Airbus Helicopters. Ces appareils portent la dotation des forces à 21 hélicoptères, dont treize à l’armée de l’Air et de l’Espace et huit à l’Aviation légère de l’armée de terre (ALAT).

Deux hélicoptères aux équipements accrus

Les deux hélicoptères livrés bénéficient d’améliorations par rapport aux versions précédentes : une détection accrue avec la caméra optronique de dernière génération l’Euroflir 410, un cockpit modernisé et équipé de quatre écrans multifonctions 10×8 pouces (soit 25,4 x 20,32 cm), une navigation plus précise avec le GPS CMA5024, de nouvelles radios et treuils électriques, ainsi que deux phares orientables supplémentaires (blanc et infrarouge) pour les opérations de nuit.

Industrie française 

Cette commande bénéficie très majoritairement à l’industrie française, dont Airbus Helicopters et ses principaux sous-traitants Safran Helicopter Engines, Safran Electronics & Defense et Thales. Dernier né de la famille des hélicoptères Puma / Super Puma / Cougar, le Caracal a été mis en service au sein des forces en 2006. Il est optimisé pour effectuer des missions de recherche et de sauvetage au combat, de transport tactique ou d’évacuation sanitaire de jour comme de nuit.

Des Caracal pour l’outre-mer

Grâce à sa perche de ravitaillement en vol, le Caracal dispose d’une allonge et d’une autonomie parmi les meilleures de sa catégorie, lui permettant d’assurer ses missions en France et sur les théâtres d’opérations. Ces hélicoptères sont destinés à remplacer les Puma de l’armée de l’Air et de l’Espace actuellement basés en outre-mer et à l’étranger (Guyane, Nouvelle-Calédonie et Djibouti). L’équipement de ces deux hélicoptères comprendra, en fonction des missions, deux mitrailleuses MAG 58 7,62 mm montées en sabord et canon de 20 mm SH20, systèmes électro-optique (FLIR) – caméra infrarouge, télémètre laser, pointeur laser, système PLS (Personnal Locating System) de localisation des personnels tombés en zone hostile, détecteur de départ de missile, d’alerte laser, d’alerte radar, lance-leurres et blindage.

La dimension aéroterrestre, un enjeu stratégique pour l’armée de Terre

La dimension aéroterrestre, un enjeu stratégique pour l’armée de Terre

IHEDN – publié le 25/11/2024

https://ihedn.fr/lundis-de-lihedn/la-dimension-aeroterrestre-un-enjeu-strategique-pour-larmee-de-terre/


Mis en valeur lors de la présentation de l’armée de Terre la semaine dernière à l’École militaire, l’espace aéroterrestre est de plus en plus essentiel pour la mobilité tactique et stratégique. Décryptage.

Pour son édition 2024, la présentation de l’armée de Terre (PAT) mettait en avant les « Enjeux et finalités du milieu aéroterrestre » à l’École militaire. Un profane pourrait s’étonner : quel lien entre le milieu aérien et une armée terrestre ? La réponse est que ces liens sont très nombreux, et prennent une importance croissante dans l’évolution contemporaine des conflits.

Sur des théâtres de plus en plus complexes, la dimension aéroterrestre vise à accroître l’efficacité opérationnelle. Selon les opérations, il y a bien évidemment une coordination stratégique entre l’armée de Terre et l’armée de l’Air et de l’Espace. Mais en son sein même, l’armée de Terre recèle aussi des capacités aériennes, qui composent la dimension aéroterrestre avec les forces au sol.

Les principaux usages aéroterrestres sont les suivants : renseignement et surveillance par drones et capteurs aériens, appui feu aérien pour les forces terrestres, transport tactique et logistique, opérations aéromobiles et parachutistes, et enfin défense sol-air contre les menaces aériennes.

La plus connue des capacités aéroterrestres est sans doute l’Aviation légère de l’armée de Terre (ALAT). Disposant d’environ 300 aéronefs (surtout des hélicoptères), elle sert au repérage des cibles, au combat antichars ou au transport de soldats, apportant à l’armée une mobilité rapide et un appui feu crucial pour les unités déployées.

L’ALAT inclut des hélicoptères de combat (comme le Tigre), d’assaut (NH90 Caïman), et un modèle multitâches, le Guépard (Airbus H160M).

Aboutissement d’un programme lancé en 2017, le Guépard brille par sa polyvalence, puisqu’il remplace 5 modèles précédemment utilisés au sein de l’ALAT : les Fennec, Gazelle, Panther, Alouette III et Dauphin.

Le Guépard (Airbus H160M)
Le Guépard (Airbus H160M).

L’autre composante majeure de la dimension aéroterrestre est la large flotte de drones de l’armée de Terre. Il peut s’agir de drones tactiques, de renseignement, de contact… Plusieurs étaient la semaine dernière à la PAT.

Drone à voilure fixe, le SQ20 est utilisé comme cible aérienne pour l’entraînement au tir antiaérien à l’arme légère d’infanterie, à la mitrailleuse ou au canon mitrailleur. Le RQ-11 Raven, lui, est un drone de combat léger de conception américaine.

Le drone SQ20.
Le drone SQ20.
Le drone RQ-11B-RAVEN.
Le drone RQ-11B-RAVEN.

Les sapeurs-sauveteurs (militaires de la sécurité civile) utilisent aussi des drones, par exemple pour avoir un soutien visuel en intervention, notamment sur des sites inaccessibles ou dangereux. C’est les cas des différentes variantes des drones DJI Matrice ou Mavic.

Les drone DJI matrice 300 / drone DJI matrice 30T / drone DJI Mavic 3T.
Les drone DJI matrice 300 / drone DJI matrice 30T / drone DJI Mavic 3T.

Autre appareil présent à l’École militaire, le mini-drone AVATAR, développé par DGA Techniques terrestres et l’Agence innovation défense, sera un drone de combat embarquant des capteurs et un fusil d’assaut HK-416 à tir laser.

Le projet AVATAR.
Le projet AVATAR.

Dernière fonction cruciale de la dimension aéroterrestre, la préparation d’artillerie, avec la gestion de l’espace aérien pour des tirs longue portée (avec des canons Caesar ou des lance-roquettes unitaires par exemple).

Le programme Scorpion de modernisation des capacités de combat, qui fête cette année ses 10 ans, est crucial pour la dimension aéroterrestre, puisque son système d’information du combat unique facilite les communications sol-air entre tous types d’appareils : par exemple, les véhicules blindés nouvelle génération comme le Griffon, le Serval ou le Jaguar sont équipés de capteurs et de systèmes d’information avancés qui leur permettent de recevoir et partager en temps réel des données tactiques, en lien notamment avec les moyens aériens d’observation.

La miniaturisation et les nouvelles technologies permettent ainsi une intégration de plus en plus poussée des capteurs, des systèmes d’armes et des centres de décision. Combinant puissance aérienne et expertise terrestre, la dimension aéroterrestre constitue une réponse efficace aux menaces modernes. Grâce à ses moyens avancés et à une coordination étroite entre les forces, elle offre une capacité unique d’intervention, de protection et de projection de puissance, essentielle pour les conflits d’aujourd’hui et de demain.

Le premier hélicoptère Tigre porté au standard MK2 a été livré à l’armée de Terre… avec 4 ans de retard

Le premier hélicoptère Tigre porté au standard MK2 a été livré à l’armée de Terre… avec 4 ans de retard

https://www.opex360.com/2024/10/29/le-premier-helicoptere-tigre-porte-au-standard-mk2-a-ete-livre-a-larmee-de-terre-avec-4-ans-de-retard/


La flotte d’hélicoptères d’attaque et de reconnaissance EC665 Tigre de l’Aviation légère de l’armée de Terre [ALAT] fait l’objet de deux opérations industrielles distinctes.

La première, décidée en 2015, consiste à faire évoluer les appareils livrés dans la version HAP [appui et protection] vers le standard HAD [appui et destruction]. Or, les 40 exemplaires concernés n’ont pas tous encore été modifiés. Selon le Projet annuel de performance [PAP] du programme 146 « Équipement des forces » mis en annexe au projet de loi de finances pour 2025, cette opération devrait être achevée en 2026.

Dans le même temps, il s’agit aussi de moderniser les Tigre HAD en les portant au standard Mk2. Cette opération a fait l’objet d’un contrat notifié par l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement [OCCAr] à Airbus Helicopters et à TDA Armements [intégré depuis à Thales LAS, ndlr] en décembre 2016.

À l’époque, l’OCCAr avait expliqué que cette modernisation porterait sur l’intégration de la roquette à guidage laser ACULEUS de 68 mm, d’une précision submétrique et d’une portée d’environ 6 kilomètres, d’un antenne diagramme de rayonnement contrôlé [CRPA] « TopShield » et d’un nouveau récepteur GPS insensible au brouillage électronique. D’après le calendrier prévu, les livraisons des Tigre HAD Mk 2 à l’ALAT devaient commencer en 2020 pour s’achever trois ans plus tard.

Seulement, ces échéances ne purent pas être tenues. Ainsi, les expérimentations technico-opérationnelles [EXTO] du Tigre HAD Mk2, réalisées par le Groupement aéromobilité de la Section technique de l’armée de Terre [GAMSTAT], ne furent achevées qu’en octobre 2021. Pour autant, elles n’ouvrirent pas la voie aux livraisons de ces hélicoptères ainsi modernisés à l’ALAT…

En effet, ce n’est que le 24 octobre qu’un premier Tigre HAD Mk2 a été remis au ministère des Armées sous l’égide de l’OCCAr.

Cette mise à niveau « apporte au Tigre HAD une amélioration opérationnelle significative, lui permettant de conserver toute sa pertinence sur le terrain », a commenté l’OCCAr, via un communiqué. « Cette première réception marque le début de la modernisation de la flotte de 67 hélicoptères de combat de l’armée de terre française, qui se poursuivra avec le programme de modernisation à mi-vie vers le standard Mk3 pour la France et l’Espagne », a-t-elle ajouté.

En réalité, il conviendrait de parler de standard Mk 2+ étant donné que les ambitions qui avaient été affichées pour cette modernisation à mi-vie du Tigre ont dû être revues à la baisse, l’Allemagne s’étant retirée de ce programme. Et, côté français, elle ne concernera que 42 appareils.

Ce standard Mk 2+ [Tigre RMV] visera notamment à intégrer aux Tigre concernés le SICS ALAT [Système d’information du combat Scorpion], le poste radio CONTACT et une capacité de coopération drones-hélicoptères [MUM-T].

D’exercices en expérimentations, comment l’ALAT intègre les drones dans l’aérocombat

D’exercices en expérimentations, comment l’ALAT intègre les drones dans l’aérocombat

–  Forces opérations Blog – publié le

L’heure à l’exploitation tous azimuts du potentiel des drones pour l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT). Mandats et expérimentations se multiplient parmi les régiments d’hélicoptères de combat pour construire la collaboration entre plateformes habitées et inhabitées et démultiplier les capacités de l’aérocombat. 

Fini l’hélicoptère, remplacé par un drone moins complexe, moins onéreux et dès lors mieux adapté pour répondre à l’attrition de la haute intensité ? Loin s’en faut, les deux outils ont davantage vocation à collaborer qu’à s’évincer. La dernière édition de l’exercice Baccarat, grand rendez-vous annuel de la 4e brigade d’aérocombat (4e BAC), l’aura encore démontré en intégrant plusieurs drones dans un même espace aérien, du micro-drone de surveillance aux SMDR du 61e régiment d’artillerie et Puma du 32e régiment royal d’artillerie britannique. 

Clôturé la semaine dernière, Baccarat était une nouvelle étape dans une dynamique globale visant à intégrer le drone dans la manœuvre tactique. Essentiellement exploratoire, la démarche amène un double enjeu selon le commandant de la 4e BAC, le général de brigade Jean-André Casanova. D’un côté, le défi de la coordination des acteurs de la troisième dimension, ou la capacité à faire voler davantage d’objets dans un espace restreint. De l’autre, le défi de la coopération entre drones et hélicoptères, ou comment tirer le meilleur parti de chacun des vecteurs pour maximiser les effets. 

Étape par étape, chaque régiment d’hélicoptères de combat monte en gamme sur la question. À l’instar du reste de l’armée de Terre, tous disposent désormais de leurs propres micro-drones, formation de télépilotes régimentaires à la clef. Ces équipements « du combattant » sont principalement mis à profit pour la surveillance de zone ou des approches d’un poste de commandement, une mission confiée durant Baccarat au système mobilisé par le 3e régiment d’hélicoptères de combat d’Étain. Demain, rien n’empêchera d’étendre le spectre à la protection, par exemple, d’un « Forward Arming and Refueling Point » (FARP), ces stations-service mobiles projetées vers l’avant pour l’avitaillement des machines. 

L’intégration volontaire ou non de nouveaux acteurs dans la bulle aéroterrestre nécessite de se pencher sur les problématiques de coordination. Un tel travail a déjà été réalisé à plusieurs reprises au Sahel par tous les régiments. Il s’agit désormais d’adapter les savoir-faire à la haute intensité et à un environnement allant au-delà de la ligne de contact, mission confiée au 3e RHC. Voilà un moment que ce dernier multiplie les expérimentations en lien direct avec le groupement aéromobilité de la section technique de l’armée de Terre (GAMSTAT). 

Pour l’adjudant Marina, contrôleuse aérienne au sein du 3e RHC, le drone « est un type de vecteur auquel il faut que l’on s’intéresse particulièrement, notamment en termes de déplacement, de liaison avec le télépilote et de réaction en cas de panne. C’est une gymnastique supplémentaire ». Deux enjeux s’imposent d’eux-même : celui de la communication avec un télépilote qui n’a pas nécessairement le visuel sur sa machine, et celui de l’anticipation des événements en gestion de trafic tout en respectant le cadre tactique.

« La doctrine française est bien faite pour admettre tout ce qui vole. Ce qui change, ce sont nos habitudes et les drones qui se multiplient, mais sinon les principes restent les mêmes », observe le capitaine Guillaume, officier 3D du 3e RHC durant Baccarat. « Nous devons davantage coopérer mais les outils existent déjà », explique-t-il en écho à l’ « Integrated Command and Control », ce logiciel de l’OTAN conçu pour la programmation et la conduite des opérations aériennes. En théorie réservé aux échelons de commandement supérieurs, l’ICC est depuis peu descendu à l’échelon régimentaire dans l’ALAT. Nécessaire pour une coordination optimale, l’atteinte de ce niveau de granularité se traduit in fine par un gain d’agilité et de réactivité pour le chef tactique, note le capitaine Guillaume. 

La collaboration, enfin, revient à définir « comment nous pouvons utiliser des drones qui existent déjà pour renforcer l’efficacité de nos appareils », résume le général Casanova. Hélicoptères et drones ont chacun leur utilité, leurs points faibles et points forts. Quand les premiers l’emportent en matière d’élongation et d’emport, les seconds représentent un « gain important dans le domaine tactique, car il est bien moins détectable qu’un hélicoptère et s’avère plus économique au vu du coût de l’heure de vol », rappelle l’adjudant Marina. Combiner l’un et l’autre devrait donc permettre de répondre à certains des challenges imposés par l’action dans la profondeur face à un ennemi à parité. 

Cette « dronisation » de l’aérocombat est « le sujet le plus complexe parce que nous sommes presque imbriqués, mais aussi le plus exaltant car il implique de nouvelles procédures et l’achat de nouveaux matériels. C’est un nouveau domaine que nous avons commencé à explorer », indique le COM4BAC. Entre la hauteur de la marche à franchir et l’accélération technologique, la question est d’emblée devenue prioritaire pour l’ALAT. 

Du leurrage à l’illumination, plusieurs applications sont simultanément à l’étude. Projeter des Tigre et des Caïman dans la profondeur du dispositif, c’est s’assurer de les exposer à un maillage de défense sol-air dense et potentiellement infranchissable. Plutôt que de s’y frotter, l’ALAT cherchera à créer une brèche à distance en misant sur le drone FPV, cette « bombe volante » pilotée à distance, abondamment utilisée en Ukraine et, surtout, susceptible de prolonger l’armement embarqué de l’hélicoptère. 

Autre piste, le drone-leurre agira pour attirer les radars et autres capteurs adverses vers d’autres objets que les hélicoptères. Cette manœuvre de déception, « nous la travaillons déjà tactiquement via la simulation », avec pour objectif de déterminer le drone capable de simuler la surface équivalente radar d’un hélicoptère en vol. Aux industriels d’ensuite prendre le relais pour proposer une contre-mesure active abordable car « jetable » et apte à être programmée pour réaliser des vols en patrouille. 

Si le 3e RHC est en pointe de l’effort mandaté par l’état-major de l’armée de Terre, il reviendra au 1er régiment d’hélicoptères de combat d’explorer une troisième voie, celle du « drone illuminateur ». Un « oeil déporté » chargé d’aller sur l’avant pour illuminer une cible et guider une frappe tout en permettant au Tigre de rester en retrait. Pour l’instant totalement exploratoire, l’idée aboutit déjà à une ébauche de solution et à de premiers liens avec des industriels du cru. 

L’approche se veut progressive. « Nous avons déjà franchi un certains nombres d’étapes que je fixe moi », poursuit le général Casanova. « Aujourd’hui, nous sommes capables de télépiloter un drone FPV depuis la soute ou la place arrière d’une Gazelle ». Il s’agira ensuite d’arriver à le larguer et à le prendre en compte immédiatement depuis la soute pour le piloter. Et, plus tard, d’imaginer comment poser la charge dessus sans menacer la sécurité de l’appareil. Le drone FPV préfigure en quelque sorte l’arrivée des munitions téléopérées, « ces MTO qui, demain, pourraient être mises en oeuvre depuis les paniers de roquettes d’un Tigre, par exemple ». Autant de succès initiaux d’où émergeront les briques qui viendront alimenter un projet d’ensemble : celui du drone d’aérocombat, une ambition cette fois portée en dehors de la 4e BAC. 

Crédits image : GAMSTAT

Au 9e RSAM, des maintenanciers du ciel sur la voie de l’opérationnalisation

Au 9e RSAM, des maintenanciers du ciel sur la voie de l’opérationnalisation

– Forces opérations Blog – publié le

Pas à pas, le 9e régiment de soutien aéromobile (9e RSAM) de Montauban progresse dans son objectif de « militarisation ». De la préparation opérationnelle au recrutement en passant par les matériels, les défis à relever ne manquent pas pour ce maillon essentiel de la chaîne de maintenance des hélicoptères de l’armée de Terre.

Les défis de la militarisation

De la Nouvelle-Calédonie au Tchad et du porte-hélicoptères amphibie Mistral à l’exercice Baltops, le 9e RSAM est sur tous les fronts depuis le 1er janvier 2024 et son intégration au sein de la 4e brigade d’aérocombat (4e BAC). Un cycle soutenu et une illustration par le terrain de la transition engagée vers un soutien opérationnel renforcé au profit de l’ensemble de l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT), bascule rendue nécessaire par le retour des conflits de haute intensité. 

Illustré par une présence dans le dernier défilé aérien du 14 juillet, ce rapprochement avec la 4e BAC est une réponse parmi d’autres au besoin d’autonomisation de la maintenance inscrit dans les réflexions d’une « armée de Terre de combat », explique le colonel Thibaut Ravel, chef de corps du 9e RSAM depuis l’été dernier. « Nous sommes dans une logique de montée en puissance liée à l’intégration dans la brigade, dont la manoeuvre doit pouvoir être suivie par le régiment », poursuit-il à l’occasion des 70 ans de l’ALAT

Traduit en vocabulaire de maintenancier, cette militarisation « revient à évoluer d’une base de soutien des matériels à un régiment du matériel », nous glisse le colonel Ravel. Pour ses 500 maintenanciers du ciel, il s’agit tout d’abord de continuer à développer l’expérience opérationnelle au gré des déploiements et des exercices. Plutôt que d’assurer un soutien essentiellement à distance, le 9e RSAM est désormais un « joueur » parmi d’autres. Il est donc soumis aux mêmes contraintes de rusticité et devient, de par sa singularité, une cible de choix pour l’adversaire désirant gripper la chaîne de soutien française. 

S’il participe activement à une préparation opérationnelle durcie, le 9e RSAM n’a pas vocation à suivre les hélicoptères dans leurs missions de transport ou de destruction de l’adversaire sur ses arrières. Il sera plutôt déployé selon le besoin par le groupement de soutien divisionnaire ou de théâtre vers les trains de combat des groupes aéromobiles. Il pourra continuer de miser sur son atout principal : la flotte de cinq avions à décollage court Pilatus PC-6 qu’il est le seul à opérer au sein de l’armée de Terre. 

Après deux éditions absorbées par des manoeuvres de plus grande ampleur, l’exercice Baccarat revient cette année et sera un test majeur pour le régiment. Il y déploiera pour la première fois un centre opération complet, manoeuvre déjà expérimentée sous forme d’embryon en 2022 lors de l’exercice Manticore. Ce CO commandera une escadrille de maintenance et une section approvisionnement, soit 70 personnels présents à Mailly-le-Camp avec un objectif en tête : éprouver les savoir-faire et le dispositif au profit de l’autonomie des régiments d’hélicoptères de combat. 

Le défi des ressources humaines ensuite, avec une population également appelée à « se militariser ». Le seul segment logistique aura vu son contingent de 20 militaires du rang quadrupler en l’espace de trois ans. Le 9e RSAM est aujourd’hui composé à 50% de personnel militaire. Demain, ils représenteront 70% de l’effectif. Ce sont autant de départs à la retraite à compenser par l’engagement de spécialistes en treillis. Un enjeu de taille dans une région où la présence de plusieurs géants de l’aéronautique ajoute un surplus de pression aux aléas de recrutement et de fidélisation auxquels sont continuellement confrontées les armées. 

Bête de somme du 9e RSAM, le PC-6 sert au convoyage de pièces, mais pas seulement.

Des PC-6 modifiés en attendant un successeur

Se rapprocher de la première ligne implique, enfin, des efforts à court et à plus long termes sur le segment capacitaire. Ce sont des perceptions d’équipements et armements individuels, du matériel de vie en campagne mais aussi des investissements dans les outils de maintenance et les infrastructures associées. C’est aussi une attention apportée à l’avenir du vecteur signature du 9e RSAM, un PC-6 en service depuis les années 1990. 

Régulièrement rénové, le PC-6 sort de plus de 10 années d’engagement opérationnel en Mauritanie puis parmi les pays du Sahel relevant de l’opération Barkhane. « Il aura permis d’apporter un appui précieux à la manoeuvre aéroterrestre », observe le colonel Ravel. Rustique, capable de décoller et d’atterrir sur des pistes sommaires, adapté au milieu abrasif sahélien, il aura facilité le transport de fret et de pièces détachées mais pas seulement. Le chef tactique et ses transmissions également, l’autorisant à commander sa manoeuvre depuis les airs en bénéficiant d’une plus grande autonomie et sans toucher au potentiel des hélicoptères.

Le PC-6 est également capable d’emporter des opérateurs spécialisés, à commencer par les spécialistes du renseignement d’origine image (ROIM) du 2e régiment de hussards ou ceux du renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) du 54e régiment de transmissions. Deux exemples de synergies qui ont prématurément démontré l’intérêt de réunir le renseignement et l’aérocombat au sein du nouveau Commandement des actions dans la profondeur et du renseignement (CAPR). Et son éventail d’applications s’étend jusqu’au largage de petits colis à basse altitude voire à l’évacuation de blessés assis, un scénario étudié durant la crise sanitaire mais finalement écarté au profit de la médicalisation des hélicoptères Caïman.

Après une décennie dans le ciel africain, il en ressort de nombreux retours d’expérience et certaines « fragilités ». « Certes l’avion n’est plus projeté, mais il se prépare aux combats futurs », indique le colonel Ravel. Une nouvelle refonte est en cours sur trois axes. Hormis quelques évolutions sur l’avionique, les PC-6 français disposeront d’ici peu d’un poste radio PR4G et d’un kit de blindage à demeure, de quoi « mieux sécuriser l’équipage et le fret ou les passagers » et plus particulièrement lors des phases d’approche.

Ce chantier est en cours. Deux des cinq avions ont été transformés. Le reste de la flotte suivra d’ici à l’été 2025. Après 30 années de bons et loyaux services, se pose dès maintenant la question de sa succession. Le PC-6 est néanmoins destiné à prendre sa retraite. Non seulement il commence à dater malgré les refontes successives, mais l’avionneur suisse Pilatus a aussi annoncé l’arrêt de la production de pièces de rechange en 2020 tout en conservant un stock pour 10 ans. 

Le potentiel des appareils français s’étalant jusqu’entre 2032 et 2035, il reste moins d’une décennie pour déboucher sur un successeur. Attendu dans la prochaine loi de programmation militaire, celui-ci ce situe au confluent de plusieurs besoins. Celui du 9e RSAM bien entendu, mais aussi celui d’une armée de Terre ayant besoin de faire sauter davantage ses parachutistes avec des moyens patrimoniaux. Combinée au souhait de l’ALAT de pouvoir transporter de plus grandes pièces, la réflexion aboutit à une expression de besoin de l’état-major de l’armée de Terre portant sur « quatre, cinq avions » d’une capacité supérieure à celle du PC-6 et disponibles sur étagère. De quoi faire sauter la 11e brigade parachutiste et certaines unités du Commandement des actions spéciales terre (CAST) tout en pérennisant et en fluidifiant la logistique de l’ALAT. Et un projet qui, à l’instar des autres efforts consentis, permettra au 9e RSAM de continuer à appliquer sa devise : dépasser l’horizon.

Crédits image : 9e RSAM

NGRC : Airbus, Leonardo et Sikorsky sélectionnés pour plancher sur l’hélicoptère militaire de demain

NGRC : Airbus, Leonardo et Sikorsky sélectionnés pour plancher sur l’hélicoptère militaire de demain


A l’occasion du salon Farnborough, fin juillet, l’Agence OTAN de soutien et d’acquisition (NSPA) a notifié trois contrats de développement à Airbus Helicopters, Lockheed Martin Sikorsky, et Leonardo pour la réalisation d’études conceptuelles détaillées dans le cadre du programme « Next Generation Rotorcraft Capability » (NGRC) de l’OTAN.

Pour rappel, le programme NGRC a été lancé fin 2020 à l’initiative de la France, de l’Italie, du Royaume-Uni, de la Grèce et de l’Allemagne, rejoints par la suite par les Pays-Bas et le Canada, tandis que les États-Unis et l’Espagne conservent un rôle d’observateur au sein du programme. Il vise à concevoir une nouvelle génération d’hélicoptère de transport et d’assaut, dont les caractéristiques générales avaient été abordées dans un précédent article. A la clé : le remplacement de près d’un millier d’hélicoptères de manœuvre à partir de 2035.

Des industriels européens enfin impliqués dans le NGRC

Les trois contrats qui viennent d’être signés forment le cinquième et dernier volet des études préliminaires lancées dans le cadre du NGRC. Rappelons que, outre deux volets portant respectivement sur les technologies et les concepts opérationnels, menés par les états membres eux-mêmes, deux autres volets avaient déjà été attribués à des industriels : une étude portant sur les modes de propulsion pour les futurs hélicoptères, confiée à GE Aerospace, et une autre portant sur les architectures ouvertes et les écosystèmes numériques confiée à Lockheed Martin. Deux industriels américains, alors même que Washington n’a qu’un rôle d’observateur dans ce programme.

Vue d'artiste 3D d'un concept de NGRC d'Airbus
Airbus a dévoilé une vue d’artiste présentant un hélicoptère futuriste d’allure conventionnelle, mais présentant de petites hélices propulsives pour gagner en vitesse en autonomie. Reste à voir si ce sera représentatif de la proposition de l’hélicoptériste européen pour le NGRC. © Airbus

Une situation qui semble enfin s’inverser avec la sélection de deux industriels européens, Airbus et Leonardo, aux côtés de l’américain Sikorsky, filiale de Lockheed Martin. Chacun sera chargé de « réaliser des études détaillées sur les concepts de plateforme dans le cadre du programme Next Generation Rotorcraft Capability (NGRC). » Pas question donc, pour le moment, de financer le développement de prototypes ou même de démonstrateurs, mais simplement de proposer une architecture capable de répondre aux attentes de l’Alliance.

Un NGRC qui s’éloigne du Future Vertical Lift américain… pour l’instant.

Il faudra attendre un peu plus d’un an pour connaître plus en détail ces différentes architectures, même si chaque industriel a déjà exposé son approche générale. Leonardo devrait ainsi continuer dans la voie des rotors basculants (tilt-rotors), déjà adopté pour son AW609 destiné au marché civil. Airbus, de son côté, va sans doute proposer un dérivé de son RACER, en intégrant des hélices propulsives sur une architecture d’hélicoptère relativement conventionnelle. Lockheed Martin Sikorsky, de son côté, va ainsi profiter de ses travaux sur le X2, le S-97 Raider et le SB-1 Defiant, et présenter un engin doté de deux rotors contrarotatifs.

Lockheed Martin Sikorsky : qui perd gagne ?

La sélection par l’OTAN de Lockheed Martin Sikorsky est intéressante à plus d’un titre. Ces dernières années, le géant américain a déployé de gros efforts pour convaincre la NSPA du bien-fondé de sa formule, particulièrement depuis l’échec du SB-1 Defiant dans le cadre du programme FLRAA de l’US Army, et plus encore après l’abandon du programme FARA avant même le premier vol du S-97 Raider. Dès lors, Sikorsky n’a pas d’autre solution que de viser le marché européen – et les fonds de développement de l’OTAN – afin de rentabiliser ses nombreux investissements.

Sikorsky, désormais filiale de Lockheed Martin, s’appuiera sur ses précédents travaux afin d’élaborer une proposition sérieuse pour le NGRC. Sur le papier, la formule à doubles rotors contrarotatifs et hélice propulsive présente de gros avantages en matière de performance, pour une empreinte au sol maîtrisée. Toutefois, de tels engins restent complexes à entretenir sur le terrain. © Lockheed Martin

Pour Washington, une sélection de Sikorsky pour les futures étapes du NGRC pourrait même être vu comme un bon moyen de maintenir une double production d’engins de nouvelle génération, avec un Bell V-280 Valor financé par l’US Army, et un dérivé du Raider financé par l’OTAN et certains pays européens.

Une solution unique pour l’OTAN ?

Heureusement, nous n’en sommes pas encore là. Les différents concepts seront présentés en fin d’année prochaine. Si le programme NGRC se poursuit au-delà, une de ces solutions pourrait être développée et industrialisée à large échelle afin de livrer les premiers clients vers 2035. Et rien n’empêche d’imaginer que, à la suite de la phase actuelle, plusieurs candidats se rapprochent afin de présenter une solution commune aux différents pays membres de l’initiative.

Vue aérienne de l'hélicoptère convertible AW609
Pour l’instant, Leonardo n’a pas dévoilé de vue d’artiste précise de son concept de NGRC. On sait toutefois qu’il sera basé sur les travaux menés dans le cadre du programme civil AW609. Leonardo s’étant récemment rapproché de Bell, on peut également s’attendre à une proposition inspirée du V-280 Valor. © Leonardo

Car, l’histoire nous l’a montré, les programmes otaniens de cette ampleur sont éminemment politiques. Difficile d’imaginer que les pays aujourd’hui à l’origine du NGRC, et qui sont les héritiers d’Agusta Westland, d’Eurocopter et de NHIndustries, acceptent de financer pleinement le développement d’un nouvel hélicoptère si celui-ci devait être confié uniquement à un industriel américain. Et inversement, on imagine bien que la gestion quelque peu chaotique du programme NH90 ne doit pas laisser que de bons souvenirs aux industriels européens.

Dès lors, à moins d’un fort rapprochement entre acteurs européens, à la fois sous l’égide du NGRC et sous l’impulsion du programme européen ENGRT, on risque fort de voir cette initiative de l’OTAN s’éparpiller dans plusieurs directions, au grès des investissements nationaux et des accords entre partenaires. On se rappellera peut-être que, dans les années 1950, le programme NBMR-1 avait échoué à doter l’ensemble de l’OTAN d’un avion d’attaque au sol léger commun. Mais l’élan industriel offert par cette compétition nous avait tout de même donné le G.91 italien, l’Étendard français et, d’une certaine manière, le F-5 américain, autant de symboles de leurs industries nationales respectives. A voir quel chemin prendra le NGRC.