Conflit en cours : malgré le vote de l’Assemblée nationale et du Sénat en faveur de la suppression du SNU le 30 octobre 2024, le gouvernement reste ferme. Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement, a réaffirmé la volonté de l’exécutif de maintenir ce programme.
Le gouvernement défend le SNU
Le Service National Universel (SNU), un programme lancé en 2019 par le gouvernement d’Emmanuel Macron, fait aujourd’hui face à une résistance marquée au sein de la chambre basse et de la chambre haute. Malgré les votes de suppression du budget alloué au SNU par l’Assemblée nationale et le Sénat, mercredi 30 octobre 2024, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a déclaré, à la suite du Conseil des ministres que le gouvernement « ne souhaite pas supprimer le service national universel ».
Celle-ci a néanmoins reconnu, au nom du gouvernement les limitations budgétaires qui empêchent sa généralisation prévue pour 2026. « Il y a probablement nécessité de réinterroger le dispositif tel qu’il est conçu aujourd’hui. Il y a une partie du dispositif qui fonctionne très bien, d’autres qui peuvent peut-être être remis sur la table », précise la porte-parole du gouvernement.
Un « gadget présidentiel » trop couteux
C’est surtout le coût du service national universel qui est à l’origine des réticences des députés et des sénateurs, mais aussi ses résultats. Selon les estimations du rapport de la Cour des comptes de septembre 2024, la généralisation du SNU, soit pour 850 000 jeunes chaque année, coûterait entre 3,5 et 5 milliards d’euros annuellement.
Des projections qui ont suscité de vives critiques de la part de certains parlementaires, et cela, d’autant en raison du contexte d’austérité auquel doit faire face la France. Le Pierrick Courbon (socialiste) notamment, dénonce pour sa part une « hérésie budgétaire ». Même tonalité du côté du sénateur socialiste Éric Jeansannetas qui considère qu’après cinq ans d’expérimentation, «il n’apparaît pas que le SNU apporte une plus-value suffisante […] pour justifier la poursuite de son déploiement ». La critique se fait encore plus vive pour Jean-Claude Raux, député écologiste, qui voit le SNU comme un « gadget présidentiel » qui « ne marche pas » et « coûte cher ».
Vers un abandon de la généralisation prévue pour 2026
Malgré les promesses faites par Gabriel Attal, ex-Premier ministre, de généraliser le SNU d’ici à 2026, les résultats du programme sont en deçà des attentes gouvernementales : en 2023, celui-ci affiche 28 % de désistements. Gil Avérous, ministre des Sports et de la Jeunesse, l’avait d’ailleurs admis, lundi 28 octobre 2024, au micro de Sud Radio : « En 2025, il ne le sera pas, en 2026 j’imagine mal qu’il puisse l’être. »
Les chiffres le confirment : bien que l’objectif pour 2025 soit de 66 000 jeunes, seuls 35 700 se sont engagés dans le programme jusqu’à présent.Les crédits budgétaires, initialement fixés à 130 millions d’euros, ont été ramenés à 80 millions d’euros en raison des contraintes financières. Discutés dans les deux chambres, les votes des commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, le 30 octobre 2024, ont pourvu de réaffecter les 130 millions d’euros initialement prévus pour le SNU vers le secteur du sport.
Axelle Ker
Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.
La suppression des crédits alloués au Service National Universel (SNU) dans le cadre du budget 2025 est un signal fort qui marque une rupture nette dans les ambitions initiales du gouvernement. Créé pour renforcer la cohésion nationale, ce dispositif, pourtant inscrit dans les promesses de campagne d’Emmanuel Macron, semble aujourd’hui pris dans les mailles de l’austérité. Le SNU, critiqué pour son coût et son efficacité limitée, pourrait bien disparaître.
Le SNU : un projet qui n’a jamais fonctionné
Le Service National Universel est né en 2019, conçu comme un prolongement du service militaire traditionnel, bien que strictement civil et volontaire dans sa forme initiale. Structuré autour d’un séjour de cohésion et d’une mission d’intérêt général, le SNU vise à inculquer aux jeunes des valeurs de discipline, de solidarité et de respect de l’autorité. Dans cette logique, le port de l’uniforme et la levée des couleurs, éléments symboliques du dispositif, se veulent un écho à l’héritage militaire et républicain français.
Cependant, la Cour des comptes, dans son rapport de septembre 2024, pointe une série d’écueils : un coût sous-évalué, estimé entre 3,5 et 5 milliards d’euros par an, et des objectifs flous qui mettent en question sa légitimité. Ces critiques posent une question essentielle : dans quelle mesure le SNU peut-il véritablement combler le fossé entre les aspirations civiques et les exigences budgétaires de l’État ?
L’austérité face au SNU : une question de priorités financières
Le ministre des Sports et de la Jeunesse, Gil Avérous, a admis le 28 octobre 2024 l’impossibilité de généraliser le SNU pour des raisons budgétaires, soulignant ainsi les limitations financières d’un projet ambitieux mais coûteux. Cette déclaration trouve écho dans le contexte actuel, où le budget fait face à une pression accrue, alors que les priorités stratégiques se tournent vers la modernisation des forces et la préparation aux défis géopolitiques.
En comparaison, l’efficacité perçue du SNU semble décalée des besoins opérationnels et de la formation civique des jeunes, d’autant plus que les bénéfices attendus sont jugés insuffisants. « Pour l’instant, en 2025, j’ai les crédits du même montant que 2024 », déclarait Gil Avérous sur Sud Radio, traduisant une vision de plus en plus restrictive de l’État vis-à-vis de ce dispositif. Des crédits qui ne permettent d’accueillir que 64.000 jeunes… niveau jamais atteint par le simple volontariat.
La suppression des crédits par le Sénat : vers une fin du SNU ?
La commission des Finances du Sénat a acté, le 30 octobre, une décision plutôt attendue en faveur de la suppression des crédits du SNU. Les sénateurs, parmi lesquels Éric Jeansannetas, rapporteur des crédits de la Jeunesse, remettent en question la pertinence d’un programme jugé trop onéreux et peu efficace. Dans le cadre du projet de loi de finances 2025, un amendement visant à réduire les crédits alloués au SNU de 100 millions d’euros a ainsi été adopté à une large majorité.
Pour les sénateurs, le dispositif peine à démontrer sa valeur ajoutée par rapport aux autres politiques d’engagement des jeunes. Jeansannetas a notamment déclaré : « Les objectifs font du surplace », ajoutant que le projet de généralisation du SNU à une classe d’âge entière paraît désormais « hors d’actualité ».
La fin du SNU : quelles conséquences pour l’engagement civique et la Défense ?
Si la suppression du SNU devient définitive, ce sera la fin d’un projet d’éducation civique, pourtant perçu comme un pont entre les valeurs militaires et civiques. Le retrait du SNU soulève de fait des questions sur la manière dont la France compte renforcer l’engagement de ses jeunes en l’absence de cet outil. Le service civique, bien qu’efficace, suffira-t-il pour combler les attentes des jeunes et des responsables politiques ?
Reste que le vote en Commission pourrait être contrebalancé lors des votes définitifs, surtout si Michel Barnier déclenche un 49.3 pour faire adopter le Budget 2025 par la force. Un scénario qui devient chaque jour plus plausible…
Paolo Garoscio
Journaliste chez EconomieMatin. Ex-Chef de Projet chez TEMA (Groupe ATC), Ex-Clubic. Diplômé de Philosophie logique et de sciences du langage (Master LoPhiSC de l’Université Paris IV Sorbonne) et de LLCE Italien.
Le SNU, ou Service National Universel, lancé en 2019, a, parmi ses objectifs, d’améliorer la mixité sociale et le sentiment d’engagement auprès d’une jeunesse présentée, à tort ou à raison, comme de plus en plus éloignée de la vie de la Nation.
Celui-ci vient de faire l’objet d’un rapport de la Cour des Comptes du plus préoccupant, jugeant le dispositif onéreux, mal planifié et, surtout, dont les objectifs s’avèrent flous et à géométrie variable selon l’actualité.
Ce constat contraste, presque en tous points, avec les retours élogieux concernant le dispositif de conscription choisie mis en œuvre par la Norvège et d’autres pays scandinaves, qui suscite à la fois l’adhésion de la jeunesse et des armées, au plus grand profit de la résilience nationale.
Se pose alors la question, de l’opportunité de remplacer un SNU peu efficace et onéreux, par un dispositif de conscription choisie, qui permettrait, pour un investissement identique, de renforcer le format des Armées, d’améliorer le recrutement des postes d’active et de la Garde Nationale, et d’accroitre, significativement, la résilience de la Nation, au sens large du terme ?
Sommaire
La cour des comptes publie un rapport très critique sur le Service National Universel
Né d’une des promesses de campagne du candidat Macron lors des élections présidentielles de 2017, pour remettre en place un service national, le SNU a été lancé dès 2019, avec l’objectif d’atteindre, pour 2027, son plein potentiel.
Toutefois, les objectifs de ce service national universel, tels que présentés initialement, se sont rapidement effacés face à la réalité d’intégrer une classe d’âge, soit 850 000 jeunes, à un dispositif général nécessitant des infrastructures, des moyens humains et des crédits qui n’existent pas.
Très tôt, le ministère des Armées a pris ses distances avec cette initiative, mettant en avant ses effectifs trop réduits et ses infrastructures bien trop limitées pour relancer une forme de service national obligatoire, comme durant la guerre froide.
Dès lors, aujourd’hui, même les personnes impliquées dans ce projet, peinent à en tracer les contours exacts. « Cette diversité d’objectifs a entretenu une incertitude sur l’ambition
et le sens du SNU, se traduisant par des attentes diverses et contradictoires » indique ainsi le rapport de la cour des Comptes. En outre, deux des principaux objectifs, la mixité sociale d’une part, et l’engagement de l’autre, ne sont pas atteints, de l’avis de l’institution, alors même que le SNU n’en est qu’à sa forme simplifiée et réduite, uniquement fondée sur le volontariat.
Enfin, la Cour de Comptes interroge sur l’avenir de ce programme, qui couterait aujourd’hui autour de 3 000 € par jeunes pour les seules Phase 1 et 2 (en dehors de la Phase 3 d’engagement, donc), alors que les budgets pour son extension, estimés de 3 à 5 Md€, ne sont pas sécurisés, et que la construction des infrastructures et les recrutements nécessaires, ne sont pas même planifiés.
… pendant que les armées peinent à recruter et fidéliser leurs effectifs
Le rapport de la Cour des Comptes sur le SNU, fait naturellement écho aux difficultés rencontrées par les Armées, non seulement pour accroitre, mais aussi pour simplement maintenir leurs effectifs, y compris pour ce qui concerne la Garde Nationale, ce d’autant qu’il s’agissait d’un de ses objectifs premiers, tel qu’imaginé initialement.
En effet, en 2023, alors que les Armées devaient voir leurs effectifs croitre de près de 1.500 militaires d’active, celles-ci les ont vus, en fait, décroître de 2.500 militaires. Comme partout en Occident, les armées françaises souffrent de plusieurs maux concomitants, créant des tensions importantes dans le domaine des ressources humaines.
En premier lieu, elles peinent à recruter ou, plus précisément, à recruter les profils recherchés. Ainsi, sous l’effet de l’augmentation de la technicité demandée aux militaires, quels qu’ils soient, les armées doivent désormais recruter des profils plus poussés et mieux formés, qui sont aussi activement recherchés par le marché du travail.
En outre, les contraintes de la vie militaire, même si elles se sont sensiblement améliorées ces dernières années, découragent beaucoup de jeunes, qui préfèrent se tourner vers des carrières dans le privé ou vers la fonction publique.
Enfin, la sédentarité croissante des populations, entrainent une nette augmentation des profils inaptes médicaux, même si, là aussi, les armées ont ajusté leurs exigences pour ne pas se retrouver face à un mur, dans certaines spécialités en particulier.
Non seulement ont-elles du mal à recruter, mais les armées voient aussi le taux de renouvellement des contrats baisser ces dernières années, spécialement à l’issue du premier engagement. L’appétence du privé, en particulier de l’industrie, pour les personnes formées par les armées, entraine une certaine hémorragie de certains profils, qu’il est difficile d’endiguer, ce qui fait peser une importante pression sur le format des armées, ainsi que sur les pyramides des grades et des âges, particulièrement difficiles à équilibrer.
Le modèle de la conscription choisie, appliqué par les armées scandinaves, séduit en Europe
Les armées françaises sont loin d’être les seules à rencontrer ces problèmes de ressources humaines. Au contraire, elles sont même parmi les armées européennes et occidentales, qui résistent le mieux à cette menace.
Plusieurs solutions ont été mises en œuvre par celles-ci, comme l’attribution de très fortes primes à la signature d’un nouveau contrat au sein des armées US, en particulier pour les spécialités les plus en tension, comme les codeurs informatiques ou les pilotes.
La Norvège a été la première à mettre en œuvre une nouvelle forme de conscription, répondant précisément aux besoins de ses armées. Pas question, en effet, en Norvège comme ailleurs, de revenir à une conscription obligatoire généralisée, les armées n’ayant ni les moyens humains, ni matériels, et pas davantage les infrastructures et les moyens budgétaires pour cela, qui plus est dans une période de fortes tensions internationales, comme aujourd’hui.
Pour répondre aux besoins de ses Armées, Oslo s’est donc tourné vers une nouvelle forme de conscription, appelée conscription choisie : si la conscription demeure obligatoire pour toute la classe d’âge, comme pendant la guerre froide, elle ne concernera, dans les faits, qu’une partie de celle-ci, en fonction des besoins et des moyens des armées.
La sélection des conscrits ne se fait pas par tirage au sort, comme le Draft américain en temps de guerre, mais directement par les armées elles-mêmes, sur les dossiers scolaires et péri-scolaires des jeunes, ainsi que sur l’acte, ou non, de volontariat.
Introduite en 2015, cette forme de conscription concerne, en 2024, autour de 9000 jeunes norvégiens, soit 10 % de la classe d’âge, tous ou presque des volontaires. En effet, dans le pays, la conscription est devenue un sésame précieux à la fin des études, pour justifier de son appartenance à une certaine élite, et les volontaires sont plus nombreux que les places disponibles.
La Suède et le Danemark ont mis en place, eux aussi, une forme conscription choisie dans les années ayant suivi l’exemple norvégien, avec des retours tout aussi prometteurs. D’autres pays européens, y compris l’Allemagne, envisagent désormais d’y avoir recours, pour renforcer les effectifs de leurs armées.
Doit-on investir les 3 à 5 Md€ du SNU dans une conscription choisie pour renforcer les effectifs des armées ?
La comparaison des deux modèles, le SNU français, d’un côté, la conscription choisie scandinave, de l’autre, ne plaide évidemment pas en faveur du premier. Non seulement la conscription choisie vise-t-elle des objectifs parfaitement identifiés, au bénéfice des armées et de la résilience nationale, mais elle s’inscrit dans un modèle parfaitement adaptable et maitrisé, qui en garantit la pérennité et l’efficacité, y compris budgétaire.
Se pose, alors, la question du bienfondé du SNU, une fois sa dimension purement symbolique et politique écartée, et surtout, de l’opportunité de le remplacer par une conscription choisie qui, elle, serait performante sur de nombreux aspects, y compris ceux qui, aujourd’hui, sont vaguement identifiés comme étant les objectifs du SNU.
En effet, le SNU, dans sa forme actuelle, constitue un crible potentiellement efficace pour permettre aux armées de « choisir » les profils à retenir pour cette conscription d’une durée suffisante pour s’avérer efficace du point de vue militaire, c’est-à-dire au moins 10 à 12 mois.
Il constitue, en outre, le cadre adapté pour permettre aux armées de dialoguer avec la jeunesse, et présenter les fonctions du conscrit, une fois choisi, le cas échéant, de façon valorisante, avec l’objectif de créer, rapidement, la même dynamique volontaire que celle observée en Scandinavie.
Enfin, le budget prévu pour le SNU par la Cour des Comptes, de 3 à 5 Md€, s’avère largement suffisant pour le convertir en conscription choisie portant sur plusieurs dizaines de milliers de conscrits chaque année, y compris en tenant compte des infrastructures à construire pour cela, avec une progressivité des dépenses correspondant aux contraintes budgétaires françaises actuelles.
Les 3 atouts de la conscription choisie
Évidemment, un tel basculement ne se ferait pas sans résistance. De la part du ministère de l’Éducation nationale, d’abord, assez peu connu pour sa coopération apaisée avec les armées. Mais aussi de la part des militaires, eux-mêmes, qui, en dépit de leurs difficultés à recruter, expriment souvent leurs fortes réticences à devoir restructurer leurs forces pour former et encadrer des conscrits ne restant qu’une année sous les drapeaux. Ce fut aussi le cas concernant les réservistes pendant longtemps et jusqu’il y a peu, cela dit.
Pourtant, la conscription choisie offre des atouts significatifs, susceptibles de séduire jusqu’aux plus rétifs, une fois correctement définie et bordée.
Progressivité et adaptabilité de la montée en puissance des effectifs
L’atout premier de la conscription choisie, est qu’elle permet une montée en puissance progressive et maitrisée des effectifs, sans remettre en question son propre modèle. Chaque année, en effet, les armées expriment leurs objectifs de conscription en termes de profils quantifiés, en fonction de leurs besoins, mais aussi de leurs moyens, qu’il s’agisse de personnels d’encadrement et de service (administratif, santé…), d’infrastructures, ainsi que de moyens militaires.
La conscription choisie vise, en effet, à former des militaires efficaces, susceptibles d’être employés de manière opérationnelle le cas échéant. Les armées doivent donc, comme c’était le cas avec le service militaire historique, être en mesure de former et d’entrainer leurs recrues, ce qui suppose de disposer de l’ensemble des moyens nécessaires à cette mission, y compris les armements et équipements militaires.
Dans un contexte budgétaire contraint, l’acquisition et le déploiement de ces moyens, ne pourra être que progressif, ce qui exige que le nombre de conscrits le soit également, pour en optimiser l’efficacité.
Des volontaires au profil requis pour répondre aux besoins des armées
Le second atout de la conscription choisie, repose précisément sur sa spécificité, la sélection des profils. Cette fonctionnalité permet, aux armées, de retenir les profils qui répondent le mieux à leurs besoins, et qui seront les plus efficaces dans leurs fonctions, notamment en termes d’adaptation aux exigences militaires.
Dans ce domaine, le volontariat jouera un rôle déterminant, sans être absolu. Il convient, ainsi, de garder à l’esprit que le taux d’abandon, lors des premiers jours, ou des premières semaines, des contrats d’engagement dans les armées, sont souvent, si pas élevés, tout au moins significatifs.
Cette approche permet surtout d’écarter les profils qui poseront des problèmes d’adaptation, de disciplines ou de comportement, et viendront détériorer l’efficacité du dispositif lui-même, comme c’était fréquemment le cas dans les unités constituées de conscrits, dans les années 80 à 90, avant que le Service Militaire soit suspendu.
Renforcer la porosité entre la jeunesse et les armées pour améliorer le recrutement de l’active et de la Garde Nationale
Enfin, cette sélection contribuera, comme en Scandinavie, à créer un sentiment positif vis-à-vis des armées, qui contribuera lui-même à accroitre leur attractivité auprès des jeunes, en amont de la conscription, tout comme en aval, pour rejoindre l’active ou la Garde nationale.
Cette dimension tendra également à améliorer l’image des armées dans la société civile, tout en étendant sensiblement, une fois que le dispositif aura atteint son régime de croisière, la porosité entre ces deux entités qui forment la Nation.
Ce d’autant que, efficacement articulée, la sélection des conscrits pourra participer efficacement à l’objectif de mixité sociale, cher au SNU, tout en conservant une certaine dimension « d’élite », articulée non sur l’origine sociale ni même, exclusivement, sur les résultats scolaires, mais sur l’acte de volontariat, l’implication dans la vie de la société, et dans le respect des institutions.
Conclusion
On le voit, si le SNU, sans grande surprise, s’avère un dispositif décevant, peu efficace et consommateur de deniers publics, il peut, en revanche, être transformé avantageusement pour former le socle d’une conscription choisie qui, elle, répondrait à des besoins bien identifiés, au profit de la résilience des armées, et avec elles, de la Nation, dans un contexte sécuritaire international qui ne cesse de se détériorer.
Outre le renforcement immédiat des effectifs des armées, la conscription choisie permettrait, très probablement, d’améliorer le recrutement pour les postes d’active, comme c’était le cas du Service militaire précédent, ainsi que de la Garde Nationale, et ainsi accroitre la sécurité du pays.
Enfin, la conscription choisie peut participer à recréer un lien plus étroit entre les armées et la jeunesse, et après elle, avec une partie significative de la société civile, qui l’aura pratiqué de l’intérieur, pour mieux en comprendre le fonctionnement et les besoins, de sorte à redonner aux questions de Défense, la place qui devrait être la leur, dans le débat public et politique.
Pour autant, la conscription choisie, en ayant perdu son caractère universel faussement égalitaire, aura certainement du mal à convaincre, en France, une classe politique et une opinion publique arcboutée, parfois, sur certains grands principes déconnectés de la réalité, mais dont l’audience publique fait encore recette.
Article du 13 septembre en version intégrale jusqu’au 16 octobre 2024
« Risques pour la sécurité des jeunes », « coût largement sous-estimé » : la Cour des comptes étrille le déploiement du SNU
Le SNU, expérimenté depuis 2019, doit être généralisé à tous les jeunes de 15 à 17 ans d’ici 2026. Résultats insatisfaisants, objectifs peu clairs, coûts plus importants qu’anticipés… Cinq ans après son lancement, la Cour des comptes dresse un bilan sévère du dispositif.
Début 2024, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé le lancement de « travaux » en vue d’une généralisation du Service national universel (SNU) « à la rentrée 2026 ». Aujourd’hui facultatif, le dispositif a accueilli 40 000 élèves en 2023, un chiffre qui devra donc être multiplié par 20 en l’espace de deux ans, pour toucher une classe d’âge d’environ 800 000 jeunes.
Dans un rapport publié le 13 septembre, la Cour des comptes dénonce l’« absence d’horizon clair » et l’« insuffisante planification des moyens » nécessaires à la généralisation du dispositif. « C’est pourtant une politique prioritaire du gouvernement, qui mobilise une part croissante du programme “jeunesse et vie associative” du budget », souligne Pierre Moscovici.
Un objectif de mixité sociale loin d’être atteint
Si on est encore loin de sa généralisation, le premier président de la Cour des comptes estime tout de même que la « montée en puissance rapide du SNU ne s’est pas accompagnée d’une clarification de ses objectifs ». Actuellement, le dispositif se découpe en trois phases. La première, et la plus connue, consiste en un « séjour de cohésion » où les jeunes passent 12 jours ensemble hors de leur département. Mais cette expérience doit ensuite être prolongée par une « mission d’intérêt général » de 84 heures et un « engagement volontaire » de 3 à 12 mois, au sein d’un corps en uniforme ou d’une association.
Décrite par le gouvernement comme un « projet de société », cette expérience complète est pourtant « toujours perçue par la population, et en particulier par les jeunes, comme un dispositif militaire », explique Pierre Moscovici. D’ailleurs, le premier président observe que les volontaires qui réalisent la deuxième et troisième phase du SNU s’engagent « principalement dans les corps en uniforme, et non au sein des associations ».
Conséquence de ce manque de clarté sur les objectifs du SNU, 46 % des jeunes volontaires en 2023 ont des parents militaires, policiers, gendarmes ou pompiers. Alors que le SNU se donne pour mission de réunir des élèves de tous horizons, notamment lors du fameux « séjour de cohésion », ses objectifs de mixité sociale ne sont donc pour le moment pas atteints. De façon générale, Pierre Moscovici déplore « une surreprésentation de jeunes issus de catégories socio-professionnelles supérieures et d’élèves ayant de bons résultats scolaires ».
« Des risques pour la sécurité des jeunes volontaires » lors des séjours de cohésion
Dans un second temps, le rapport de la Cour des comptes alerte sur les difficultés d’organisation du SNU. D’un point de vue administratif, d’abord, « les parties prenantes sont trop peu associées au dispositif », constate Pierre Moscovici. Sur le terrain, notamment lors de l’organisation des « séjours de cohésion », les associations d’éducation populaire « regrettent d’être considérées comme de simples prestataires », détaille-t-il. « Il n’existe pas non plus de stratégie nationale pour encadrer l’implication des collectivités territoriales », note Pierre Moscovici, alors même qu’elles sont souvent sollicitées pour organiser l’hébergement et les transports des « séjours de cohésion ».
Sans véritable coordination, l’organisation des séjours de cohésion rencontre donc régulièrement des difficultés logistiques qui « démontrent un certain désordre », déplore le premier président de la Cour. Le rapport pointe surtout des « défaillances » au niveau des transports, indispensables puisque les volontaires doivent réaliser leur séjour de cohésion en dehors de leur département, notamment en raison d’un récent changement de prestataire dans des délais très courts. « L’ampleur de la désorganisation a induit des risques pour la sécurité des jeunes volontaires et des surcoûts de transport significatifs », alerte le rapport.
La Cour des comptes pointe aussi du doigt les difficultés de recrutement des encadrants de ces séjours de cohésion. La mission est d’abord peu attractive. « Des retards considérables dans la mise en paiement des rémunérations ou indemnités ont fortement dégradé l’image du SNU auprès des encadrants », déplore le rapport. « Généraliser le dispositif sans stratégie d’emploi et de recrutement représenterait une prise de risque majeure », alerte la Cour, qui recommande donc la création d’une « filière métier » spécifique. La Cour des comptes tire par ailleurs la sonnette d’alarme sur la « dégradation sensible des conditions de travail des personnels », au sein des services régionaux et départementaux chargés de la jeunesse. Malgré la charge de travail supplémentaire conséquente induite par l’organisation du SNU, estimée à 157 équivalents temps plein, « les équipes n’ont que marginalement évolué avec la création de 80 postes ».
Une généralisation qui coûterait autour de 10 milliards d’euros
Enfin, alors que l’examen du projet de loi de finances 2025 débutera à l’Assemblée nationale au mois d’octobre, la Cour des comptes s’intéresse aux coûts du SNU. Le coût du dispositif est d’abord « largement sous-estimé » : dans le cadre du budget 2024 il avait été évalué à 2 000 euros par jeune, pour la Cour des comptes il s’élèverait plutôt à 2 900 euros.
Partant de ce constat, la Cour a également estimé les coûts induits par une généralisation du SNU. Le coût de l’organisation du seul séjour de cohésion, qui devrait donc accueillir autour de 800 000 jeunes par an, s’élèverait ainsi à 2,5 milliards d’euros. En ajoutant à cela les coûts liés à la seconde et à la troisième phase du dispositif, la Cour des comptes estime que l’organisation du SNU dans sa totalité pourrait représenter entre 3,5 et 5 milliards d’euros. À ces coûts de fonctionnement doivent également s’ajouter des investissements, notamment pour construire, rénover ou louer les bâtiments nécessaires à l’accueil des jeunes lors de leur séjour de cohésion, que la Cour des comptes estime à 6 milliards d’euros.
Considérant l’ampleur de ces dépenses liées à la généralisation du SNU, la Cour des comptes recommande donc vivement la tenue d’un « débat parlementaire pour décider de l’avenir du dispositif ». « Le Parlement n’a jamais eu l’occasion de débattre de ce dispositif, aucune loi ordinaire ou de programmation n’a été examinée sur le sujet », précise Pierre Moscovici. Il y a un an, dans un rapport pour le compte de la commission des finances, le sénateur socialiste Éric Jeansannetas réclamait déjà « un véritable débat » au Parlement sur le SNU. Une demande relayée depuis par de nombreux sénateurs de tous bords politiques.
Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, l’a maintes fois répété : la suspension de la conscription, en 2011, a été une erreur. Et d’autant plus que les effets de cette décision se font maintenant sentir, la Bundeswehr [forces armées fédérales] ayant des difficultés pour maintenir ses effectifs à 180’000 soldats… alors qu’elle doit en recruter au moins 75’000 de plus pour tenir ses engagements à l’égard de l’Otan.
Aussi, depuis qu’il a pris ses fonctions, M. Pistorius souhaite revenir sur la mesure prise il y a maintenant treize ans, en cherchant l’inspiration dans les pays scandinaves, en particulier la Suède, qui a rétabli la conscription, sept ans après l’avoir suspendue. A-t-il trouvé la bonne formule ? L’avenir le dira…
En tout cas, selon les orientations dévoilées le 12 juin, l’idée maîtresse est de présenter ce « nouveau » service militaire comme une opportunité et non plus comme une « contrainte ». Ainsi, tous les jeunes allemands ayant l’âge d’être appelés sous les drapeaux devront retourner un questionnaire censé évaluer leur degré de motivation et leur aptitude physique. Celui-ci sera facultatif pour les femmes.
« Actuellement, il n’est pas possible d’exiger des femmes qu’elles remplissent et renvoient le questionnaire. Elles ne peuvent pas non plus être soumises à des tests contre leur gré, cela nécessiterait une modification de la Loi fondamentale », justifie le ministère allemand de la Défense.
Ce recensement a deux objectifs : susciter l’intérêt des jeunes pour les forces armées [lequel sera encouragé par des « campagnes d’informations numériques »] et sélectionner les plus motivés, ceux-ci devant être ultérieurement convoqués pour un entretien. Ensuite, la décision d’effectuer un service militaire d’une durée de six mois [et pouvant être prolongé jusqu’à 23 mois] leur appartiendra. Du moins, « dans un premier temps ».
« La Bundeswehr offrira des possibilités de formation continue à ceux qui s’engageront pour plus de six mois », souligne par ailleurs le ministère. À l’issue de leur service, les appelés seront admis dans la réserve, avec l’éventualité d’avoir à effectuer au moins une période par an.
Cette formule présente l’avantage d’une « sélection ciblée selon des critères définis » dans la mesure où la Bundeswehr pourra ne retenir que le nombre de conscrits dont elle a besoin et, surtout, qu’elle sera en mesure de former. Or, actuellement, ses capacités d’accueil et de formation ayant été en grande partie démantelées après la suspension de la conscription, il lui faudra du temps pour remonter en puissance. Aussi, seulement 5000 appelés pourront être sélectionnés dès la première année de ce « nouveau service militaire », probablement à partir de 2025.
Difficile de ne pas considérer l’année 2024 comme est lourdement empreinte de guerres, régionales et internationales, hybrides et asymétriques, en Europe, comme au Proche-Orient, sans oublier les crises sécuritaires qui frappe l’Afrique pansahélienne et celle des Grands Lacs.
Et, comme si cela ne suffisait pas, inflation et endettement majeurs trahissent, de manière intercontinentale, des crises économiques et sociales d’une ampleur quasi inédite et quasi simultanée, sur fond de marasme environnemental.
Face à ce cela, en France, on planche, depuis quelques années, sur la notion de résilience de la population mais aussi sur la posture des jeunes citoyens face aux menaces réelles ou supposées, face aux enjeux de demain et des perspectives conflictuelles.
À ce titre, l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) vient de publier, en avril, une étude (N°116) de 50 pages, d’Anne Muxel, directrice de recherche émérite au CNRS, et directrice déléguée du CEVIPOF. Cette étude, intitulée Les jeunes et la guerre. Représentations et dispositions à l’engagement, synthétise le regard de quelque 2 301 jeunes citoyens, âgés de 18 à 25 ans sur les questions de sécurité et de Défense, en lien aussi avec la notion d’engagement face aux périls réels et prévisibles. L’étude a été réalisée entre juin et juillet 2023. Ses résultats s’inscrivent donc dans le contexte de la guerre russo-ukrainienne, débutée en février 2022.
Il peut être surprenant de constater que ce ne sont pas moins de 57% des jeunes Français qui se disent prêts à s’engager, en cas de guerre impliquant la France, outre le fait que 52% d’entre eux se déclarent intéressés par les questions militaires.
Des résultats qui raviront sans doute le ministre de la Défense, Sébastien Lecornu qui a fait savoir qu’il voulait que la dimension militarisée de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) soit amplifiée afin de susciter plus de vocations pour embrasser la carrière des armes.
On sait aussi combien le pouvoir exécutif souhaite voir réapparaître le principe d’un service national (suspendu depuis 1997) via le Service national universel (SNU) qui, en 2022, a concerné 23 000 jeunes. Le Service militaire obligatoire serait vu de manière positive par 62% des jeunes qui se sont exprimés dans le cadre de l’Etude.
Un certain militarisme s’affiche d’ailleurs dans les sondages, au point que 31% de ces mêmes jeunes estiment que le pays serait mieux gouverné par les militaires que par les pouvoirs civils.
Autre surprise, guère rassurante : 49% d’entre eux se disent favorables à l’emploi de l’arme nucléaire contre un pays, « en cas de conflit majeur ».
Enfin, l’externalisation de la Défense a sensiblement évolué en 20 ans, au point que 86% de ces mêmes jeunes estiment acceptable le recours à des mercenaires. Entendons plutôt, des contractuels de sociétés militaires privées car le mercenariat est interdit depuis 2003 (loi proposée à l’époque par le ministre de la Défense Alain Richard). Le sondage aurait d’ailleurs dû faire le distinguo entre mercenaire, volontaire et contractor… Preuve, une fois de plus, de la confusion conceptuelle et sémantique à ce sujet.
Dans notre nouveau numéro (N°233) d’Espritsurcouf, nous donnons une place conséquente à des sujets de dimension géopolitique. Ainsi, tout d’abord, vous pourrez découvrir l’analyse de Yannick Harrel qui démontre pourquoi la volonté de saisir les avoirs russes, en rétorsion supplémentaire à l’encontre de la Russie pour la guerre lancée contre l’Ukraine, s’avère bien plus difficile à concrétiser que ne le prétende ceux qui l’ont exprimée : « Confiscation des avoirs russes : un profond dilemme » (rubrique Géopolitique).
Le second sujet mis en avant, par Loïc Parmentier, insiste sur la destinée tragique des Karens qui, en Birmanie, sont persécutés depuis trop longtemps, tout en continuant à combattre et à croire, néanmoins, en leur objectif d’être reconnus comme peuple à part entière. Mais la communauté internationale reste honteusement indifférente : « La lutte des Karens, en Birmanie » (rubrique Géopolitique).
Rémy Porte, pour sa part, revient sur la Bataille du plateau des Glières, en mars 1944, dont on marquait, cette année, la 80ème commémoration : celle d’un combat épique mené par quelques 500 résistants face à des milliers d’Allemands renforcés par des milliers de miliciens : « Vie et mort du plateau des Glières » (rubrique Histoire).
Enfin, pour alimenter la réflexion sur les politiques de défense, Olivier Passer souligne la difficile cohérence entre les volontés de disposer de moyens de défense gonflés tous azimuts, telles qu’elles s’expriment en France comme en Europe, et l’âpre réalité qui témoigne de lourds retards accumulés au gré des décennies passées : « Un potentiel militaire amoindri » (rubrique Défense).
Dans ce numéro, exceptionnellement, nous ne vous proposerons par de Revue d’actualité d’André Dulou, mais une vidéo d’un numéro du Journal de la Défensequi vous permettra de découvrir quelques athlètes militaires qui concourront aux Jeux Olympiques (26 juillet-11 août 2024). Vous pourrez ainsi les observer lors de leur préparation un an avant ces rendez-vous sportifs que l’on espère voir se dérouler sous les meilleurs auspices.
(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Il est maître de conférences à l’UCO et rattaché à la filière Science Politique. Il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF. Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu » est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF.
Instituée après la suspension de la conscription, la « Journée d’appel de préparation à la Défense » [JAPD] a, en quelque sorte, pris le relais des « trois jours » [qui duraient en réalité une journée] au cours desquels tous les hommes en âge de remplir leurs obligations militaires passaient des examens médicaux et psychotechniques.
En 2011, cette JAPD est devenue la « Journée Défense Citoyenneté » [JDC], à laquelle chaque jeune français âgé de moins de 25 ans est fortement incité à participer [sous peine de ne pas pouvoir passer le permis de conduire et le Baccalauréat], après avoir accompli les démarches [obligatoires] du recensement. Cette journée prévoit des tests d’évaluation des « apprentissages fondamentaux de la langue française » mais aussi une sensibilisation aux enjeux de défense ainsi qu’un enseignement sur le civisme et une information sur « l’égalité entre les femmes et les hommes ».
Cela étant, cette JDC est régulièrement remise en question. En mai 2015, le président Hollande avait ainsi fait part de son intention de la transformer en une « journée de formation et d’information », qu’il qualifia de « journée d’espoir » pour les jeunes gens censés y participer. Puis, il changea son fusil d’épaule en annonçant, lors de ses voeux à la jeunesse, en janvier 2016, que la JDC serait non seulement maintenue mais probablement allongée étant donné qu’elle était un « moment dans la vie de chaque citoyen aujourd’hui » et qu’elle permettait « à toute une classe d’âge […] de se retrouver pour des formations à la citoyenneté ».
À la même période, les députés Marianne Dubois et Joaquim Pueyo rendirent un rapport dans lequel ils estimaient que cette JDC « n’avait aucune utilité », alors que son coût était évalué à 100 millions d’euros par an. « Ce n’est pas en quelques heures qu’il est possible d’aborder les enjeux de la Défense, qui, par ailleurs, ne sont évoqués que succinctement pour faire la place à d’autres thématiques », avaient-ils fait observer. Et de proposer de renforcer l’enseignement sur la Défense, susceptible de faire l’objet d’une épreuve obligatoire en fin de parcours scolaire, voire de mettre au place, à l’instar du Canada, un programme de « cadets de la défense » s’adressant à tous les jeunes gens âgés de 12 à 18 ans.
Ce rapport n’a pas été suivi d’effet… Mais il a été institué un Service national universel [SNU], qui se veut un « projet éducatif d’émancipation et de responsabilisation des jeunes [de 15 à 17 ans], visant à les impliquer pleinement dans la vie de la Nation et à nourrir le creuset républicain. » Il s’effectue, pour le moment, sur la base du volontariat. Y participer dispense de toute obligation à l’égard de la JDC.
Justement, s’agissant de cette dernière, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, estime qu’elle « passe à côté de sa cible », alors que les armées ont l’ambition de doubler le nombre de leurs réservistes.
« C’est devenu une journée un peu fourre-tout, où des gens admirables s’engagent pour la faire vivre, mais au fond, elle se démilitarise un tout petit peu avec le temps », a en effet affirmé M. Lecornu, à l’antenne de LCI, le 12 avril. Aussi, a-t-il continué, « je souhaite la redurcir militairement à des fins aussi théoriques : il faut qu’à la fin de cette journée, les jeunes Françaises et les jeunes Français […] aient les idées claires sur notre système de défense et les rudiments de compréhension sur le fonctionnement de l’armée française, sur les grandes opérations auxquelles l’armée française a pu participer ces dernières années », a-t-il expliqué.
Mais les projets du ministre ne s’arrête pas là puisqu’il entend aussi « moderniser » le recensement en vue d’identifier « en continu » les compétences des personnes « volontaires » susceptibles de venir renforcer la réserve.
L’idée serait ainsi de faire « un vrai recensement des compétences, non seulement sur une classe d’âge, autour des 16 ans […] mais surtout d’avoir à l’heure du numérique, les moyens de faire un recensement continu régulier dans la population », sur la base du volontariat. Cela permettrait au ministère des Armées de recruter des réservistes en fonction des savoir-faire dont il aurait besoin le cas échéant.
Quoi qu’il en soit, une solution qui mériterait sans doute d’être étudiée [pour ne plus tourner autour du pot] consisterait à s’inspirer du modèle de service militaire mis en place par la Norvège, la Suède et le Danemark. Rétablir la conscription [qui n’est que suspendue, pour rappel] ne passerait pas forcément par l’incorporation de toute une classe d’âge comme c’était le cas auparavant. Ainsi, les armées ne retiendraient que les conscrits dont elles ont besoin pour une durée de 12 mois, en ne sélectionnant que les plus motivés et/ou les mieux formés.
Évidemment, ceux qui seraient appelés sous les drapeaux pourraient bénéficier de certains avantages par rapport aux autres [permis de conduire, aide à l’emploi, formation, etc.]. Grâce à un tel système, les forces armées norvégiennes retiennent, chaque année, 10’000 conscrits sur un potentiel de 60’000 jeunes en âge d’accomplir leur service militaire.
Sous la présidence de Jacques Chirac, chef des Armées, le service militaire a été suspendu par la loi du 28 octobre 1997.
Le 1er juillet 2015, il a été créé le Service Militaire Volontaire (SMV) toujours en vigueur actuellement mais onéreux et confidentiel.
En juin 2018, le Premier Ministre annonce un service National Universel (SNU) d’une durée d’un mois ; lequel SNU devait être mis en place par Gabriel Attal, à l’époque Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Éducation Nationale, le 16 octobre 2018 et dont les contours restent toujours à définir.
Enfin en 2002 a été organisée, sous la responsabilité du Ministère de l’Éducation Nationale, la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) obligatoire entre 16 à 25 ans dont le contenu tient plus du recensement que de l’initiation à l’esprit de défense.
Pour mémoire, on citera le Service Militaire Adapté (SMA) toujours en vigueur mais réservé à l’Outre-Mer.
Bref, on aura compris que depuis la suspension du Service militaire, creuset idéal de la mixité sociale, le pouvoir n’a pas trouvé la martingale pour donner à notre jeunesse un sentiment d’appartenance nationaleet encore moins la notion de défense de la Nation.
Les Armées françaises restent donc une affaire de militaires dont la société civile se désintéresse et tant pis si elles sont en déficit de 2.800 postes en 2024 et peinent toujours à recruter pour renouveler ses effectifs malgré les relais d’opinion que forment la réserve opérationnelle et la réserve citoyenne.
Maigre consolation, l’armée allemande se trouve dans une situation analogue, voire pire. En Allemagne, le service militaire avait été aboli en 2011. Mais la Bundeswehr se trouve toujours en sous-effectif chronique lequel a atteint un pic de 18% en 2023.
Le Commissaire allemand aux Forces armées envisage donc un retour au service militaire à partir de 2025.
Paradoxalement la Suède, pays traditionnellement neutre, mais qui vient d’adhérer à l’OTAN, a rétabli en 2017 un service militaire obligatoire qui avait été supprimé en 2010.
Ainsi on constate que les pays scandinaves comme les pays baltes qui se sentent en insécurité, car proches de la Russie, ont tous un service militaire obligatoire.
La conscription est-elle pour autant nécessaire et suffisante pour insuffler l’esprit de défense à une nation ? Rien n’est moins sûr.
Par contre il est sûr et certain que les Français, anesthésiés par 80 années de paix et adeptes d’un hédonisme forcené, devront faire un sérieux effort pour prendre conscience que la paix et la liberté ne sont pas un héritage gratuit mais se méritent.
Lors de sa conférence de presse du 16 janvier, Emmanuel Macron a assuré que l’armée française n’a « pas de faiblesse ». Tant mieux! Encore faudrait-il le démontrer et en convaincre les militaires. C’est un peu le rôle de l’exercice imposé des voeux aux armées où il s’agit de ne montrer que de la détermination et de la satisfaction, alors que le bilan et les perspectives (Sahel, Ukraine, Proche-Orient, JO etc.) révèlent de nombreux défis à relever.
Ce vendredi, dans le port de Cherbourg, le président de la République a visité dans la matinée les Constructions mécaniques de Normandie (CNIM), mobilisées par la commande de deux patrouilleurs dans le cadre de la loi de programmation militaire 2024-2030 (photo ci-dessus Ouest-France).
Le Président a ensuite discuté formation, notamment autour de la soudure. Face à la pénurie de soudeurs, quatre groupes privés du nucléaire et du naval (EDF, Orano, Naval Group et CMN), mais aussi les collectivités et l’État, ont fondé une école de soudage, qui a ouvert en 2022.
Le président a rencontré ensuite des jeunes du département de la Manche ayant réalisé ou débutant leur service national universel (SNU), qu’il souhaite généraliser en classe de seconde dans le ligne du « réarmement » de la société évoqué mardi dans ses vœux aux Français.
Lors de son discours, Emmanuel Macron a de nouveau exhorté les industriels de la défense à « gagner en rapidité, en volume et en innovation » pour atteindre le « mode économie de guerre », fustigeant la « forme d’engourdissement » qui avait gagné le secteur avant l’invasion de l’Ukraine. « Nous devons amplifier la transformation commencée » afin de répondre plus vite aux besoins de l’Ukraine dans la guerre contre la Russie, a lancé le chef de l’Etat aux industriels.
« Je demande à chaque patron d’être totalement concentré sur les enjeux de production et d’approvisionnement. Il ne faut plus jamais se satisfaire de délais de production qui s’étalent sur plusieurs années« , a-t-il insisté.
Le contrat de « Volontaire aspirant de l’armée de Terre » dure un an et permet aux jeunes diplômés de vivre une immersion riche au sein des forces terrestres. De nombreuses unités proposent ce poste chaque année.
S’engager en VADAT, c’est :
Servir comme jeune officier dans un régiment, un état-major ou en administration centrale.
Assurer une fonction d’expertise dans son domaine de spécialité.
Enrichir son parcours d’une expérience humaine forte et atypique.
Pour l’armée de Terre, l’intérêt est double : durant leur service, les aspirants apportent leurs compétences au régiment. Dans un second temps, lors de leur retour dans le civil, ils font rayonner l’institution dans leur entourage, leur école ou leur future entreprise.
Pour mieux comprendre cette opportunité qui s’offre aux étudiants et jeunes actifs, nous avons interrogé l’aspirant Nicolas Jeanneau, VADAT au 3e RPIMa durant l’année 2022-2023.
Pourriez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Nicolas Jeanneau, j’ai 26 ans et de juin 2022 à juin 2023, j’ai servi comme aspirant volontaire au 3ème régiment de parachutistes d’infanterie de marine, le fameux 3e RPIMa. Je me suis engagé dans l’armée de Terre après six ans d’études. Après un bac littéraire, puis une Double Licence en Humanités et Sciences Politiques, j’ai validé un Master de Lettres à Montréal, avant de terminer par un Master spécialisé à HEC Paris dans le management de la culture.
Le 26 juin 2022, j’ai choisi de signer ce contrat de VADAT car j’avais envie de renouer avec la France après 3 années passées à l’étranger. En côtoyant ces Français et Françaises qui vivent sous l’idéal du drapeau, je voulais découvrir le quotidien des militaires. C’était aussi l’occasion de faire une transition entre mes études et le monde professionnel. Par-là, j’ai aussi voulu penser à mes devoirs avant de penser à mes droits, puisque si nous vivons dans un pays de liberté, c’est aussi grâce à nos soldats qui dédient leur existence à défendre la France sans relâche.
D’un point de vue pratique, j’ai choisi les parachutistes pour la richesse des missions, le patrimoine du régiment et son histoire militaire. Mais avant de signer mon contrat, et jusqu’à mon premier saut, je ne réalisais pas encore très bien comment se manifeste concrètement le côté mythique de ces guerriers !
Qu’est-ce qu’un Volontaire aspirant de l’armée de Terre (VADAT) ?
Tout d’abord, on est Volontaire : personne n’est venu me chercher. J’ai choisi de servir la France en m’engageant pour un an, et avec sa culture de la cohésion nourrie par son appartenance aux troupes de marine, le 3ème RPIMa m’a accueilli très chaleureusement.
Ensuite, je suis Aspirant, c’est-à-dire officier, et en l’occurrence recruté comme « spécialiste » : j’apporte au régiment mes compétences dans mon champ d’expertise, pour ma part le rayonnement et de l’assistance en communication, afin de renforcer le lien armées-Nation.
Enfin, je suis un soldat de l’armée de Terre : je suis formé au tir, je revêts l’uniforme, j’ai suivi des parcours d’aguerrissement. En échange de mes services, le 3e RPIMa m’a donc instruit à ce qui fait son cœur d’activité : le métier de fantassin, version para…, l’opportunité parfaite, en somme, pour apprendre des choses qu’on ne vit nulle part ailleurs !
Quels bénéfices pour un étudiant ?
Le premier intérêt est de découvrir le rôle d’un lieutenant dans l’armée de terre. Le second, dans le cadre de mon engagement au 3ème RPIMa, est d’avoir passé mon brevet parachutiste militaire. J’ai donc eu le privilège de sauter à 6 reprises à l’École des troupes aéroportées, ce qui permet ensuite de participer aux sauts régimentaires ! Par ailleurs, le travail est très équilibré, puisqu’il y a à la fois des missions de bureau au sein de l’état-major du « 3 », mais aussi des phases de terrain lorsqu’on se joint aux activités des compagnies de combat. J’ai appris tous les jours à étoffer mon sens relationnel et à renforcer mes capacités physiques. C’est une très bonne école pour comprendre en profondeur la richesse humaine et se dépasser en sport !
Le VADAT, c’est sans doute la formule la plus consistante pour obtenir un aperçu complet de l’armée de Terre, car on y est directement plongé en continu pendant une année entière. C’est vraiment idéal pour les jeunes qui veulent servir leur pays à plein-temps, mais pour une durée temporaire qui ne contraint pas à s’engager définitivement. Car à l’issue de ces douze mois, le volontaire est automatiquement délié de ses obligations : libre à lui de postuler ensuite pour un nouveau contrat de long terme s’il désire faire carrière dans l’institution. On reste donc très disponible pour la suite, tout est possible : préparer les concours d’officiers, rejoindre la réserve en conservant son grade, ou tout simplement retourner travailler dans le civil.
Quelles sont les missions ?
Tout dépend de la fiche de poste… et de votre esprit d’initiative ! Dans mon cas, j’ai fait de la communication et du rayonnement, avec des travaux de rédaction et de représentation, auxquels j’ai ajouté une composante organisationnelle en proposant quelques projets au chef de corps du 3e RPIMa. Il m’arrivait souvent d’effectuer des tâches sous ses ordres directs, tout en avançant de conserve avec l’officier communication et l’état-major en général. Je ne me suis jamais ennuyé, d’autant plus que le 3e RPIMa était le premier régiment de l’armée française à accueillir le nouveau véhicule SERVAL : l’année 2022-2023 était remplie de beaux projets pour nous !
Enfin, d’autres spécialités sont possibles pour le recrutement VADAT, en fonction des besoins des régiments, des états-majors et même des musées : RH, Informatique, Histoire, Mécénat,… Tous les profils peuvent mener à l’armée.
Quels sont les débouchés ?
Dans le secteur militaire, cela favorise grandement un engagement dans l’armée d’active, puisqu’on bénéficie d’une expérience incomparable par rapport aux autres candidats qui n’auraient pas vécu le VADAT. On peut donc poursuivre via les concours des officiers sur titre (OST), ainsi que ceux des officiers sous contrat, encadrement ou spécialiste (OSC-E / OSC-S). Et si l’on rejoint la réserve, on conserve son grade.
Dans le secteur civil, c’est une ligne qui ressortira systématiquement sur le CV. C’est un véritable atout, qui confère par exemple une crédibilité certaine pour travailler dans le monde des industries de la Défense… et pas seulement ! Car cette aura peut toucher les recruteurs de tous les domaines : dans une société où le service militaire n’est plus imposé, une expérience dans l’armée intrigue, comme une sorte d’exotisme qui questionne beaucoup et nous distingue souvent immédiatement.
Comment se déroule le recrutement ?
On postule à des offres sur le site de l’armée de Terre, avec 5 vœux au maximum. La DRHAT fait un premier tri en réceptionnant une lettre de motivation et un CV. Cette pré-sélection peut mener à un entretien, où l’état-major du régiment évalue le profil et la motivation du candidat. Ensuite, il faut valider les tests physiques, médicaux et psychotechniques en Cirfa. Après la signature du contrat, on embarque pour une formation de quelques semaines en juillet, soit à Coëtquidan, soit directement dans les centres de formation des brigades (Caylus pour les parachutistes, Saumur pour la cavalerie, etc.).
Qu’avez-vous retiré de votre VADAT ?
Ce que je retire de mon VADAT, c’est une aventure qui m’a tiré de ma zone de confort, sans jamais me lasser pour autant. Je retiens d’abord l’apprentissage du management incarné, le fait de diriger en montrant l’exemple, par la tenue, le courage et le dépassement, en s’appuyant sur une mentalité tournée vers l’efficacité.
Également, on en ressort beaucoup plus au fait de la réalité pratique et matérielle de l’armée de Terre, avec une connaissance incomparable par rapport à d’autres étudiants qui voient nos armées de loin sans y avoir vécu au quotidien. Ce sont douze mois qui vous octroient une solide culture militaire et une remarquable crédibilité auprès de futurs employeurs dans les secteurs de la Défense, de l’armement ou encore de la diplomatie.
Enfin, depuis les attentats et surtout la guerre en Ukraine, l’intérêt pour les enjeux de la Défense s’est ravivé en France. En cela, et même si un VADAT n’est pas projeté sous le feu, le fait d’avoir été initié militairement pendant un an lui confère une dimension que les autres citoyens n’ont pas. L’avantage par rapport à une césure à l’étranger (que de plus en plus de jeunes accomplissent aujourd’hui), c’est que l’expérience du VADAT est beaucoup plus rare et frappe donc par son originalité. On trouve un réel exotisme dans l’armée, surtout dans notre société démilitarisée.