Emmanuel Macron veut relancer son «Service national universel»


Emmanuel Macron prononce un discours devant un Mirage 2000 et un Rafale à la base aérienne de Luxeuil-Saint-Sauveur, France, le 18 mars 2025.

Rarement un discours d’Emmanuel Macron aura suscité autant de réactions immédiates que le dernier en date. C’était le 5 mars dernier, en direct à 20 heures sur France 2. «La patrie a besoin de vous et de votre engagement», a déclaré le président français, en costume et cravate noirs.

En invitant ses concitoyens à ne pas sous-estimer le danger que représente la Russie pour l’Europe et la France dans un monde de plus en plus incertain, le président français a peut-être même déclenché davantage de réactions qu’il ne l’aurait souhaité.

Le peuple semble en tout cas avoir pris l’appel présidentiel au pied de la lettre: 86% des Français, selon un sondage Ipsos, se sont déclarés favorables au rétablissement du service militaire obligatoire. Près de trente ans, donc, après son abolition.

Pas une «option réaliste»

À peine le sondage était-il paru que celui qui est également chef des armées – le plus haut gradé militaire de France est, lui, chef d’état-major des armées (CEMA) – a tenté de freiner la dynamique qu’il avait déclenchée. Le service militaire obligatoire n’est pas une «option réaliste», a-t-il souligné lors d’un entretien accordé en fin de semaine dernière à des titres régionaux.

La France «n’a plus la base, plus la logistique» pour remettre en place une conscription. «À partir du moment où on est allé vers la professionnalisation de nos armées, focalisées sur l’opérationnel, les réemployer pour encadrer 800’000 jeunes […] n’est absolument pas un schéma opérant», a-t-il indiqué.

Mais, a-t-il précisé, il présentera dans les semaines à venir un «grand nouveau projet» de réforme du Service national universel (SNU), «afin de correspondre aux besoins de la nation et aux priorités identifiées». Le SNU est l’un des thèmes favoris d’Emmanuel Macron depuis qu’il est au pouvoir.

Dissuasion nucléaire

Revenons d’abord sur l’option «irréaliste». Jacques Chirac avait mis au rebut le service militaire obligatoire dans les années 90. La loi est entrée en vigueur en 1997. Aujourd’hui âgé de 47 ans, Emmanuel Macron est le premier président de l’Hexagone à ne pas avoir fait son service militaire.

L’abolition de la conscription avait en fait déjà été envisagée sous la présidence de Charles de Gaulle. La puissance de la dissuasion nucléaire acquise à l’époque avait réduit l’importance d’une défense conventionnelle. Jacques Chirac a acté cet état de fait avec la fermeture de bases et la vente de nombreuses casernes.

Le sous-marin nucléaire d’attaque Suffren de classe Barracuda de la marine française, amarré dans le port de Toulon, avec un drapeau français visible à l’arrière-plan.

Quand Emmanuel Macron dit aujourd’hui que la France n’a «pas de base et pas de logistique» pour un retour à la conscription, il dit vrai. Tout manque: infrastructures, instructeurs, matériel… Sans parler de l’argent nécessaire à la reconstruction d’une armée d’un million de membres permanents.

L’armée professionnelle française compte environ 200’000 soldats. Il est prévu d’augmenter quelque peu l’armée de réserve, avec un réserviste pour deux soldats professionnels d’ici à 2035. Le nombre total de réservistes atteindrait alors les 300’000 membres.

Des clivages qui bougent

À la télévision française, on débat désormais pour savoir s’il ne serait pas plus intelligent que chaque jeune Français – et chaque jeune Française qui le souhaite – fasse son service. Les clivages politiques traditionnellement liés à la question sont en train de bouger.

Jusqu’à présent, c’est presque exclusivement la droite bourgeoise et l’extrême droite qui plaidaient en faveur du service militaire obligatoire. Le camp de droite voit dans l’armée une école de la République et – une vision très controversée – le moyen éprouvé d’enseigner les valeurs de la nation aux personnes issues de l’immigration: en position de respect devant le drapeau tricolore, en entonnant la Marseillaise. L’extrême droite parle d’assimilation.

La gauche, elle, a toujours pensé que c’était à l’école et à elle seule de faire des jeunes de toutes origines des citoyens responsables, au fait de leurs droits et devoirs. Mais les frontières idéologiques ne sont plus aussi nettes, comme le prouvent les 86% du sondage. C’est sans aucun doute dû à l’actualité géopolitique brûlante et à ce que le locataire de l’Élysée a qualifié de «menace» le 5 mars dernier.

Une sorte de creuset de la République

Emmanuel Macron veut maintenant redessiner le SNU. Un projet qui avait failli être mis au placard pour des raisons d’économies: alors premier ministre, Michel Barnier avait voulu le sacrifier afin de récupérer quelques milliards d’euros pour son budget d’austérité, faisant dire qu’il démantelait un pilier du macronisme. Mais Michel Barnier est tombé après seulement trois mois de mandat – et le SNU a survécu.

L’idée avait été lancée par Emmanuel Macron avant sa victoire de 2017. C’était même une de ses promesses de campagne: celle d’un lieu où les Français pourraient à nouveau se rencontrer au-delà des classes sociales, une sorte de creuset de la République, et ce pour une durée minimale d’un mois.

Le SNU, qui aurait été effectué dans des établissements militaires ou civils éloignés du lieu d’origine, était prévu pour des jeunes de 15 à 17 ans. Au programme, obligatoire: vie commune, lever matinal, lever du drapeau, hymne national, port de l’uniforme et cours d’instruction civique.


Mais la mise en œuvre s’est vite avérée compliquée et coûteuse, et l’ «obligatoire» s’est rapidement transformé en «facultatif». Même avec des ambitions réduites, la concrétisation n’a cessé d’être repoussée. Comme souvent, une grande annonce n’a pas résisté à la réalité.

Le président français veut donc redéfinir le SNU pour qu’il soit en phase avec son époque. Comment exactement? Ce n’est pas encore clair. La tranche d’âge sera-t-elle élargie? Le SNU sera-t-il à nouveau rendu obligatoire?

Il semble en tout cas que les Français soient désormais prêts à accepter des obligations qu’ils auraient refusées il y a peu.

Devenir réserviste oui, mais pour quelles missions et quel salaire ?

Devenir réserviste oui, mais pour quelles missions et quel salaire ?

« La patrie a besoin de vous, de votre engagement« , a déclaré Emmanuel Macron aux Français lors de son allocution du 5 mars 2025. Une façon d’inciter davantage de citoyens à rejoindre la réserve opérationnelle militaire à l’heure où « la menace [russe] revient à l’est ». Le ministre des Armées évoque lui aussi, régulièrement, l’augmentation du nombre de réservistes dans les armées, la gendarmerie et la police avec un objectif : compter 160 000 réservistes d’ici à 2030, soit deux fois plus que les 84 000 réservistes actuellement engagés.

L’armée de Terre, l’armée de l’Air et la Marine nationale recrutent des réservistes qui, une fois engagés, doivent pouvoir être mobilisés sur des missions diverses listées par le ministère des Armées : des missions de combat opérationnelles sur le territoire national ou hors de France ; des missions de protection et de résilience du territoire national avec la défense de sites militaires et civils lors d’opérations Sentinelle ; des missions de compétence sur un domaine d’expertise ; et des missions de rayonnement pour renforcer le lien entre la nation et les armées.

Des grandes lignes communes aux trois armées, auxquelles s’ajoutent des missions plus spécifiques aux besoins de chaque corps militaire. « L’armée de Terre cherche vraiment des militaires à temps partiel, qui permettent soit d’augmenter des régiments à faible préavis ou remplacer des pertes, là aussi dans un temps très court. La Marine et l’armée de l’Air n’ont pas ces enjeux mais ont besoin de profils plus techniques, de spécialistes« , explique le réserviste Stéphane Audrand au Parisien.

Le recrutement de réservistes et l’attribution des missions se fait donc en fonction du profil de chaque candidat, notamment son niveau d’étude, ses compétences particulières, et un éventuel passé militaire sachant qu’avoir déjà eu une expérience dans les armées n’est pas obligatoire. Des étudiants peuvent enfin être recrutés pour des missions opérationnelles de terrain ou logistique dans les armées de Terre et de l’Air ou membre d’équipage dans la Marine. Les personnes plus qualifiées peuvent obtenir des grades (militaire du rang, sous-officier ou officier) et se voir attribuer des missions correspondantes. Enfin, les personnes présentant des diplômes d’université, de grandes école ou des compétences spécifiques et des expertises peuvent rejoindre des unités particulières comme le renseignement, la communication, l’ingénierie, les ressources humaines, la logistique ou encore le pilotage pour les besoins spécifiques de l’armé de l’Air ou encore la plongée dans la Marine. Chaque armé précise les offres ouvertes aux réservistes en précisant les compétences nécessaires et la durée de l’engagement.

Outre les armées, la gendarmerie et la police recrutent des réservistes. Dans ces secteurs, les missions diffèrent et répondent à trois principales catégories : des missions de sécurisation, de lutte anti-terroriste et de police judiciaire pour appuyer lors des enquêtes.

Des missions rémunérées

Les membres de la réserve opérationnelle militaire sont rémunérés pour leur engagement. Les réservistes signent des contrats pouvant aller de 1 à 3 ans et jusqu’à 5 ans maximum, renouvelables. Ils sont mobilisables sur des activités miliaires pour une durée déterminée avec l’autorité militaire qui les emploie et pour un maximum de 60 jours par an. Un volume qui peut passer à 150 ou 210 jours dans des conditions particulières. En moyenne, les réservistes sont engagés sur des missions 37 jours par an.

Ces missions sont rémunérées selon des barèmes différents en fonction du corps militaire rejoint. L’armée de Terre paye les réservistes entre « 40€ et 200€ par jour en fonction de votre grade« . Une somme à laquelle s’ajoutent des « indemnités particulières en raison des fonctions exercées, des risques courus, du lieu d’exercice du service ou de la qualité des services rendus ». La Marine évoque une rémunération « à partir de 53€ par jour » qui « évolue pendant le contrat d’engagement au gré de votre avancement aux grades supérieurs ». En gendarmerie, la rémunération est d’au moins 60€ par jour selon le niveau du réserviste, en police elle débute à 74€ en région et à 80€ en Ile-de-France. Ces rémunérations sont nettes d’impôts.

A noter que ces rémunérations sont valables uniquement pour les réservistes opérationnels, les membres de la réserve citoyenne de défense et de sécurité étant bénévoles.

Qui peut devenir réserviste ?

Il faut répondre à plusieurs critères pour pouvoir devenir réserviste : être de nationalité française, être âgé d’au moins 17 ans, être en règle au regard des obligations du service national, ne jamais avoir été condamné pour un crime et jouir de ses droits civiques. Il faut présenter une bonne condition physique qui sera évaluée lors d’une visite médicale avec un médecin militaire. A noter que selon les corps militaires un âge maximum peut aussi être un critère moins de 72 ans dans l’armée de Terre, moins de 67 ans dans la police et moins de 45 ans dans la gendarmerie. Une formation militaire n’est pas nécessaire, cette dernière étant prévue lors du processus de recrutement.

Armées : Lecornu veut «une vraie réserve professionnalisée» jusqu’à 100.000 hommes

Armées : Lecornu veut «une vraie réserve professionnalisée» jusqu’à 100.000 hommes

Par John Timsit – Le Figaro  Publié le 13 mars 2025

https://www.lefigaro.fr/politique/armees-lecornu-veut-une-vraie-reserve-professionnalisee-jusqu-a-100-000-hommes-20250313


Invité jeudi soir de France 2, le ministre des Armées a rejeté l’hypothèse d’un retour du service militaire obligatoire : «Combattre est incontestablement un métier.»

Préparer l’armée de demain. Face à la «multiplication des crises en même temps» qui constitue une «fragilité potentielle» pour le paysSébastien Lecornu a appelé jeudi soir sur France 2 à «renforcer considérablement notre réserve». «On a 205.000 militaires avec un objectif à 210.000. L’avenir c’est une vraie réserve professionnalisée, c’est ce que le président de la République m’a demandé. L’idée est d’arriver à 100.000», a fait valoir le ministre des Armées. Qui se projette sur les décennies à venir, bien au-delà donc de 2027, année où prend fin le deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron : «Il y a quelques années, on avait un réserviste pour six militaires d’active. L’objectif, c’est d’avoir un format d’armée où on a un réserviste pour deux militaires d’active. Ça a beaucoup de valeur.»

Alors qu’un retour du service militaire obligatoire, supprimé en 1996 par Jacques Chirac, est plébiscité par une majorité de Français, Sébastien Lecornu remarque que ce sont bien souvent des «arguments sociaux qui sont avancés – la mixité, la capacité à passer son permis de conduire -» par les partisans du dispositif, moins finalement son «utilité militaire». «Aujourd’hui, combattre ou avoir des missions militaires est incontestablement un métier, a martelé le Normand. Mais si on la projette beaucoup, on a besoin de forces de réservistes sur lesquelles il va falloir accélérer».

«Une forme de guerre des étoiles»

Outre l’élargissement de la menace russe dans le contexte de la guerre en Ukraine, Sébastien Lecornu a également mis en garde jeudi soir contre une «militarisation de l’espace». «Nous sommes la génération d’êtres humains qui allons connaître ce qui pourrait être une forme de guerre des étoiles», a alerté le ministre des Armées, citant de possibles «destruction de satellites» par «aveuglement» ou par «armes à énergies dirigées ou laser». «Si nous ne nous réveillons pas sur ces enjeux, nous pouvons décrocher.»

Synthèse de l’article du Figaro sur la réserve militaire

Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a affirmé sur France 2 sa volonté de renforcer la réserve militaire française en la professionnalisant, avec un objectif de 100.000 réservistes. Cette initiative vise à faire face à la multiplication des crises et à renforcer la capacité de réaction de l’armée, qui compte actuellement environ 205.000 militaires d’active. L’objectif est de parvenir à un ratio d’un réserviste pour deux militaires d’active, contre un pour six actuellement.

Rejetant l’idée d’un retour au service militaire obligatoire, Lecornu souligne que combattre est un métier nécessitant une formation et un engagement spécifique, contrairement aux arguments sociaux souvent avancés par les partisans de cette réintroduction.

Le ministre a également alerté sur la militarisation de l’espace, évoquant une possible « guerre des étoiles » impliquant la destruction de satellites par des armes à énergie dirigée ou laser, un enjeu stratégique majeur pour la défense nationale.

Toutefois, un commentaire critique souligne que les moyens alloués à la réserve sont insuffisants, avec des réductions budgétaires impactant la durée des missions et les frais de déplacement. Il remet en question la faisabilité d’une réserve professionnalisée si les réservistes ne sont mobilisés que quelques jours par an, mettant en doute la réelle application de cette ambition.

Six Français sur dix souhaitent le retour du service militaire obligatoire

Six Français sur dix souhaitent le retour du service militaire obligatoire


France Army soldiers uniform. Close up photo with the France flag on a military soldier uniform with the gun next to it. Military industry concept photo.
France Army soldiers uniform. Close up photo with the France flag on a military soldier uniform with the gun next to it. Military industry concept photo. Dragoș Asaftei / stock.adobe.com

 

Une majorité de Français (61%) se dit favorable au retour d’un service militaire obligatoire. L’étude révèle aussi une méfiance croissante envers les États-Unis.

Six Français sur dix (61%) sont «favorables au rétablissement d’une forme de service militaire  obligatoire», avec une proportion très forte à droite, selon un sondage du centre de réflexion Destin commun publié samedi.

Selon cette étude pour le quotidien régional Ouest France, les Républicains (72%) et le Rassemblement national (RN, 77%) sont les plus favorables à cette proposition, la France insoumise (LFI) fermant la marche avec 35% d’opinions favorables. L’hypothèse, qui n’est pas évoquée par le gouvernement, a d’autant plus de partisans que l’âge augmente: 72% des 65 ans et plus sont pour, contre 43% des 18-24 ans.

Le sondage, qui analyse aussi notamment les opinions allemandes, britanniques et polonaises, intervient alors que l’Ukraine, à la peine sur le front contre les Russes, essuie de vives critiques du président américain Donald Trump. Washington a gelé cette semaine son aide militaire et en matière de renseignement. Les Européens se mobilisent en retour pour compenser la chute de l’assistance américaine et mettre en place une défense continentale crédible.

Six Français et Allemands (59%) sur dix qualifieraient Donald Trump de «dictateur», opinion partagée par 50% des sympathisants RN. Ils sont 56% en Grande-Bretagne et 47% en Pologne. Quelque 35% des sondés dans l’Hexagone affichent plus de sympathie pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky depuis sa houleuse rencontre à Washington avec Donald Trump fin février. Seuls 9% affirment en éprouver moins.

Seuls un quart des Français considèrent encore les États-Unis comme alliés, et plus de la moitié (57%) «semblent en difficulté pour qualifier la relation, hésitant à acter un potentiel retournement d’alliance». Six Français sur dix (60%) jugent probable l’invasion d’autres pays européens par la Russie dans les années à venir, contre 68% en Grande-Bretagne et en Pologne et 53% en Allemagne. Près de huit Français sur dix (76%) se déclarent inquiets ou très inquiets «d’une extension du conflit en Europe dans les prochaines années».

Polonais et Britanniques sont par ailleurs 66% à vouloir continuer de soutenir l’Ukraine, même sans le soutien des Etats-Unis, contre 57% en France et 54% en Allemagne. Et la possibilité de l’envoi d’une mission de maintien de la paix ne fait pas l’unanimité. Elle recueille 57% d’opinions «plutôt ou tout à fait» favorables en Grande-Bretagne, 44% en France, 41% en Allemagne et 27% seulement en Pologne.

Sondage en ligne effectué en France sur la base de 1503 personnes selon la méthode des quotas (sexe, âge, profession, niveau de diplôme et région), ainsi que 1093 au Royaume-Uni, 1513 en Allemagne, et 1000 en Pologne.

Qui pourrait être mobilisé si une guerre éclatait sur le territoire français ?

Qui pourrait être mobilisé si une guerre éclatait sur le territoire français ?

Emmanuel Macron a rappelé jeudi le danger que représenterait, pour le reste de l’Europe, une victoire russe en Ukraine. Que se passerait-il si la guerre venait à s’étendre ? On fait le point.

Le président de la République a longuement échangé avec des internautes sur les réseaux sociaux, ce jeudi 20 février 2025.

Il a notamment évoqué «la menace que représente la Russie pour l’Europe et pour la France », indiquant qu’elle allait « nous imposer des choix très forts pour nous-mêmes, pour notre défense et notre sécurité ». Il a également donné des détails sur les arguments qu’il comptait présenter à Donald Trump, le mettant en garde contre toute « faiblesse » face à Vladimir Poutine.

« Si tu laisses l’Ukraine prise » par la Russie, elle sera « inarrêtable pour les Européens », puisqu’elle « récupérerait » l’armée ukrainienne « qui est une des plus grandes d’Europe, avec tous nos équipements, y compris les équipements américains ». Dans ce scénario du pire, en cas d’invasion de la Russie sur le territoire hexagonal, que se passerait-il alors ? Qui serait mobilisé ? On vous explique.

La mobilisation générale quasi impossible

Avec la fin du service militaire, la France possède ce qu’on appelle une armée de métier. On compte environ 200 000 militaires d’active dans l’armée française. Ce sont eux qui seraient envoyés en priorité sur le front. Environ 40 000 volontaires âgés de 17 à 35 ans constituent également ce que l’on appelle la réserve de sécurité nationale.

Dans ses vœux aux armées, en janvier, Emmanuel Macron avait à ce sujet évoqué un projet, encore flou, pour « mobiliser » davantage de jeunes volontaires « en renfort des armées » en cas de besoin. « Aujourd’hui, nous nous contentons d’un recensement, d’une journée défense et citoyenneté », « c’est trop peu », avait-il dit, demandant au gouvernement et à l’état-major des propositions d’ici au mois de mai pour « mieux détecter », « former » et « être capable de mobiliser » des volontaires « le jour venu ».

La France vise ainsi 210 000 militaires d’active et 80 000 réservistes à l’horizon 2030.

La mobilisation générale serait utilisée en dernier recours mais elle n’a quasiment aucune chance d’aboutir en raison de capacités logistiques insuffisantes. La dernière date de 1939, dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale. 4,5 millions de Français avaient alors été appelés sous les drapeaux

L’armée française de demain : spécialisation ou conscription ?

L’armée française de demain : spécialisation ou conscription ?

par Martin Anne – Revue Conflits – publié le 1er février 2025

https://www.revueconflits.com/larmee-francaise-de-demain-specialisation-ou-conscription/


Alors que les conflits récents rappellent l’importance des stratégies classiques de terrain, l’armée française entame une mutation profonde pour répondre aux défis de la guerre moderne. Entre la numérisation des systèmes, la montée en puissance des spécialistes et la nécessité de s’intégrer dans des alliances multinationales, les forces terrestres réinventent leur organisation tout en restant attachées à des tactiques éprouvées. Ce paradoxe reflète une constante : si les technologies évoluent, la nature de la guerre, elle, demeure.

L’armée française a hésité longtemps entre un modèle reposant sur la conscription, et un autre bâti sur la professionnalisation. Lorsque de Gaulle publia Vers l’armée de métier (1934), l’état-major et les politiques ont encore en tête la défaite de 1870, quand l’armée était professionnelle, et la victoire de 1918, où la demande d’immenses réserves d’hommes avait imposé la conscription. De l’apparition de la bombe nucléaire naquit la création d’une de force d’action rapide professionnelle au sein de l’armée de conscription jusqu’à la fin de la guerre froide. C’est avec Jacques Chirac et l’abolition du service militaire que la professionnalisation est devenue le modèle de l’armée française. Devant les besoins techniques de la guerre moderne, la multiplication des réservistes ne pourra pas changer ce modèle.

Martin Anne

Une armée de terre en transformation

La modification profonde de l’organisation de l’armée de terre, qui bascule du modèle « au contact » à « l’armée de terre de combat », vise à répondre aux transformations induites par la multiplication des outils numériques. Cette réforme repose sur trois grands axes : une logique d’employabilité des unités, une décentralisation du commandement et une présence accrue de spécialistes au sein des forces terrestres. L’objectif est de répondre aux défis posés par la numérisation, qui exige des profils plus techniques.

La numérisation a refondu les systèmes informatiques et de communication des unités de combat. Désormais, chaque unité est équipée de serveurs informatiques intégrés à leur système de communication radio. Ces systèmes permettent d’obtenir des informations telles que la position GPS, la quantité de munitions tirées et de transmettre des ordres numériques. Le concept de combat collaboratif, développé par Thales, renforcera encore ces capacités en automatisant la transmission de données tactiques grâce à l’intelligence artificielle. Les opérateurs chargés de gérer ces systèmes devront posséder des compétences avancées en informatique pour paramétrer et exploiter ces technologies complexes.

Le renseignement tactique a également gagné en importance. Autrefois concentrés dans deux régiments spécialisés, les moyens de renseignement en images (drones) et en électronique (interception d’émissions électromagnétiques) étaient déployés sur les théâtres d’opérations pour appuyer les groupements tactiques. Désormais, les régiments d’infanterie intégreront des capacités de guerre électronique, tandis que l’utilisation de drones sera généralisée à l’ensemble des armes. Les régiments spécialisés subsistent néanmoins, pour répondre aux besoins en renseignement opératif et stratégique. Cette évolution, réalisée à effectif constant, entraîne une substitution progressive des combattants d’infanterie traditionnels par des spécialistes du renseignement. La mise en œuvre de ces équipements complexes nécessitera également des soldats mieux formés techniquement.

Cependant, l’augmentation des outils de renseignement et de communication entraîne une multiplication des réseaux, et donc des failles potentielles en matière de sécurité. Si le chiffrement des communications est une pratique ancienne, illustrée par des exemples tels que la machine Enigma ou les Windtalkers navajos, les réseaux numériques modernes exigent des solutions de protection toujours plus avancées. La cyberguerre est devenue un enjeu clé, impliquant des actions visant à couper les réseaux de communication ennemis et à accéder à leurs données sensibles. Pour y faire face, l’armée de terre a créé un bataillon cyber, regroupant des unités spécialisées. Cette évolution s’inscrit dans un contexte où les effectifs globaux restent constants, ce qui accroît mécaniquement la proportion de spécialistes dans les rangs.

Ainsi, le nombre de spécialistes augmentera fortement dans l’armée de terre pour relever ces défis technologiques. Intuitivement, on pourrait en conclure que les clés de la victoire résident désormais dans des opérations ciblées, comme la prise de contrôle des réseaux informatiques ennemis, plutôt que dans la conquête traditionnelle de territoires. Pourtant, les conflits récents en Ukraine et au Proche-Orient démontrent que la conquête physique reste un élément central des affrontements.

Des fondamentaux qui demeurent

Dans le conflit ukrainien, le contrôle du terrain demeure un objectif politique central. Vladimir Poutine, en 2014, déclarait que « la Crimée et Sébastopol sont rentrés au port », affirmant ainsi ses visées territoriales. Reflétant l’assertion de Clausewitz selon laquelle « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », la conquête du terrain constitue l’objectif militaire principal de ce conflit. Celle-ci s’appuie sur le déploiement de troupes au sol, suivant des tactiques classiques.

Par exemple, l’offensive ukrainienne vers Koursk a été menée par des brigades mécanisées dont l’organisation reste comparable à celle de la Deuxième Guerre mondiale. Les chars de bataille y jouent toujours un rôle central, en perçant le front ennemi pour permettre à l’infanterie de progresser. Les appuis en génie et artillerie conservent leur fonction traditionnelle : préparer le terrain en vue de sa prise. Ainsi, un général ukrainien pourrait aujourd’hui, à l’instar du maréchal de Lattre de Tassigny, déclarer au sujet de l’une de ses brigades mécanisées : « C’était mon élément de décision. » La rupture du front, obtenue par une concentration de moyens blindés dans une zone favorable, reste une méthode privilégiée pour remporter la victoire.

Dans cette organisation conventionnelle, les technologies dites « de rupture » sont intégrées au sein des brigades, mais leur utilisation demeure confiée à des unités spécialisées. Ces technologies participent au nouveau combat interarmes sans pour autant remplacer les équipements traditionnels. Par exemple, le drone ne remplace pas le char, comme le char avait autrefois remplacé le cheval. La guerre moderne ne peut donc être menée exclusivement derrière un écran : elle reste un affrontement terrestre, où la quantité d’hommes engagés demeure un facteur clé pour obtenir l’avantage. Une armée négligeant ce rapport de force risquerait rapidement d’être surpassée. En Europe, les armées prises individuellement ne disposent pas des effectifs suffisants pour répondre à ces exigences, à l’exception notable de l’armée américaine, qui combine haute technologie et armée de masse.

La réserve : une alternative à l’armée permanente

Les guerres au Proche-Orient et en Ukraine, bien que différentes — asymétrique pour l’une, symétrique pour l’autre —, ont toutes deux nécessité la mobilisation de réservistes. Tsahal, l’Ukraine et la Russie peuvent compter sur des centaines de milliers de réservistes ayant récemment effectué leur service militaire. Ces derniers possèdent les qualifications nécessaires pour utiliser du matériel moderne, permettant d’augmenter rapidement et efficacement les effectifs des armées régulières.

En comparaison, les forces opérationnelles terrestres françaises comptent 77 000 soldats, et l’armée de terre 120 000, avec 25 000 réservistes. Ces chiffres soulignent les limites du modèle d’une armée réduite. Pour y remédier, la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) prévoit une augmentation significative de la réserve opérationnelle, visant le recrutement d’un réserviste pour deux soldats d’active. L’objectif est d’atteindre 100 000 réservistes d’ici 2030.

Cependant, ce modèle présente des faiblesses. Les réservistes français, formés comme généralistes, ne reçoivent pas de formation spécialisée. Par exemple, un réserviste d’un régiment de cavalerie peut remplacer un collègue d’un régiment de transmissions, mais aucun des deux n’atteint le niveau de compétence de son homologue d’active. Contrairement à Tsahal, où les réservistes peuvent être mobilisés pour opérer des chars Merkava, les réservistes français ne sont pas qualifiés pour utiliser les Leclerc. Ce déficit de spécialisation, combiné à la complexité croissante des équipements, allongerait le délai de mobilisation des unités de réserve en cas de conflit.

La doctrine actuelle exclut l’emploi des réservistes dans des missions de combat face à une armée moderne. Leur rôle se limiterait à des missions sur le territoire national, tandis que l’active serait déployée en opération. Ainsi, en cas de guerre, l’armée conventionnelle française ne pourrait compter que sur ses effectifs permanents.

Face à ces défis, la France mise sur son intégration dans des alliances multinationales, seule solution pour compenser le manque d’effectifs. Dans son modèle actuel et futur, l’armée française doit accepter sa dépendance envers ses alliés pour garantir une capacité d’intervention suffisante en cas de conflit.

Une armée numérisée aux tactiques traditionnelles

L’armée française reste attachée à son modèle « d’armée complète », qui vise à maintenir un éventail complet de capacités militaires. Ce modèle est adapté aux effectifs qui lui sont alloués, mais il permettrait également de transmettre, conserver et développer ses savoir-faire si une augmentation rapide des effectifs devenait nécessaire. En revanche, un manque d’adaptation risquerait de conduire à ce que l’on appelle le syndrome de la « guerre de retard », où une armée nombreuse et expérimentée, mais utilisant des technologies et des méthodes dépassées, se verrait surpassée par une force plus jeune et agile, équipée des dernières avancées technologiques.

Bien que les nouvelles technologies aient modifié certains aspects de la micro-tactique et contribué à dissiper le « brouillard de la guerre » en offrant une meilleure visibilité des situations, elles n’ont pas transformé la nature même du conflit. Le champ de bataille en 2024 reste marqué par la présence de chenilles de chars, de tranchées et de troupes massées aux frontières. Ainsi, malgré l’introduction massive de composants électroniques dans les équipements militaires, les éléments fondamentaux de la guerre demeurent inchangés.

Armées : Emmanuel Macron veut 80 000 réservistes en 2030

Armées : Emmanuel Macron veut 80 000 réservistes en 2030

Lors de ses vœux aux armées, Emmanuel Macron a insisté sur sa volonté de faire monter les effectifs de l’armée de réserve à 80 000 unités d’ici 2030.

par Cédric Bonnefoy – armees.com – Publié le
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Armées : Emmanuel Macron veut 80 000 réservistes en 2030 | Armees.com

Lors de ses traditionnels vœux aux armées, Emmanuel Macron a fait plusieurs propositions pour attirer la jeunesse vers les métiers des armées. Mais aussi pour améliorer la détection de jeunes prêts à rejoindre les unités. Son objectif : arriver à 80 000 réservistes en 2030.

Emmanuel Macron veut booster les effectifs des armées

Dans un discours prononcé à Cesson-Sévigné, lors de ses traditionnels vœux aux forces armées françaises, Emmanuel Macron dévoile une vision ambitieuse pour renforcer les effectifs de l’armée française. Le chef de l’État exprime son intention d’atteindre un objectif de 80 000 réservistes d’ici 2030. Selon lui, il s’agit d’une étape clé pour répondre aux nouvelles menaces pesant sur la sécurité nationale. Ce projet s’inscrit dans une volonté de « mieux détecter » et « mobiliser » les jeunes volontaires afin d’assurer une défense renforcée face à des périls croissants.

Pour le président, l’engagement des jeunes Français constitue une réponse stratégique face à l’ »accumulation des menaces« , notamment la guerre en Ukraine, qui a « accéléré les périls » géopolitiques. Aujourd’hui, le dispositif d’engagement citoyen se limite essentiellement au recensement national et à la Journée Défense et Citoyenneté (JDC). Emmanuel Macron estime que ce cadre est insuffisant. Afin de pallier cette lacune, le président propose une rénovation de la JDC, qui redeviendrait « un moment de temps retrouvé avec les armées« . Parmi les 800 000 jeunes participant annuellement à cette journée, certains pourraient se porter volontaires pour intégrer une réserve opérationnelle.

Cette réserve serait structurée pour permettre aux volontaires d’apprendre aux côtés des militaires actifs, tout en étant formés à intervenir « en renfort des armées en métropole ou ailleurs« . Cette approche offre non seulement une opportunité unique d’acquérir des compétences militaires, mais elle s’inscrit aussi dans une logique d’engagement fort pour la jeunesse. Surtout depuis que le Sénat vient d’acter quasiment la fin du service national universel.

Un cadre rénové pour la mobilisation

En parallèle, Emmanuel Macron sollicite l’état-major des armées et le gouvernement pour élaborer des propositions concrètes d’ici mai 2025. Ces initiatives incluront des stratégies pour mieux repérer les jeunes intéressés par un engagement militaire et les intégrer efficacement dans les forces armées. L’objectif à terme est de renforcer l’interconnexion entre les militaires d’active, dont les effectifs devraient atteindre 210 000, et les réservistes.

Ce projet s’inscrit dans une logique de défense nationale réactive face à des défis multiples. Emmanuel Macron a rappelé que les nouvelles stratégies militaires doivent tenir compte d’un contexte marqué par une intensification des tensions internationales. « Nous devons être capables de mobiliser notre jeunesse le jour venu, pour garantir la sécurité en métropole ou ailleurs« , a martelé le président.

Les réservistes opérationnels de la DGSE peuvent être mobilisés pendant 150 jours par an

Les réservistes opérationnels de la DGSE peuvent être mobilisés pendant 150 jours par an

https://www.opex360.com/2025/01/05/les-reservistes-operationnels-de-la-dgse-peuvent-etre-mobilises-pendant-150-jours-par-an/


Selon la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, le format de la réserve opérationnelle de niveau 1 [RO 1] devrait doubler à l’horizon 2035, l’objectif étant d’atteindre un ratio d’un réserviste opérationnel pour deux militaires d’active. Et cela doit permettre aux trois armées de constituer des unités composées uniquement de réservistes, à l’image du Bataillon de renseignement de réserve spécialisé [B2RS], récemment créé au sein du Commandement des actions dans la profondeur et du renseignement [CAPR] de l’armée de Terre.

Mais cette hausse du format de la RO 1 ne concerne pas les seules armées et les services relevant du ministère des Armées. En effet, la Direction générale de la sécurité extérieure [DGSE] recrute également des réservistes opérationnels militaires : ceux-ci représentent 5 % de ses 7 200 agents.

Ainsi, la DGSE propose deux type de contrat à ceux qui seraient tentés de la rejoindre en tant que réservistes.

Le premier s’adresse à ceux qui possèdent une « expérience, des savoir-faire ou des compétences spécifiques » dans les domaines du renseignement, du cyber, des sciences et des technologies. En clair, il s’agit de recruter des « réservistes spécialistes ».

Quant au second, il vise à recruter d’anciens militaires et/ou des civils, âgés de 17 à 30 ans maximum, au titre de la réserve opérationnelle de la DGSE, laquelle est adossée à celle de l’armée de Terre.

Sur son site Internet, la DGSE précise que les qualités essentielles que doivent présenter ses réservistes sont « la discrétion, le sens de l’engagement et l’aptitude au travail en équipe ». Aussi, le processus du recrutement peut prendre entre six et dix mois. C’est le temps qu’il faut pour évaluer un candidat via une série d’entretiens portant sur ses compétences et ses motivations ainsi que pour mener à bien des « études psychologiques et de sécurité ».

En théorie, selon le ministère des Armées, un réserviste opérationnel peut effectuer « un maximum de 60 jours d’activité par an ». Voire plus si nécessaire car cette durée « peut être portée à 210 jours par an ». Mais il en va autrement à la DGSE.

En effet, via le réseau social LinkedIn, celle-ci a récemment indiqué que ses réservistes opérationnels « travaillent jusqu’à 150 jours par an ». Ce qui correspond peu ou prou à un emploi à mi-temps…

D’autant plus que, comme cela est précisé sur son site Internet, le « rythme de travail d’un réserviste opérationnel à la DGSE est identique à celui d’un militaire d’active ». Ce qui fait qu’il doit être « disponible en tout temps et en tous lieux ».

Réorganiser la mission Sentinelle

Réorganiser la mission Sentinelle

Soldats en armes de l’Armée de terre en mission de surveillance dans le quartier des affaires de Paris La Défense dans le cadre de l’Opération sentinelle. Au fond, l’Arc de Triomphe.//MASTAR_MASTAR1220002/Credit:M.ASTAR/SIPA/1707151231

 

par Martin Anne – Revue Conflits – publié le 9 décembre 2024

https://www.revueconflits.com/reorganiser-la-mission-sentinelle/


Le 4 novembre 2015 Jean Yves le Drian alors ministre de la Défense s’adresse à des soldats de la toute jeune opération Sentinelle et déclare « Notre engagement s’inscrit dans la durée, aussi longtemps que cette situation l’exigera ». Neuf ans plus tard, le CEMA devant la représentation nationale rajoute « Nous continuons à adapter notre posture sur le territoire national, dans le cadre de l’opération Sentinelle. »

Cette opération qui implique 10 000 hommes (sur le terrain ou en alerte) est la plus consommatrice en soldats des 30 dernières années. Elle formate et rythme le quotidien des unités et rares sont les soldats qui n’y ont jamais participé. Pourtant, en 2022, la cour des comptes dans sa recommandation n°2 du document S-2022-1439 Opération Sentinelle conseille de « transférer la mission sentinelle aux forces de sécurité intérieures (FSI) ». Cette recommandation s’appuie sur deux observations la première étant que les résultats obtenus par cette opération sont difficilement quantifiables, la seconde que les soldats n’atteignent plus leurs 90 jours de préparation opérationnelle depuis 2015.

Néanmoins, le climat géopolitique actuel et les attentats encore réguliers en Europe rendent difficilement justifiable devant l’opinion publique l’arrêt de cette opération et aucune déclaration publique de responsable politique ne va dans le sens de la recommandation de la cour des comptes. Ainsi, l’opération devrait se poursuivre.

L’armée française en opération extérieure chez elle

Les unités de Sentinelle sont issues d’une génération de force, comme le modèle « au contact » (datant de 2015) le permettait. Ce sont donc des unités de circonstance qui partent dans des zones éloignées de leurs casernes. Ces unités de combat terrestre issues de l’ensemble des spécialités de l’armée de terre sont constituées pour deux mois sans provenir nécessairement de la même grande unité (brigade ou division). Cette méthode avait déjà permis la constitution d’unités lors de l’opération Serval en 2013.

Les patrouilles sur place sont coordonnées par un état-major tactique constitué par l’ensemble des cellules permettant le commandement d’unités en opération extérieure. Le chef de la compagnie déployée est sous les ordres d’un chef de circonstance, à l’image de ce qui se pratiquait lors de l’opération Barkhane.  Ainsi, la structure hiérarchique est identique à celle utilisée habituellement en opérations.

Le régime de quartier libre est aussi assez strict, un soldat ne peut pas s’absenter plus de trois jours et uniquement pour des raisons impérieuses. Il est fréquemment autorisé par le commandement sur place de faire venir sa famille 24 heures, mais cela reste soumis à une autorisation. Il est donc habituel que les soldats passent 2 mois loin de leurs proches sans possibilité de s’absenter. La vie de famille des militaires de Sentinelle en est fortement impactée comme celle de leurs camarades en mission à l’étranger.

Le départ en mission Sentinelle s’apparente de fait par la durée et l’organisation à une projection sur un théâtre d’opération extérieure. Ainsi, les sacrifices personnels consentis sont semblables. Ces absences régulières, longues et pour réaliser une mission monotone rendent difficile la fidélisation des soldats.

Ainsi, les résultats obtenus dans la lutte antiterroriste sont difficilement quantifiables et les conséquences négatives en termes d’entraînement et de fidélisation sont observable facilement. Pour ces trois raisons, une réorganisation de cette mission est nécessaire.

La régionalisation de Sentinelle

Le format actuel de projection provoque des absences longues du foyer et rend difficile la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Il est néanmoins nécessaire pour des raisons opérationnelles, cette présence prolongée permettant de maitriser l’environnement. Les centres villes, les gares et les cibles potentielles sont tous différents, il faut plusieurs semaines de présence pour s’approprier le terrain et ses contraintes.

Cette méconnaissance du terrain est toutefois provoquée par l’absence de zone attitrée à une unité. En effet, les régions de déploiement sont désignées en fonction de la disponibilité des unités. Les zones changent donc régulièrement et les soldats patrouillent rarement au même endroit de mission en mission.

De 2013 à 2023, les opérations extérieures ont suivi la même logique. L’ensemble des unités de l’armée de terre étaient susceptible de servir sur l’ensemble des théâtres. Désormais, les missions à l’étranger sont réparties en fonction du type de brigade et chacune d’entre elle est envoyée sur son type de théâtre.

L’opération Sentinelle pourrait suivre le même chemin. En effet, cette opération compte actuellement six zones de déploiement avec un effectif variable en fonction de l’importance de la région. L’Île de France contient ainsi un effectif bien plus important que les autres : plus de la moitié des militaires sont prévus pour cette région. Cette régionalisation confierait à chaque brigade une zone déterminée qui deviendrait son théâtre d’opération intérieure.

Cette organisation possèderait plusieurs avantages, tout d’abord la répétition des missions au même endroit permettrait une réelle connaissance de la zone à protéger tout en permettant de se l’approprier sur plusieurs missions. Ensuite le lien avec les FSI serait renforcé. En effet, la répétition des échanges et des patrouilles au long des mandats améliorerait la connaissance mutuelle et fluidifierait les interactions. On obtiendrait ainsi une plus grande efficacité opérationnelle.

De plus, cela renforcerait l’intégration des soldats au sein de la population locale. Les échanges réguliers avec les commerçants locaux, les associations sportives et les écoles provoqueraient la création d’histoires personnelles. Les échanges seraient prolongés sur plusieurs mandats et seraient réalisés par les mêmes personnes. Le lien armée-nation en sortirait renforcé.

La plus-value de réaliser des mandats de deux mois s’en retrouverait ainsi réduite. On raccourcirait alors de plus de moitié la durée des mandats, mais ils devront revenir plus régulièrement. L’impact sur la vie des familles serait alors semblable à celui d’une formation ou d’un exercice. La monotonie de la mission en deviendrait aussi plus supportable.

En adoptant cette organisation, l’armée de terre poursuivrait ses missions de « protection, dissuasion et réassurance » de la population française tout en limitant les conséquences négatives sur la fidélisation.

Un attrait supplémentaire pour la réserve opérationnelle

La transformation actuelle de l’armée de terre a pour objectif de doubler l’effectif de la réserve opérationnelle. De plus, des unités territoriales de réserves sont en création avec la constitution de bataillons de réserves. Ceux-ci seront rattachés à une zone géographique. Si l’idée de régionalisation exprimée ci-dessus était mise en application, les bataillons de réserve, à l’image des brigades, devraient être affectés à une zone Sentinelle de manière permanente. En effet, la mission Sentinelle emploie de nombreux réservistes et l’attrait opérationnel de la réserve s’incarne au travers de cette mission. De plus, les réservistes s’engagent généralement dans les régiments proches de chez eux. Si la zone Sentinelle correspondait à la zone d’implantation des différentes brigades, alors les réservistes participeraient à la protection de leur région. La perspective de participer à la protection de l’école de son enfance ou au clocher de son village aurait sans doute un effet positif sur l’attractivité de la réserve en rendant plus concrète la mission.

Des objectifs de missions

Si ces perspectives apporteraient des améliorations dans le domaine de la fidélisation et de l’attractivité, la monotonie de cette mission resterait forte. Les événements demandant à la force Sentinelle d’intervenir en mettant en œuvre ses savoir-faire militaires demeurent heureusement rares. Une certaine lassitude se fait ainsi sentir au sein de la troupe en fin de déploiement.

Pourtant l’armée française patrouille dans certaines régions de France avec des missions différentes ou supplémentaire à « protéger, dissuader, rassurer ». En Guyane, la mission Harpie utilise des patrouilles de l’armée de terre pour lutter contre les orpailleurs et combattre les trafics d’or et la pollution des sols.

De plus, une partie de la frontière avec l’Italie est également surveillée en coordination avec les forces de sécurité par l’armée de terre pour lutter contre l’immigration clandestine. Cette mission dans les Alpes est l’embryon de la force frontière appelée à se généraliser selon les déclarations du ministère de l’Intérieur.

Ces deux missions reposent sur l’interaction entre les FSI et les forces armées. En effet, un officier de police judiciaire (OPJ) est présent lors des patrouilles évoquées ci-dessus. Le groupe de combat terrestre (patrouille Sentinelle) intégrant un OPJ serait une unité mobile et bien équipée. Elle permettra d’effectuer plus de surveillances et de contrôles dans les zones difficiles.

Un récent sondage indique que 70% des Français sont favorables à la participation de l’armée à la lutte contre le narcotrafic. L’armée de terre a déjà démontré son utilité dans la lutte contre différents trafics, notamment dans les zones difficiles d’accès où la rusticité du soldat se révèle être un atout. Si des objectifs de cet ordre étaient fixés aux patrouilles de Sentinelle, il est certain que la monotonie de cette mission s’en trouverait diminuée.

Conclusion

L’opération Sentinelle opère sur le territoire français depuis bientôt dix ans, cette mission s’est inscrite dans le quotidien des habitants et les hommes en armes passent comme des ombres aux abords des gares et des terrasses des cafés. Les moyens financiers conséquents engagés (plus de 3 milliards d’euros selon la Cour des comptes) doivent contribuer à renforcer l’armée de terre sans diminuer sa capacité d’entraînement ni son taux de renouvellement de contrat. Si ces moyens sont loin d’être gaspillés et que les hommes de Sentinelle ont déjà permis d’éviter le pire, une réorganisation de son dispositif qui correspondait à l’urgence de 2015 devrait être engagée.

L’Ukraine envoie de force des civils au front : la France pourrait-elle enrôler aussi en cas de guerre ?

L’Ukraine envoie de force des civils au front : la France pourrait-elle enrôler aussi en cas de guerre ?

En Ukraine, la mobilisation générale se dessine. Et en France, si l’armée professionnelle ne suffit plus, pourriez-vous aller sur le front ?

En Ukraine, des soldats volontaires sont amenés à un centre de soin, du retour du front.
En Ukraine, des soldats volontaires sont amenés à un centre de soin, du retour du front. (©DIEGO FEDELE / AFP)

1 000 et deux nuit dans la guerre. Le 24 février 2022, la Russie envahissait son voisin ukrainien avec des avions de chasse rutilants, des chars d’assauts pétaradants et une armée professionnelle préparée. En face, dans l’urgence, la nation de Volodymyr Zelensky organisait la riposte avec des moyens américains et européens flambants neufs.

Près de trois ans plus tard, c’est l’usure et l’horreur du conflit qui dominent les esprits. Des milliers de civils ukrainiens sont morts, plus de six millions se sont exilés. Le conflit a fait fondre la population du pays d’un quart. Et le bilan des pertes militaires demeure inconnu.

Qu’importe, les volontaires ne suffisent plus à abreuver le front en hommes. Depuis quelques mois, la nation jaune et bleue oblige les citoyens à embrasser l’uniforme de l’armée, au point d’enrôler de force des civils, comme l’ont montré plusieurs vidéos, comme ici sur BFM. En France, dans une situation de guerre, l’État pourrait-il, lui aussi, nous enrôler ?

Aux armes, (tous les) citoyens ? 

En cas de conflit armé dans lequel la France serait impliquée, l’État pourrait donner l’ordre à une partie de sa population de s’engager dans l’armée. « En pratique, le pouvoir en place pourrait abroger la loi de suspension du service national », détaille Annie Crépin, historienne, spécialiste d’histoire militaire et maîtresse de conférences honoraire de l’université d’Artois, à actu.fr. Cette loi du 28 octobre 1997, souhaitée par Jacques Chirac, annonçait la fin du service miliaire obligatoire.

La mobilisation générale, ça n’existe plus. Mais avec cette abrogation, la France (qui, comme l’Ukraine, ne pourrait se suffire de son armée professionnelle pour mener la guerre) envisagerait de compter sur les citoyens. « Après avoir épuisé tous les volontaires et les réservistes, l’État serait enjoint de puiser dans la population. »

Qui serait concerné ? L’âge, le genre et d’autres conditions seraient encore à définir. Les plus fragiles pourraient-ils se retrouver sur le front ? Les femmes ? Si l’on se fie aux conditions d’accès au service militaire volontaire (SMV), tous les jeunes Français, dès 18 ans, est-il écrit sur le site du gouvernement, pourraient être enrôlés dans l’armée. Et ce, jusqu’à 35 ans.

« Les personnes considérées comme pas assez en formes, les plus âgés et d’autres cas seraient sans doute réformés », tempère tout de même Annie Crépin. Autrement dit, si vous êtes majeur, que vous avez la trentaine ou moins, que vous ne présentez aucune comorbidité, vous pourriez vous retrouver avec une arme à la main.

Brève histoire du service militaire

La conscription, appelée aujourd’hui service milliaire obligatoire, a vu le jour sous le directoire en 1789 avec la loi Jourdan-Delbre. Tous les citoyens âgés de 20 à 25 ans pouvaient servir dans l’armée. Au fil des régimes, la conscription s’est allégée. D’abord en termes de durée, puis de devoir, avant d’être définitivement suspendue en 1997.

Ouf, une (petite) armée existe

Autre paramètre à prendre en compte, avant de vous envoyer au front, comme Candide face aux Bulgares : la France possède une armée régulière. Ce sont les forces opérationnelles qui seront mobilisées les premières, en cas de guerre sur le territoire.

C’est-à-dire, comme le rappelle un rapport parlementaire portant sur le budget 2022 de la Défense, 77 000 hommes de l’armée de terre, 34 000 de la marine et 40 000 de l’armée de l’air et de l’espace. Des troupes professionnelles, avec environ 5 000 réservistes en renfort.

Outre ces prêts, au total, l’armée française, toutes armes, tous métiers confondus, comprenait 269 055 équivalents temps pleins. Trois quarts de ces temps pleins (76,5 %) sont occupés par des militaires, les autres, des civils au service de l’armée.

Côté matériel, la France possède, selon les derniers chiffres disponibles, 222 chars Leclerc, 6 200 blindés à roues et approximativement 3 800 autres véhicules de combat. Avec ceci, 211 avions de combat, 45 avions de chasse et une cinquantaine d’avions de surveillance, sans oublier les neuf sous-marins et un porte-avions. Bref, la France a, en théorie, de quoi se défendre en cas de conflit.

Cependant, pour combien de temps ? Sur le long terme, cette armée professionnelle suffirait-elle pour tenir les fronts, attaquer l’ennemi, ou encore défendre la population ? « L’armée française est une armée américaine en version bonsaï », rappelait sur France Info, Jean-Dominique Merchet, journaliste, spécialiste des questions militaires et stratégiques.

Qui sait recharger un FAMAS ?

Depuis la suspension du service militaire, en 1997, plus personne n’est formé aux maniements des armes, ni à ce que c’est vraiment, une guerre. Avec tout ce qu’elle comporte d’horreur, de froideur et de cynisme. Envoyer un citoyen en première ligne, la fleur fusil, serait considéré comme une hérésie.

« C’est un vrai problème, si on en arrive là », reprend l’historienne, avant d’ajouter : « La Première Guerre mondiale s’est gagnée avec les réservistes. »

Avant de puiser parmi les civils, il existe en effet une réserve militaire constituée de deux composantes. Une réserve citoyenne défense et sécurité (des volontaires agréés par l’armée en raison de leurs compétences et de leur expérience) et une réserve opérationnelle.

En somme, des réservistes avec ou sans expérience militaire, âgés de 17 à 35 ans, qui se sont engagés sur la base du volontariat pour soulager les armées environ 25 jours par an en moyenne, indique le ministère des Armées.

Au total, près de 140 000 personnes sont théoriquement mobilisables, dont 40 000 volontaires de la réserve opérationnelle, peut-on lire sous la plume de Jean de Monicault dans la Revue de Défense Nationale, parue en 2021. Ça en fait du monde, avant de demander aux boulangers, plombiers et banquiers de France de prendre les armes. Mais les chiffres paraissent ridicules face aux 4,5 millions de Français appelés sous les drapeaux en 1939 lors de la Seconde Guerre mondiale.

Évidemment, ces scénarios paraissent improbables. La France, avec 31 autres pays, est membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). L’article 5 de cette organisation dispose que si un pays est victime d’une attaque armée, chaque membre de l’Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque dirigée contre l’ensemble des membres, peut-on lire sur son site.

Le scénario pourrait devenir envisageable, le jour où la France, pour des raisons politiques, se retrouverait sans l’OTAN, isolée du reste du monde.