C’est en 2014 que l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE], via son chef d’état-major, qui était alors le général Denis Mercier, leva le voile sur un projet visant à développer un successeur au missile ASMP-A rénové, sur lequel repose la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire française [Forces aériennes stratégiques et Force aéronavale nucléaire]. Deux projets étaient en balance : l’un privilégiant la furtivité, l’autre mettant l’accent sur le l’hypervélocité.
Dans un cas comme dans l’autre, le développement de ce nouveau missile, appelé ASN4G [Air-Sol Nucléaire de 4e génération] allait poser plusieurs défis, comme le souligna l’Office national d’études et de recherches aérospatiales [ONERA] dans son plan stratégique pour la période 2015-25.
Ainsi, la furtivité exigeait de mener à bien des travaux sur des matériaux aux « caractéristiques pérennes et compatibles avec la sévérité des environnements subis » ainsi que sur des « systèmes de préparation de mission optimisés pour la réactivité et la pénétration maximisée des défenses ». Même chose pour l’hypervélocité, qui supposait de faire appel à un « très grand nombre de disciplines », comme la propulsion, l’aérodynamique, les matériaux, etc.
En 2021, aucun choix n’était encore arrêté définitivement. Dans un avis budgétaire, l’ex-député Christophe Lejeune avait expliqué que deux Plans d’études amont [PEA] avaient été lancés. Ainsi, le PEA « Camosis » s’intéressait à la furtivité tandis que le PEA Prométhée se concentrait sur l’hypervélocité, avec des études sur un statoréacteur mixte [c’est-à-dire un moteur effectuant successivement une combustion subsonique et supersonique].
Même s’il n’y a pas eu de confirmation officielle, tout laisse à penser que le futur ASN4G sera un missile hypersonique. En tout cas, conseiller « défense » du PDG de MBDA, l’amiral [2S] Hervé de Bonnaventure l’avait suggéré lors d’une audition parlementaire en 2023. « Il apparaît que la très haute performance en vitesse et en manœuvre est la meilleure méthode pour parvenir à être détecté le plus tardivement possible, et compliquer la tâche de suivi d’un radar, voire, d’accrochage, et, enfin, à désorganiser une attaque d’un missile antimissile », avait-il en effet expliqué.
Le marché « MIHYSYS » que vient de notifier la Direction générale de l’armement [DGA] à l’ONERA et à MBDA le confirme.
« Le programme MIHYSYS permet de poursuivre l’amélioration continue des connaissances, des moyens de prévision et de briques technologiques, y compris alternatives, pour les chambres de combustion des propulseurs aérobies supersoniques et hypersoniques », explique en effet l’ONERA, via un communiqué publié le 30 septembre. En clair, ces travaux porteront sur un statoréacteur mixte, pour lequel une expérimentation visant à « recaler des modèles de simulation » a été récemment menée dans le cadre du projet ASTREE.
Il s’agit d’une « contribution majeure […] à la composante nucléaire aéroportée sur le long terme », précise l’ONERA.
Et d’ajouter : Ce « programme prévoit notamment le développement de nouvelles capacités et de nouveaux modèles pour la simulation numérique des chambres de combustion avec le code de calcul CEDRE. Des simulations confrontées à l’expérimentation grâce aux moyens dédiés de l’ONERA ».
Pour rappel, CEDRE est un logiciel de simulation multi-physique pour l’énergétique et la propulsion.
Le marché MIHYSYS aura d’autres implications. Il va permettre aussi de développer des capacités en calcul quantique, « au potentiel de rupture considérable » [dixit l’ONERA] pour la mécanique des fluides et l’énergétique.
En 1978, le ministère néerlandais de la Défense confia au constructeur naval RDM [Rotterdamsche Droogdok Maatschappij] le soin de mener à bien le programme Walrus II, lequel devait permettre de doter la marine royale des Pays-Bas de quatre nouveaux sous-marins.
Depuis, l’industrie navale néerlandaise a perdu ses savoir-faire dans ce domaine, RDM ayant dû baisser le rideau en 1996. Et, faute d’avoir pu lancer un nouveau programme dans les délais, un premier sous-marin de type Walrus a été retiré du service en octobre 2023, afin de pouvoir continuer à mettre en œuvre les trois exemplaires restants jusqu’à la réception de leurs successeurs.
Cela étant, en mars dernier, soit quarante-six ans après le lancement du programme Walrus, le gouvernement néerlandais annonça qu’il avait finalement retenu le français Naval Group pour lui fournir quatre sous-marins à propulsion classique de type Black Sword Barracuda. Et cela, aux dépens du tandem formé par Damen et Kockhums ainsi qu’à ceux de ThyssenKrupp Marine Systems [TKMS]. Seulement, il fallait encore transformer l’essai.
Un premier obstacle fut franchi en juin, quand les députés néerlandais, malgré une campagne de presse ayant critiqué les modalités de l’appel d’offres, approuvèrent le choix de Naval Group et celui de son partenaire IHC Royal pour ce programme de sous-marins, désormais appelé « Orka ». Un second le fut après que le tribunal de La Haye rejeta un recours qui avait été déposé par TKMS.
Pour autant, avant de notifier officiellement le contrat, il restait encore à trouver un accord sur l’organisation industrielle du programme. Ce qui fut fait le 10 septembre, avec la signature d’un « Accord de coopération industrielle obligatoire » [ICA], d’une valeur d’un milliard d’euros.
« Cet accord définit la stratégie de coopération industrielle de Naval Group avec le secteur maritime et de défense néerlandais, impliquant des industries et des centres d’excellence, dans le but de maximiser l’autonomie stratégique », avait alors précisé l’industriel français.
Quoi qu’il en soit, la voie étant ouverte, plus rien n’empêche la signature du contrat. Selon La Presse de la Manche, la Tribune et le site spécialisé MarineSchepen, elle devrait avoir lieu ce 30 septembre. Quant à son montant, il serait de l’ordre de 5 à 6 milliards d’euros. Du moins, est-ce la « fourchette » la plus fréquemment évoquée.
Par la suite, Naval Group et ses partenaires auront dix ans pour construire et livrer les deux premiers sous-marins [l’Orka et le Zwaardvis] à la marine royale néerlandaise. Suivront ensuite le Barracuda et le Tijgerhaai, avant 2039. Pour rappel, les quatre unités seront produites à Cherbourg.
Les Airbus A380 reprennent leur envol après quatre ans d’hibernation.
C’est un des modèles les plus iconiques de l’histoire de l’aviation et le 13 septembre 2024 a marqué un petit « chamboulement » dans l’aéronautique avec le retour inattendu de deux Airbus A380, qui avaient été mis en sommeil pendant quatre ans dans un cimetière d’avions en Espagne. Ces géants des cieux, laissés pour obsolètes, retrouvent le ciel et réaffirment leur place dans l’aviation commerciale.
A380 : Le réveil des géants à Teruel
L’aéroport de Teruel, connu pour sa maintenance et son recyclage d’avions, a été le théâtre d’un événement remarquable ce vendredi 13 septembre 2024. Deux Airbus A380, appartenant à Lufthansa et Etihad Airways, ont quitté simultanément ce site après une pause de quatre années. Le premier, immatriculé A6-APE et appartenant à Etihad, a pris son envol vers Abu Dhabi, tandis que son homologue de Lufthansa, immatriculé D-AIMA, a pris la direction de Francfort.
De la remise en service à la modernisation
Ces deux avions ne se contentent pas de reprendre les airs ; ils subissent également des opérations de maintenance ou de modernisation pour répondre aux exigences actuelles. Par exemple, l’A380 de Lufthansa s’est dirigé vers Manille deux jours après son départ d’Espagne pour des travaux spécifiques, signe que le retour n’est pas seulement opérationnel mais aussi stratégique.
L’A380 plébiscité des passagers et des équipages
« Les passagers et les équipages l’adorent », a souligné Carsten Spohr, PDG de la Lufthansa, sur CNBC, révélant l’affection profonde et continue pour ce modèle. L’A380 reste prisé pour son confort et sa capacité, des traits qui continuent de séduire malgré un contexte économique et écologique changeant.
Investissements et plans futurs
Emirates, par exemple, investit environ 2 milliards de dollars dans la rénovation de 120 appareils, dont 67 Airbus A380. Ce programme de remise à neuf illustre l’engagement des compagnies aériennes à maintenir en service ce modèle emblématique, malgré l’arrêt de sa production annoncé en 2019.
La persévérance du « paquebot des airs »
L’Airbus A380 était destiné à une retraite anticipée après la décision d’Airbus d’arrêter sa production. Cependant, la demande persistante et le besoin de capacité élevée sur des routes très fréquentées permettent à cet avion de continuer à voler. Aujourd’hui, dix compagnies aériennes utilisent l’A380 pour leurs routes les plus longues, montrant que l’appétit pour ce gros-porteur n’a pas diminué.
Une longévité surprenante
Avec une histoire qui pourrait se prolonger de deux décennies supplémentaires, selon un responsable d’Airbus, le A380 pourrait continuer à façonner l’avenir du transport aérien. Sa capacité à évoluer et à s’adapter aux nouvelles normes pourrait lui permettre de rester un acteur majeur dans les cieux du monde entier.
Cet article explore la reprise inattendue du service des Airbus A380, soulignant la fidélité des compagnies aériennes et des passagers pour ce modèle. Malgré des défis économiques et environnementaux, l’A380 continue de voler haut, promettant de rester un pilier de l’aviation commerciale pour les années à venir.
Dans la première partie de cet article, nous avons montré qu’un programme Super-Rafale, un appareil de 5ᵉ génération venant s’insérer en 2035, entre le Rafale F5 en 2030, et le SCAF en 2045, répondait à de nombreux besoins, allant de la gestion du risque industriel et militaire entourant le programme Européen, à l’assurance de préserver l’efficacité de la dissuasion française, tout en sécurisant la présence de la BITD française, sur le marché des avions de combat export, sur la période 2035-2045.
Deux questions subsistent encore à ce stade de l’analyse. La première concerne le programme Super-Rafale lui-même, pour en tracer les grandes lignes, sur la base des objectifs établis précédemment.
La seconde, elle, porte sur le nerf de la guerre, le financement d’un tel programme, alors que tous savent à quel point le budget des armées françaises est aujourd’hui contraint, et n’offre aucune flexibilité pour y intégrer un programme aussi majeur, que celui concernant le développement d’un nouvel avion de combat.
Que serait le Portrait-Robot du programme Super-Rafale ?
Sans chercher, bien évidemment, à dessiner ce que pourrait être ce Super-Rafale, les objectifs et contextes, auparavant établis, permettent cependant de faire un véritable portrait-robot du programme lui-même, pour en délimiter certains aspects clés.
Un véritable chasseur de 5ᵉ génération
D’abord, le Super-Rafale devra se démarquer du Rafale F5, en se dotant de certaines des capacités qui, aujourd’hui, font que le F-35 lui est systématiquement préféré, lors de compétitions internationales. Pour cela, il sera indispensable de pleinement ancrer le Super-Rafale, dans la 5ᵉ génération des avions de combat.
La caractéristique clé, autour de cette classification à géométrie variable, n’est autre que la furtivité sectorielle, concentrée sur les secteurs avant et arrière. Contrairement au SCAF, qui aura une furtivité globale, celle-ci permet de réduire la portée des radars ennemis, uniquement lorsque les appareils se dirigent vers eux, ou s’en éloignent directement, comme pour le F-35.
La furtivité d’un Super-Rafale n’aura toutefois certainement pas besoin d’atteindre celle du F-35, pour être efficace. En effet, un écart d’un facteur 10, entre une surface équivalente radar (SER) de 0,1 m² et de 0,01 m², ne représente qu’une dizaine de km d’écart en termes de détection face à des radars modernes. En outre, l’arrivée prévue des radars basse fréquence, du multistatisme et des radars passifs, tendra à réduire l’efficacité absolue de la furtivité au combat, tout au moins, au-delà d’un certain seuil.
La fusion de données est également une des composantes définissant la 5ᵉ génération des avions de combat. Toutefois, dans ce domaine, les industriels français pourront s’appuyer sur le Rafale F5, qui en sera déjà largement dotée, raison pour laquelle, d’ailleurs, ce standard ne sera pas rétrocompatible, puisqu’il nécessitera un câblage entièrement transformé de l’appareil, pour assurer le transport de volumes de données très supérieurs à ceux actuellement employés.
Deux autres caractéristiques ont été évoquées pour la 5ᵉ génération, bien qu’elles en aient ensuite disparu, pour permettre au F-35 de l’intégrer, car il n’est doté de ni l’une, ni l’autre. La première est la Super-croisière, qui permet à un chasseur de conserver une vitesse supersonique en palier, sans employer la post-combustion, très gourmande en carburant. Le F-22 et le Gripen E/F sont dotés de super-croisière, et le Typhoon, le Rafale, le J-20 et le Su-57, sont censés pouvoir y parvenir également.
La seconde est la super-manoeuvrabilité, à savoir la capacité à évoluer en dehors du régime de vol de l’avion de combat. Cela suppose, en règle générale, l’utilisation de la poussée vectorielle, et des surfaces de contrôle agrandies, parfois soufflées. Aujourd’hui, seuls deux avions de combat peuvent revendiquer le qualificatif de super-manœuvrabilité, le F-22 américain, et le Su-57 russe.
Le fait est, dans le cas du Super-Rafale, si la super-croisière apporterait incontestablement une importante plus-value, l’intérêt de la super-manoeuvrabilité tendrait à s’étioler, l’appareil étant conçu pour opérer avec des drones de combat, réduisant considérablement les chances que l’appareil soit engagé directement dans un combat tournoyant.
Plus de 50 % des technologies issues du Rafale F5 et 35 % du programme SCAF, pour réduire les couts et les risques
Le Super-Rafale se définit comme un avion de génération intermédiaire, entre le Rafale F5 et le SCAF. Cette qualification se retrouve également dans son calendrier de conception (2025-2035 ?), et dans ses missions, à cheval entre le Rafale traditionnel, et le SCAF de 6ᵉ génération.
Ce faisant, et sachant que l’appareil devra être conçu sous contraintes budgétaires, il conviendra d’employer, autant que possible, des technologies provenant de l’un ou l’autre des programmes le bordant.
Idéalement, le Rafale étant déjà reconnu comme un appareil fiable et efficace, avec un parc installé qui flirtera ou dépassera les 600 avions de combat dans le monde en 2035, l’emploi d’une majorité de composants et de technologies provenant du Rafale F5, serait une plus-value opérationnelle et commerciale pour ce nouveau chasseur.
Ceci permettrait, en effet, de réduire les risques industriels, et les efforts de transition des forces aériennes opérant déjà le chasseur français, et désireuses de se porter acquéreuses du nouvel appareil.
À l’autre bout du spectre, viennent les technologies destinées au SCAF, notamment celles qui porteront sur l’engagement coopératif, le cloud de combat et l’utilisation des drones. En effet, plus le Super-Rafale embarquera ces technologies destinées au SCAF, développées par l’industrie de défense française, plus la transition ascendante vers SCAF des utilisateurs de Super-Rafale, sera simplifiée, y compris pour les armées françaises. Par ailleurs, l’utilisation de ces technologies SCAF, permettra d’anticiper des retours d’expérience précoces, pour en évaluer le bon réglage, à bord et autour du NGF.
Une partie technologique centrale, concernera des développements spécifiques au Super-Rafale. Concrètement, il s’agira, ici, de répondre aux besoins propres au programme, s’il y en a, mais aussi de palier les conséquences de la coopération européenne autour de SCAF, concernant l’évolution des compétences et savoir-faire des industriels français, qui en seront privés en raison de ce partage.
Bien évidemment, pour réduire les couts, les délais et les risques, il conviendrait de diminuer, autant que possible, cette partie spécifique, de sorte qu’idéalement, le découpage technologique du Super-Rafale serait composé de 50 % de technologies Rafale F5, de 35 % de technologies SCAF, et de 15 % de technologies spécifiques.
Cette décomposition pourrait se considérer comme scalaire. Ainsi, dans le cas des turboréacteurs de l’appareil, la simple transposition du M88 du Rafale pourrait s’avérer insuffisante pour un avion qui risque de prendre quelques tonnes vis-à-vis de son prédécesseur. Or, le nouveau turboréacteur du SCAF, lui, ne sera pas entièrement développé, à ce moment-là.
Toutefois, à ce moment-là, il est probable que Safran aura déjà bien avancer sur les briques technologiques du SCAF, concernant les parties chaudes. Ce faisant, il pourrait, sans grand risque, concevoir un moteur Intermediate, poussant 7,5-8/12-13 tonnes, pour garantir la supercroisière du super-Rafale, tout en reprenant les briques technologiques du m88, lorsque cela sera possible.
Outre la furtivité, la création d’un turboréacteur de génération intermédiaire, mais aussi des évolutions du radar RBE-2 et du système d’autodéfense SPECTRA, capterons probablement l’essentiel du budget de R&D de ce programme, qui s’appuiera, à son lancement, sur les munitions et les drones des deux programmes le bordant.
Un système de systèmes organisé autour des drones de combat et de l’engagement coopératif, en particulier avec le Rafale
D’un point de vue opérationnel, le Super-Rafale divergera du Rafale F5, par sa capacité à mettre en œuvre des systèmes déportés, directement au-dessus de l’espace aérienne contesté, notamment grâce à la furtivité.
Pour cela, le Super-Rafale devra être capable de contrôler différents modèles de systèmes déportés, y compris le drone de combat qui est actuellement développé pour le Rafale F5, ainsi que les Remote Carrier du SCAF.
Il devra, aussi, disposer de systèmes de communication avancés, et d’une capacité de traitement des données en provenance de ses propres capteurs, ainsi que de ceux de ses drones, des appareils de soutien, et des Rafale F4/F5 opérant avec lui, et ainsi devenir, une véritable plateforme de combat.
Dès lors, comme SCAF, le Super-Rafale devra être conçu comme un système de systèmes, le terme systèmes prenant ici une définition scalaire élargie, puisque pouvant représenter un programme à part entière, comme le Rafale ou le SCAF. Il devra également, à des fins de compatibilité, employer un cloud de combat pouvant communiquer avec celui du SCAF, ainsi qu’un vaste champ de méthodes d’engagements coopératifs.
Toutefois, le Super-Rafale devra également être apte à opérer aux côtés de Rafale, en particulier en soutien de ces appareils, et devra donc disposer des mêmes attributs opérationnels que celui-ci, en emportant des armements et en mettant sa furtivité, voire sa vitesse, au service des autres appareils.
Un nouvel avion de combat naval, pour l’échéance 2035
Enfin, et c’est essentiel, le Super-Rafale devra être un chasseur embarqué, susceptible d’opérer, au besoin, à bord du Charles de Gaulle, et pas uniquement à bord du PANG. Cette caractéristique permettra, en effet, de remplacer les Rafale M livrés en 2001 et 2002, qui ne pourront rester en parc jusqu’en 2045 et l’arrivée du SCAF, et devront être remplacés, au plus tard, autour de 2035.
En outre, la Marine nationale n’exclut pas, aujourd’hui, de pouvoir prolonger le Charles de Gaulle au-delà de 2038, date actuellement prévue pour l’entrée en service du PANG. Il faudra cependant attendre la prochaine IPER du porte-avions, prévue pour 2027, pour déterminer si le porte-avions pourra soutenir une nouvelle recharge de ses réacteurs, en 2028, et ainsi être prolongé de 10 ans à compter de 2038, dotant la Marine Nationale de deux porte-avions, le temps, peut-être d’en construire un nouveau.
Un Super-Rafale M, aux caractéristiques embarquées proches de celles du Rafale F5, permettrait, en outre, d’imaginer la conception d’un second porte-avions français, plus léger et moins cher que le PANG, pouvant, lui, susciter de l’intérêt sur la scène internationale, pour en accroitre la soutenabilité budgétaire.
Reste que, pour être efficace, un Super-Rafale M devra, très certainement, être un appareil biplace, le délai sur ce programme étant certainement trop court, pour imaginer pouvoir efficacement confier à un unique pilote, la charge du contrôle d’un ou plusieurs drones de combat, sans l’assistance d’un officier systèmes d’armes. Cela suppose aussi qu’au moins un des drones d’accompagnement actuellement en conception, loyal Wingmen ou Remote Carrier, puisse opérer à partir du porte-avions, d’une manière ou d’une autre.
Quels marchés et quel modèle de financements pour le Super-Rafale ?
Maintenant que nous avons une vision de ce que pourrait être le Super-Rafale, nous sommes en mesure d’en déterminer le marché adressable, pour les armées françaises comme internationales, mais aussi, et surtout, d’aborder l’épineux problème du financement d’un tel programme.
Remplacer les Rafale F1 et F2 de l’Armée de l’air et de l’espace et de l’aéronautique navale françaises, en proposant les appareils sur le second marché
En France, d’abord, ou l’appareil devra très certainement remplacer les 12 Rafale livrés à la Marine nationale entre 2001 et 2002, au standard F1, et qui, bien qu’ils aient été modernisés au standard F3, arrivent aujourd’hui au bout du potentiel de leur cellule. Cette transformation permettrait notamment à la Marine nationale d’entamer la dronisation de sa flotte de chasse concomitamment à celle de l’Armée de l’Air, sachant que l’Aéronavale est souvent en première ligne, en cas de tensions.
Le Super-Rafale pourrait, également, remplacer les 32 Rafale livrés à l’Armée de l’air (25 Rafale B, 7 Rafale C) et 16 Rafale M livrés à la Marine nationale dans la seconde tranche, de 2004 à 2008, des appareils qui auront, alors 27 à 31 ans de service, et qui auront entre 37 et 41 ans de service, lorsque le SCAF entrera en service.
Ces avions, moins usés que le F1 M, pourraient servir de produits d’appels pour la vente de Super-Rafale, notamment en proposant des flottes de transition, dans l’attente de la livraison des premiers appareils. Cette technique s’est montrée très efficace en Grèce, et est activement réclamée par d’autres clients potentiels du Rafale aujourd’hui, dont la Colombie.
Enfin, au besoin, et selon les circonstances, le Super-Rafale pourrait remplacer tout ou partie des 59 Rafale de la Tranche 3, livrés de 2008 à 2013, voire compléter l’inventaire des deux forces aériennes françaises, si le programme SCAF venait à prendre du retard, ou si les tensions internationales devaient croitre, et obliger l’Armée de l’air et l’aéronavale, à renforcer leurs capacités dans le domaine des appareils furtifs et de l’engagement coopératif.
Compléter et étendre les forces aériennes utilisatrices du Rafale F4/5
Le second marché adressable concerne les forces aériennes qui exploitent, ou exploiteront alors, le Rafale. Rappelons, à ce titre, que le Rafale a déjà été choisi par 7 forces aériennes internationales, pour plus de 300 appareils commandés, et que le marché à venir, atteint un potentiel de 324 appareils supplémentaires.
Le Super-Rafale, par sa proximité avec le Rafale, mais aussi par son positionnement pleinement ancré dans la 5ᵉ génération, pourrait ainsi séduire un grand nombre de ces forces aériennes, en particulier celles pour qui Washington a interdit la livraison de F-35A.
D’autres clients pourraient d’ailleurs émerger à cette occasion, notamment en Amérique du Sud, au Moyen-Orient et en Asie, précisément face aux conditions drastiques imposées par les États-Unis autour du F-35, et ce, même si, à ce moment-là, les règles entourant les autorisations d’exportation du chasseur américain, venaient à s’assouplir, ce d’autant que le Super-Rafale aurait l’avantage d’être à la fois bimoteur, pleinement ancré dans la 5ᵉ Generation, et totalement ITAR free, ce qui constituent de sérieux avantages concurrentiels, et opérationnels.
Au total, donc, ce serait de 60 à 119 Super-Rafale, qui pourraient être commandées par les forces aériennes françaises, ainsi que plusieurs centaines d’autres, potentiellement, par les forces aériennes étrangères, sur une période s’étalant de 2035 à 2050.
Ce faisant, l’activité industrielle, et le marché export maitrisé par Dassault, seraient préservés, et l’avionneur français disposerait même d’une alternative en catalogue, si un partenaire du SCAF venait à s’opposer à une exportation du chasseur européen, scénario ouvertement redouté par la BITD française.
Un fonds d’investissement mixte pour le financement de la R&D du programme
Reste, évidemment, la difficile question du financement du développement de l’appareil. Comme évoqué en introduction, il semble hors de question, aujourd’hui tout du moins, d’espérer pouvoir libérer les crédits nécessaires au développement de ce programme, soit 1,5 à 2 Md€ par an, sur 10 ans, à compter de 2025, dans le cadre de la planification budgétaire actuelle.
Celle-ci s’articule autour d’une société d’investissement d’économie mixte, pouvant faire appel à l’épargne des particuliers, notamment au travers d’une offre de type assurance-vie, portant l’investissement auprès de l’état, des armées et des industriels, et disposant, en retour, d’une côte-part prélevée sur la vente des appareils et sur les recettes fiscales et sociales, engendrées par l’activité économique générées par l’exécution de ces contrats.
Ce faisant, l’état conserve une partie des recettes sociales et fiscales sur une activité qui n’aurait pas existé sans cet investissement, tout en ayant la possibilité d’acquérir de nouveaux appareils, entièrement produits en France, sans avoir eu à en financer le développement.
Les industriels, eux, peuvent developper un nouvel appareil, de génération intermédiaire, pour enrichir leur catalogue export, sur un calendrier raccourcie, tout en développant des savoir-faire dont ils ont été privés par SCAF.
Enfin, ce programme fait baisser la pression sur le programme SCAF lui-même, notamment sur son calendrier, voire sur le partage industriel, ou sur certains aspects de tension, comme la version navale.
Notons au passage, que si les besoins totaux de financement atteignent autour 20 Md€, un tel mécanisme, avec un retour budgétaire en circuit court, permettra d’en diminuer les besoins nets de financement, autour de 10 Md€, le reste étant produit par le retour budgétaire lui-même.
Ainsi, une participation de l’état à hauteur de 25 %, et des industriels, sur une même base, permettrait de réduire l’appel extérieur à 5 Md€, pour une activité industrielle et économique dépassant les 100 Md€, et pouvant largement dépasser les 200 Md€ en intégrant l’export, pour les seuls appareils.
Les prix des appareils évoluant avec l’inflation, un objectif de rentabilité à inflation + 1,5 %, pourrait être atteint par une cote-part sur la vente des appareils, inférieure à 4 %, ou 2,5 % étendue à l’ensemble de l’enveloppe commerciale (avions, pièces, soutien). Ce qui reste parfaitement acceptable du point de vue commercial.
Quant au financement des appareils eux-mêmes, pour les forces aériennes françaises, il reposerait sur ce même mécanisme de captation du retour budgétaire, avec l’objectif de plus d’un avion exporté par avion commandé par la France, pour atteindre une empreinte budgétaire positive ou nulle.
Conclusion
On le voit, un programme Super-Rafale, venant se loger entre le Rafale F5 et le SCAF, offrirait de nombreuses plus-values pour les armées et les industries de défense aéronautiques françaises, que ce soit sur le plan opérationnel, commercial ou technologique.
Il permettrait, notamment, de réduire très sensiblement les conséquences des risques entourant le programme SCAF, et par conséquent, de faire baisser la pression autour de ce programme européen. Ceci en améliorerait les chances de succès, dans un contexte international dans lequel un tel appareil, et son système de combat, apporteraient des atouts indéniables, face à l’évolution des menaces.
En outre, si la LPM actuelle ne permet pas d’assurer le financement du développement d’un Super-Rafale aujourd’hui, des modèles alternatifs de financement, efficaces et sécurisés, peuvent être appliqués, pour y parvenir, et ainsi, assurer une transition souple et efficace, du Rafale F5 au SCAF.
Reste à voir si la situation politique particulièrement tendue en France, qui amène, aujourd’hui, les gouvernants actuels et futurs, à des positions conservatoires et parfois radicales, permettra l’émergence d’une telle solution, prenant à contre-pieds, il est vrai, de nombreux paradigmes ayant toujours l’aval de nombreux décisionnaires dans ce domaine ?
Le fait est, sans le Super-Rafale, la France, ses armées et son industrie aéronautique, dépendront pleinement du bon déroulement du SCAF, ce qui peut, en fait, représenter une faiblesse exploitable dans les négociations à son sujet, notamment par les pays qui, eux, se sont, ou se seront, d’ici là, déjà tournés vers le F-35 a et B américain.
Article du 19 aout en version intégrale jusqu’au 2 octobre 2024
A l’occasion du salon Farnborough, fin juillet, l’Agence OTAN de soutien et d’acquisition (NSPA) a notifié trois contrats de développement à Airbus Helicopters, Lockheed Martin Sikorsky, et Leonardo pour la réalisation d’études conceptuelles détaillées dans le cadre du programme « Next Generation Rotorcraft Capability » (NGRC) de l’OTAN.
Pour rappel, le programme NGRC a été lancé fin 2020 à l’initiative de la France, de l’Italie, du Royaume-Uni, de la Grèce et de l’Allemagne, rejoints par la suite par les Pays-Bas et le Canada, tandis que les États-Unis et l’Espagne conservent un rôle d’observateur au sein du programme. Il vise à concevoir une nouvelle génération d’hélicoptère de transport et d’assaut, dont les caractéristiques générales avaient été abordées dans un précédent article. A la clé : le remplacement de près d’un millier d’hélicoptères de manœuvre à partir de 2035.
Des industriels européens enfin impliqués dans le NGRC
Les trois contrats qui viennent d’être signés forment le cinquième et dernier volet des études préliminaires lancées dans le cadre du NGRC. Rappelons que, outre deux volets portant respectivement sur les technologies et les concepts opérationnels, menés par les états membres eux-mêmes, deux autres volets avaient déjà été attribués à des industriels : une étude portant sur les modes de propulsion pour les futurs hélicoptères, confiée à GE Aerospace, et une autre portant sur les architectures ouvertes et les écosystèmes numériques confiée à Lockheed Martin. Deux industriels américains, alors même que Washington n’a qu’un rôle d’observateur dans ce programme.
Une situation qui semble enfin s’inverser avec la sélection de deux industriels européens, Airbus et Leonardo, aux côtés de l’américain Sikorsky, filiale de Lockheed Martin. Chacun sera chargé de « réaliser des études détaillées sur les concepts de plateforme dans le cadre du programme Next Generation Rotorcraft Capability (NGRC). » Pas question donc, pour le moment, de financer le développement de prototypes ou même de démonstrateurs, mais simplement de proposer une architecture capable de répondre aux attentes de l’Alliance.
Un NGRC qui s’éloigne du Future Vertical Lift américain… pour l’instant.
Il faudra attendre un peu plus d’un an pour connaître plus en détail ces différentes architectures, même si chaque industriel a déjà exposé son approche générale. Leonardo devrait ainsi continuer dans la voie des rotors basculants (tilt-rotors), déjà adopté pour son AW609 destiné au marché civil. Airbus, de son côté, va sans doute proposer un dérivé de son RACER, en intégrant des hélices propulsives sur une architecture d’hélicoptère relativement conventionnelle. Lockheed Martin Sikorsky, de son côté, va ainsi profiter de ses travaux sur le X2, le S-97 Raider et le SB-1 Defiant, et présenter un engin doté de deux rotors contrarotatifs.
Lockheed Martin Sikorsky : qui perd gagne ?
La sélection par l’OTAN de Lockheed Martin Sikorsky est intéressante à plus d’un titre. Ces dernières années, le géant américain a déployé de gros efforts pour convaincre la NSPA du bien-fondé de sa formule, particulièrement depuis l’échec du SB-1 Defiant dans le cadre du programme FLRAA de l’US Army, et plus encore après l’abandon du programme FARA avant même le premier vol du S-97 Raider. Dès lors, Sikorsky n’a pas d’autre solution que de viser le marché européen – et les fonds de développement de l’OTAN – afin de rentabiliser ses nombreux investissements.
Pour Washington, une sélection de Sikorsky pour les futures étapes du NGRC pourrait même être vu comme un bon moyen de maintenir une double production d’engins de nouvelle génération, avec un Bell V-280 Valor financé par l’US Army, et un dérivé du Raider financé par l’OTAN et certains pays européens.
Une solution unique pour l’OTAN ?
Heureusement, nous n’en sommes pas encore là. Les différents concepts seront présentés en fin d’année prochaine. Si le programme NGRC se poursuit au-delà, une de ces solutions pourrait être développée et industrialisée à large échelle afin de livrer les premiers clients vers 2035. Et rien n’empêche d’imaginer que, à la suite de la phase actuelle, plusieurs candidats se rapprochent afin de présenter une solution commune aux différents pays membres de l’initiative.
Car, l’histoire nous l’a montré, les programmes otaniens de cette ampleur sont éminemment politiques. Difficile d’imaginer que les pays aujourd’hui à l’origine du NGRC, et qui sont les héritiers d’Agusta Westland, d’Eurocopter et de NHIndustries, acceptent de financer pleinement le développement d’un nouvel hélicoptère si celui-ci devait être confié uniquement à un industriel américain. Et inversement, on imagine bien que la gestion quelque peu chaotique du programme NH90 ne doit pas laisser que de bons souvenirs aux industriels européens.
Dès lors, à moins d’un fort rapprochement entre acteurs européens, à la fois sous l’égide du NGRC et sous l’impulsion du programme européen ENGRT, on risque fort de voir cette initiative de l’OTAN s’éparpiller dans plusieurs directions, au grès des investissements nationaux et des accords entre partenaires. On se rappellera peut-être que, dans les années 1950, le programme NBMR-1 avait échoué à doter l’ensemble de l’OTAN d’un avion d’attaque au sol léger commun. Mais l’élan industriel offert par cette compétition nous avait tout de même donné le G.91 italien, l’Étendard français et, d’une certaine manière, le F-5 américain, autant de symboles de leurs industries nationales respectives. A voir quel chemin prendra le NGRC.
Pourquoi le budget défense 2025 devra respecter la loi de programmation militaire
OPINION – Nouveau gouvernement, nouvelles priorités, nouvelles orientations économiques ? Alors que le budget du ministère des Armées doit augmenter de 3,3 milliards d’euros en 2025, le groupe de réflexions Mars* rappelle que l’investissement de défense est rentable sur le plan économique, social, fiscal ainsi que pour le commerce extérieur et l’innovation (Recherche & Développement).
L’un des enjeux de la nomination d’un nouveau gouvernement réside dans sa capacité à décider de mesures nouvelles conformes à des orientations politiques rencontrant le soutien d’une majorité de parlementaires des deux chambres. Au terme d’une cinquantaine de jours d’impasse, on semble s’orienter vers un gouvernement de droite avec le soutien sans participation de la droite de la droite. Ce qui s’appelle une victoire du « front républicain »… belle manœuvre Mon général !
Le monde de la défense garde un souvenir amer de l’expérience passée, pour ne pas dire du passif, du dernier gouvernement de droite (Fillon). Avec la perte de 20% des effectifs, la trop fameuse RGPP a eu l’effet d’une guerre d’attrition sur les moyens consacrés à nos armées, sans les avantages de l’aguerrissement. C’est essentiellement ce qui explique pourquoi la France est montrée du doigt pour son manque de solidarité à l’égard de l’Ukraine. Mais la vérité est qu’elle manque cruellement de moyens militaires depuis les coupes subies jusqu’en 2012, voire 2015. La vigilance est donc de mise.
Un rééquipement urgent
En matière de défense, chacun sait en effet que la reconduction à l’identique du budget 2024 aurait pour effet de renoncer à « franchir la marche » à 3,3 milliards d’euros prévue à l’article 4 de la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2024-2030 adoptée il y a un an. Fâcheux pour une deuxième année d’exécution. Certes, notre pays n’est pas en première ligne dans les conflits majeurs en cours dans le monde, mais si l’on admet que l’époque a changé et que ce changement est durable, il convient d’en tirer les conséquences en termes militaires. Notre pays a besoin d’équiper son armée à un rythme accéléré. Tel est l’enjeu du budget de la défense à adopter cet automne.
La bonne nouvelle dans ce contexte sombre, c’est que l’investissement de défense est rentable. Cela est admis dorénavant depuis quelques années par la littérature économique (1) même si les analyses divergent sur le délai du retour sur investissement (interrogé sur le sujet, un logiciel d’IA générative donne la fourchette de 0,6 à 1,2 de retour sur un an).
Sur le plan de l’économie politique, il paraît en effet possible de dégager un certain consensus qui pourrait se résumer en une quinzaine de constats objectifs.
Il n’existe pas d’effort de défense (exprimé en % PIB) optimal absolu, mais des optima relatifs en fonction de la réalité de la menace et de la taille du pays ; à ce titre, l’objectif otanien de 2% est très inférieur aux normes de la guerre froide, quand l’OTAN exigeait au moins 3%. Cela n’a donc aucun sens de comparer le taux d’effort actuel avec ce qu’il était à une autre période, ni de comparer le taux d’effort entre pays de tailles très différentes. Ce n’est pas un indicateur pertinent, ni en termes économiques, ni même en termes d’efficacité.
La politique industrielle de l’armement (lorsqu’il en existe une) intéresse exclusivement le moyen et le long terme économique parce qu’elle est sous-tendue par une volonté politique de souveraineté et d’autonomie stratégique. Sa définition échappe largement au domaine d’interprétation du calcul traditionnel de rentabilité économique, en raison notamment de la longueur des immobilisations qu’elle utilise, très supérieure à l’horizon de la majorité des investissements commerciaux privés. Le choix du développement des industriels d’armement se présente donc aujourd’hui comme un choix pour l’avenir dont la responsabilité globale revient aux autorités publiques, même si sa réalisation fait intervenir pour moitié des centres de décision privés. Cela rend inadaptés les raisonnements en termes de coûts d’opportunité par rapport aux autres investissements industriels.
L’achat d’équipement sur étagère à l’étranger a pour premier effet macroéconomique d’augmenter les importations. Cet effet négatif peut être partiellement équilibré par des compensations industrielles locales, mais ces « offsets » ont surtout pour conséquence de renchérir le coût des équipements importés et donc de dégrader la balance commerciale. On rappellera que, par fierté d’une autonomie retrouvée, la France refuse depuis au moins 40 ans de demander des compensations industrielles contrairement à sa pratique sous la IVe République, pratique toujours en cours, malgré les codes européens de bonne conduite, de la part de la plupart de nos partenaires européens avec, pour certains, la volonté d’avoir surtout des compensations bien plus que des équipements.
L’achat d’équipements militaires auprès des industriels nationaux (BITD) permet de maîtriser la balance commerciale et d’être souverain à condition que la chaîne de valeur reste très majoritairement nationale de bout en bout. Si ce n’est pas le cas, toute « fuite » hors du circuit économique national diminue l’effet multiplicateur potentiel et fragilise l’objectif de demeurer souverain sur le long terme. Or des études microéconomiques récentes ont montré à quel point cette chaîne de valeur était intégrée au niveau européen, ce que des instruments tels que le fonds européen de défense encourage. Cela va des composants les plus modestes jusqu’à des sous-ensembles majeurs tels que les moteurs diesel et les boîtes de vitesse.
A ce titre, le modèle de l’arsenal (2) apparaît le plus efficace en termes macroéconomiques, à condition que les coûts de production soient maîtrisés, ce qui suppose, en l’absence de compétition, une régulation publique forte au niveau microéconomique sur la formation des prix. A cet égard, le modèle américain d’arsenal national privé mérite d’être rappelé.Pour les États-Unis, le libre échange ne s’applique qu’aux autres. Ils ont parfaitement raison : il n’existe pas de marché de l’équipement de défense, pas de libre concurrence, pas de libre formation des prix, un client unique, une interdiction d’exportation de principe (pour un contrôle politique des exceptions), des barrières considérables à l’entrée de nouveaux fournisseurs, etc. Il n’y a dans le monde que la Commission européenne pour croire à l’existence d’un marché intérieur de défense.
L’impact économique de l’effort de défense n’est pas le même selon que la priorité est donnée à la formation de capital fixe ou de… capital humain : l’effet multiplicateur des rémunérations n’est pas établi au niveau national, même si son rôle pour les économies locales est évident. Il en va différemment de l’effort d’armement. L’investissement de défense comprend en effet plusieurs composantes : la formation de capital fixe sous la forme de capacités industrielles, la formation du capital humain nécessaire à la conception et à l’entretien des équipements, la recherche technologique.
Dépenses de défense : quel impact économique ?
En revanche, considérer l’équipement de combat lui-même comme un investissement est contestable en termes économiques car difficile à amortir et à assurer dans la mesure où sa durée de vie est impossible à déterminer à l’avance. Qui sait si tel Rafale durera 50 ans dans les inventaires sous différentes configurations ou disparaîtra dans l’année par accident ou par fait de guerre ? Par conséquent l’impact économique de l’investissement de défense est d’autant plus fort qu’il touche les trois composantes précédemment citées ; s’il ne concerne que la production d’équipements déjà développés (et à plus forte raison de consommables tels que les munitions), l’impact est nul, voire négatif. Et effectivement, acheter des chars sur étagère à l’étranger (comme le fait la Pologne) n’est pas un investissement au sens économique : c’est une consommation intermédiaire qui capte une dépense publique qui serait sans doute plus utile ailleurs.
Investir dans l’armement ne vise pas à produire un effet économique direct (contrairement à la plupart des investissements civils), mais à délivrer durablement (investir dans l’armement et dans l’industrie nationale d’armement, c’est s’assurer une capacité autonome et sur le long terme d’accéder aux systèmes nécessaires pour notre défense) un bien collectif – la défense – sans lequel le reste des activités économiques et humaines ne peut pas avoir lieu sereinement. L’utilité en matière de défense est cependant une notion ambiguë, car il est très difficile de chiffrer le gain économique dû à une défense efficace, c’est-à-dire assurant la sauvegarde de la nation, la sécurité de ses habitants et la protection de ses intérêts vitaux. La guerre en Ukraine, avec un coût de la reconstruction évalué entre 500 et 600 milliards d’euros (soit quatre années du PIB ukrainien d’avant-guerre) permet d’estimer le gain économique d’une dissuasion efficace. En extrapolant ces chiffres à la France, la comparaison est vertigineuse : une dépense annuelle de défense de 50 milliards d’euros permet ainsi « d’économiser » plus de 10.000 milliards d’euros, soit un retour sur investissement de deux cents contre un : imbattable !
Il ne serait pas tout à fait exact d’affirmer que l’achat de « produits de défense » matures (pour employer la terminologie de l’UE) à l’industrie nationale n’ait aucun intérêt économique : cela permet au moins d’éponger les coûts fixes et donc d’améliorer potentiellement la capacité d’autofinancement afin de faciliter à l’industriel l’investissement sur fonds propres dans le développement de nouveaux produits et de nouvelles capacités.
Les exportations permettent aussi de préserver une base industrielle au service des armées sans que cela ne requière un effort budgétaire national équivalent. Elles contribuent ainsi de manière significative à la finalité première de cette base : participer à la politique d’autonomie stratégique. L’exportation de « produits de défense » (qui sont aussi de plus en plus des services) contribue également autant aux économies d’échelle qu’à l’équilibre de la balance commerciale, dont on sait aujourd’hui à quel point elle est en déficit en dépit d’un excédent croissant des transferts de matériel de guerre (3). Difficile de nier cet impact macroéconomique dans le cas de la France. On aimerait que l’industrie française de la transition énergétique soit aussi performante.
L’innovation technique est en effet inhérente à l’investissement de défense, car les armées recherchent toujours l’efficacité opérationnelle, c’est-à-dire la supériorité sur tous les champs de confrontation potentiels. Or, comme le montre la guerre en Ukraine, cette supériorité ne vient de la « masse » que parce que le rapport de force technologique est équilibré : une rupture technologique pourrait déséquilibrer le rapport de force d’un côté ou de l’autre. C’est pourquoi l’investissement de défense comporte une forte intensité en innovations, le plus souvent plus forte que la plupart des investissements civils. C’est aussi pourquoi certains risques en matière de recherche ne peuvent être assumés que par la puissance publique, du fait de leur faible probabilité de rentabilité à court terme. C’est ainsi que la plupart des ruptures technologiques développées dans la Silicon Valley ont pour origine le financement de programmes de défense par le Pentagone. Une exception toutefois qui n’en est pas une, tant le domaine spatial est d’intérêt dual : le programme (civil) Apollo a été, dans les années soixante, la matrice de la révolution industrielle informatique, mais il s’agissait en réalité moins de poser le pied sur la Lune que de combler le « missile gap » apparu depuis le lancement de Spoutnik en 1957.
La R&D militaire tire l’innovation
Pendant longtemps on a supposé que la R&D militaire induisait un effet d’éviction à l’égard de la R&D civile, tant publique que privée ; mais, comme le remarque Renaud Bellais (4), la chute des budgets militaires n’a pas induit d’augmentation de l’effort civil de recherche. Il apparaît en fait que la R&D militaire représente plus un complément qu’un concurrent de son équivalent civil. Le plus souvent les projets civils ont beaucoup de mal à trouver des appuis. Le budget civil de R&D trouve bien peu de défenseurs face à ceux qui cherchent par tous les moyens à réduire la pression fiscale ; et les projets civils doivent prouver leur « retour sur investissement » (à l’instar des investissements privés). Un tel contexte ne laisse qu’une faible marge de manœuvre et tend à exclure tout financement pour des projets à haut risque ou trop éloignés d’une commercialisation rapide.
L’exemple des hélicoptères montre que les relations dynamiques entre l’aéronautique militaire et civile résultent moins de retombées technologiques du militaire au civil que du nombre élevé des utilisations conjointes de mêmes techniques, voire des possibilités offertes de construire quasi simultanément des versions militaires et civiles des mêmes modèles (ex. Super PUMA). Cette facilité offerte à l’industrie aérospatiale a pour conséquence économique pour les entreprises de réaliser une certaine péréquation entre les résultats des branches civiles et militaires.
L’investissement de défense permet en outre de maintenir et développer un tissu industriel performant alimentant des emplois de qualité dans des territoires ruraux ou en reconversion : il concourt de fait à l’aménagement du territoire, ce qui économise de la dépense sociale.
Au-delà de la R&D, il nous faut veiller plus que jamais à la protection et à la transmission de nos savoir-faire, même ceux qui sont considérés comme les plus traditionnels et les plus rustiques. A défaut, le risque de perte de compétences et de savoir-faire n’épargnera aucune filière.
L’investissement de défense, dès lors qu’il s’inscrit dans une perspective politique de maintien d’une autonomie stratégique, obéit à une programmation de moyen terme, voire dans l’idéal à une planification de long terme, qui s’accommode très mal des à-coups d’une politique budgétaire de court terme, qu’il s’agisse de relancer la demande en anticipant les commandes ou au contraire de freiner le rythme des acquisitions, incompatible avec une saine gestion des capacités industrielles.
Enfin, sauf à exonérer de taxes et de cotisations les fournisseurs de la défense, le retour fiscal et social de la dépense de défense à chaque étape de la chaîne de valeur permet au bout « d’un certain temps » (fonction des caractéristiques du circuit économique en cause) à la puissance publique de rentrer dans ses frais. Un euro dépensé rapporte à terme un euro en rentrées fiscales et sociales, voire davantage. Cela signifie que, loin d’être un pur centre de coût, l’investissement de défense est surtout un centre de profit qui non seulement tire l’innovation technologique, mais permet aussi de financer d’autres priorités politiques économiquement moins rentables : la transition énergétique par exemple, dont le contenu technologique est beaucoup moins intense et la contribution à la balance commerciale beaucoup moins favorable.
C’est pourquoi une politique économique avisée de la part du prochain gouvernement français, alors que les pays européens vivent sous la menace de la Russie, devrait commencer par investir massivement dans des capacités industrielles de défense souveraines. L’effet multiplicateur et le retour fiscal garantiraient rapidement un retour sur investissement permettant d’investir dans d’autres priorités, notamment la formation, la santé et la transition énergétique, toujours dans une perspective souveraine. Il ne faut pas inverser l’ordre des priorités.
1 : Les travaux de l’observatoire économique de la défense (OED) ont sans doute été précurseurs à partir d’avril 2017 avec la publication d’une première étude dans le n°91 de la publication EcoDef (Oudot, 2017), suivie et confirmée par une analyse de la chaire économique de l’IHEDN en mai 2020 (Belin & Malizard, 2020) ; le groupe MARS n’a pas été pour rien dans la diffusion de ces travaux à partir du printemps 2020 : cf. https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/l-investissement-dans-la-defense-rapporte-plus-que-ce-qu-il-coute-846190.html
* Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.
Après des débuts très difficiles, le programme SCAF est parvenu, en 2023, à sortir de l’ornière dans laquelle il se trouvait, grâce à un accord politique imposé fermement par les trois ministres de la Défense français, allemands et espagnols.
Depuis, le programme semble sur une trajectoire plus sécurisée, même si les engagements actuels ne portent que jusqu’à la phase 1b d’étude du démonstrateur, et qu’il sera nécessaire, à nouveau, de renégocier le partage industriel au-delà, ce qui ne manquera pas de créer de nouvelles frictions.
Au-delà des tensions entourant les questions de partage industriel, voire de cahier des charges, divergent selon les forces aériennes, un nouveau sujet de discorde pourrait émerger prochainement, tout au moins en France.
En effet, loin de représenter la solution budgétaire optimisée avancée par l’exécutif français, pour justifier de cette coopération européenne, il apparait que le programme SCAF va couter plus cher, et même beaucoup plus cher, aux finances publiques françaises, comme à ses industriels, que si le programme était développé à l’identique, par la seule base industrielle et technologique aéronautique Défense nationale, avec un écart de cout, pour les contribuables français, pouvant atteindre les 20 Md€.
Sommaire
La Coopération européenne, seule alternative pour financer le développement du programme SCAF, selon l’exécutif français
Depuis le lancement du programme SCAF, le discours de l’exécutif français, pour en justifier le développement conjoint avec l’Allemagne, puis avec l’Espagne, n’a pas dévié d’un millimètre : les couts de développement d’un avion de combat et de son système de systèmes de 6ᵉ génération, sont à ce point élevés, qu’ils ne peuvent plus être supportés par un unique pays européen, fut-il la France.
Le sujet a, à de nombreuses reprises, été abordé sur la scène publique, notamment par les députés et sénateurs français, interrogeant le gouvernement pour savoir si la France était en mesure de développer, seule, un tel programme, en particulier lorsque le programme était au bord de la rupture.
La réponse donnée alors, par l’exécutif comme par la DGA, avançait que si la France devait faire seule un tel programme, celui-ci serait nécessairement moins performant et moins polyvalent, que ne prévoit de l’être SCAF aujourd’hui, pour des raisons essentiellement budgétaires. En d’autres termes, pour le gouvernement français, il n’y avait point de salut, en dehors de cette coopération franco-allemande, puis européenne.
Le programme SCAF en coopération coutera 14 Md€ de moins à la France, que si elle devait le faire seule.
L’étude des chiffres disponibles, aujourd’hui, tendrait, en effet, à accréditer la position gouvernementale. Ainsi, le budget total de R&D de l’ensemble du programme SCAF qui atteindrait les 40 Md€, permettant à chaque participant de ne participer qu’à hauteur de 13,3 Md€, soit, plus ou moins, un milliard d’euros par pays et par an, jusqu’en 2036 et le début de la production des avions eux-mêmes.
Cet écart se creuse encore davantage en intégrant les couts d’acquisition des appareils eux-mêmes. Pour étayer cette affirmation, il est nécessaire de poser certaines valeurs de départ. Ainsi, le prix unitaire de l’avion, s’il était produit uniquement en France, sera considéré à 140 m€ TTC, avec une enveloppe complémentaire de services et équipement de 40 m€ TTC par appareil. Nous considérerons, également, que les couts de R&D, pour la France, serait de 30 Md€, et que la France fera l’acquisition de 200 appareils.
Du côté du programme SCAF européen, nous considérerons un surcout par appareil et par services et équipements de 10 %, lié à la coopération (ce qui est très faible), soit respectivement 144 et 54 m€, alors que nous diviserons par deux le coefficient multiplicateur empirique de coopération internationale passant de 1,73 (racine carrée de 3) à 1,37, en admettant une coopération exemplaire entre les trois pays et leurs industriels, et très peu de dérives comme celles observées autour des programmes A400M ou NH90, pour un cout de R&D de 36 Md€.
Enfin, nous considérerons que l’Allemagne commandera 175 appareils, et l’Espagne 125, pour un total de 300 appareils pour ces deux pays, soit le remplacement incrémental de leurs flottes d’Eurofighter Typhoon en 2040. L’ensemble de ces valeurs sont, pour l’essentiel, des valeurs conservatoires, tendant à réduire l’efficacité de la démonstration qui suit.
Sur ces bases, les 200 appareils destinés aux forces aériennes et aéronavales françaises, couteront 36 Md€ aux finances publiques, pour un programme total à 66 Md€, développement inclus, dans le cas d’un programme exclusivement national, contre 40 Md€ pour les appareils, et 52 Md€ pour le programme, dans son format actuel.
En d’autres termes, dans le cas du programme SCAF, la coopération européenne doit permettre aux finances publiques françaises, d’économiser 14 Md€, soit presque 27 % du prix du programme, par rapport à un programme exclusivement national. Alors, l’exécutif a-t-il raison de clamer le bienfondé de ce modèle ? C’est loin d’être évident, pour deux raisons : le retour budgétaire et les exportations.
Le retour budgétaire neutralise les bénéfices de la coopération sur le budget de l’État concernant le programme SCAF
Le retour budgétaire représente les recettes et économies appliquées au budget de l’État, par l’exécution du programme et de ses investissements. Il fait la somme des impôts et taxes générés directement et indirectement par les investissements, sur l’ensemble de la chaine industrielle, ainsi que des économies sociales pouvant s’appliquer au budget de l’État, du fait de la compensation des déficits sociaux.
Dans cette démonstration, pour plus d’efficacité, nous considérerons deux valeurs bornant le coefficient de retour budgétaire. La première, une valeur planché, est fixée à 50 %, dont 20 % de TVA, et 30 % d’impôts, de taxes et de cotisations sociales. Cette valeur correspond au cout des prélèvements français de l’OCDE, de 42 %, avec une TVA moyenne à 12 %, ramené à une TVA fixe à 20 % appliquée aux équipements des armées.
La seconde valeur applique un coefficient multiplicateur Keynésien aux recettes, lié à la Supply Chain de l’industrie de défense française, presque exclusivement française, entrainant une déperdition export particulièrement faible pour cette activité. En 2010, ce coefficient, en France, était de 1,39 pour l’investissement public. Nous ne prendrons, ici, que 1,3 pour un coefficient de retour budgétaire de 65 %, ce qui représente une valeur plafond largement par défaut, considérant la dimension industrielle et la dimension Defense de l’activité.
En appliquant ces coefficients aux valeurs précédentes, nous obtenons respectivement un retour budgétaire de 33 Md€ (50 %) et de 42,9 Md€ (65 %), pour un programme exclusivement français, et de 22,5 Md€ (50 %) et 29,3 Md€ (65 %), pour les finances publiques françaises, dans le cas du programme européen.
Remarquez que dans ce dernier cas, nous avons appliqué un partage équipotentiel industriel entre les trois pays sur le volume total des appareils commandés, soit l’équivalent de 166,6 (=500/3) appareils produits en France.
Le solde budgétaire, la différence entre les dépenses et les recettes, s’établissent alors comme ceci :
Solde avec un retour budgétaire de 50 % (hypothèse basse) : – 33 Md€ pour le programme Fr, – 29,1 Md€ pour le programme EU
Solde avec un retour budgétaire de 65 % (hypothèse classique) : – 23,1 Md€ pour le programme Fr, – 22,4 Md€ pour le programme EU.
On le voit, une fois le retour budgétaire appliqué, la différence de cout entre les deux programmes, selon qu’ils sont exclusivement français ou en coopération européenne, à périmètre d’investissement constant, tend à considérablement se réduire, allant de 3,9 (33-29,1 Md€ en hypothèse basse) jusqu’à 0,7 Md€ (23,1-22,4 Md€ en hypothèse classique), selon les hypothèses.
Les industriels français pourraient perdre jusqu’au 55 Md€ de chiffre d’affaires sur le marché export en raison du partage industriel
Le volet des exportations a toujours représenté un sujet d’inquiétudes, en France, autour du programme SCAF. Industriels et analystes craignaient, en effet, de voir Berlin imposer son véto sur certains contrats exports clés, comme c’est le cas aujourd’hui avec la Turquie, concernant le Typhoon. Si les inquiétudes portaient bien sur le bon sujet, il est probable qu’elles ne portaient pas sur le bon volet.
En effet, le principal inconvénient, concernant le programme SCAF, au sujet des exportations, n’est pas lié au périmètre ni au possible droit de véto de Berlin, mais à la ventilation de l’activité industrielle, en exécution de ces commandes internationales.
Ainsi, dans le cas d’un programme national, l’activité générée sera intégralement exécutée en France, par la BITD française, alors qu’elle sera équitablement répartie entre les trois partenaires, dans le cas du programme européen.
Ici, nous considérerons que le cout unitaire d’un appareil vendu à l’exportation équivaut à son prix unitaire hors taxe, auquel s’ajoutent deux lots d’équipements et services, contre un seul pour les armées Fr/De/Es employé précédemment.
Dans le cas d’un programme national, le chiffre d’affaires France hors taxes, réalisé pour 100 appareils exportés égale 18,3 Md€, 200 appareils pour 36,7 Md€, 300 appareils pour 55 Md€ et 400 appareils pour 73,3 Md€. Ce même CA HT pour la France, dans le cas du programme européen, égale 6,7 Md€ pour 100 appareils, 13,4 Md€ pour 200 appareils, 20,2 Md€ pour 300 et 26,9 Md€ pour 400 avions exportés.
De fait, la différence de Chiffre d’Affaires entre le programme France et européen, pour la BITD française, va de 11,6 Md€ à 46,4 Md€, en faveur du programme français, soit l’équivalent de 140 000 à 557 000 emplois annuels pleins. Sur une période de 40 ans de production (hypothèse haute), la différence représente de 5 600 à 22 300 emplois à plein temps.
L’État Français va perdre jusqu’à 24 Md€ sur le programme SCAF, en raison de la coopération européenne
Cependant, l’intérêt des exportations, pour la France, n’est pas uniquement que de créer de l’activité industrielle et des emplois. Celles-ci génèrent, en effet, des recettes supplémentaires au budget de l’État, de la même manière que précédemment, au travers d’un coefficient de retour budgétaire.
N’étant pas soumis à TVA, ce coefficient est toutefois réduit de 20 %, et les deux valeurs balises précédemment employées, se transforment donc en 50%-20%=30%, valeur planché, et 65%-20%=45 %, valeur plafond.
Une fois appliquées aux chiffres d’affaires France générés selon l’hypothèse d’exportation, nous obtenons donc :
Retour export (30 %)
Programme Fr
Programme Eu
Différence (m€)
100 app. exportés
5 500
2 017
3 483
200 app. exportés
11 000
4 033
6 967
300 app. exportés
16 500
6 050
10 450
400 app. exportés
22 000
8 067
13 933
Retour budgétaire appareils exportés, hypothèse à 30 %, en million d’euros.
Retour export (45 %)
Programme Fr
Programme Eu
Différence (m€)
100 app. exportés
8 250
3 025
5 225
200 app. exportés
16 500
6 050
10 450
300 app. exportés
24 750
9 075
15 675
400 app. exportés
33 000
12 100
20 900
Retour budgétaire, appareils exportés, hypothèse à 45 %, en million d’euros.
En intégrant le solde budgétaire étudié dans la précédente section, pour les acquisitions nationales, nous obtenons donc le tableau suivant :
Solde budgétaire 30 %
Programme Fr (en m€)
Programme UE (en m€)
Différence (en m€)
100
-27 500
-27 119
– 381
200
-22 000
-25 102
3 102
300
-16 500
-23 086
6 586
400
-11 000
-21 069
10 069
Solde budgétaire 45 %
100
-14 850
-19 350
4 500
200
-6 600
-16 325
9 725
300
1 650
-13 300
14 950
400
9 900
-10 275
20 175
Solde budgétaire France total du programme SCAF, en million d’euros – en gras les seuils autoporteurs
On le voit, le seul cas dans lequel le programme SCAF Européen, s’avérerait plus performant, budgétairement parlant, qu’un programme SCAF français identique, s’observe avec un retour budgétaire en hypothèse basse de 50 % / 30 %, et avec un total export de 100 appareils, ou moins.
À l’inverse, dans le cas d’un retour budgétaire à 65 % / 45 %, par ailleurs loin d’être une hypothèse peu probable concernant l’industrie de défense, le programme SCAF serait non seulement jusqu’à 20 Md€ plus performant en version nationale, mais à partir de 300 appareils exportés, il atteindrait même un solde budgétaire positif, pour les finances publiques, signifiant qu’il rapporterait davantage de recettes et économies budgétaires, qu’il n’aura couté à l’état.
On le voit, programme SCAF, dans son organisation européenne actuelle, est loin d’être justifiable par des arguments budgétaires, et encore moins par d’éventuels arbitrages technologiques défavorables, s’il devait être réalisés seul. Au contraire, en dehors de la phase de R&D initiale, toutes les autres phases industrielles, se montrent beaucoup plus efficaces, budgétairement, socialement, comme en termes d’emplois créés, dans l’hypothèse d’un modèle exclusivement national.
Notons, enfin, que si la coopération facilite, aujourd’hui, le financement du programme dans sa phase initiale de R&D, nombreux sont ceux qui, autour de ce programme, s’inquiètent de la marche budgétaire considérable qu’il devra franchir, à partir de 2031, lorsque la phase industrielle débutera, et que le partage des couts perdra de son efficacité.
De fait, une fois mis en perspectives l’ensemble des aspects budgétaires, mais également les difficultés industrielles rencontrées lors des négociations, le volet social, et les risques directement liés aux programmes en coopération, il apparait que rien, aujourd’hui, ne plaide en faveur de la poursuite de SCAF dans son modèle actuel, si ce n’est un dogme politique plébiscitant la coopération européenne, et l’éventuelle volonté de masquer des dépenses à venir, qu’il sera difficile de financer, par des dépenses plus aisément soutenables aujourd’hui, sur la phase de développement.
D’ailleurs, la situation est strictement la même, mais en faveur de l’Allemagne cette fois, concernant le programme MGCS, Berlin disposant effectivement de l’ensemble des compétences, et du marché international captif avec le Leopard 2, pour developper seul son nouveau char, et le rentabiliser, budgétairement, par l’exportation, ce qui sera beaucoup plus difficile à faire, pour Paris. Cependant, Berlin sait pouvoir financer seul le développement du MGCS, le cas échéant, ce qui n’est pas le cas de la France, aujourd’hui, concernant le programme SCAF, tout au moins dans le contexte politique et budgétaire du moment.
Reste qu’entre un programme à 12 ou 15 Md€, pour 300 chars de nouvelle génération, et un programme à 70 Md€, pour 200 avions de combat, il est impossible de compenser l’un par l’autre, et les pertes d’exploitation et de recettes budgétaires liées au partage au sein du programme SCAF, par celles qui seront générées par le programme MGCS, font de cet accord global franco-allemand SCAF + MGCS, un puissant tremplin pour l’industrie allemande, sans réelles contreparties pour la partie française, bien au contraire.
Article du 5 aout en version intégrale jusqu’au 14 septembre 2024
L’actuel gouvernement étant démissionnaire, la publication du rapport annuel au Parlement sur les exportations françaises d’armement a pris du retard cette année. Pour autant, quelques médias, comme La Tribune, ont pu y avoir accès. Sans surprise, le cru 2023 n’a pas été aussi bon que le précédent, marqué, il est vrai, par l’entrée en vigueur du contrat « Rafale » [80 exemplaires] signé par les Émirats arabes unis pour 16,9 milliards d’euros [soit environ 60 % des 27 milliards de prises de commandes].
Ainsi, l’an passé, le montant total des exportations françaises d’équipements militaires s’est élevé à 8,2 milliards d’euros [- 69 %], ce qui est très en deçà des 11,7 milliards de l’année 2021. Au cours de la période 2014-23, seuls les exercices 2017 et 2020 avaient été moins bons, avec respectivement 6,9 et 4,9 milliards d’euros de prises de commandes.
Parmi les dix principaux clients de la Base industrielle et technologique de défense [BITD] française en 2023, l’Indonésie arrive en tête, grâce à l’entrée en vigueur du contrat relatif à un second lot de 18 Rafale pour 2,6 milliards d’euros. Encore une fois, le chasseur-bombardier de Dassault Aviation pèse « lourd » puisque cette commande représente environ 30 % du total du résultat.
L’Arabie Saoudite [pour 552 millions] et l’Inde [pour 488 millions] viennent ensuite. Ces deux pays sont suivis, et c’est une surprise, par l’Angola, qui a commandé trois corvettes dérivées de la Combattante BR71 MKII du chantier naval CMN, via le groupe émirien Abu Dhabi Ship Building. Enfin, l’Ukraine [pour 363 millions d’euros] complète cette courte liste.
« Si l’année 2023 peut paraître relativement modeste en termes de prises de commandes, cela ne correspond pas à une tendance de fond : l’évolution de nos exportations doit être appréciée sur des échelles de temps plus longues car le bilan annuel est très fluctuant, au gré du nombre et du montant des contrats majeurs entrés en vigueur en cours d’année », explique le ministère des Armées.
Cela étant, ce recul des exportations françaises d’armement a de quoi être décevant quand l’on sait que les dépenses militaires mondiales ont atteint le niveau record de 2443 milliards de dollars [+ 6,8 % en termes réels] en 2023. À eux seuls, les membres de l’Otan ont représenté 55 % de ce total [1341 milliards de dollars].
Par ailleurs, ces dernières années, la priorité de la BITD française était d’augmenter le niveau de ses prises de commandes auprès des pays membres de l’Union européenne [UE]. Or, en 2023, seule la Grèce fait partie de ses dix premiers clients, avec notamment une commande de drones tactiques Patroller.
Il faut dire que la concurrence sur le marché européen s’est intensifiée. Outre les États-Unis, qui peuvent s’attendre encore à obtenir de nombreux contrats à en juger par la fréquence des avis délivrés par leur agence de coopération en matière de sécurité et de défense [DSCA], il faut composer avec Israël [artillerie, défense aérienne, électronique, missiles antichars] et la Corée du Sud [chars, artillerie, munitions, etc.] très active en Pologne et en Roumanie.
Cependant, le cru 2024 s’annonce meilleur, avec notamment la commande néerlandaise de quatre sous-marins Black Sword Barracuda, le contrat signé par la Serbie pour 12 Rafale ou encore l’achat de CAESAr par l’Estonie et l’Arménie.
Dassault Aviation vient d’atteindre une étape déterminante dans son histoire en dépassant le seuil des 500 commandes pour son avion de chasse Rafale, un exploit symbolique qui témoigne de la montée en puissance de l’industrie aéronautique militaire française. Cette prouesse, renforcée par une nouvelle commande en Serbie, illustre non seulement le succès du Rafale à l’international mais aussi l’importance stratégique de la France sur la scène mondiale de la défense.
Un succès mondial confirmé : plus de 500 Rafale commandés
Le Rafale, développé par Dassault Aviation, est aujourd’hui reconnu comme l’un des avions de chasse les plus performants et polyvalents au monde. Depuis son introduction en service en 2002, l’appareil a su séduire de nombreuses armées à travers le globe, rivalisant directement avec le F-35 américain, considéré comme son principal concurrent.
Avec la commande récente de 12 appareils par la Serbie, le nombre total de Rafale commandés s’élève désormais à 507 unités. Parmi ces commandes, 234 sont destinées à l’armée française, tandis que les 273 restantes sont réservées à l’exportation, ce qui démontre la capacité de l’industrie française à répondre aux besoins internationaux.
Les principaux clients de cet avion de chasse incluent des pays stratégiques tels que l’Égypte, qui en a acquis 55 exemplaires, le Qatar (36), l’Inde (36), les Émirats arabes unis (80) et l’Indonésie (42), auxquels s’ajoute désormais la Serbie avec 12 Rafale. Ce portefeuille de commandes garantit à Dassault Aviation une activité soutenue pour les dix prochaines années, assurant ainsi la pérennité de ses sites de production et des emplois associés.
Un contrat stratégique en Serbie : modernisation et renforcement des capacités militaires
La Serbie, dernier acquéreur en date, a signé un contrat avec Dassault Aviation pour l’achat de 12 Rafale, un accord officialisé lors de la visite d’Emmanuel Macron à Belgrade. Ce contrat, d’une valeur de 1,2 milliard d’euros, comprend la livraison de trois biplaces et neuf monoplaces d’ici 2028. Pour la Serbie, cette acquisition s’inscrit dans une stratégie de modernisation de ses forces armées, visant à remplacer des équipements vieillissants datant de l’ère soviétique, notamment les MiG-29 et Soko J-22 Orao.
Le choix du Rafale par la Serbie n’est pas anodin. Il reflète non seulement la qualité technique de l’appareil mais aussi l’influence diplomatique croissante de la France dans les Balkans. La commande serbe s’accompagne d’autres acquisitions militaires, telles que des batteries antimissiles Mistral et des radars Thales, portant la valeur totale des contrats à environ 3 milliards d’euros.
Montée en cadence de la production
Avec l’afflux de commandes, Dassault Aviation doit désormais relever le défi de la montée en cadence de sa production. L’entreprise a déjà annoncé son intention d’augmenter la fabrication des Rafale à trois appareils par mois dès 2025, sur son site de Mérignac en Gironde, avec un objectif encore plus ambitieux de quatre appareils par mois à l’avenir.
Cette augmentation de la production nécessitera une coordination étroite avec les sous-traitants de l’industrie aéronautique, dont bon nombre sont des petites et moyennes entreprises françaises. Ces dernières, soutenues par Dassault, joueront un rôle clé pour atteindre ces nouvelles capacités de production.
Le succès du Rafale dépasse largement le cadre commercial. Il s’agit d’un outil stratégique pour la France, renforçant son influence militaire et diplomatique à travers le monde. Avec plus de 500 unités commandées, l’avionneur français se positionne comme un leader incontournable sur le marché des avions de chasse, capable de rivaliser avec les géants américains et européens. Le Rafale, devenu l’un des symboles du savoir-faire technologique français, contribue à renforcer la position de la France dans le secteur de la défense, tout en offrant une alternative crédible aux appareils américains. Cette réussite est d’autant plus significative dans un contexte où la compétition internationale pour les contrats militaires est particulièrement intense.
« Il faut amener l’effort de défense pour les armées françaises à 3 % du PIB, comme pendant la guerre froide ! » Cette phrase, vous l’avez certainement entendue ces derniers mois, si vous suivez l’actualité défense française ou européenne.
En effet, les évolutions de la menace, en particulier en Europe, et même concernant la dissuasion nucléaire, jettent le doute sur la pertinence du seuil des 2 % visé par la LPM 2024-2030, qui semble incapable de donner aux armées les moyens nécessaires pour accomplir raisonnablement leurs missions à venir.
Comme c’est souvent le cas, ce type de certitudes s’appuie davantage sur un puissant ressenti, ainsi que sur certains raccourcis historiques, économiques, sociaux et même militaires, que sur une analyse construite de l’hypothèse.
Alors, à quoi pourraient ressembler les Armées françaises, si celles-ci venaient, effectivement, à disposer d’un budget équivalent à 3 % du PIB du pays ? Cette hypothèse est-elle efficace pour répondre aux menaces ? Surtout, est-elle réaliste et applicable, face aux nombreux défis et aux contraintes auxquelles les armées doivent répondre ?
Sommaire
L’évolution de l’effort de défense français de la Guerre Froide aux bénéfices de la Paix
De 1950 à 1970, les dépenses de défense de la France, représentaient, en moyenne, 5 % de la richesse produite chaque année par le pays. Ce taux, très élevé, s’explique par l’action conjuguée de la guerre Froide et de la menace soviétique, particulièrement pressante sur cette période, mais également par les deux guerres coloniales auxquelles elles ont participé, en Indochine puis en Algérie.
Surtout, sur la même période, le pays s’est reconstruit des conséquences de la Seconde Guerre mondiale et de l’occupation allemande, avec un très important effort de réindustrialisation et dans certains domaines technologiques, dont le nucléaire, ce qui transforma profondément l’économie du pays.
Ainsi, le PIB par habitant en France est passé de 10 500 à presque 16 000 $ sur la décennie 1960-1970. Le PIB du pays, quant à lui, est aussi passé de 15 Md$ en 1950 à 126 Md$ en 1970, pour s’envoler à 1060 Md$ en 1990, et 2650 Md$ en 2022. Même compensé de l’inflation, on comprend les raisons qui obligeaient la France à consacrer de tels pourcentages à son effort de défense jusqu’en 1970, et une partie des raisons ayant entrainé la baisse de cet effort, à partir de 1980.
Difficile, dans ces conditions, de comparer l’effort de défense en 1970 de 3,06 %, et celui qui est consacré aujourd’hui à cette même fonction par le pays, tant les contextes économiques, sociaux, politiques, industriels, technologiques et même internationaux, sont sans comparaison avec ce qu’ils étaient alors.
Les limites du seuil à 2 % du PIB pour l’effort de défense français
Et pour cause, avec un effort de défense à 2 % PIB, la dissuasion française ne pourra s’appuyer que sur 4 SNLE et deux escadrons de bombardement stratégique, l’Armée de Terre sur une forte opérationnelle terrestre forte de seulement 77 000 militaires d’active, renforcé, il est vrai, par une grande partie des 80 000 gardes nationaux.
Cette force est armée d’uniquement 200 chars de combat, 600 véhicules de combat d’infanterie et à peine plus d’une centaine de systèmes d’artillerie, et 10 à 20 lance-roquettes à longue portée, soit bien moins que ce que produit l’industrie de défense russe en une seule année.
La Marine nationale n’est pas mieux lotie, avec son unique porte-avions, une aberration opérationnelle, ses six sous-marins d’attaque, ses trois porte-hélicoptères dont un servant de navire école, et sa quinzaine de frégates de premier rang, pour un pays dont la métropole a trois façades maritimes, et qui a la plus grande zone économique exclusive repartie sur tous les océans de la planète.
L’Armée de l’Air et de l’Espace, enfin, a dû ramener sa chasse à 185 appareils, dont une trentaine sont consacrées à la seule mission nucléaire, une cinquantaine d’avions de transport tactique et stratégique, une quinzaine d’avions ravitailleurs et quatre Awacs, moins de dix batteries antiaériennes et antimissiles à longue portée. Elle ne dispose même plus d’appareils d’entrainement à hautes performances, pour la formation de ses pilotes de chasse, et l’entrainement des pilotes et abonnés dans les escadrons.
La défense étant un exercice relatif, il convient de comparer ce format des armées françaises à 2 % PIB, fortes de 208 000 hommes, avec les armées russes, disposant d’un budget de 110 Md$ équivalent à 10 % du PIB, fortes de 1,5 million d’hommes, alignant 12 SNLE, plus de 500 missiles stratégiques ICBM, une centaine de bombardiers stratégiques, 2500 à 3500 chars, 5000 véhicules de combat blindés et d’infanterie, plus de 2000 canons automoteur et lance-roquettes, 300 batteries antiaériennes à longue portée, et un millier d’avions de combat.
Certes, la France n’est pas seule pour s’opposer à la menace russe en Europe, et beaucoup de pays produisent d’importants efforts pour rééquilibrer le rapport de force défavorable. Pour autant, les armées françaises disposent, en Europe, de moyens détenus, à part par elles, uniquement par l’allié américain, voire par les britanniques dans certains cas.
Quelles pourraient être les armées françaises si la France consacrait 3 % au budget des armées.
Dans ce contexte, porter l’effort de défense à 3 %, permettrait-il de rétablir un rapport de force favorable, face à la menace russe et mondiale, en Europe et ailleurs ? Ce serait, comme nous le verrons, probablement le cas.
Ainsi, les évolutions de format des armées, en passant de 2 à 3% du PIB, seraient bien plus sensibles qu’elles ne le furent en passant de 1,5 à 2 %, de 2016 à 2024. En effet, à l’issue de cette première hausse, qui permit avant tout de ramener les armées à un point d’équilibre budgétaire sur le format qui est le leur, les forces françaises respectent toujours les volumes visés par le Livre Blanc de 2013, que ce soit en termes d’hommes, de blindés, d’avions et de navires.
À l’inverse, passer à 3 %, permettrait de s’appuyer sur l’ensemble des investissements de fonctionnement et de développement déjà couverts par le passage à 2 %, pour consacrer les efforts, précisément, à une évolution de format sensible. Car, avec un PIB 2023 de 2650 Md€, un effort de défense à 3 % permettrait au budget des armées de passer de 47 Md€ à presque 80 Md€, soit une plus-value de 30 Md€.
Une dissuasion française à nouveau dimensionnée pour contenir la menace russe
Face à la menace russe, et la possible réorganisation de la dissuasion européenne, un budget défense à 80 Md€, permettrait d’augmenter sensiblement le potentiel opérationnel de la dissuasion française, en passant notamment de 4 à 6 SNLE.
Avec 6 SNLE, la Marine nationale pourrait, en effet, maintenir en permanence deux navires à la mer, et un troisième en alerte à 24 heures, sur une durée illimitée, contre un navire en patrouille, et un en alerte aujourd’hui.
Or, la montée en puissance de la flotte sous-marine russe, mais également l’arrivée aussi massive qu’inévitable de drones sous-marins de surveillance, augmenteront, dans les années à venir, le risque qu’un SNLE à la mer puisse être compromis, donc incapable d’assurer sa mission de dissuasion.
Or, si un sous-marin nucléaire lanceur d’engins à la mer a, admettons, 1 % de se faire détecter lors de sa patrouille par ces nouveaux moyens, un risque que l’on peut juger relativement faible, cela signifie également que la posture de dissuasion française, donc européenne, serait menacée 3,5 jours par an. Il suffirait à l’adversaire d’être un minimum patient, pour éliminer potentiellement ce risque.
Avec 2 navires à la mer, le risque que les deux navires soient, simultanément, compromis, ne représente plus que 0,01 % du temps, soit à peine 1 jour tous les trente ans. Le rapport au temps, ici, pour une crise qui se déroule sur plusieurs mois, voire une ou deux années, plaide effectivement, dans ce contexte, pour une flotte à 6 SNLE, plutôt que 4.
Au-delà de la flotte océanique stratégique, la posture de dissuasion française pourrait voir sa composante aérienne passer de 2 à 3 escadrons, et de doter à nouveau l’Armée de Terre de régiments dotés de missiles balistiques à courte portée et capacités nucléaires, pour répondre à la menace des Iskander-M russe.
Enfin, il conviendrait de permettre aux missiles de croisière navals, le MdCN et son futur remplaçant, de transporter, au besoin, une tête nucléaire, là encore, pour se doter de capacités en miroir de celles en service en Russie, et ainsi disposer d’un vocabulaire de dissuasion aussi fourni que peut l’être celui de Moscou.
Une nouvelle division blindée pour l’Armée de Terre
L’Armée de terre serait, en bien des domaines, celle qui bénéficierait le plus d’un passage à un effort de défens à 3 % PIB. Elle pourrait, ainsi, se doter d’une troisième division organique qui, pour le coup, serait conçue comme une division blindée, avec une brigade blindée de rupture, deux brigades d’infanterie mécanisée, et une brigade de soutien, soit une force de 40 000 hommes, 350 chars de combat, 700 véhicules de combat d’infanterie et blindés de combat et de reconnaissance, 1500 blindés multirôles Griffon et Serval, une centaine de tubes de 155 mm, autant de mortiers et de pièces de DCA mobiles, ainsi que quarante hélicoptères.
Conçue spécifiquement pour être employée en Europe orientale face à un adversaire symétrique, cette division pourrait être très majoritairement constituée de régiments de Garde nationaux, ou de conscrits choisis (ce qui sera abordé plus bas), pour répondre à un risque de très haute intensité, mais dont la probabilité demeure faible.
En outre, une brigade mécanisée supplémentaire, elle aussi composée majoritairement de gardes nationaux et de conscrits choisis, serait intégrée à chaque division existante, avec l’objectif de renforcer la masse de ces divisions, et surtout d’assurer les capacités de rotation des forces et des matériels, au niveau organique de la division, avec des forces déjà intégrées.
En procédant ainsi, la Force Opérationnelle Terrestre serait doublée, pour atteindre 150 000 hommes, mais verrait certains de ses moyens tripler, comme les chars de combat et l’artillerie. Certains nouveaux moyens pourraient également rejoindre les brigades de l’Armée de terre, comme, on peut l’espérer, dans le domaine de la défense antiaérienne et des drones.
Permanence du Groupe aéronaval et des flottilles d’action navale de la Marine nationale
La Marine nationale verrait sensiblement ses moyens augmenter, sans atteindre une évolution aussi importante que celle de l’Armée de Terre. Elle recevrait, ainsi, deux sous-marins nucléaires d’attaque supplémentaires, sans qu’il soit vraiment possible, cependant, d’aller au-delà, eu égard à la difficulté de créer des tranches nucléaires dans les équipages, d’autant que 2 SNLE supplémentaires ont été évoqués précédemment.
Pour renforcer la flotte sous-marine, face à la trentaine de sous-marins nucléaires russes, et autant de sous-marins conventionnels, celle-ci se verrait dotée d’une flottille de sous-marins conventionnels et/ou de drones sous-marins de grande taille. Ces navires devront assurer la protection des arsenaux, de la base sous-marine stratégique de l’ile-longue, et éventuellement de certains territoires ultramarins, et ainsi libérer la flotte de SNA de ces tâches.
La flotte de surface, elle, verrait ses capacités s’étendre, notamment avec l’entrée en service de deux porte-avions légers, des navires de 40 000 tonnes à propulsion conventionnelle, destinés à assurer la permanence opérationnelle du groupe aéronavale aux côtés du porte-avions nucléaire, sans avoir les couts de ce dernier, et ayant l’immense avantage de pouvoir être potentiellement exportés.
La flottille de frégates serait, elle aussi, étendue, avec deux frégates antiaériennes et cinq frégates anti-sous-marines supplémentaires, ainsi que 11 corvettes lourdes ou frégates légères, pour remplacer les frégates de surveillance et les frégates légères furtives. La flotte de patrouilleurs et d’OPV, elle, demeurerait inchangée.
Doublement de la chasse et de la défense antimissile de l’Armée de l’Air et de l’Espace
L’Armée de l’air et de l’Espace pourrait, enfin, retrouver un format suffisant pour s’engager dans un conflit de haute intensité, avec une douzaine d’escadrons de chasse tactique, en plus des trois escadrons de chasse stratégiques déjà abordés, soit 240 chasseurs tactiques pour un total de 300 avions de combat, contre 185 aujourd’hui.
Ces escadrons pourront, en outre, recevoir le futur drone de combat du Rafale F5, probablement 200 à 300 exemplaires, et plusieurs centaines de drones aéroportés légers Remote Carrier, pour disposer d’une importante capacité de suppression des défenses adverses.
La flotte de transport et de soutien, elle aussi, croitrait conséquemment, avec une flotte de transport amenée à 60 appareils contre 45, 25 avions ravitailleurs contre 15, et 6 avions Awacs contre 4. La flotte d’hélicoptères, notamment pour les missions SAR, évoluerait proportionnellement à la flotte de chasse.
La défense antiaérienne et antimissile pourrait être renforcée, notamment pour pouvoir, le cas échéant, mettre en œuvre un bouclier antimissile sur un large périmètre, alors que les défenses antiaériennes à courte et moyenne portée évolueraient proportionnellement aux besoins, c’est-à-dire à l’évolution de la menace, et du nombre de bases et de sites à protéger.
Enfin, dans le domaine spatial, l’AAE pourrait se voir doter de satellites de reconnaissance et de communication supplémentaires, tant pour en étendre la couverture que pour couvrir le risque d’attrition.
40 000 militaires d’active, 40 000 gardes nationaux et 80 000 conscrits sélectionnés supplémentaires, pour 28 Md€ de surinvestissements par an
la mise en œuvre de l’ensemble de ces évolutions, nécessiteraient un profond changement dans le format des armées. Celles-ci devront, en effet, recruter 40 000 militaires d’active supplémentaires pour atteindre les 250 000 hommes et femmes en 2035. Ces militaires formeront essentiellement les cadres des nouvelles unités, et capacités ainsi créées, en particulier au sein de l’Armée de terre, et permettront de renforcer certaines capacités exclusivement aux mains des militaires d’active, comme en matière de dissuasion.
L’essentiel de l’évolution du format, quant à lui, s’appuierait sur une nouvelle augmentation de la réserve opérationnelle, qui passerait des 80 000 visés par la LPM 2024-2030, à 120 000 Gardes nationaux en 2035, mais aussi par la mise en place, comme dans les pays scandinaves, d’une conscription obligatoire sélective, n’intégrant que 10 % d’une classe d’âge, soit 80 000 jeunes par an.
La mise en œuvre de ce format nécessiterait au minimum 10 ans, probablement 15, en particulier pour ne pas venir sur-dimensionner inutilement les capacités de l’industrie de défense française, et que son format de sortie, corresponde effectivement aux besoins de renouvellement des équipements des armées, et du marché international potentiellement adressable.
En matière de surcouts, étalés sur 10 ans, les couts d’acquisition des équipements représentent entre 16 et 18 Md€ annuels linéarisées, les couts de maintenance et d’entrainement 5 à 6 Md€ à termes, et les surcouts concernant les ressources humaines, 7 à 9 Md€, pour un total de 28 Md€ (en euro 2024), à 35 Md€ (en euro 2035 probables), soit dans le périmètre budgétaire libéré par le passage à un effort de défense à 3 % PIB.
Des défis difficiles à relever pour atteindre ces objectifs
On le voit, passer à un effort de défense à 3 % PIB, induirait une évolution de format très sensible des armées françaises, avec parfois des capacités multipliées par deux, comme dans le cas de la FOT, de la flotte de chasse, ou du potentiel aéronaval.
Pour autant, la mise en œuvre d’un tel objectif, se heurte à de nombreuses difficultés et obstacles, qui ne peuvent être ignorés, et qui sont loin d’avoir des solutions évidentes.
L’écueil des ressources humaines et le retour à une conscription obligatoire sélective
Le premier, et certainement le plus important, n’est autre que les grandes difficultés que rencontrent les armées, aujourd’hui, pour attirer des candidats satisfaisants, pour armer l’ensemble des postes disponibles, alors que le format est restreint. Dans ce contexte, comment imaginer pouvoir recruter les 40 000 militaires d’actives, et les plus de 100 000 réservistes d’active indispensables à la mise en place du nouveau format ?
L’obstacle est, certes, de taille, mais il n’est pas sans solution. En premier lieu, le passage à 3 % PIB libère davantage de crédits qu’employés par le changement de format. Les crédits supplémentaires, de l’ordre de 3 Md€/an, peuvent être employés pour accroitre l’attractivité de la fonction militaire.
En second lieu, une telle transformation des armées françaises, et les acquisitions de matériels qui seront annoncées, engendreront une attractivité renforcée de la fonction militaire, mais aussi de nombreuses occasions de communiquer sur l’évolution du risque international, et la nécessité de participer à l’effort de défense. Ce type de message, dans ce type de contexte, a souvent fait émerger de nombreuses vocations par le passé.
Enfin, l’hypothèse retenue, ici, est de s’appuyer sur un retour à la conscription, une mesure probablement indispensable pour répondre aux enjeux. Cependant, il ne s’agirait pas de remettre en œuvre le service militaire tel qu’il était connu, en France, par le passé, mais de s’appuyer sur un service militaire obligatoire, mais sélectif, comme mis en oeuvre, avec succès, dans les pays scandinaves depuis plusieurs années.
Associés à une image sélective extrêmement valorisante pour la future vie professionnelle, les conscrits sélectionnés ne viendraient pas, ainsi, saturer les infrastructures des armées, qui pourront faire évoluer le nombre de conscrits à leurs infrastructures disponibles et besoins existants. En outre, les armées sélectionnant les candidats, les difficultés rencontrés par le Service militaire par le passé, en matière d’encadrement, seraient largement diminuées.
Enfin, le service militaire sélectif, a le potentiel de créer une base très efficace pour améliorer le recrutement des armées, et de la Garde Nationale, permettant d’atteindre bien plus aisément les objectifs préalablement établis dans ces deux domaines.
La transformation de l’outil industriel de défense et le défi de la Supply Chain
Le second défi majeur à relever, pour parvenir à mettre en œuvre une évolution aussi importante, concerne la transformation de l’outil industriel de défense, qui va devoir livrer, sur une période relativement courte, un nombre très élevé d’équipements parfois très complexes, et nécessitant des infrastructures industrielles rares et très onéreuses, ainsi qu’une main d’œuvre qualifiée, tout aussi rare, et tout aussi onéreuse.
Dans le même temps, cette transformation de l’outil industriel, doit aussi se faire de manière raisonnée, afin que l’outil résultant, en sortie de cette phase de croissance rapide, puisse être maintenu en activité, par l’action conjuguée du renouvellement des équipements des armées françaises, ainsi que les commandes à l’exportation.
Enfin, cette évolution raisonnée et contrôlée de l’outil industriel, doit concerner aussi bien les grands groupes de la BITD, tels Nexter, Thales, Dassault ou Naval Group, que l’ensemble de la Supply Chain. Or, si ces grands groupes ne rencontreront certainement aucune difficulté pour financer leur croissance, ce n’est pas le cas de cette Supply Chain, que l’on sait être sévèrement handicapée, aujourd’hui, par le manque de soutien du secteur bancaire.
Pour donner à corps à cet objectif, il sera donc indispensable de résoudre le problème d’accès au crédit des ETI et PME de la BITD auprès du réseau bancaire national, probablement par des voix légales et avec la mise en place d’un système de garantie d’état, sous couvert d’une grande cause nationale.
Comment financer l’effort de défense face à la dette et aux déficits ?
Reste, évidemment, l’écueil du financement qu’une telle augmentation du budget des armées, ne manquera pas de faire émerger, face à la situation socio-économique du pays, et en particulier concernant sa dette souveraine, et son déficit public.
Pour autant, en tant que lecteur assidu de Meta-Defense, vous savez que plusieurs solutions peuvent être envisagées, pour que le « Quoiqu’il en coute Défense« , que le passage de l’effort de défense à 3 % entrainerait, ne se solde pas, comme pour le Covid, par l’explosion de la dette et des déficits.
Le principe de la « Défense à Valorisation Positive« , permettrait déjà de sensiblement diminuer le poids budgétaire de cette hausse des investissements engendrerait sur les finances publiques. Il s’agit, ni plus ni moins, que de tenir compte des recettes sociales et fiscales, mais également des économies sociales, que l’augmentation des dépenses d’état va engendrer, par la création d’emplois directs, indirects et induits, dans les armées, la BITD, la Supply Chain et la société civile.
Selon les démonstrations déjà effectuées, ce montant atteint et dépasse les 50 % des sommes investies dans l’industrie de défense, et 30 % concernant les dépenses d’effectifs. En tenant compte de la hausse probable des exportations d’équipements de défense français, consécutives de la hausse des commandes françaises et des capacités industrielles disponibles, le retour budgétaire d’état sur l’investissement industriel peut atteindre, et même dépasser, les 75 %, et venir flirter avec les 100 %, si l’on considère les économies sociales conséquences de la création d’emplois dans la BITD.
Le second axe pour réduire les effets de cette hausse des investissements défense français, sur la dette souveraine et les déficits sociaux, repose sur l’intervention de l’Union européenne sur son propre périmètre. Il serait possible, de cette manière, de sortir du déficit de calcul, la différence d’investissement entre les 2 % visés par la LPM, et les 3 % évoqués ici, du fait du rôle que les armées françaises auraient concernant la sécurité européenne, notamment en termes de dissuasion.
Conclusion
Nous voilà au terme de cette longue analyse. Il apparait, comme évoqué, que si la France a bien connu un effort de défense de 3 % de son PIB, voire davantage, par le passé, la justification de la soutenabilité d’un tel effort, par cette seule référence historique, est bien insuffisante, tant les différences sont nombreuses concernant l’ensemble des données économiques et sociales entre les deux époques.
En revanche, les Armées françaises pourraient, effectivement, avoir un format et des capacités opérationnelles, donc dissuasives, bien plus importantes, y compris proportionnellement parlant, en passant de 2 à 3 % d’effort de défense, alors que l’ensemble des défaillances constatées aujourd’hui, les concernant, y trouveraient leurs solutions.
Pour y parvenir, il sera cependant nécessaire de relever de très nombreux défis, particulièrement complexes. Non que la tâche soit impossible, d’ailleurs. Il existe, en effet, des solutions efficaces tant pour répondre aux difficultés de recrutement, que pour financer la mesure sans creuser les déficits, et pour accompagner l’indispensable changement de format de la BITD.
De fait, amener l’effort de défense français à 3 % du PIB est, effectivement, possible, et certainement plus que souhaitable. Mais il faudra bien plus qu’une simple conviction, exprimée avec passion, pour y parvenir. Comme c’est souvent le cas pour les questions de défense.
Article du 15 février en version intégrale jusqu’au 2 aout 2024.