La maintenance dans une opération d’envergure, enjeu majeur de l’économie de guerre (III de III)

La maintenance dans une opération d’envergure, enjeu majeur de l’économie de guerre (III de III)


Par le Chef d’escadron Thomas Arnal, officier de l’arme du Matériel et Ecole de guerre – Terre – Partie III : se donner les moyens d’une « industrie prête à la guerre »

Disposer d’une économie de guerre pour soutenir une opération d’envergure implique le renforcement d’un secteur économique structurant pour la France. Pour l’armée de Terre, il s’agit de saisir l’opportunité du contexte actuel pour retrouver l’épaisseur logistique indispensable pour répondre aux enjeux de défense actuels.


Economie de défense et défense de l’économie française

La BITD française est un maillage industriel d’environ neuf grands groupes et plus de quatre mille PME, dont quatre-cent-cinquante considérées comme stratégiques. Elle représente deux cent mille emplois de haute technicité, et 15 G€ de chiffre d’affaire (hors MCO). Avec jusqu’à 7% des emplois industriels de certaines régions, elle est l’un des rares secteurs avec l’aéronautique à contribuer positivement à la balance commerciale de la France (en 2018, l’export de la BITD représentait 6,9 G€, soit 20% des exportations françaises)1.

L’impact économique du secteur défense se mesure sur l’ensemble du territoire français à partir d’externalités (effets sur l’activité, l’emploi, la recherche et le développement). La BITD contribue activement au maintien de l’activité dans les zones industrielles sous-dotées et a remplacé des sites militaires fermés lors des réorganisations géographiques successives de la défense.

Il est estimé que chaque milliard d’euros investi dans la BITD génère deux milliards supplémentaires en activité (PIB) au bout de dix ans. De plus, les dépenses publiques n’évincent pas les investissements de recherche et développement (R&D) privés2. L’effet multiplicateur de cet investissement est supérieur à celui des dépenses de fonctionnement de l’Etat (qui sont de la consommation, sans retombée sur la productivité privée). L’effort en équipements militaires et en R&D concentre ainsi 80% de l’investissement public français. L’aspect national de la production de défense renforce encore cet effet, en ce sens que la BITD externalise davantage sa R&D vers des entreprises françaises (82%) que les entreprises privées (52%).

Enfin, le suivi et le pilotage de la BITD par la DGA témoignent du contrôle étatique et de la protection de la vie économique du secteur. La prise de conscience politique et l’expertise industrielle historique de notre pays sont des atouts à valoriser pour renforcer un secteur stratégique, source d’emploi et de croissance économique.


Remettre l’Etat au cœur d’un secteur stratégique

Au-delà des réquisitions, le SGA travaille sur la priorisation de la livraison de biens et services au bénéfice des forces armées3. Il s’agit de pouvoir ordonner à un partenaire contractuel de l’Etat de l’approvisionner par priorité sur tout autre engagement. Cette mesure s’inspire de la législation américaine dite DPAS pour « Defence Priorities and Allocations System »4.

Le régime de contrôle des entreprises de fourniture de matériels de guerre est également en étude de modernisation. La DAJ préconise la clarification des prérogatives des commissaires du gouvernement siégeant dans les entreprises liées à l’Etat par un marché relatif aux matériels de guerre (contrôle de la stratégie d’entreprise et mise en œuvre éventuelle de priorisation ou réquisition). Enfin, le SGA souhaite renforcer les prérogatives de contrôle de l’Etat dans le cadre des marchés publics, exclus du droit européen. Il s’agit d’éviter de soumettre ces marchés à des règles trop contraignantes. Cela peut également passer par l’extension des obligations liées aux enquêtes de coûts à ces marchés (transparence notamment). En effet, l’absence de mise en concurrence au sein de la BITD conduit régulièrement à une dérive de prix contraignante.

Pour le MCO-T, ces enjeux sont primordiaux pour commander et constituer dans la durée les stocks nécessaires au soutien d’une opération d’envergure.

Plusieurs autres pistes sont étudiées par la SIMMT, telles que :

  • la standardisation de sous-ensembles pour plusieurs types de matériels majeurs. Le passage à l’échelle SOR – HEM impose en effet la priorisation de la soutenabilité sur le respect exhaustif du cahier des charges. A titre d’exemples, on notera qu’entre 1945 et 1985, les Etats-Unis sont passés de vingt-sept châssis de camions de transports à un seul pour des dizaines de matériels différents. Idem, en 2010, l’Allemagne disposait de trois familles de moteurs différents pour équiper une dizaine de familles de matériels majeurs, quand la France en avait sept pour équiper le même volume de parcs différents.
  • Ou encore la prise en compte de l’évolution constante d’un matériel plutôt que l’acquisition de nouveaux parcs à échéance régulière. L’exemple du char T72 russe mérite à cet égard d’être étudié. Ce matériel est en évolution constante depuis 1973. Pensé pour une production de masse à des coûts maîtrisés par la planification, il permet d’ajouter la masse à l’innovation permise par les matériels plus récents. Pour la France, la conservation du VAB (matériel emblématique et connu de tous les militaires français, y compris nos réservistes) est une piste intéressante dans ce sens.


Saisir la réalité d’une opération d’envergure

Pour l’armée de Terre, le retour de la guerre en Europe doit se traduire par des moyens à la hauteur de la réalité de la menace. Dans le cadre de son ambition 2030, la SIMMT s’est fixé l’objectif d’une « industrie prête à la guerre ». Cela passe par une coordination des capacités industrielles au niveau ministériel et une contractualisation des évolutions nécessaires au soutien d’une opération d’envergure. Mais surtout, il s’agit de reconstituer des stocks étatiques au plus vite. En contexte budgétaire tendu, l’armée de Terre arbitre depuis des années entre l’activité des forces terrestres (le potentiel d’entraînement soutenable) et la constitution de stocks logistiques.

L’engagement opérationnel expéditionnaire mené depuis des décennies déterminait jusqu’à présent la priorité de l’activité. Après les récents désengagements militaires d’Afrique et l’affirmation d’une ambition HEM comme nation-cadre, l’armée de Terre doit s’adapter afin d’assurer une transition du modèle de l’opération expéditionnaire vers une logique de confrontation entre puissances étatiques. Ce changement d’échelle des menaces impose une anticipation, notamment logistique, ce qui nécessite des ressources financières plus élevées sur le temps long pour garantir le respect du contrat opérationnel fixé aux forces terrestres.

En raison de décennies de fragilisation de l’industrie française, l’épaisseur logistique de l’armée de Terre ne pourra être reconstituée qu’à force d’efforts s’inscrivant dans la durée, tandis que, parallèlement, les citoyens français doivent être davantage sensibilisés sur l’attractivité d’un secteur économique en pointe et dont la performance est reconnue à travers le monde.


Notes de bas de page : 

1 DGA – Développer la BITD française et européenne : https://www.defense.gouv.fr/dga/nos-missions/developper-bitd-francaise-europeenne
2 Chaire EcoDef de l’IHEDN : Impact économique de la défense (27/05/2020) : Impact économique de la défense – Chaire Économie de défense – IHEDN (ecodef-ihedn.fr).
3 Partie normative de la LPM : réquisitions ; BITD (note n°0001D22013106 ARM/SGA/DAJ du 21/07/2022).
4 NDLR : cette législation est associée au « Defense Production Act » établi en pleine guerre froide en 1950 et a été amendée pour la dernière fois en 2014. Elle est actuellement en cours de révision au sein du Bureau of Industry and Security du Département du Commerce >>> https://www.bis.doc.gov/index.php/other-areas/strategic-industries-and-economic-security-sies/defense-priorities-a-allocations-system-program-dpas ; https://www.bis.doc.gov/index.php/documents/federal-register-notices-1/3446-clarif-and-updates-dpas-proposed-ruleaj15-as-pub-ofr-272024/file

 

Photo : contrôle des stocks de missiles moyenne portée au dépôt de munitions du camp de Cincu en Roumanie dans le cadre de la mission AIGLE © CABCEMACOM (photo diffusée en ligne le 30 mai 2023 >>> https://www.defense.gouv.fr/terre/actualites/roumanie-service-interarmees-munitions-au-coeur-du-soutien-operationnel)

La maintenance dans une opération d’envergure, enjeu majeur de l’économie de guerre (II de III)

La maintenance dans une opération d’envergure, enjeu majeur de l’économie de guerre (II de III)



Par le Chef d’escadron Thomas Arnal, officier de l’arme du Matériel et Ecole de guerre – Terre –  Partie II :  de la prise de conscience au changement de paradigme

Pour participer au développement de l’économie de guerre, le MCO-T a déjà identifié des blocages structurels et bénéficie de premières actions prometteuses grâce à un volontarisme législatif et à l’innovation technologique.

 

Un changement de paradigme qui s’impose

La volonté politique d’entrer en économie de guerre est freinée par les difficultés structurelles de la BITD : frilosité des investisseurs et défaut d’attractivité du secteur. En mai 2023, une commission sénatoriale a publié un rapport d’information sur ce sujet1. Les entreprises du secteur défense y déplorent un accès au financement bancaire compliqué, mais difficilement quantifiable. Techniquement, les banques n’ont pas d’obligation à motiver un refus. Si une justification est apportée, celle-ci repose souvent sur des arguments financiers (structure bilancielle de l’entreprise, viabilité ou rentabilité du projet, etc.). Pour autant, il faut concéder que les cycles industriels sont aujourd’hui difficilement compatibles avec l’horizon financier du capital-investissement. Certains groupes bancaires (HSBC par exemple) rejettent purement et simplement le domaine de la défense de leur politique d’investissement. Dans le secteur public, la banque européenne d’investissement (BEI) ne finance plus les munitions, matériels et infrastructures militaires. Une décision qui ne découle ni du droit primaire, ni du droit dérivé, ni même des statuts de la BEI.

Ces difficultés touchent principalement les petites et moyennes entreprises (PME), ainsi que les opérations d’export. Cette frilosité s’étend par ricochet à d’autres secteurs, tels les assureurs refusant de couvrir certaines entreprises, les développeurs d’assurer la maintenance de sites internet, ou encore les bailleurs immobiliers de louer des bureaux. Ces situations marginales semblent révéler une tendance de fond, qui assimile industrie de défense et activités controversées par deux aspects : la conformité et la réputation. La multiplication de règles et normes dans le domaine de la défense – sans compter les exigences environnementales et sociales – poussent les financeurs à la « sur-conformité » et au refus. Le risque lié à la réputation pousse par ailleurs les investisseurs à imposer une politique restrictive vis-à-vis des entreprises de défense. Le déclin d’attractivité engendré a fragilisé le consensus de l’utilité sociale d’une BITD robuste et souveraine, tout en repoussant les jeunes talents français vers d’autres secteurs ou vers l’étranger.

Les rapporteurs de l’information parlementaire proposent quatre axes pour réduire ces difficultés structurelles :

  • établir un diagnostic (bilans annuels à organiser) ;
  • encourager les banques à s’engager au côté de la BITD, notamment en imposant la justification des refus de financement, en développant la communication interne sur l’importance du secteur défense pour l’économie nationale, ou encore en allégeant les procédures de vérification ;
  • développer le volontarisme au niveau européen par la révision de la « doctrine » de la BEI, la vigilance interministérielle sur les projets de textes potentiellement contraignants pour la BITD, etc.
  • renforcer l’accompagnement public des entreprises de la BITD avec le référencement des surtranspositions de textes européens contraignantes2, l’accompagnement financier pour certains marchés, la constitution de fonds d’investissement privés dans le secteur de la défense, voire la création de référents défense régionaux dans le secteur bancaire.

 

Le dépoussiérage en cours du concept de réquisition

La réquisition militaire est liée au concept d’économie de guerre. Le code de la défense précise « qu’en cas de mobilisation de l’armée de terre, le ministre de la défense détermine la date à laquelle commence, l’obligation de fournir les prestations nécessaires pour suppléer à l’insuffisance des moyens ordinaires de l’armée de terre »3. Ces réquisitions sont limitées par le cadre militaire et ne peuvent être ordonnées qu’à défaut de tout autre moyen adéquat disponible.

En juillet 2022, la direction des affaires juridiques (DAJ) du secrétariat général pour l’administration (SGA) avait proposé la rénovation du régime de réquisitions, qui date de 1959, d’où le décret sur le sujet adopté en mars dernier. En effet, les conditions de mise en œuvre peuvent gagner en simplification (réécriture synthétique), en proportionnalité (subsidiarité entre réquisition et commande publique), en clarification (cas d’usage : menace pour la sécurité nationale ou pour ses intérêts) et en portée (biens, services ou personnes concernés, neutralisation des droits de grève et de retrait, principe de rétribution après une réquisition)4.

Pour le MCO-T, la réquisition peut concerner du personnel, des matériels, des infrastructures, de l’outillage ou des moyens de stockage pour combler les manques patrimoniaux (pour équiper la division HEM, renforcer le territoire national et compléter les moyens de la BITD). Un dispositif d’intelligence économique renforcé permettrait la cartographie des réquisitions potentielles en cas de crise. Actuellement, il s’agit d’une surveillance conjointe SIMMT/DGA de la BITD et de leurs principaux fournisseurs. Pour la DGA, cette tâche est dévolue au service des affaires industrielles et de l’intelligence économique (S2IE). A la lumière du manque de profondeur logistique constaté, l’actualisation du concept de réquisition va donc dans le sens de l’économie de guerre.

 

Les travaux de la SIMMT avec la BITD

Le MCO constitue une source importante de financement et d’activités sur le long terme pour la BITD. La stratégie de soutien d’un programme d’armement définit un effort dans la durée pour l’industriel. Ainsi, la constitution de stocks de rechanges par la commande publique participe au renforcement des entreprises, permet l’entretien de compétences industrielles et contribue à la résilience industrielle française. L’absence de commandes régulières d’un rechange peut à l’inverse conduire à son obsolescence par perte de savoir-faire, de stock ou de matières premières.

La crise du COVID a permis de prendre conscience des faiblesses industrielles de la France. Cet épisode a révélé les fragilités de nos entreprises : tensions et perte de compétences faute de commandes, concurrence extra-européenne agressive avec la question de l’extraterritorialité du droit américain par exemple (la norme ITAR – International Traffic in Arms Regulation – autorisant Washington à s’opposer à l’exportation d’un système d’armes contenant au moins un composant américain), cyber-menaces, besoins d’une cartographie détaillée des fournisseurs et importance des stocks5. Cependant, la BITD terrestre a pu être partiellement renforcée par des commandes massives de pièces de rechange par la SIMMT, qui a ensuite imposé un droit de regard sur le dimensionnement des chaînes d’approvisionnement des entreprises6.

Au-delà de ces travaux d’intelligence économique, d’autres actions ont été initiées. La SIMMT se tourne vers l’innovation technologique pour optimiser les activités de maintenance et limiter la dépendance à des stocks indisponibles immédiatement. Parmi les pistes prometteuses, la maintenance prédictive, c’est-à-dire l’analyse par une intelligence artificielle des données collectées, permet de suivre l’évolution de l’état du matériel et de détecter pannes et casses avant qu’elles ne surviennent. Mais aussi, l’impression 3D : la SIMMT a ainsi développé avec la DGA la fabrication additive de rechanges en polymère. L’impression métallique, déjà opérationnelle dans d’autres forces armées alliées, permet un changement d’échelle, tout en constituant un atout pour limiter les empreintes logistique et écologique d’une force déployée. La rémunération de la propriété intellectuelle des entreprises est prise en compte, notamment par un système de block chain.

Dans le domaine des ressources humaines, la création de la réserve industrielle de défense (RID) en octobre 2023 va également dans le sens de l’économie de guerre. Ce système permet de renforcer l’industrie d’armement en cas de crise majeure. L’objectif fixé pour 2030 est d’atteindre trois mille RID. Ces réservistes ont vocation à être déployés au sein des entreprises de la BITD, du service industriel de l’aéronautique (SIAé), du service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer), du service logistique de la marine (SLM) ou du service interarmées des munitions (SIMu).


Notes de bas de page : 

 1 Voir : Renseignement et prospective : garder un temps d’avance, conserver une industrie de défense solide et innovante >>> https://www.senat.fr/rap/r22-637/r22-637-syn.pdf.
NDLR : « [On] parle (…) de « surtransposition » pour désigner [un] différentiel proprement national à la règle européenne, différentiel susceptible de créer une distorsion concurrentielle qui porte préjudice aux opérateurs économiques français » >>> Voir sur ce sujet le rapport d’information n° 614 (2017-2018) du Sénat déposé le 28 juin 2018 et intitulé « La surtransposition du droit européen en droit français : un frein pour la compétitivité des entreprises » (https://www.senat.fr/rap/r17-614/r17-6141.html)
3 Article L2221-2 du Code de la défense.
4 Partie normative de la LPM : réquisitions ; BITD (note n°0001D22013106 ARM/SGA/DAJ du 21/07/2022).
5
Article OPEX360.com du 18/11/2020 : https://www.opex360.com/2020/11/18/le-terme-de-stock-est-aujourdhui-presque-un-gros-mot-deplore-le-chef-detat-major-de-larmee-de-terre/
6 Rapport d’information de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée Nationale sur la préparation à la haute intensité du 17/02/2022 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b5054_rapport-information#

 

Photo : innovation technologique du MCO-Terre Lab avec l’introduction de la réalité augmentée depuis 2020 dans les 6e et 8e Régiments du matériel avec le système Dedal et les lunettes Holo-Dedal © armée de Terre, photo diffusée en ligne le 24 mai 2022 (https://www.defense.gouv.fr/terre/linnovation-a-lheure-numerisation/au-service-maintenance)

La maintenance dans une opération d’envergure, enjeu majeur de l’économie de guerre (I de III)

La maintenance dans une opération d’envergure, enjeu majeur de l’économie de guerre (I de III)

Par le Chef d’escadron Thomas Arnal – OPS – publié le 15 avril 2024

https://operationnels.com/2024/04/15/la-maintenance-dans-une-operation-denvergure-enjeu-majeur-de-leconomie-de-guerre-i-de-iii/

Par le Chef d’escadron Thomas Arnal, officier de l’arme du Matériel et Ecole de guerre – Terre –  Partie I :

 

Le constat d’un manque de profondeur logistique

Le commandant Thomas Arnal est saint-cyrien (promotion CES Francoville) et officier de l’arme du Matériel. Il a servi successivement au 3e régiment du Matériel, au 2e régiment de parachutistes d’Infanterie de marine, au 8e puis au 6e régiment du Matériel. Il a été projeté au Tchad, au Mali et au Liban. Affecté en 2020 au centre opérationnel de la Structure Intégrée du Maintien en condition opérationnelle des Matériels Terrestres (SIMMT), il a développé les échanges et la coordination avec les industriels de défense pour le soutien MCO-T des opérations et de l’hypothèse d’un engagement majeur.

Dans cet article rédigé dans le cadre de la formation qu’il effectue actuellement au sein de l’Ecole de guerre-Terre et que nous diffusons en trois parties, il décrit la fragilisation du niveau de soutien nécessaire à la conduite d’une opération d’envergure contre un ennemi à parité et le « manque d’épaisseur logistique de l’armée de Terre ». Ainsi, « la maintenance des matériels militaires en constitue un des aspects essentiels pour hausser la disponibilité des équipements majeurs et régénérer pour pallier l’attrition. Composante essentielle d’une économie de guerre, la constitution de stocks de pièces et l’anticipation des montées en cadence doivent être initiées dès maintenant et soutenues dans la durée par un effort financier à la hauteur de l’enjeu. »

Une stratégie que le gouvernement français a commencé à mettre en œuvre sous l’appellation générale d’« économie de guerre » depuis près de deux ans – avec en particulier le décret récemment adopté « relatif à la sécurité des approvisionnements des forces armées et des formations rattachées »1 – et dont les initiatives commencent à porter leurs fruits, si l’on en juge par exemple par le triplement des cadences de production chez Nexter (pour le canon Caesar) ou Dassault Aviation (pour le Rafale).

De nombreux événements récents ont mis en exergue le manque de profondeur logistique de l’armée de Terre, qu’il s’agisse de la crise du COVID, de l’exercice de montée en puissance de l’armée de Terre (MEPAT) organisé en mai 2022, de notre projection de force en Roumanie, de l’exercice ORION 2023, ou encore des désengagements successifs du continent africain. Le domaine du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (MCO-T) – que l’on peut définir comme étant une sous-fonction logistique ayant pour but la conservation ou le rétablissement du fonctionnement nominal d’un matériel et incluant l’entretien et la réparation des matériels, l’approvisionnement, la livraison et la distribution des rechanges, la récupération et l’évacuation des chutes tactiques et techniques amies, ainsi que l’élimination de certains matériels – est de fait particulièrement concerné.

Dans le cadre d’une opération d’envergure, il s’agit de relever l’ambition opérationnelle fixée pour 2027 : la constitution, la projection et l’entretien dans la durée d’une division (avec ses appuis et soutiens) en trente jours. Pour rappel, l’opération d’envergure, encore récemment décrite comme hypothèse d’engagement majeur (HEM), définit un engagement terrestre volumineux (niveau division, voire au-delà) en coalition internationale face à un ennemi à parité. Un tel scénario est caractérisé par une forte attrition (matérielle et humaine) lors des phases de combat de haute intensité.

Après des décennies de réductions budgétaires et de politique logistique de flux plutôt que de stock, il semble difficile sur le court terme de satisfaire cette ambition. Pour autant, les crises multiples auxquelles le pays est confronté ont fait réémerger le concept d’économie de guerre. En juin 2022, le Président Macron expliquait que la France et l’Union européenne étaient entrées dans « une économie de guerre dans laquelle (…) nous allons durablement devoir nous organiser »2. Cette déclaration appelait au renforcement de l’industrie de défense tant française qu’européenne au regard des besoins militaires accrus mis en lumière par la guerre russo-ukrainienne. Cette prise de conscience politique fait écho au constat logistique fait par l’armée de Terre.

L’économie de guerre désigne une situation dans laquelle l’appareil productif national est dédié en priorité aux besoins de la guerre, possiblement par prélèvement autoritaire (réquisitions, livraisons obligatoires, etc.). Dans ce contexte, le MCO-T est déterminant, car il permet d’agir sur l’endurance industrielle, indispensable au soutien d’une opération d’envergure sur la durée.

 

I – Le constat d’un manque de profondeur logistique

Le MCO-T fait face à trois défis : générer la force, la soutenir et la régénérer :

• La génération de force implique de nombreuses actions : identifier les matériels à projeter, les affecter aux unités concernées, remonter la disponibilité des parcs, constituer les stocks de pièces de rechange et éventuellement une réserve de maintenance, regrouper les ressources, contrôler/réparer les matériels avant leur projection, désigner et équiper les maintenanciers projetés sur le théâtre (outillage technique notamment).

• Le soutien de l’engagement consiste à réparer les matériels indisponibles (pannes techniques et destructions par l’ennemi) dans les différentes zones d’opération. Cela concerne également le remplacement des matériels endommagés par des matériels en bon état en provenance de la zone arrière (réserve de maintenance de théâtre).

• La régénération de la force est un défi industriel national qui se joue principalement sur le territoire national. Il englobe les actions de production, de réparation lourde et d’acheminements (boucles arrière et avant). Elle concerne des acteurs tant étatiques que privés et relève directement de la Base industrielle technologique de défense (BITD) et de l’économie de guerre.

Ces trois défis se fondent sur plusieurs constats : le retour d’expérience (RETEX) des exercices récents MEPAT 2022 et ORION 2023, ainsi que sur l’écart entre la facture logistique d’une « division engagement majeur » et l’état réel des stocks détenus.

 

MEPAT : le retour d’une véritable planification de la montée en puissance

L’Etat-major de l’armée de Terre (EMAT) a organisé en mai 2022 une simulation de la manœuvre de montée en puissance de l’armée de Terre (MEPAT) pour répondre au défi d’un engagement majeur. Le scénario faisait de la France la nation cadre d’une coalition. Le RETEX démontre un défaut de profondeur logistique, accentué par des fragilités capacitaires. Cela se traduit par une armée de Terre à la fois limitée par un format strictement adapté à la gestion de crise, par des stratégies d’externalisation notamment en matière d’acheminement stratégique, (c’est-à-dire l’ensemble des actions de transport entre le territoire national et le théâtre d’opération) et la concurrence économique internationale en situation de crise (rareté des ressources et prédations).

L’enjeu principal de la MEPAT est la réactivité. L’armée de Terre doit disposer au bon moment des bonnes ressources en quantité suffisante, ce qui implique anticipation et souplesse. Pour le MCO-T, les stratégies de soutien actuelles semblent trop rigides pour remplir cet objectif (format, délais, volume financier alloué). Les procédures dérogatoires et les contrats de soutien doivent donc gagner en souplesse. Les mécanismes actuels de mobilisation et de réquisition ne sont en outre pas assez performants. Pourtant, le recours impératif à des moyens extérieurs est l’un des premiers enseignements du wargame.

Enfin, la MEPAT est subordonnée à la remontée de la disponibilité technique des matériels. Cela implique une remontée en puissance préalable de la base industrielle et technologique de défense (BITD). Mais elle ne vit pas au même rythme que l’armée de Terre. La réactivité est donc un des enjeux de l’économie de guerre. Il s’agit de constituer des stocks préalables et de réaliser des réquisitions planifiées. Cette anticipation ne doit pas attendre le « top départ » d’une montée en puissance à six mois au déclenchement d’une crise.

C’est pourquoi le nouveau référentiel opérationnel (NRO) fixé par la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 établit un délai de trente jours pour déployer une division à horizon 2027. L’armée de Terre doit donc disposer de leviers successifs pour chaque étape de ce scénario. Chaque levier serait caractérisé par des budgets dédiés, des commandes industrielles, des réquisitions de moyens privés et par l’abaissement de blocages juridiques ou administratifs propres au « temps de paix ». Le travail du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) sur les stades de défense (STADEF) va dans ce sens.

 

ORION 2023 : un rééquilibrage entre soutien et besoins opérationnels à revisiter

Concrétisation d’un entraînement d’envergure, l’exercice ORION fut l’un des évènements majeurs de 2023 pour l’armée de Terre. Il visait plusieurs objectifs : entraînement des forces terrestres, intégration de nations alliées, démonstration capacitaire dissuasive et établissement d’une « photographie instantanée » de nos capacités opérationnelles. S’il a confirmé la pertinence du modèle complet de l’armée de Terre, ORION en a aussi illustré certaines insuffisances capacitaires. Ces fragilités entraînent une autonomie limitée et une dépendance envers les nations alliées. Elles sont à même de fragiliser l’ambition nationale d’assumer le rôle de cadre dans un engagement en coalition.

ORION a également démontré les limites de la politique des parcs et des stratégies actuelles de soutien des matériels terrestres. La logique de densification des parcs régimentaires initiée en 2020 va dans le sens de l’ambition haute intensité. Le choix français d’une armée de Terre « échantillonnaire » permet en théorie de disposer d’une base de départ polyvalente avant une phase de massification par montée en puissance (sous réserve de délais, de financement et d’atouts industriels préalables).

Pour autant, les matériels majeurs du segment de décision (VBCI et char LECLERC) sont contraints par des impératifs liés aux marchés de soutien en service (MSS), ce qui implique le maintien d’un parc d’entraînement (PE) conséquent. Le principe du PE est de fournir aux unités en préparation opérationnelle dans les camps de manœuvre des matériels majeurs dédiés afin de conserver le potentiel de leurs propres matériels régimentaires. Ces marchés s’avèrent rigides dans l’anticipation de la consommation annuelle.

Pour l’armée de Terre, il s’agit donc de revoir ces stratégies et de définir l’équilibre entre socle de soutien industriel, niveaux des stocks et évolution du besoin en potentiels. Illustration de la limitation actuelle des ressources, la phase 4 d’ORION a non seulement vu le déploiement de vingt-trois XL et quarante-cinq VBCI, soit quatre fois moins que l’effectif théorique d’une division blindée, mais il faut garder à l’esprit que ledit déploiement des XL pendant deux semaines a à lui-seul représenté 40% des heures de potentiel annuel prévues en métropole par la Loi de programmation militaire (trois mille deux-cent-vingt-cinq heures sur huit mille).

Enfin, ORION a souligné l’impératif de consolider les données logistiques en haute intensité. Les limites de l’exercice n’ont pas permis l’emploi massif des ressources « consommables » d’une division (notamment les pièces de rechange pour le MCO-T). Pour autant, cet exercice a confirmé la nécessité de réévaluer les lois de consommation, ainsi que de constituer une base de données unique, partagée et accessible. Celle-ci est primordiale pour la constitution de stocks logistiques adaptés à une opération d’envergure.

 

L’état des stocks face à la « facture logistique » d’une division HEM

En avril 2023, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) a mené un exercice de planification avec les acteurs étatiques et privés (notamment les entreprises ARQUUS, NEXTER, THALES et NSE) du MCO-T. Il s’agissait d’une réflexion commune sur la montée en puissance industrielle nécessaire à un conflit de haute intensité, sur le scénario de la MEPAT.

Ces travaux mettent en lumière des stocks limités à la gestion de crise et difficiles à reconstituer. Sans entrer dans le détail de données classifiées, les taux de réalisation des stocks nécessaires à une division à une opération d’envergure, donc calculés à partir du contrat opérationnel fixé à l’armée de Terre, demeurent faibles. La reconstitution de stocks pour le MCO-T représente un effort élevé sur les plans budgétaires et logistiques. Cet investissement permettrait pourtant d’augmenter la capacité de production de la BITD et de gagner des délais sur la MEPAT en cas d’opération d’envergure. Ces besoins demeurent semble-t-il sous financés à ce stade par la LPM 2024-2030.

Au-delà du coût, les délais de production semblent également incompatibles avec l’ambition opérationnelle fixée pour 2027. Dans l’éventualité d’un déblocage en urgence de budgets dédiés, les délais de constitution des stocks s’avèreraient à ce jour inadaptés à l’objectif de projection en trente jours. Les délais de constitution de lots de rechanges de projection (LRP) par les industriels se comptent en effet en mois, un minimum de deux années étant généralement de mise et ce, sans compter avec les aléas dûs aux obsolescences de rechanges ou aux éventuels problèmes d’approvisionnement côté fournisseurs.

La BITD terrestre, actuellement structurée pour répondre aux justes besoins de la situation opérationnelle de référence (SOR), ne semble pas en mesure de soutenir une opération d’envergure, et encore moins dans la durée. Ce constat posé, il est intéressant d’étudier les premières mesures concrètes permettant potentiellement de dépasser ce blocage et de façonner une industrie de défense « prête à la guerre ».


Notes de bas de page :

1 Décret n° 2024-278 du 28 mars 2024 >>> https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049339435

2 Voir par exemple : article du Monde du 13/06/2022 : « Economie de guerre » : Emmanuel Macron demande une réévaluation de la loi de programmation militaire.

Photo © formation des rames pendant Orion 2023, armée de Terre, 16 février 2023 (https://www.defense.gouv.fr/operations/actualites/orion-2023-montee-puissance-unites.

La Cour des comptes s’interroge sur le Centaure, le nouveau blindé de la Gendarmerie nationale

La Cour des comptes s’interroge sur le Centaure, le nouveau blindé de la Gendarmerie nationale

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Moins d’un an après, la Gendarmerie nationale fit savoir que son choix s’était porté sur le « Véhicule blindé de maintien de l’ordre » [VBMO] présenté par le groupe Soframe.

« Cette solution, qualifiée et éprouvée, est directement issue de la famille de véhicules ARIVE produits à près de 1800 exemplaires. Ces véhicules ARIVE ont fait de Soframe le premier constructeur français de véhicules blindés entre 2017 et 2019 », s’était félicité l’industriel, à l’époque.

Depuis, le VBMO a été baptisé « Centaure« . Plusieurs exemplaires ont été mis en service, certains d’entre eux ayant été sollicités lors des émeutes urbaines de juin 2023. A priori, ces blindés donnent satisfaction à la Gendarmerie. Son directeur [DGGN], le général Christian Rodriguez eut d’ailleurs l’occasion de dire tout le bien qu’il en pensait lors d’une audition à l’Assemblée nationale, en octobre dernier.

Le Centaure est « un engin exceptionnel. Nous l’avons utilisé durant les émeutes urbaines des mois de juin et juillet, à la fois pour protéger les gendarmes qui se déplaçaient, mais également pour réduire quelques barricades. Il est doté de capacités de diffusion de lacrymogène impressionnantes. Elles permettent ainsi d’éviter le contact et par conséquent les violences graves. Il dispose également de capteurs qui lui permettent d’orienter la tourelle en direction de l’endroit où un coup de feu a été tiré. Il peut également être doté d’une arme de guerre lorsqu’il sert dans d’autres circonstances que le maintien de l’ordre », avait en effet détaillé le DGGN.

Le Centaure « dispose également d’une très grande précision dans l’application des tirs, notamment les tirs de lacrymogènes, grâce à des mesures de distance effectuées par laser. En outre, il roule très rapidement et ne tombe pas en panne. Il est capable de percuter une barricade et de dégager un terrain très facilement, ce que le VBRG n’était pas en mesure de faire. Ses diffuseurs lacrymogènes protègent le véhicule : ceux qui voudront s’en approcher ne pourront pas y parvenir », s’était encore enthousiasmé le général Rodriguez.

Et d’ajouter : « En résumé, il sera en mesure d’effectuer un grand nombre de tâches, du bas du spectre jusqu’au très haut du spectre. Il est par exemple capable de projeter des enquêteurs dans un environnement pollué de type NRBC [nucléaire, radiologique, biologique et chimique] ».

Seulement, la Cour des comptes est visiblement plus réservée à l’égard de ce programme. C’est ce qu’il ressort de son rapport sur les « forces mobiles », rendu public ce 3 avril.

« L’analyse du mode passation du marché n’a pas fait apparaître d’irrégularités mais la nécessité de décaissement rapide des fonds, elle-même inhérente au mécanisme du plan de relance, a conduit à une spécification rapide de besoins. Cette rapidité excessive a conduit, de l’aveu même de la Gendarmerie, à omettre aux stades initiaux de spécification des besoins techniques importants relatifs notamment au maintien en condition opérationnelle des véhicules. Un plan de maintenance a ainsi dû être rajouté au cahier des clauses techniques particulières, qui n’en contenait pas au départ », est-il avancé dans ce document.

Mais les observations de Cour des comptes ne s’arrêtent pas là. Notant que le Centaure est le véhicule « le plus polyvalent et le plus armé » de tous les blindés utilisés par les forces de maintien de l’ordre des pays européens « similaires à la France », les magistrats de la rue Cambon ont pointé le fait que « sa conception et sa spécification technique ont précédé la définition de son usage » et que son concept d’emploi définitif n’a été arrêté que le 14 décembre 2023.

En outre, au regard de la polyvalence du Centaure, le rapport s’interroge sur la décision d’en acquérir 90 exemplaires pour remplacer autant de VBRG.

« Le choix d’une cible d’équipement à 90 véhicules garantissant un remplacement un pour un des VBRG interroge aussi, dans la mesure où les surcroîts de polyvalence impliquent souvent une réduction des flottes de grands systèmes militaires [exemple du Rafale ou des frégates multi-missions] », affirme le document. L’exemple des frégate n’est pas le plus pertinent… Et malgré toutes ses qualités, le Centaure n’a pas encore le don d’ubiquité… C’est d’ailleurs ce que les gendarmes lui ont rétorqué, comme elle l’a admis.

« La gendarmerie justifie ce choix par deux raisons : d’une part, l’accroissement du champ des missions du blindé, qui sera employé non seulement pour des missions de maintien de l’ordre, mais aussi à d’autres missions relevant de la sécurité publique [traque de forcenés, lutte antiterroriste, participations aux opérations extérieures] que le durcissement du contexte sécuritaire rend plus risquées. D’autre part, elle conçoit ce blindé non comme lui appartenant en propre, mais comme susceptible d’être mis à la disposition de l’ensemble des services du ministère de l’Intérieur », lit-on dans le rapport.

Pour autant, la Cour des comptes n’est pas convaincue. « Les autres forces, à commencer par la police nationale, qui n’utilise pas de blindés de cette taille, n’ont pas exprimé un intérêt particulier pour l’usage de ce véhicule », argue-t-elle. Et de conclure : « Il en résulte que de forts doutes entourent l’adéquation de la flotte de Centaure à l’usage réel qui en sera fait ».

Dans la réponse qu’il a adressée à la Cour des comptes, le ministère de l’Intérieur a fait valoir le Centaure est le résultat d’un « projet stratégique abouti » qui a pu se concrétiser grâce au plan de relance. « Les modalités de définition technique du besoin ont pris en compte les modèles industriels existants afin de garantir un appel d’offres fructueux », a-t-il assuré.

En revanche, il a admis que le plan de maintenance proposé par Soframe n’avait effectivement pas été « agréé en l’état » et que des travaux complémentaires sont en cours pour « s’adapter au nouveau schéma national de l’appui à la mobilité, qui prévoit l’internalisation de certaines opérations ». Enfin, d’après la place Beauvau, les présentations techniques du Centaure auprès de la Police nationale ont « suscité un intérêt certain ».

Photo : © SIRPAG – BRI T. DOUBLET

Faute de soutien, seulement 50% des chars Challenger 2 livrés à l’Ukraine sont actuellement opérationnels

Faute de soutien, seulement 50% des chars Challenger 2 livrés à l’Ukraine sont actuellement opérationnels

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A British Army Challenger 2 Main Battle Tank (MBT)

Pour le chancelier allemand, Olaf Scholz, il fallait agir en « étroite concertation » avec les États-Unis avant de prendre une décision à ce sujet. Mais l’annonce de la livraison d’engins blindés AMX-10 français à l’Ukraine fit bouger les lignes car, peu après le Royaume-Uni se décida à en faire autant avec 14 de ses chars Challenger 2 [soit l’équivalent d’un escadron]. Puis l’Allemagne céda à son tour et alla jusqu’à encourager la formation d’une « coalition Leopard » pour l’Ukraine. De même que les États-Unis, qui acceptèrent de céder 31 M1A1 Abrams SA [Situationnal Awareness].

Cependant, malgré une demande de Kiev, soutenue par certains experts des relations internationales, considérant sans doute le classement de l’institut Kiel comme l’alpha et l’oméga de l’aide militaire fournie à l’Ukraine, la France refusa de se séparer d’une partie de ses 200 chars Leclerc. À raison.

En effet, livrer des chars est une chose… Mais encore faut-il former leurs futurs équipages, tant au niveau technique que tactique, s’assurer de l’approvisionnement en munitions et prévoir le maintien en condition opérationnelle [MCO]. Évidemment, faire cohabiter plusieurs modèles de chars, même s’ils sont conformes aux normes de l’Otan, ne peut que compliquer l’équation.

Ainsi, l’aide militaire américaine [31 milliards de dollars] étant bloquée au Congrès, le soutien des M1A1 Abrams SA, dont au moins deux exemplaires ont été perdus, devient très compliqué. Celui des Leopard A1A5 et Leopard 2 l’est déjà, comme l’a fait savoir, le député allemand Sebastian Schäfer [Alliance 90/Les Verts]. En janvier, celui-ci a en effet déploré une pénurie de pièces de rechange et l’insuffisance de la formation des techniciens ukrainiens, dont les tentatives de réparations ont parfois entraîné des dommages supplémentaires aux chars qu’ils étaient censés remettre en état.

L’emploi des 14 Challenger 2 s’avère également compliqué. Déjà, contrairement à ses homologues occidentaux, le char britannique est doté d’un canon rayé de 120 mm [le L30A1], lequel n’est pas compatible avec les munitions de 120×570 mm au standard Otan.

Selon un reportage du quotidien britannique The Sun sur une unité de la 82e brigade d’assaut aéroportée de l’armée ukrainienne, le Challenger 2 est très précis, grâce à son canon mais surtout à son système de conduite de tir. En outre, il peut toucher une cible à une distance supérieure à 4 km.

Mais il présente quelques défauts, à commencer par un rapport poids/puissance inférieur de 30 % par rapport aux chars T-80 de conception soviétique. Affichant une masse de 64 tonnes, son groupe motopropulseur [GMP] de 1200 ch n’est pas assez puissant [à masse équivalente, le Leopard 2 et le M1A1 Abrams disposent chacun d’un GMP développant 1500 ch, ndlr]. Et cela joue sur sa mobilité. « Il reste coincé dans la boue parce qu’il est trop lourd », a confié un officier ukrainien au Sun.

Aussi, les Challenger 2 ukrainiens sont rarement utilisés pour du combat « char contre char »… En revanche, ils sont sollicités dès qu’il s’agit de détruire des casemates, de soutenir les « charges » de l’infanterie ou de « terrifier les troupes ennemies ».

« Le principal problème des Challenger 2 sur le champ de bataille est un commandant qui ne comprend pas pourquoi ils ont été conçus et qui ignorent leurs avantages et leurs inconvénients », a résumé le chef d’escadron « Kayfarick » dans les pages du Sun.

Lors de la contre-offensive lancée en juin 2023, un seul Challenger 2 a été perdu au combat. Touchés, deux autres ont pu être réparés. Cependant, le MCO peine à suivre, car sur les 14 exemplaires livrés, 7 sont encore opérationnels.

« Cinq sont tombés en panne et les pièces de rechange mettent parfois des mois pour arriver de Grande-Bretagne », a confié « Kayfarick ». Et d’insister : « Il faut beaucoup de temps pour obtenir des pièces de rechange. La logistique est très complexe, tant de notre côté que des Britanniques ». Les patins des chenilles, les composants de la tourelle, les systèmes de visée « ne durent pas longtemps », a-t-il déploré.

Outre les soucis logistiques, l’escadron ukrainien manque de techniciens qualifiés pour maintenir les Challenger 2 en bon état. Par ailleurs, afin de se prémunir des munitions téléopérées russes [le seul exemplaire perdu au combat a été victime d’un drone « Lancet »], les équipages ont installé, à leurs frais, des cages de protection sur deux de leurs chars.

Le contrat relatif au troisième arrêt technique majeur du porte-avions Charles de Gaulle a été notifié

Le contrat relatif au troisième arrêt technique majeur du porte-avions Charles de Gaulle a été notifié

 

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Pour rappel, cette opération, qui a nécessité de mettre le porte-avions en cale sèche durant cinq mois, s’est concentrée sur l’entretien de la coque [l’accumulation de balanes peut faire perdre jusqu’à trois nœuds de vitesse au navire] ainsi que sur la révision des lignes d’arbre et des catapultes. En outre, les installations médicales du bord et les zones de vie de l’équipage ont été rénovées, de même que son système de combat, avec l’intégration d’une station de télécommunications par satellite Syracuse 4, plus puissante et mieux sécurisées.

Le 28 décembre, alors que cet ATI n’était pas encore terminé, la Direction générale de l’armement [DGA] a notifié à Naval Group le contrat relatif au troisième [et dernier] arrêt technique majeur [ATM] du porte-avions. Celui-ci avait été brièvement évoqué la semaine passée, dans un communiqué résumant toutes les commandes qu’elle venait de passer au titre de la loi de finances 2023.

Via un autre communiqué, diffusé le 1er février, la DGA a donné quelques détails sur le contenu de ce futur ATM du « Charles de Gaulle ». Ainsi, comme prévu, cette opération débutera en 2027 et portera en particulier sur la « rénovation du système de combat et du systèmes anti-missiles avec le nouveau radar à quatre panneaux fixes Sea Fire de Thales, le dernier système de direction de combat SETIS 3.0 de Naval Group et la nouvelle installation de tir reconfigurable de MBDA mettant en œuvre les missiles ASTER ».

Pour rappel, le système SETIS 3.0 et le radar Sea Fire vont aussi équiper les cinq futures Frégates de défense et d’intervention [FDI] de la Marine nationale.

Qualifié en octobre 2021 par la DGA, le Sea Fire est un radar qui fonctionne en bande S [partie du spectre électromagnétique allant de 2 à 4 GHz, ndlr]. Doté de quatre antennes actives [AESA] entièrement numériques et à panneaux fixes, il est en mesure de suivre plus de 800 pistes et de repérer des aéronefs et des missiles évoluant à plus de 500 km de distance. Il peut également détecter des navires de surface à plus de 80 km. Qui plus est, il peut être utilisé comme radar de conduite de tir pour les missiles surface-air Aster.

Cela étant, cet ATM 3 se penchera également sur la propulsion du navire. L’un des enjeux sera de voir s’il sera possible, en fonction de l’état des cuves de ses deux réacteurs nucléaires K15, de le prolonger au-delà de 2038, ce qui permettrait à la Marine nationale de disposer de deux porte-avions, avec le PA NG [porte-avions de nouvelle génération].

Lors de l’examen de la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, un amendement avait en effet été adopté pour demander au gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur le « coût et la viabilité du maintien en service après 2040 » du « Charles de Gaulle ».

Quant au coût de cet ATM 3, la DGA n’a donné aucun chiffre. Cependant, selon les projets annuels de performances publiés par le ministère de l’Économie et des Finances pour la Loi de Finances 2023, il est question d’un investissement de 579,31 millions d’euros en autorisations d’engagement.

« Dans le cadre du prochain arrêt technique pour entretien majeur du porte-avions [ATM3], cette opération vise à pérenniser les capacités actuelles du porte-avions en remplaçant des équipements ne pouvant être conservés en condition opérationnelle jusqu’à [son retrait du service], à intégrer des systèmes transverses arrivant à maturité à l’échéance de l’arrêt technique majeur et à prendre en compte des recommandations issues du réexamen de sûreté nucléaire », explique ce document.

Les moteurs de l’avion de transport A400M posent toujours des problèmes à l’armée de l’Air et de l’Espace

Les moteurs de l’avion de transport A400M posent toujours des problèmes à l’armée de l’Air et de l’Espace

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D’abord, les difficultés se concentrèrent au niveau du FADEC [Full Automatic Digital Engine Control], c’est à dire le système informatique chargé du contrôle des turbopropulseurs. Puis en 2016, un problème d’usure prématurée des boîtes relais des réducteurs d’hélices [PGB – Propeller Gear Box] fut constaté, ce qui donna lieu à ce que le général André Lanata, alors chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE], qualifia de « crise des moteurs ».

« Les moteurs doivent d’abord être révisés au bout de 60 heures et, ensuite, toutes les 20 heures, ce qui représente seulement l’équivalent d’un aller-retour au Moyen-Orient », avait-il déploré lors d’une audition à l’Assemblée nationale. Évidemment, cela affecta la disponibilité des onze A400M que l’AAE possédait à l’époque. « L’industriel s’est engagé à mettre en place une solution intermédiaire d’ici au printemps 2017. Dans cette attente nous sommes contraints de faire des visites régulières et exténuantes pour le personnel mécanicien, du fait du délai de revisites imposé par les instances de certification », avait expliqué le général Lanata.

Qu’en a-t-il été par la suite? Répondre à cette question est compliqué, tous les indicateurs [activité des forces, taux de disponibilité des équipements] ayant été mis sous le boisseau par le ministère des Armées. Et cela ne permet évidemment pas d’évaluer les résultats de la réforme du Maintien en condition opérationnelle Aéronautique [MCO Aéro].

Cependant, quelques informations sont parfois communiquées. Dans les « projets annuels de performance » pour 2022, publiés par le ministère de l’Économie et des Finances, il avait fait état de « difficultés » pour la flotte d’A400M de l’AAE. Mais les soucis de disponibilité de l’aviation de transport militaire étaient surtout dus, selon le document, aux problèmes rencontrés par les C-130H Hercules.

Puis, en janvier 2022, lors d’un point presse du ministère des Armées, la Direction de la maitenance aéronautique [DMAé] fit savoir que la disponibilité de l’A400M avait progressé en 2021, avec 35% d’appareils disponibles contre 27% un an plus tôt.

Plus récemment, lors des auditions parlementaires de l’automne dernier, l’actuel CEMAAE, le général Stéphane Mille, s’était félicité de la hausse de 3% de la disponibilité des avions de combat. En revanche, pour les autres flottes [transport, hélicoptères, drones], « on est sur un plateau, voire une légère baisse », avait-il admis.

À l’occasion des dix ans de service de l’A400M au sein de l’AAE, le général Fabrice Feola, commandant la Brigade aérienne d’assaut et de projection [BAAP], a livré quelques détails lors d’un entretien accordé au trimestriel Planète Aéro [une extension du « Fana de l’Aviation, ndlr]. Et, visiblement, des problèmes de moteurs ont de nouveau affecté la disponibilité des « Atlas » en 2023.

« Nous avons fait face à plusieurs crises, notamment sur les moteurs au début d’année 2023, mais qui sont aujourd’hui derrière nous. Cet avion [l’A400M] ouvre d’immenses perspectives que l’on découvre progressivement. Ses nouvelles capacités obligent également l’armée de l’Air & de l’Espace dans son ensemble à faire un effort d’adaptation qui est essentiel pour bien l’exploiter. À l’instar du Rafale en son temps, l’A400M est un avion de rupture qui demande des efforts d’adaptation, mais qui permet un véritable bond capacitaire », a expliqué le général Feola.

Quant à la motorisation, il n’est pas certain que tous les problèmes soient définitivement réglés. Au début de l’année 2023, « nous avons dû changer beaucoup plus de moteurs que prévu. Le moteur, c’est aujourd’hui le point sur lequel se concentrent certaines problématiques qu’il faut encore traiter sur cet avion », a en effet précisé le commandant de la BAAP. « Il y a sur ce point une maturité collective à acquérir, en partenariat avec l’industriel. Il faut par exemple que l’on exploite au mieux la masse de données que l’on commence à avoir sur l’utilisation des moteurs pour étudier la possibilité de faire évoluer certaines tolérances. C’est certainement une voie d’amélioration », a-t-il ensuite expliqué.

Quant à la disponibilité, elle continue, a priori, de progresser. « Nous bénéficions de 21 avions avec une disponibilité d’environ 50% et qui, globalement, s’améliore », s’est félicité le général Feola. Et cela grâce en partie à la DMAé, qui gère les relations avec l’industrie sur « le plan de la maintenance de niveau industriel comme de l’approvisionnement logistique », a-t-il conclu.

Pour rester en service jusqu’en 2040, le char Leclerc devra sans doute changer de moteur

Pour rester en service jusqu’en 2040, le char Leclerc devra sans doute changer de moteur

 

https://www.opex360.com/2023/11/05/pour-rester-en-service-jusquen-2040-le-char-leclerc-devra-sans-doute-changer-de-moteur/


La première, qui a, semble-t-il, la préférence du général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT] consisterait à lancer un nouveau programme de modernisation du char Leclerc, lequel fait déjà l’objet d’une « rénovation » devant le porter au standard XLR et le rendre compatible avec « l’écosystème » SCORPION.

Quant à la seconde, elle reposerait sur l’acquisition de chars E-MBT, dont un démonstrateur « amélioré » a été présenté par KNDS France [ex-Nexter] et KNDS Allemagne [ex-Krauss-Maffei Wegmann] lors du dernier salon EuroSatory. « Cette option se doit d’être condidérée », a estimé le ministère des Armées, dans une récente réponse à une question posée par le député [LR] Philippe Gosselin.

Cela étant, la prolongation de la durée de vie du char Leclerc pourrait se heurter au problème posé par l’obsolescence de son groupe moto-propulseur [GMP]. En tout cas, c’est un point soulevé par le député François Cormier-Bouligeon, dans son dernier avis budgétaire concernant les crédits alloués à l’armée de Terre dans le cadre du projet de loi de finances 2024.

« Le segment char est concerné par une légère baisse de sa disponibilité, en raison de l’immobilisation d’une partie du parc, liée au programme de rénovation Leclerc, sans toutefois remettre en cause l’accomplissement du contrat opérationnel », souligne d’abord le rapporteur. Et, selon lui, cette disponibilité devrait s’améliorer grâce à la « renégociation des contrats de soutien en service en 2025, du fait notamment de l’intégration de pièces de rechange ».

Cependant, a prévenu M. Cormier-Bouligeon, « le coût du marché de soutien en service du Leclerc, s’il devrait effectivement diminuer grâce à l’opération de rénovation du char qui doit permettre de régler certaines obsolescences, notamment sur les turbomachines, resterait contraint par la problématique du moteur ».

Pour rappel, lors du développement du Leclerc, il fut décidé de le doter d’un moteur Diesel V8X-1500 Hyperbar, développant une puissance de 1500 chevaux à 2500 tours par minute, grâce à l’adjonction d’une turbomachine Turbomeca TM-307B. À l’époque, la production du groupe moto-propulseur avait été confiée à la Société Alsacienne de Construction Mécanique [SACM], rachetée depuis par Cummins Wärtsilä.

Le traitement de l’obsolescence des turbomarchines du Leclerc a été rendu compliqué après la décision de ne pas investir les 4 millions d’euros nécessaires pour le maintien des chaînes industrielles qui les produisaient… Les « petites économies à court terme réalisées hier créent parfois des surcoûts colossaux à long terme », avait souligné l’ex-deputé Sereine Mauborgne, dans un rapport publié en 2020.

Quant au système de propulsion du Leclerc, M. Cormier-Bouligeon explique que le ministère des Armées « n’a pas fait le choix d’une remotorisation » alors que celle-ci, « bien que coûteuse à court terme [puisque le V8X-1500 n’est plus fabriqué, ndlr] permettrait d’économiser ensuite sur le coût de la maintenance du char, compte tenu de [sa] prolongation probable jusqu’en 2040 ».

Pour le rapporteur, une solution passerait par « l’ajout d’un moteur sur le même modèle que celui du char actuellement en dotation dans les forces émiriennes ». En clair, il s’agirait du moteur diesel MT883 KA-500 de l’allemand MTU.

Par ailleurs, le décalage du programme SCORPION implique la prolongation de certains blindés, comme l’AMX-10RC et le Véhicule de l’avant blindé [VAB]. Et cela ne sera pas sans conséquence sur le coût de leur Maintien en condition opérationnelle [MCO].

« Pour la maintenance terrestre, le maintien d’un parc d’ancienne génération oblige à une gestion fine des obsolescences pour des parcs dont les principaux rechanges réparables ne sont souvent plus produits par l’industrie, comme c’est le cas de l’AMX-10 RC en service depuis les années 1970 et devant être remplacé par le Jaguar à terme », souligne M. Cormier-Bouligeon.

Et selon les informations qui lui ont été fournies par le ministère des Armées, la prolongation des VAB jusqu’en 2030 devrait engendrer un surcoût de 80 millions d’euros. Même chose pour l’AMX-10RC, avec un surcoût estimé à 30 millions d’euros.

L’externalisation des fonctions de soutien de l’armée : une tendance qui questionne sur notre indépendance stratégique à long terme

L’externalisation des fonctions de soutien de l’armée : une tendance qui questionne sur notre indépendance stratégique à long terme


Les entreprises de service de sécurité et de défense (ESSD), auparavant nommées sociétés militaires privées (SMP), connaissent une importance croissante dans la conduite des opérations militaires, notamment dans les fonctions de soutien et de logistique. Cette externalisation touche des fonctions de plus en plus nombreuses et stratégiques pour faire face à la pression budgétaire et aux crises qui s’enchaînent.

L’intensification de la coopération public-privé, dans le secteur de la défense, accélère la mutation dans les armées, et cela, depuis plusieurs décennies. La volonté d’une chaîne logistique souveraine, et potentiellement publique, se heurte à trois problèmes majeurs : la baisse des budgets de défense depuis la fin de la guerre froide, le déficit capacitaire de l’armée, dans le domaine logistique notamment, ainsi qu’une logique économique avec la concentration des moyens sur les fonctions jugées les plus stratégiques et la création de champions nationaux privés.

 

L’accélération de la baisse du budget de défense depuis la fin de la guerre froide

Avec l’effondrement du bloc communiste en 1991, les armées occidentales perdent leur adversaire idéologique et la principale menace d’une réelle confrontation de haute intensité à la fin du vingtième siècle. Ce choc exogène, couplé à la tendance néo-libérale anglo-saxonne de réduction du rôle de l’État et de ses dépenses au profit du secteur privé, accentue la diminution du budget de la défense en occident. En France, à partir de 1981, la chute de la part du budget de l’État consacrée à la défense est constante, particulièrement après l’échec du plan Mauroy (1981). Ce plan de relance, d’inspiration keynésienne, est initié par le gouvernement Mauroy à la suite de la victoire de François Mitterrand aux élections présidentielles avec pour effet de vider les caisses de l’État, par ailleurs déjà durement affectées par les chocs pétroliers (1973-1979). L’État français cherche alors à faire des économies et compte encaisser les dividendes de la paix en réduisant la part de la défense dans le budget de l’État tout en profitant de l’augmentation du commerce mondiale. Depuis 1980, cette diminution atteint près de cinq points de pourcentage du PIB, le budget de la défense n’est vu par les politiciens que comme une variable d’ajustement du budget général.

En outre, la politisation de l’allocation du budget de la défense par une opposition des dépenses militaires (warfare) avec les dépenses sociales (welfare) s’est amplifiée depuis la fin de la guerre froide. Ce dilemme, nommé « guns vs. butter » dans la littérature anglo-saxonne, n’est pas une simple question de clivage idéologique. En France, sur la période 1981-2010, les différents gouvernements ont des chiffres sensiblement identiques avec un taux de variation annuel moyen des dépenses militaires de +0,12 % pour les gouvernements de droite et de +0,17 % pour ceux de gauche. La réelle différence se situe sur les divergences stratégiques et la manière dont cela se traduit dans les arbitrages budgétaires, particulièrement en période d’austérité et d’assèchement des dépenses publiques.

Source : Dépenses militaires françaises, allemandes et britanniques de 1981 à 2021 en pourcentage du PIB – Banque mondiale avec les données du SIPRI. (Graphique 1)

 

Il convient de noter que cette baisse du budget s’est poursuivie malgré l’alternance républicaine avec une réduction régulière des dépenses militaires (voir Graphique 1). La théorie de Francis Fukuyama, d’une victoire absolue et définitive de la démocratie libérale sur les autres modes de gouvernance, influence fortement la pensée occidentale dès 1989 avec la publication de son célèbre article La Fin de l’Histoire ?. Dans son cahier de politique économique n°8 (1994), l’OCDE voit la fin de la guerre froide comme une opportunité pour désarmer le monde et propose de conditionner les aides économiques aux pays en développement à des mesures de réduction de leur budget de la défense, dans le prolongement théorique du dilemme « guns vs. butter ». Ce sentiment d’une victoire totale, couplé à la sécurité apportée par le parapluie américain et la dissuasion nucléaire, précipite une chute historique des budgets alloués aux armées en Europe. En France, la hausse du budget général est corrélée à une baisse des dépenses militaires, tant en volume qu’en valeur (voir Graphique 2). Pour des raisons d’arbitrage, la priorité française n’est donc plus le maintien et le développement d’une armée taillée pour les conflits de haute-intensité.

Source : Mise en perspective du budget général avec celui de la défense – « Défense : exposé d’ensemble et dépenses en capital » par le rapporteur spécial Maurice Blin pour le Sénat en novembre 2001. (Graphique 2)

 

Le déficit capacitaire de l’armée : une conséquence du manque de moyens et une mise en danger de son indépendance stratégique à long terme

La majorité des armées européennes a été préparée pour mener des opérations de faible ou moyenne intensité. Cela s’explique par une double tendance : un contexte de rareté budgétaire après la guerre froide, suivi de nouvelles coupes budgétaires après la crise des subprimes, ainsi que l’usage de l’armée comme force de projection plutôt que comme force allouée à la défense nationale. Cette double tendance pousse les États européens à des réductions majeures au sein des armées tant au niveau des stocks, des équipements que du personnel (Graphique 3).

Source : Effectifs des forces armées françaises sur la période 2006-2018 en équivalent temps complet – Assemblée nationale – Rapport N° 273 sur PLF 2018 – Annexe 14 Budget opérationnel de la défense 2017. (Graphique 3)

 

Dans le cadre d’une armée moderne, il apparaît comme obligatoire de recourir à une part croissante d’externalisation pour de multiples raisons telles que la réduction des budgets ou encore les efforts de modernisation. La réponse à la question de l’externalisation ne se résume plus à une opposition entre libéraux et étatistes, mais à un cas classique de la théorie des firmes : la théorie des coûts de transactions. Cette théorie d’Oliver Williamson que l’on peut vulgariser, dans notre cas, comme le dilemme entre internalisation et externalisation, lui a valu le prix Nobel d’économie en 2009. La priorité doit, alors, être la mise en place d’une stratégie à long terme avec comme effet final recherché l’indépendance stratégique.

Il existe un écart entre les ambitions affichées et les moyens mis à disposition des armées, ce qui se manifeste par des lacunes capacitaires persistantes. Cette impasse budgétaire se traduit par une perte à long terme de certaines capacités, jugées moins stratégiques. La privatisation de la restauration est un exemple éloquent, cette fonction jugée non stratégique est vue comme un moyen d’optimiser l’allocation des budgets alloués à la défense. En France, depuis au moins deux décennies, la restauration est progressivement sous-traitée. En 2015, la Cour des Comptes enjoint l’armée de faire passer le prix moyen d’un repas de 15,6 à 10 euros l’ambition étant une économie de 200 millions d’euros par an. La privatisation semble être la solution idoine, sachant que dans ce même rapport, la Cour des Comptes prête une productivité plus de deux fois supérieure aux agents externes pour des salaires moindres par rapport aux salariés du ministère des Armées. Par ailleurs, l’armée française n’est pas la seule dans cette situation, au contraire, les anglo-saxons sous-traitent en partie auprès des mêmes prestataires. Cependant, si des entreprises françaises, comme Sodexo, s’exportent bien avec des contrats estimés à plusieurs centaines de millions de dollars avec l’US Army, les marchés logistiques sur les théâtres extérieurs font, eux, l’objet d’un protectionnisme accru de la part de nos partenaires. Ainsi, dès juillet 2009, un rapport d’information remis à l’Assemblée Nationale s’alarme de cette situation, et appelle à une montée en puissance des acteurs nationaux sur ces théâtres d’intervention face aux acteurs privés anglo-saxons, dans une logique tant capacitaire qu’économique.

Par ailleurs, certaines fonctions de soutien plus stratégiques sont également touchées par l’externalisation. Le maintien en condition opérationnelle (MCO) des hélicoptères de l’armée de terre française ainsi que de la formation des pilotes est en partie sous-traitée, notamment auprès d’Helidax, filiale du groupe DCI(détenu par l’État français à hauteur de 55,5 %). L’un des objectifs affichés est de faire remonter rapidement le taux de disponibilité des aéronefs qui stagne autour de 44 % entre 2012 et 2017, la MCO n’arrive plus à garantir aux armées une capacité de maintien de ses moyens sur la durée. Le contrat passé en 2019 avec Helidax est un succès de coopération public-privé en France avec le doublement du nombre d’heures de vol entre 2017 et 2020 pour arriver à 5 000, couplé à la chute drastique du coût d’une heure de vol de 3 500 à 1 800 euros.

Pour lutter contre ce terrible constat d’insuffisance de l’appareil public, l’externalisation s’intensifie suivant le modèle anglo-saxon de la performance-based logistics (PBL). Les contrats PBL sont des partenariats public-privé reposant sur des indices de performance mesurables, comme la hausse de la disponibilité pour la MCO. Par ailleurs, le second volet mis en avant est la maîtrise des coûts, financé notamment par le décroissement des effectifs militaires et de ses implications à long terme (formations, pensions, etc.). Ces contrats posent également des problématiques d’intelligence économique et de souveraineté de la chaîne logistique, comme la privatisation de certaines compétences et de la capacité à les mettre en œuvre, ou encore la possible dépendance à des acteurs non-nationaux.

Un rapport du Sénat de 2008, traitant de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD) souligne la nécessité de maintenir un certain niveau de compétence au sein du ministère des Armées. Ce même constat est remis à l’ordre du jour par le général Burkhard en 2020. Il alerte à propos de l’externalisation intensive de la MCO car les résultats de la disponibilité des véhicules de l’armée de Terre n’atteignent pas les objectifs fixés avec, entre autre, une perte de 20 points de pourcentage de disponibilité pour les véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) entre 2016 et 2020, passant ainsi à 11 points sous la cible. À ce titre, le cas du Royaume-Uni est assez évocateur des répercussions d’une externalisation excessive de son armée. La privatisation du MCO des aéronefs y est tellement importante qu’à ce stade, elle est difficilement réversible. Cette perte d’indépendance stratégique est justifiée par un avantage coût à long terme qui reste cependant à prouver puisque les exemples américain, britannique et allemand sont peu concluants à cet égard. En France, si l’externalisation est moins importante, elle occupe tout de même une part croissante dans les budgets : 53 millions en 2017 ; 84 millions en 2018 ; et 110 millions en 2021 (hors transport). Inspirée par « nos mentors anglo-saxons » qui l’ont massivement mis en œuvre depuis les guerres d’Irak et d’Afghanistan, cette tendance produit, sous couvert de modernisation et de rationalisation des effectifs militaires, un certain nombre de retours en arrière dans l’efficacité des fonctions de soutien et une perte de souveraineté nationale avec une autonomie opérationnelle déclinante.

 

Le facteur coût et la rapidité opérationnelle favorisés au détriment de l’indépendance stratégique à long terme dans une période d’instabilité mondiale grandissante

Dans un contexte d’instabilité mondiale et de préparation à la haute intensité, les États membres de l’OTAN se doivent de multiplier leurs capacités militaires malgré les contraintes budgétaires inhérentes aux crises successives qui ont frappé le monde (Covid-19) et l’Europe plus spécifiquement (énergie). Le recours croissant à des opérateurs privés est une suite logique pour parvenir à la hausse de ces capacités à un coût moindre avec les doctrines otanniennes actuelles. Du fait de ces problématiques, les opérations extérieures (OPEX) sont restées dans un premier temps la chasse gardée du secteur public, mais il y a une externalisation croissante des fonctions de soutien en OPEX, avec le recours progressif à davantage de Contractors Support to Operations (CSO). La doctrine américaine quant à l’utilisation de CSO est claire : tous les théâtres d’opérations majeurs dépendent de leur présence. En parallèle, l’Europe met en place une plateforme européenne des CSO qui devrait se traduire par la fluidification des interactions entre les acteurs économiques privés et les États membres. Cela met en lumière la nécessité d’une montée en compétence, et de la recherche d’une taille critique, de la part des acteurs français pour gagner des contrats à échelle européenne, voire otannienne.

En effet, pour la France également, le recours à l’externalisation pour les fonctions de soutien est essentiel lors des OPEX. Dans le cadre de l’opération Barkhane, l’externalisation représente la moitié du budget, notamment parce que les capacités de l’armée ne suffisent pas en termes d’affrètements intercontinentaux. Sur les 861 millions d’euros dépensés en externalisation sur la période 2014-2017, près de la moitié des fonds (46 %) est utilisée pour les transports intercontinentaux. La doctrine française en la matière tient en cinq points :

  • Maintenir la capacité opérationnelle de l’armée ;

  • Préserver les intérêts du personnel ;

  • Maintenir un milieu concurrentiel sain, notamment avec des PME ;

  • Assurer des gains économiques et budgétaires mesurables à long terme ; et

  • Garantir la sûreté des informations.

Source : Part des différents vecteurs dans le transport stratégique (2016) – Assemblée nationale – Rapport d’information N°4595 relatif au transport stratégique. (Graphique 4)

 

Toutefois, l’armée française a un déficit capacitaire dans plusieurs domaines, particulièrement dans l’affrètement aérien et, par conséquent, une capacité de projection autonome limitée (Graphique 4). De fait, l’externalisation s’impose pour assurer le bon déroulement des opérations et entraîne une application parcellaire de la doctrine française : concurrence et sûreté de l’information remise en question ou encore gains économiques peu évidents. Cela place les armées de l’OTAN dans une situation de dépendance auprès d’acteurs extérieurs (principalement ukrainiens et russes avant l’invasion). Ainsi, lors de crises nécessitant une réaction rapide, l’utilisation de services privés est contrainte et résulte d’un abandon de souveraineté depuis au moins deux décennies. De plus, le recours à l’externalisation n’est pas réversible à court ou moyen terme. Par exemple, dans le cadre des opérations Serval et Barkhane, l’ukrainien Antonov logistics SALIS a été très largement utilisé pour combler les lacunes capacitaires de l’armée française, et non pas pour la recherche d’un avantage-coût comme le stipule la doctrine française. De plus, il est essentiel de souligner la problématique de confidentialité de l’information lorsqu’un acteur économique, de surcroît étranger, gère une partie importante des transports de troupes et de matériels intra-théâtre d’opérations. L’Europe et la France prennent conscience de leurs « dépendances stratégiques » d’après la ministre des Armées. Entre 2012 et 2015, selon les périodes, la France n’a couvert que 7 à 23 % de ses besoins en transport aérien pour ses forces armées par ses capacités propres.

Précurseurs dans les fonctions externalisées, les États-Unis sous-traitent également une partie de leur renseignement extérieur, notamment le renseignement aérien, nommé ISR (Intelligence, Surveillance, and Reconnaissance). En Afrique, l’AFRICOM (U.S. Africa Command) n’atteignant ni ses objectifs en termes de renseignement ni ceux en termes de temps de survol des cibles. Le choix de l’externalisation est entériné, notamment avec l’entreprise américaine MAG Aerospace spécialisée dans l’ISR à l’international, dans des conditions opérationnelles difficiles. Si les résultats de l’externalisation du renseignement sont plus difficiles à évaluer que la MCO, du fait de la nature confidentielle des données, un nouveau contrat signé en 2022 permet de spéculer sur la probable satisfaction de l’US Army. Selon des estimations, 70 % du budget américain en renseignement serait utilisé dans le cadre d’entreprises privées. La diversité des compétences au sein de ces 1900 entreprises est profitable aux États-Unis, mais se pose une fois de plus la question de la dépendance, de la sécurité de l’information et de la frontière acceptable entre servir la nation et servir des intérêts privés. En outre, l’internalisation semble maintenant impossible et les services auraient bien des difficultés à fonctionner sans leurs sous-traitants.

Enfin, pour en revenir à la France, l’externalisation de la défense apparaît comme une tendance lourde et difficilement évitable dans le cadre d’une armée moderne otannienne. 

Il est primordial que la France sorte de certaines dépendances néfastes en créant un cadre juridique et financier propice à l’émergence de champions nationaux. Cela permettra d’appliquer la doctrine française plus efficacement et ainsi de gagner en marge de manœuvre tant opérationnelle que stratégique.

Ivan Richoilley pour le club défense de l’AEGE

Le prochain arrêt technique du porte-avions Charles de Gaulle va durer environ huit mois

Le prochain arrêt technique du porte-avions Charles de Gaulle va durer environ huit mois

 

https://www.opex360.com/2023/03/06/le-prochain-arret-technique-du-porte-avions-charles-de-gaulle-va-durer-environ-huit-mois/


Cela étant, cette mission, qui vient de se terminer dans une relative discrétion, n’aura pas recelé d’énormes surprises, si ce n’est la projection inédite de trois Rafale Marine à Singapour, alors que le GAN naviguait dans le nord de l’océan Indien. Lors de cette mission, appelée « Rastaban », les chasseurs-bombardiers du groupe aérien embarqué ont parcouru 4000 km [avec le soutien d’un avion-ravitailleur A330 MRTT de l’armée de l’Air & de l’Espace] pour participer à des exercices avec la force aérienne singapourienne.

Au total, durant Antarès, le GAN a parcouru 28’000 nautiques et assuré plus de 2000 catapultages d’aéronefs, ce qui lui a permis, souligne la Marine nationale, d’affirmer « partout l’attachement de la France au respect du droit international et à la liberté de navigation en mer », de compléter « l’appréciation autonome de situation des armées dans l’ensemble des zones traversées » et de réaliser de « nombreuses coopérations opérationnelles avec les forces armées de 23 nations ».

La mission Antarès s’est donc terminée après 110 jours de mer… et une participation du GAN à l’exercice interarmées Orion. Dans les semaines à venir, le porte-avions Charles de Gaulle devrait de nouveau être sollicité pour une campagne de qualification à l’appontage de jeunes pilotes. Puis il sera ensuite immobilisé pour un arrêt technique qui s’annonce long… puisqu’il doit durer jusqu’en décembre prochain.

En effet, outre les travaux de routine et le contrôle des chaufferies nucléaires, cet arrêt technique se concentrera sur la coque du navire ainsi que sur ses lignes d’arbres. C’est en effet ce qu’a confié son commandant en second au quotidien Var Matin.

Ces travaux sur les lignes d’arbres seront d’autant plus importants que le porte-avions britanniques HMS Prince of Wales est immobilisé depuis maintenant plusieurs mois en raison justement d’une avarie à ce niveau [une rupture d’un accouplement SKF, ndlr]. Or, par le passé, le Charles de Gaulle a connu une mésaventure du même ordre. En 2009, il était en effet apparu que deux pièces d’accouplement reliant deux des quatre turbines à leurs lignes d’arbres s’étaient révélées anormalement usées.

Par ailleurs, toujours d’après la même source, l’hôpital du porte-avions va être rénové de « A à Z », de même que de nombreux locaux de vie. Enfin, le navire recevra de nouvelles capacités, avec l’installation d’une station navale Syracuse 4 qui, plus puissante et mieux sécurisée, permettra de profiter du débit offert par les satellites de la constellation Syracuse 4 [de l’ordre de 3 à 4 Gb/s, en bande X et en bande Ka, ndlr].

Cette immobilisation du Charles de Gaulle, qui s’annonce longue, malgré le contexte sécuritaire actuel, plaide pour un format à deux porte-avions. Rapporteur pour avis sur les crédits de la Marine nationale, le député Yannick Chenevard l’avait souligné dans son dernier rapport, alors que les études sur le PA NG [porte-avions de nouvelle génération] sont en cours.

« Disposer d’un seul porte-avions signifie, en pratique, ne pouvoir l’utiliser qu’entre 65 et 70 % du temps compte tenu de ses opérations régulières de maintenance [arrêt technique majeur de deux ans, arrêts intermédiaires de six mois…]. […] Un seul porte-avions n’est pas suffisant et notre pays, comme l’Italie ou le Royaume-Uni, se doit de retrouver la capacité qui était la sienne jusqu’au début des années 2000, c’est-à-dire deux porte-avions », fit valoir M. Chenevard.

Et d’ajouter : « La décision de se doter d’un deuxième porte-avions, […] n’est pas urgente, les études du PA-NG commençant à peine. Toutefois, elle ne doit pas non plus être repoussée au-delà de 2027 pour des raisons financières et industrielles. Plus la commande du deuxième PA-NG sera proche de celle du premier, plus il sera possible de faire des économies d’échelle et, par conséquent, de réduire son prix mais également le coût du MCO [maintien en condition opérationnelle] »

Photo : Marine nationale