En cas de guerre…

En cas de guerre…

Pascal Le Pautremat (*) – Esprit Surcouf – publié le 19 avril 2024
Rédacteur en chef d’Espritsurcouf

https://espritsurcouf.fr/le-billet_en-cas-de-guerre_par-pascal-l-pautremat-190424/


Difficile de ne pas considérer l’année 2024 comme est lourdement empreinte de guerres, régionales et internationales, hybrides et asymétriques, en Europe, comme au Proche-Orient, sans oublier les crises sécuritaires qui frappe l’Afrique pansahélienne et celle des Grands Lacs.

Et, comme si cela ne suffisait pas, inflation et endettement majeurs trahissent, de manière intercontinentale, des crises économiques et sociales d’une ampleur quasi inédite et quasi simultanée, sur fond de marasme environnemental.

Face à ce cela, en France, on planche, depuis quelques années, sur la notion de résilience de la population mais aussi sur la posture des jeunes citoyens face aux menaces réelles ou supposées, face aux enjeux de demain et des perspectives conflictuelles.

À ce titre, l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) vient de publier, en avril, une étude (N°116) de 50 pages, d’Anne Muxel, directrice de recherche émérite au CNRS, et directrice déléguée du CEVIPOF. Cette étude, intitulée Les jeunes et la guerre. Représentations et dispositions à l’engagement, synthétise le regard de quelque 2 301 jeunes citoyens, âgés de 18 à 25 ans sur les questions de sécurité et de Défense, en lien aussi avec la notion d’engagement face aux périls réels et prévisibles. L’étude a été réalisée entre juin et juillet 2023. Ses résultats s’inscrivent donc dans le contexte de la guerre russo-ukrainienne, débutée en février 2022.

Il peut être surprenant de constater que ce ne sont pas moins de 57% des jeunes Français qui se disent prêts à s’engager, en cas de guerre impliquant la France, outre le fait que 52% d’entre eux se déclarent intéressés par les questions militaires.

Des résultats qui raviront sans doute le ministre de la Défense, Sébastien Lecornu qui a fait savoir qu’il voulait que la dimension militarisée de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) soit amplifiée afin de susciter plus de vocations pour embrasser la carrière des armes.

On sait aussi combien le pouvoir exécutif souhaite voir réapparaître le principe d’un service national (suspendu depuis 1997) via le Service national universel (SNU) qui, en 2022, a concerné 23 000 jeunes. Le Service militaire obligatoire serait vu de manière positive par 62% des jeunes qui se sont exprimés dans le cadre de l’Etude.

Un certain militarisme s’affiche d’ailleurs dans les sondages, au point que 31% de ces mêmes jeunes estiment que le pays serait mieux gouverné par les militaires que par les pouvoirs civils.

Autre surprise, guère rassurante : 49% d’entre eux se disent favorables à l’emploi de l’arme nucléaire contre un pays, « en cas de conflit majeur ».

Enfin, l’externalisation de la Défense a sensiblement évolué en 20 ans, au point que 86% de ces mêmes jeunes estiment acceptable le recours à des mercenaires. Entendons plutôt, des contractuels de sociétés militaires privées car le mercenariat est interdit depuis 2003 (loi proposée à l’époque par le ministre de la Défense Alain Richard). Le sondage aurait d’ailleurs dû faire le distinguo entre mercenaire, volontaire et contractor… Preuve, une fois de plus, de la confusion conceptuelle et sémantique à ce sujet.

Dans notre nouveau numéro (N°233) d’Espritsurcouf, nous donnons une place conséquente à des sujets de dimension géopolitique. Ainsi, tout d’abord, vous pourrez découvrir l’analyse de Yannick Harrel qui démontre pourquoi la volonté de saisir les avoirs russes, en rétorsion supplémentaire à l’encontre de la Russie pour la guerre lancée contre l’Ukraine, s’avère bien plus difficile à concrétiser que ne le prétende ceux qui l’ont exprimée : « Confiscation des avoirs russes : un profond dilemme » (rubrique Géopolitique).

Le second sujet mis en avant, par Loïc Parmentier, insiste sur la destinée tragique des Karens qui, en Birmanie, sont persécutés depuis trop longtemps, tout en continuant à combattre et à croire, néanmoins, en leur objectif d’être reconnus comme peuple à part entière. Mais la communauté internationale reste honteusement indifférente : « La lutte des Karens, en Birmanie » (rubrique Géopolitique).

Rémy Porte, pour sa part, revient sur la Bataille du plateau des Glières, en mars 1944, dont on marquait, cette année, la 80ème commémoration : celle d’un combat épique mené par quelques 500 résistants face à des milliers d’Allemands renforcés par des milliers de miliciens : « Vie et mort du plateau des Glières » (rubrique Histoire).

Enfin, pour alimenter la réflexion sur les politiques de défense, Olivier Passer souligne la difficile cohérence entre les volontés de disposer de moyens de défense gonflés tous azimuts, telles qu’elles s’expriment en France comme en Europe, et l’âpre réalité qui témoigne de lourds retards accumulés au gré des décennies passées : « Un potentiel militaire amoindri » (rubrique Défense).

Dans ce numéro, exceptionnellement, nous ne vous proposerons par de Revue d’actualité d’André Dulou, mais une vidéo d’un numéro du Journal de la Défense qui vous permettra de découvrir quelques athlètes militaires qui concourront aux Jeux Olympiques (26 juillet-11 août 2024). Vous pourrez ainsi les observer lors de leur préparation un an avant ces rendez-vous sportifs que l’on espère voir se dérouler sous les meilleurs auspices.

Quant à la rubrique Livre, elle met l’accent sur l’ouvrage que consacre Nicolas Bernard au massacre d’Oradour-sur-Glane, en juin 1944 : Oradour-sur-Glane, 10 juin 1944, Histoire d’un massacre dans l’Europe nazie (Ed. Tallandier, mars 2024, 400 pages). Une horreur totale qui le temps n’efface absolument pas. Et qui reste éternellement impardonnable…

Bonne lecture

Pascal Le Pautremat


(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Il est maître de conférences à l’UCO et rattaché à la filière Science Politique. Il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF.
Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu » est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF.

Le ministre des Armées souhaite « remilitariser » la Journée Défense Citoyenneté

Le ministre des Armées souhaite « remilitariser » la Journée Défense Citoyenneté

https://www.opex360.com/2024/04/13/le-ministre-des-armees-souhaite-remilitariser-la-journee-defense-citoyennete/


En 2011, cette JAPD est devenue la « Journée Défense Citoyenneté » [JDC], à laquelle chaque jeune français âgé de moins de 25 ans est fortement incité à participer [sous peine de ne pas pouvoir passer le permis de conduire et le Baccalauréat], après avoir accompli les démarches [obligatoires] du recensement. Cette journée prévoit des tests d’évaluation des « apprentissages fondamentaux de la langue française » mais aussi une sensibilisation aux enjeux de défense ainsi qu’un enseignement sur le civisme et une information sur « l’égalité entre les femmes et les hommes ».

Cela étant, cette JDC est régulièrement remise en question. En mai 2015, le président Hollande avait ainsi fait part de son intention de la transformer en une « journée de formation et d’information », qu’il qualifia de « journée d’espoir » pour les jeunes gens censés y participer. Puis, il changea son fusil d’épaule en annonçant, lors de ses voeux à la jeunesse, en janvier 2016, que la JDC serait non seulement maintenue mais probablement allongée étant donné qu’elle était un « moment dans la vie de chaque citoyen aujourd’hui » et qu’elle permettait « à toute une classe d’âge […] de se retrouver pour des formations à la citoyenneté ».

À la même période, les députés Marianne Dubois et Joaquim Pueyo rendirent un rapport dans lequel ils estimaient que cette JDC « n’avait aucune utilité », alors que son coût était évalué à 100 millions d’euros par an. « Ce n’est pas en quelques heures qu’il est possible d’aborder les enjeux de la Défense, qui, par ailleurs, ne sont évoqués que succinctement pour faire la place à d’autres thématiques », avaient-ils fait observer. Et de proposer de renforcer l’enseignement sur la Défense, susceptible de faire l’objet d’une épreuve obligatoire en fin de parcours scolaire, voire de mettre au place, à l’instar du Canada, un programme de « cadets de la défense » s’adressant à tous les jeunes gens âgés de 12 à 18 ans.

Ce rapport n’a pas été suivi d’effet… Mais il a été institué un Service national universel [SNU], qui se veut un « projet éducatif d’émancipation et de responsabilisation des jeunes [de 15 à 17 ans], visant à les impliquer pleinement dans la vie de la Nation et à nourrir le creuset républicain. » Il s’effectue, pour le moment, sur la base du volontariat. Y participer dispense de toute obligation à l’égard de la JDC.

Justement, s’agissant de cette dernière, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, estime qu’elle « passe à côté de sa cible », alors que les armées ont l’ambition de doubler le nombre de leurs réservistes.

« C’est devenu une journée un peu fourre-tout, où des gens admirables s’engagent pour la faire vivre, mais au fond, elle se démilitarise un tout petit peu avec le temps », a en effet affirmé M. Lecornu, à l’antenne de LCI, le 12 avril. Aussi, a-t-il continué, « je souhaite la redurcir militairement à des fins aussi théoriques : il faut qu’à la fin de cette journée, les jeunes Françaises et les jeunes Français […] aient les idées claires sur notre système de défense et les rudiments de compréhension sur le fonctionnement de l’armée française, sur les grandes opérations auxquelles l’armée française a pu participer ces dernières années », a-t-il expliqué.

Mais les projets du ministre ne s’arrête pas là puisqu’il entend aussi « moderniser » le recensement en vue d’identifier « en continu » les compétences des personnes « volontaires » susceptibles de venir renforcer la réserve.

 

L’idée serait ainsi de faire « un vrai recensement des compétences, non seulement sur une classe d’âge, autour des 16 ans […] mais surtout d’avoir à l’heure du numérique, les moyens de faire un recensement continu régulier dans la population », sur la base du volontariat. Cela permettrait au ministère des Armées de recruter des réservistes en fonction des savoir-faire dont il aurait besoin le cas échéant.

Quoi qu’il en soit, une solution qui mériterait sans doute d’être étudiée [pour ne plus tourner autour du pot] consisterait à s’inspirer du modèle de service militaire mis en place par la Norvège, la Suède et le Danemark. Rétablir la conscription [qui n’est que suspendue, pour rappel] ne passerait pas forcément par l’incorporation de toute une classe d’âge comme c’était le cas auparavant. Ainsi, les armées ne retiendraient que les conscrits dont elles ont besoin pour une durée de 12 mois, en ne sélectionnant que les plus motivés et/ou les mieux formés.

Évidemment, ceux qui seraient appelés sous les drapeaux pourraient bénéficier de certains avantages par rapport aux autres [permis de conduire, aide à l’emploi, formation, etc.]. Grâce à un tel système, les forces armées norvégiennes retiennent, chaque année, 10’000 conscrits sur un potentiel de 60’000 jeunes en âge d’accomplir leur service militaire.

Photo : Ministère des Armées

“Vous avez dit fin de service militaire” – Lettre d’information ASAF

Vous avez dit fin de service militaire” (Mars 2024)

Colonel (h) Christian CHÂTILLON – ASAF – publié le 16 mars 2024
Délégué National de l’ASAF

https://www.asafrance.fr/item/vous-avez-dit-fin-de-service-militaire.html


Sous la présidence de Jacques Chirac, chef des Armées, le service militaire a été suspendu par la loi du 28 octobre 1997.

Le 1er juillet 2015, il a été créé le Service Militaire Volontaire (SMV) toujours en vigueur actuellement mais onéreux et confidentiel.

En juin 2018, le Premier Ministre annonce un service National Universel (SNU) d’une durée d’un mois ; lequel SNU devait être mis en place par Gabriel Attal, à l’époque Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Éducation Nationale, le 16 octobre 2018 et dont les contours restent toujours à définir.

Enfin en 2002 a été organisée, sous la responsabilité du Ministère de l’Éducation Nationale, la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) obligatoire entre 16 à 25 ans dont le contenu tient plus du recensement que de l’initiation à l’esprit de défense.

Pour mémoire, on citera le Service Militaire Adapté (SMA) toujours en vigueur mais réservé à l’Outre-Mer.

Bref, on aura compris que depuis la suspension du Service militaire, creuset idéal de la mixité sociale, le pouvoir n’a pas trouvé la martingale pour donner à notre jeunesse un sentiment d’appartenance nationale et encore moins la notion de défense de la Nation.

Les Armées françaises restent donc une affaire de militaires dont la société civile se désintéresse et tant pis si elles sont en déficit de 2.800 postes en 2024 et peinent toujours à recruter pour renouveler ses effectifs malgré les relais d’opinion que forment la réserve opérationnelle et la réserve citoyenne.

Maigre consolation, l’armée allemande se trouve dans une situation analogue, voire pire. En Allemagne, le service militaire avait été aboli en 2011. Mais la Bundeswehr se trouve toujours en sous-effectif chronique lequel a atteint un pic de 18% en 2023.

Le Commissaire allemand aux Forces armées envisage donc un retour au service militaire à partir de 2025.

Paradoxalement la Suède, pays traditionnellement neutre, mais qui vient d’adhérer à l’OTAN, a rétabli en 2017 un service militaire obligatoire qui avait été supprimé en 2010.

Ainsi on constate que les pays scandinaves comme les pays baltes qui se sentent en insécurité, car proches de la Russie, ont tous un service militaire obligatoire.

La conscription est-elle pour autant nécessaire et suffisante pour insuffler l’esprit de défense à une nation ? Rien n’est moins sûr.

Par contre il est sûr et certain que les Français, anesthésiés par 80 années de paix et adeptes d’un hédonisme forcené, devront faire un sérieux effort pour prendre conscience que la paix et la liberté ne sont pas un héritage gratuit mais se méritent.

Au prix de la sueur en temps de paix.

Au prix du sang en temps de guerre.

A Cherbourg, lors des vœux aux armées, Macron fustige la “forme d’engourdissement” de l’industrie de la Défense

A Cherbourg, lors des vœux aux armées, Macron fustige la “forme d’engourdissement” de l’industrie de la Défense

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 19 janvier 2024

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2024/01/19/a-cherbourg-les-voeux-aux-armees-24372.html


Lors de sa conférence de presse du 16 janvier, Emmanuel Macron a assuré que l’armée française n’a “pas de faiblesse”. Tant mieux! Encore faudrait-il le démontrer et en convaincre les militaires. C’est un peu le rôle de l’exercice imposé des voeux aux armées où il s’agit de ne montrer que de la détermination et de la satisfaction, alors que le bilan et les perspectives (Sahel, Ukraine, Proche-Orient, JO etc.) révèlent de nombreux défis à relever.

Ce vendredi, dans le port de Cherbourg, le président de la République a visité dans la matinée les Constructions mécaniques de Normandie (CNIM), mobilisées par la commande de deux patrouilleurs dans le cadre de la loi de programmation militaire 2024-2030 (photo ci-dessus Ouest-France).

Le Président a ensuite discuté formation, notamment autour de la soudure. Face à la pénurie de soudeurs, quatre groupes privés du nucléaire et du naval (EDF, Orano, Naval Group et CMN), mais aussi les collectivités et l’État, ont fondé une école de soudage, qui a ouvert en 2022.

Le président a rencontré ensuite des jeunes du département de la Manche ayant réalisé ou débutant leur service national universel (SNU), qu’il souhaite généraliser en classe de seconde dans le ligne du “réarmement” de la société évoqué mardi dans ses vœux aux Français.

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Lors de son discours, Emmanuel Macron a de nouveau exhorté les industriels de la défense à “gagner en rapidité, en volume et en innovation” pour atteindre le “mode économie de guerre”, fustigeant la “forme d’engourdissement” qui avait gagné le secteur avant l’invasion de l’Ukraine. “Nous devons amplifier la transformation commencée” afin de répondre plus vite aux besoins de l’Ukraine dans la guerre contre la Russie, a lancé le chef de l’Etat aux industriels.

Je demande à chaque patron d’être totalement concentré sur les enjeux de production et d’approvisionnement. Il ne faut plus jamais se satisfaire de délais de production qui s’étalent sur plusieurs années“, a-t-il insisté.

Le service militaire volontaire, la découverte des armées.

Le service militaire volontaire, la découverte des armées.

Entretien avec Nicolas Jeanneau – par Revue Conflits  – publié le 5 janvier 2023

https://www.revueconflits.com/le-service-militaire-volontaire-la-decouverte-des-armees-entretien-avec-nicolas-jeanneau/


Le contrat de « Volontaire aspirant de l’armée de Terre » dure un an et permet aux jeunes diplômés de vivre une immersion riche au sein des forces terrestres. De nombreuses unités proposent ce poste chaque année.

S’engager en VADAT, c’est :

Servir comme jeune officier dans un régiment, un état-major ou en administration centrale.

Assurer une fonction d’expertise dans son domaine de spécialité.

Enrichir son parcours d’une expérience humaine forte et atypique.

Pour l’armée de Terre, l’intérêt est double : durant leur service, les aspirants apportent leurs compétences au régiment. Dans un second temps, lors de leur retour dans le civil, ils font rayonner l’institution dans leur entourage, leur école ou leur future entreprise.

Pour mieux comprendre cette opportunité qui s’offre aux étudiants et jeunes actifs, nous avons interrogé l’aspirant Nicolas Jeanneau, VADAT au 3e RPIMa durant l’année 2022-2023.

Pourriez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Nicolas Jeanneau, j’ai 26 ans et de juin 2022 à juin 2023, j’ai servi comme aspirant volontaire au 3ème régiment de parachutistes d’infanterie de marine, le fameux 3e RPIMa. Je me suis engagé dans l’armée de Terre après six ans d’études. Après un bac littéraire, puis une Double Licence en Humanités et Sciences Politiques, j’ai validé un Master de Lettres à Montréal, avant de terminer par un Master spécialisé à HEC Paris dans le management de la culture.

Le 26 juin 2022, j’ai choisi de signer ce contrat de VADAT car j’avais envie de renouer avec la France après 3 années passées à l’étranger. En côtoyant ces Français et Françaises qui vivent sous l’idéal du drapeau, je voulais découvrir le quotidien des militaires. C’était aussi l’occasion de faire une transition entre mes études et le monde professionnel. Par-là, j’ai aussi voulu penser à mes devoirs avant de penser à mes droits, puisque si nous vivons dans un pays de liberté, c’est aussi grâce à nos soldats qui dédient leur existence à défendre la France sans relâche.

D’un point de vue pratique, j’ai choisi les parachutistes pour la richesse des missions, le patrimoine du régiment et son histoire militaire. Mais avant de signer mon contrat, et jusqu’à mon premier saut, je ne réalisais pas encore très bien comment se manifeste concrètement le côté mythique de ces guerriers !

Qu’est-ce qu’un Volontaire aspirant de l’armée de Terre (VADAT) ?

Tout d’abord, on est Volontaire : personne n’est venu me chercher. J’ai choisi de servir la France en m’engageant pour un an, et avec sa culture de la cohésion nourrie par son appartenance aux troupes de marine, le 3ème RPIMa m’a accueilli très chaleureusement.

Ensuite, je suis Aspirant, c’est-à-dire officier, et en l’occurrence recruté comme « spécialiste » : j’apporte au régiment mes compétences dans mon champ d’expertise, pour ma part le rayonnement et de l’assistance en communication, afin de renforcer le lien armées-Nation.

Enfin, je suis un soldat de l’armée de Terre : je suis formé au tir, je revêts l’uniforme, j’ai suivi des parcours d’aguerrissement. En échange de mes services, le 3e RPIMa m’a donc instruit à ce qui fait son cœur d’activité : le métier de fantassin, version para…, l’opportunité parfaite, en somme, pour apprendre des choses qu’on ne vit nulle part ailleurs !

Quels bénéfices pour un étudiant ?

Le premier intérêt est de découvrir le rôle d’un lieutenant dans l’armée de terre. Le second, dans le cadre de mon engagement au 3ème RPIMa, est d’avoir passé mon brevet parachutiste militaire. J’ai donc eu le privilège de sauter à 6 reprises à l’École des troupes aéroportées, ce qui permet ensuite de participer aux sauts régimentaires ! Par ailleurs, le travail est très équilibré, puisqu’il y a à la fois des missions de bureau au sein de l’état-major du « 3 », mais aussi des phases de terrain lorsqu’on se joint aux activités des compagnies de combat. J’ai appris tous les jours à étoffer mon sens relationnel et à renforcer mes capacités physiques. C’est une très bonne école pour comprendre en profondeur la richesse humaine et se dépasser en sport !

Le VADAT, c’est sans doute la formule la plus consistante pour obtenir un aperçu complet de l’armée de Terre, car on y est directement plongé en continu pendant une année entière. C’est vraiment idéal pour les jeunes qui veulent servir leur pays à plein-temps, mais pour une durée temporaire qui ne contraint pas à s’engager définitivement. Car à l’issue de ces douze mois, le volontaire est automatiquement délié de ses obligations : libre à lui de postuler ensuite pour un nouveau contrat de long terme s’il désire faire carrière dans l’institution. On reste donc très disponible pour la suite, tout est possible : préparer les concours d’officiers, rejoindre la réserve en conservant son grade, ou tout simplement retourner travailler dans le civil.

Quelles sont les missions ?

Tout dépend de la fiche de poste… et de votre esprit d’initiative ! Dans mon cas, j’ai fait de la communication et du rayonnement, avec des travaux de rédaction et de représentation, auxquels j’ai ajouté une composante organisationnelle en proposant quelques projets au chef de corps du 3e RPIMa. Il m’arrivait souvent d’effectuer des tâches sous ses ordres directs, tout en avançant de conserve avec l’officier communication et l’état-major en général. Je ne me suis jamais ennuyé, d’autant plus que le 3e RPIMa était le premier régiment de l’armée française à accueillir le nouveau véhicule SERVAL : l’année 2022-2023 était remplie de beaux projets pour nous !

Enfin, d’autres spécialités sont possibles pour le recrutement VADAT, en fonction des besoins des régiments, des états-majors et même des musées : RH, Informatique, Histoire, Mécénat,… Tous les profils peuvent mener à l’armée.

Quels sont les débouchés ?

Dans le secteur militaire, cela favorise grandement un engagement dans l’armée d’active, puisqu’on bénéficie d’une expérience incomparable par rapport aux autres candidats qui n’auraient pas vécu le VADAT. On peut donc poursuivre via les concours des officiers sur titre (OST), ainsi que ceux des officiers sous contrat, encadrement ou spécialiste (OSC-E / OSC-S). Et si l’on rejoint la réserve, on conserve son grade.

Dans le secteur civil, c’est une ligne qui ressortira systématiquement sur le CV. C’est un véritable atout, qui confère par exemple une crédibilité certaine pour travailler dans le monde des industries de la Défense… et pas seulement ! Car cette aura peut toucher les recruteurs de tous les domaines : dans une société où le service militaire n’est plus imposé, une expérience dans l’armée intrigue, comme une sorte d’exotisme qui questionne beaucoup et nous distingue souvent immédiatement.

Comment se déroule le recrutement ?

On postule à des offres sur le site de l’armée de Terre, avec 5 vœux au maximum. La DRHAT fait un premier tri en réceptionnant une lettre de motivation et un CV. Cette pré-sélection peut mener à un entretien, où l’état-major du régiment évalue le profil et la motivation du candidat. Ensuite, il faut valider les tests physiques, médicaux et psychotechniques en Cirfa. Après la signature du contrat, on embarque pour une formation de quelques semaines en juillet, soit à Coëtquidan, soit directement dans les centres de formation des brigades (Caylus pour les parachutistes, Saumur pour la cavalerie, etc.).

Qu’avez-vous retiré de votre VADAT ?

Ce que je retire de mon VADAT, c’est une aventure qui m’a tiré de ma zone de confort, sans jamais me lasser pour autant. Je retiens d’abord l’apprentissage du management incarné, le fait de diriger en montrant l’exemple, par la tenue, le courage et le dépassement, en s’appuyant sur une mentalité tournée vers l’efficacité.

Également, on en ressort beaucoup plus au fait de la réalité pratique et matérielle de l’armée de Terre, avec une connaissance incomparable par rapport à d’autres étudiants qui voient nos armées de loin sans y avoir vécu au quotidien. Ce sont douze mois qui vous octroient une solide culture militaire et une remarquable crédibilité auprès de futurs employeurs dans les secteurs de la Défense, de l’armement ou encore de la diplomatie.

Enfin, depuis les attentats et surtout la guerre en Ukraine, l’intérêt pour les enjeux de la Défense s’est ravivé en France. En cela, et même si un VADAT n’est pas projeté sous le feu, le fait d’avoir été initié militairement pendant un an lui confère une dimension que les autres citoyens n’ont pas. L’avantage par rapport à une césure à l’étranger (que de plus en plus de jeunes accomplissent aujourd’hui), c’est que l’expérience du VADAT est beaucoup plus rare et frappe donc par son originalité. On trouve un réel exotisme dans l’armée, surtout dans notre société démilitarisée.

Pour découvrir le VADAT, suivez ce lien.

Le débat sur le possible rétablissement du service militaire prend de l’ampleur en Allemagne

Le débat sur le possible rétablissement du service militaire prend de l’ampleur en Allemagne

https://www.opex360.com/2023/12/23/le-debat-sur-le-possible-retablissement-du-service-militaire-prend-de-lampleur-en-allemagne/


Mais c’est sans doute en Allemagne que la question sur l’éventuel rétablissement du service militaire, suspendu en 2011, se pose avec d’autant plus d’acuité que la Bundeswehr [forces fédérales allemandes] peine à recruter, alors qu’elle doit porter ses effectifs à 203’000 militaires, contre 183’000 actuellement.

Dans un entretien récemment accordé au quotidien Die Zeit, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a de nouveau estimé que la suspension du service militaire était une « erreur ». Et d’ajouter que son rétablissement était possible « compte tenu de la situation actuelle en matière de sécurité ». Cependant, il a également admis qu’une telle décision entraînerait « d’importants problèmes constitutionnels et structurels ». En tout cas, a-t-il prédit, le « débat sur ce sujet va prendre de l’ampleur ».

« D’une manière générale, les Allemands doivent être prêts à un changement de mentalité. L’époque des dividendes de la paix […] est révolue. Nous devons désormais être à nouveau capables de dissuader un éventuel agresseur. Et la Bundeswehr doit être à la hauteur, que cela plaise ou non », a insisté M. Pistorius.

En attendant, la structure de la Bundeswehr va être modifiée « afin de lui permettre de remplir au mieux » ses missions. « Ensuite, nous verrons ce que cela signifie pour son format et tout le reste », a dit le ministre allemand.

Quoi qu’il en soit, ces derniers jours, et comme M. Pistorius l’avait prédit, le débat sur le retour du service militaire a effectivement pris de l’ampleur outre-Rhin. Pourtant à l’origine de sa suspension, le Parti chrétien-démocrate [CDU/CSU] est sans doute le plus enclin à le rétablir.

Ainsi, le vice-président de son groupe parlementaire au Bundestag [chambre basse du Parlement allemand], Johann Wadephul, a plaidé pour un « service général obligatoire », qui, en plus de satisfaire les besoins de la Bundeswehr, permettrait de répondre à ceux exprimés par d’autres services publics, comme, par exemple, la sécurité civile.

Cela étant, la question divise le Parti social-démocrate [SPD], dont M. Pistorius est issu.

« Je suis favorable à ce que la Bundeswehr devienne plus attractive. Mais je considère que le service obligatoire est très discutable. Et pas seulement d’un point de vue constitutionnel. Je ne pense pas que mon parti soutienne un tel modèle », a déclaré Kevin Kühnert, le secrétaire général du SPD, dans les pages du Rheinische Post.

La co-présidente de ce parti, Saskia Esken, est sur la même ligne. « Réintroduire un devoir ou une obligation pour les adultes est fondamentalement en dehors de ma vision de l’humanité », a-t-elle dit. « Je pense que la Bundeswehr est désormais bien positionnée en tant qu’armée professionnelle et qu’elle doit être développée davantage », a-t-elle ajouté.

Seulement, également membre du SPD, la commissaire parlementaire de la Bundeswehr, Eva Högl, s’était prononcée en faveur d’un service militaire inspiré du modèle suédois. Et c’est cette solution qu’étudie M. Pistorius, comme il l’a confié dans un entretien publié par l’édition dominicale du quotidien Die Welt, la semaine passée.

En Suède, « tous les jeunes hommes et femmes sont concernés, et seul un nombre restreint d’entre eux finissent par effectuer un service militaire. La question de savoir si quelque chose comme cela serait également envisageable ici se pose », a-t-il en effet déclaré, avant de rappeler que, quel que soit le modèle retenu, une majorité politique sera nécessaire.

Pour rappel, les jeunes suédois aptes au service militaire ne peuvent pas se dérober à leurs obligations s’ils sont retenus par une sorte de conseil de révision. Le nombre de conscrits – environ 4000 par an – est déterminé en fonction des besoins exprimés par les forces suédoises.

Photo : Ministère allemand de la Défense

L’engagement citoyen des jeunes

L’engagement citoyen des jeunes

https://espritsurcouf.fr/defense_l-engagement-citoyen-des-jeunes_par_alexandre-colby/


Dans cet article, l’auteur souhaite attirer l’attention sur les manières possibles pour les jeunes de s’intéresser aux différents domaines de la défense, qui, encore aujourd’hui, leur sont trop peu présentés.

Comment les jeunes peuvent-ils s’intéresser aux domaines de la défense ?

Châtelet-les-Halles, au mois de novembre. Une place remplie, une foule en mouvement : le quotidien de l’un des centres de transit de la capitale. Sur le forum fleurissent les caméras, car c’est ici que de nombreux jeunes viennent se filmer : ils dansent pour les réseaux sociaux, « vloguent » leurs journées, mais filment des micros-trottoirs, une tendance vidéo. Au programme, des quiz de culture générale, de la géographie, de l’art. Mais aussi de la défense. Car ce matin, un duo aborde les différents étudiants et jeunes professionnels qui déambulent, avec une question : « Et vous, vous vous battriez pour la France ? » Ce genre de question inonde la toile, et la réponse, sur la plupart des vidéos, est porteuse d’un sombre augure : « Moi ? Jamais. »
Les raisons du refus du combat sont souvent les mêmes : « l’armée est composée de fascistes », « on a une armée, je ne vois pas pourquoi j’irais me battre, c’est leur métier » et autres alibis du même acabit. Si certains témoignages nous permettent d’avoir de l’espoir en la jeunesse française quant à la défense de son territoire national, une question demeure : Pourquoi la jeunesse actuelle exprime-t-elle un tel rejet, une telle méconnaissance de l’armée ?

Un aspect historique

La jeunesse française post-Seconde Guerre mondiale, au travers des différents mouvements sociaux dans lesquels elle s’est illustrée, manifeste clairement un désintéressement pour l’armée, contre la guerre en Indochine, contre la guerre en Algérie, pour plus de social, comme l’imagine Edgar Morin, cité par Anne-Marie Sohn dans Histoire des mouvements sociaux en France. Et l’occasion de leur permettre de s’y intéresser n’est arrivée que très tard, avec l’exemple de l’Institut des Hautes Études de la Défense Nationale : recréé en 1945, il aura fallu attendre 1996 pour qu’apparaisse Les Jeunes IHEDN, structure qui aujourd’hui accueille plus de 2 700 personnes intéressées par les différents secteurs de la Défense.

La disparition des militaires dans la rue joue aussi un rôle important. Comment croire à l’importance d’un milieu invisible pour la grande majorité des gens ? La plupart des jeunes ne pensent même pas qu’à l’intérieur de Paris même se trouverait une École militaire, ou le complexe du ministère des Armées à Balard. La symbolique n’est plus enseignée à l’école, et la flamme du soldat inconnu, qui ne brille que dans les yeux de celui qui la regarde, n’atteint plus le cœur des jeunes.

Une volonté nouvelle pour les jeunes

Ces dernières années, différents concepts ont vu le jour, pour inciter les jeunes Français à s’intéresser à l’armée, notamment grâce à de nouveaux outils : les réseaux sociaux. On a vu fleurir sur Instagram, twitter, les comptes des armées françaises, avec des vidéos de qualité. Une nécessité aujourd’hui, sachant qu’avec le retour à grande vitesse de la Haute Intensité comme nouveau paradigme, l’armée a engagé un plan « pour 1 militaire actif, 2 réservistes ».
D’autres initiatives existent pour intéresser les jeunes, comme les VADAT (Volontaire Aspirant De l’Armée de Terre), le VOA (Volontaire Officier Aspirant), comme les classes Défense, créé en 2011, le SNU, en 2019 ; d’un point de vue strictement civil, la création de la Fédération Atlas, inscrite au RNA en 2021, permet aussi de réunir les différentes associations de défense des écoles supérieures (Sciences Po, HEIP, Dauphine, Assas…)

L’occasion d’en parler

Les conférences, tables rondes, ateliers autour de la défense se font par centaines chaque année. Mais pour son édition 2023, le forum national des Études de l’Union des Associations d’Auditeurs de l’IHEDN a souhaité rompre les codes habituels. Entre les différentes conférences d’experts, forts de leurs expériences multi-décennales, qui ont duré toute la journée, une table ronde, d’un peu plus d’une demi-heure, a été dédiée spécialement à la jeunesse.

Les Jeunes IHEDN, que j’ai eu l’honneur de représenter, ont donné la parole, devant l’assemblée des auditeurs, à quatre jeunes venus raconter leurs expériences qu’elle soit militaires ou civiles, dans les secteurs de la défense. Marie Siméon, Maël Dei Cas, Athénaïs Jalabert-Doury et Sana Khoutoul, âgés de 15 à 26 ans, ont d’une manière ou d’une autre développé un esprit de défense au travers d’une de leur vécu. Et tous ont martelé un point : il est nécessaire de communiquer davantage de ces opportunités que sont les VADAT, les VOA, etc.

Il est important que les jeunes d’aujourd’hui disposent d’un enseignement de défense, afin de favoriser de possibles engagements, ou du moins l’adhésion à la réserve opérationnelle ou civile ; afin de redorer le blason de notre armée, qui souffre d’une mauvaise vision auprès des jeunes.

Mais il est surtout impératif qu’ils obtiennent plus de place dans les secteurs de la défense, qu’ils puissent prendre le micro et parler de leur propre expérience, afin d’en parler avec leurs aînés. Car c’est en dialoguant de manière ouverte que la jeunesse peut véritablement devenir le fer de lance d’une défense nationale forte et résiliente.

 

(*) Alexandre Colby, Journaliste titulaire depuis 2022, Alexandre Colby poursuit actuellement ses études en Master Expert en Coopérations et Relations Internationales à HEIP. Il assume également le rôle de responsable de Fort Éclair, le podcast des Jeunes IHEDN.

Service militaire : les Français sont-ils atteints d’amnésie rétrograde ?

Service militaire : les Français sont-ils atteints d’amnésie rétrograde ?


odre serre 1994

 

Service militaire : les Français sont-ils atteints d’amnésie rétrograde ?


Sommaire

Construite sur les aspirations croissantes des Français en faveur d’un retour du Service militaire, la première ministre, Elizabeth Bornes, a intégré, dans ses 4 mesures phares destinées à prévenir les émeutes comme celles de l’été 2023, une proposition d’encadrement militaire des jeunes les plus problématiques. Si la solution gouvernementale est évidemment incohérente, comme les lui rappelleront les Armées, elle s’appuie une vision idéalisée des Français concernant un Service national paré de toutes les vertus, sauf celles pour lequel il était conçu.

Connaissez-vous l’amnésie rétrograde ? Selon le dictionnaire médical de l’Académie de Médecine, il s’agit d’un trouble de la mémoire à type d’amnésie d’évocation ou de remémoration, qui intéresse la restitution d’évènements ayant précédé la maladie, et dont le souvenir était bien conservé auparavant.

Concrètement, on est atteint de ce type d’amnésie, lorsque l’on ne parvient plus à se remémorer des souvenirs antérieurs au traumatisme lui ayant donné naissance. Et l’amnésie antérograde, hé bien, c’est l’inverse.

Il se pourrait bien que les Français soit atteint de ce mal sévère, aux dires des médecins, tout au moins lorsqu’il s’agit du service national, et plus précisément, du service militaire.

L’encadrement des jeunes délinquants par les Armées : bis repetita

À l’occasion de la présentation du plan d’action gouvernemental lancé suite aux émeutes urbaines d’il y a tout juste trois mois, après la mort tragique du jeune Nahel, consécutif au tir d’un policier après qu’il ait forcé un contrôle routier, la première ministre a présenté les quatre mesures qui seront mises en œuvre pour contenir cette dérive sensible de la société française.

Dispositif JET Armées
L’encadrement des jeunes délinquants par les armées avait été expérimenté entre 1986 et 2003 avec le dispositif Jeunes en équipes de travail ou JET, sans résultat concluant.

L’une de ces mesures s’appuie sur un possible encadrement des “jeunes à problèmes”, par les forces armées. Cette annonce a, comme à chaque fois, fait vertement réagir l’écosystème défense, pour qui les armées n’ont pas vocation, et surtout pas les moyens, d’exécuter une telle mission, d’autant que les tensions internationales requièrent la concentration de ses moyens divisés par deux ces quinze dernières années, pour protéger le pays et ses intérêts.

“Comme à chaque fois”, car une telle hypothèse, consistant à s’appuyer sur les armées pour encadrer la délinquance juvénile, a été avancée à plusieurs reprises lors des dernières années. Ainsi, il y a tout juste plus d’un an, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait, lui aussi, annoncé une mesure semblable à Mayotte, là encore pour contenir une jeunesse hors de contrôle.

Si l’idée est exhumée à chaque émeute, en dépit de l’opposition farouche des armées, ce n’est pas par hasard. En effet, une majorité de Français semble approuver la mesure. Plus globalement, ceux-ci aujourd’hui sont très majoritairement en faveur d’un retour d’une institution française jusqu’en 1996, à savoir, le service nationale.

En effet, ces dernières années, les nombreux sondages commandés sur le sujet, montre un nombre croissant d’opinions favorables concernant un retour du fameux service militaire.

Les Français à 75 % en faveur d’un retour au Service Militaire dans les sondages

L’un des plus récents, datant de l’hiver 2023 et réalisé par l’Ifop, montre que 75 % des Français se disent favorables à son retour en rendant obligatoire le Service National Universel, l’une des mesures phares du programme D’Emmanuel Macron en 2017, et l’une des très rares promesses de campagne du président en matière de défense, qui n’aura pas été tenue.

Service militaire
Le service national français avait pour fonction de préparer les jeunes hommes à une possible mobilisation en cas de conflit majeur, en particulier pour faire face à l’Union Soviétique et au pacte de Varsovie, numériquement très supérieurs à l’OTAN.

Un sondage, plus récent, encore une fois, de l’Ifop, confirme la tendance, avec 66% des personnes interrogées regrettant le service militaire. Même si seuls 27 % des concernés, les 18-24 ans, partagent cet avis, ces sondages répétés ont de quoi conforter les gouvernants lorsqu’ils annoncent vouloir s’appuyer sur les armées pour encadrer les délinquants.

Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi. En 2012, ils n’étaient que 62 % à souhaiter le retour du Service national. Et en 2006, dix ans après la suspension du service national par Jacques Chirac, seuls 59 % des Français regrettaient cette institution.

Mais qu’en était-il en 1996, et avant cela, lorsque, justement, le Service national existait encore ? La situation était, en réalité, toute opposée à aujourd’hui.

Ainsi, en 1996, 46 % des Français approuvaient l’arrêt de la conscription et seuls 43 % y étaient opposés. Plus avant, en 1989, s’ils étaient 53 % à se déclarer opposés à la fin du Service militaire, mais paradoxalement, 65 % des Français se déclaraient en faveur d’une armée de métier.

Ce paradoxe trouve ses explications dans un sondage de 1992, dans lequel seuls 15 % des Français interrogés se déclaraient prêts à rejoindre les armées pour aller combattre si le pays était menacé, alors que 32 % déclaraient accepter de rejoindre une unité non-combattante, et 34 % se déclarant prêts à tout faire pour éviter d’être engagé.

Une vision tronquée, mais croissante, des vertus du Service national

Que nous disent tous ces sondages ? En premier lieu, que le sujet intéresse. Ainsi, ces quinze dernières années, plus d’une dizaine de sondages nationaux ont été commandés aux instituts spécialisés sur le sujet. Dans le même temps, aucun sondage n’a porté, par exemple, sur la restauration de la vignette automobile, abrogée en 2005.

Conscription Suède
Plusieurs pays européens, comme la Suède, ont rétabli un service militaire, non pour répondre à des besoins sociaux et sociaux pourtant importants, mais pour renforcer la défense de la nation.

En second lieu, que la nostalgie croissante du service national en France, concerne surtout ceux qui n’auront pas à le faire, et beaucoup moins ceux qui pourraient être appelés. Rien d’étonnant à cela, quand on voit les difficultés remontrées par les Armées pour faire le plein de recrues, professionnelles comme réservistes.

Troisième constat, cet engouement pour le service militaire, n’a rien à voir avec l’objectif principal des armées, à savoir défendre la nation. Un sondage datant de janvier 2015, juste après les attaques de Charlie Hebdo, montrait ainsi que pour la majorité de Français favorable à un retour du service national, les objectifs les plus souvent cités étaient l’intégration, le brassage social et la transmission des valeurs républicaines. De défense, il n’était pas question.

À ce titre, il est utile de relire l’article de 2022 de Bénédicte Chéron, une spécialiste du sujet, publié dans La Croix, quant aux résultats plus que mitigés qu’ont eu les expériences d’encadrement par les armées des jeunes délinquants par le passé, comme le JET.

Enfin, tout indique que plus le temps passe, plus les Français ont une vision erronée, voire idéalisée, des vertus qu’avait le Service Militaire, en particulier pour ce qui concernait son moteur intégratif, et son rôle social. Ceux qui ont pu, ou du, encadrer de jeunes appelés du contingent lors de ses dernières années, savent parfaitement qu’il était impossible de se substituer, en quelques mois, à une éducation défaillante, que ce soit le fait des parents, ou de l’éducation nationale.

Il ne s’agissait, alors, que de travailler au mieux avec les plus volontaires, et de limiter la casse quant aux plus rétifs, sans d’ailleurs de distinction d’origine ou de classe sociale à ce sujet.

Amnésie rétrograde, quand tu nous tiens…

De fait, l’annonce faite par Elizabeth Bornes, concernant un possible encadrement militaire des jeunes délinquants, n’est que la conséquence aisée d’une aspiration populaire fortement ancrée, elle-même basée sur un souvenir erroné des vertus supposées de l’encadrement militaire.

Nous avons bien là, les caractéristiques d’une amnésie rétrogrades sévères à l’échelle d’un pays. Les médecins sont prévenus.

L’armée de terre voudrait proposer un service militaire de six mois

L’armée de terre voudrait proposer un service militaire de six mois

L’état-major travaille à un projet de bataillons de volontaires du territoire national

 

Défilé du 14 juillet 23/05/2023 Merchet

Le défilé militaire du 14 juillet 2022, à Paris
– Sipa Press

 

L’armée de terre réfléchit à un nouveau service militaire d’une durée de six mois, mais uniquement sur une base volontaire. Son chef d’état-major, le général Pierre Schill, qui l’a récemment évoqué devant les députés de la commission de la défense, a confirmé à l’Opinion « travailler à augmenter notre offre d’engagement ». Ce nouveau service s’inscrirait dans la continuité du Service national universel (SNU), que celui-ci soit ou non généralisé à l’ensemble d’une classe d’âge. Pour l’instant, l’exécutif a renoncé à rendre le SNU obligatoire.

10  000 jeunes. L’armée de terre estime que 10 000 jeunes pourraient être concernés chaque année. Ils formeraient des « bataillons de volontaires du territoire national » (BVTN), implantés à proximité de grandes villes, comme Nantes, Rouen ou Dijon. C’est-à-dire dans des « déserts militaires », où l’armée de terre n’est plus présente depuis la fermeture de nombreuses garnisons. La loi de programmation militaire, en cours d’examen à l’Assemblée nationale, pourrait permettre de créer deux premières emprises.

Ce projet s’inscrit dans un cadre plus global d’un « changement de paradigme » en matière de réserves et des préparations militairesun dossier sur lequel le ministre des Armées Sébastien Lecornu s’investit beaucoup. Au terme de leur service de six mois, ces jeunes volontaires pourraient rester militaires à temps partiel, c’est-à-dire réservistes, au sein d’unités constituées et non en renfort individuel dans les forces professionnelles. Il n’existe actuellement qu’un seul régiment de réservistes, le 24e RI, bataillon d’Ile-de-France. A l’horizon 2035, l’objectif est d’« atteindre le ratio d’un réserviste opérationnel pour deux militaires d’active ».

 

Qui va toucher les dividendes de la paix ? Entretien Charles Millon

Qui va toucher les dividendes de la paix ? Entretien Charles Millon

 

par Revue Conflits – publié le 2 mai 2023


Avec la fin de l’URSS, les pays occidentaux pensent pouvoir toucher « les dividendes de la paix ». Une idée fondée sur une idéologie trompeuse, celle de la fin de la guerre et de la fin de l’histoire. Face à cela, comment ont réagi les acteurs de l’époque, et notamment les ministres de la Défense ? Entretien avec Charles Millon pour comprendre les débats politiques de l’époque.

Charles Millon fut ministre de la Défense du président Jacques Chirac de 1995 à 1997. Une période charnière dans l’histoire militaire française puisqu’elle voit la suspension du service national. Les années 1990 sont aussi marquées par l’idée de toucher « les dividendes de la paix » après la fin de la guerre froide, ce qui devrait justifiait la réduction les budgets militaires. Pour Conflits, Charles Millon revient sur les politiques conduites à cette époque.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Noé.

Le 21 octobre 1997, le service militaire est suspendu et remplacé par la journée d’appel de préparation à la défense (JAPD). Quel était l’objectif initial de cette suspension et pourquoi la mise en place de la réserve ne s’est-elle pas passée comme prévu ?

Le service national a été suspendu à la suite d’une réflexion largement mûrie. Je faisais partie de ceux qui n’étaient pas – a priori – favorables à la remise en cause de la conscription, mais le président Chirac m’a demandé d’étudier le dossier et de regarder si le service militaire tel qu’il était remplissait toujours sa mission d’intégration et de lien entre l’armée et la nation. Il est apparu que le service national ne remplissait plus, et de très loin, ses objectifs. En effet, tous ceux qui ne maniaient pas bien la langue française et qui n’avaient pas une bonne capacité d’intégration dans le pays étaient exemptés du service militaire, tout comme ceux chez qui l’on débusquait quelques anomalies médicales ; ceux qui avaient « des relations » dans l’armée ou au sein de pouvoir parvenaient à avoir des affectations qui leur étaient favorables, enfin l’affectation rapprochée instaurée par Michel Debré donnait la possibilité aux appelés d’effectuer leur service à proximité de leur domicile ce qui ne permettait plus  le fameux brassage social tant attendu : au fond, d’égalitaire à son instauration, le service était devenu profondément inégalitaire dans ses dernières années. À ce constat, une autre évidence s’est imposée, celle de la nécessaire professionnalisation de notre armée en raison du changement de nature des menaces et de la montée en technicité des armes, exigeant des personnels de plus en plus spécialisés.

Le lien armée-nation avec une armée professionnelle peut être maintenu grâce à l’activation d’une réserve très importante comme cela existe dans un certain nombre de pays, notamment aux États-Unis C’est le choix qui que nous avions fait au moment de la suspension du service national, avec le plan armée 2000 dont l’objectif était de faire passer la réserve de 120 000 environ à 400 000 personnes et même plus. Je peux témoigner que lorsque lon a lancé l’idée d’une réserve renforcée, les organisations professionnelles patronales et syndicales ont été exceptionnelles : elles étaient toutes favorables à signer des accords afin de rendre compatible l’articulation entre la vie professionnelle et la vie de réserviste.

Malheureusement, jamais les crédits nécessaires n’auront été dégagés ni par le gouvernement Jospin, ni ceux qui suivirent. C’est regrettable, car aujourd’hui encore c’est l’armée de métier qui doit supporter des opérations qui pourraient être confiées à des réservistes, je pense à l’opération Sentinelle ou Vigipirate.

En 1991, nous avions gagné contre lURSS et lEurope allait enfin pouvoir tirer parti des « dividendes de la paix ». Cest-à-dire, selon les promesses de l’époque, diminuer les dépenses militaires pour allouer ces économies à la réduction de la dette et des impôts. Trente ans plus tard, qu’en est-il de cette idée ?

Les années 1990 ont été marquées par la fin de la guerre froide ainsi que par la montée de l’illusion pacifiste. Cette pensée pacifiste a permis à Laurent Fabius de parler de ces fameux « dividendes de la paix » dont devraient bénéficier les pays occidentaux, et qui ont justifié la chute dramatique des budgets de la défense qui rappelons ont baissé de 25% en 30 ans. La récente montée des périls dans le monde a stoppé net cette tendance et nous assistons au contraire à une hausse des budgets militaires dans tous les pays développés.

Sur cette question, certains Européens ont profité de l’OTAN pour se mettre sous le parapluie américain afin de diminuer leurs budgets militaires. Cette option a-t-elle été un sujet en France ?

L’OTAN a d’abord été l’affaire de Jacques Chirac puis celle de Nicolas Sarkozy. Quand le Président Chirac a envisagé de revenir dans le commandement intégré, la France devait en obtenir le commandement sud qui est basé à Naples. Il s’agissait alors d’organiser l’Alliance atlantique sur deux piliers et de répartir les responsabilités entre les pays européens et les États-Unis. Ce projet a échoué non pas parce que les États-Unis ont refusé, mais bien parce que certains pays européens ont préféré voir ce commandement de Naples, assuré par les USA. J’en ai été le témoin direct ayant mené les discussions sur ce sujet à l’époque. L’Espagne ou l’Italie par exemple ne faisaient pas confiance à un autre pays européen pour assumer ce commandement Sud.

C’est là où l’on constate que « L’Europe de la défense » est un concept complètement utopique. Il semble plus réaliste de parler « d’Europe de la puissance » comme le faisait le Général de Gaulle et Jacques Chirac. L’Europe ne nécessite pas une intégration complète, mais une Europe qui sait se coordonner.

On voit aujourd’hui que l’armée essaie d’anticiper les futures guerres d’ici dix ou quinze ans. Est-ce que c’était une idée dans les années 1990 de préparer des guerres qui pourraient avoir lieu en l’an 2000 ? 

Lorsque j’étais ministre de la Défense dans les années 1995, la France s’est préoccupée d’une véritable coordination notamment avec la Grande-Bretagne et l’Italie dans le domaine de l’armement. Nous avions déjà pleinement conscience de cette nécessité tant au niveau de la stratégie qu’au niveau de l’armement.

C’était absolument indispensable. Les discussions avec les Anglais ont abouti à l’accord de Saint-Malo et à des projets de constructions communes, notamment des vedettes avec les Italiens. À l’époque, lItalie avait conscience quil fallait surveiller les côtes et la Grande-Bretagne avait conscience quil fallait coordonner les missions des porte-avions : deux éléments devenus essentiels aujourd’hui.

Malgré cette idée des « dividendes de la paix », la guerre se développe au même moment en Irak ou plus largement dans les Balkans. Pourquoi continuer de croire à la paix alors que la guerre est une réalité ?

Cette expression est apparue dans les années 1990 et n’a été utilisée que pendant dix ans… Ensuite, les gouvernements ont profité pour « piocher » dans les budgets de la défense afin d’en faire une variable d’ajustement du point de vue budgétaire. En outre, ces approches opportunistes étaient confortées par une idéologie pacifiste qui se répandait dans certains pays européens, notamment en Allemagne. De nombreux hommes politiques de l’époque s’étaient persuadés qu’il n’y aurait plus de conflits dans l’espace européen.

L’un des atouts de l’économie française est d’investir l’achat de matériel dans le but de servir la défense et d’en faire des applications civiles. A-t-on réfléchi en termes d’industrie de la défense ?

Nombre de secteurs civils en France bénéficient de la recherche et de l’innovation incubées puis développées par l’industrie de la défense, indéniable fleuron de notre économie et de nos savoir-faire. J’en citerai seulement quelques-uns : les télécoms, le cyber, les matériaux composites, l’énergie… dont les avancées sont directement ou indirectement issues d’applications militaires. La bonne coordination entre le ministère de la Défense et l’Industrie d’armement permet à la France d’en profiter bien sûr pour elle-même, mais aussi pour maintenir son rayonnement à l’international.

On le voit par exemple avec le Rafale. En se dotant en premier d’avions Rafale, l’armée française lui a offert une vitrine à la hauteur de ses qualités et lui a permis d’être aujourd’hui l’un des avions militaires le plus vendu au monde.