Israël à l’épreuve de la doctrine de l’America First

Israël à l’épreuve de la doctrine de l’America First

par Edouard Chaplault-Maestracci – Revue Conflits – publié le 22 mai 2025

https://www.revueconflits.com/israel-a-lepreuve-de-la-doctrine-de-lamerica-first/


Le voyage de Donald Trump dans les pays du Golfe a dessiné une nouvelle donne pour la région. Avec des espoirs de paix et de coopération.

Se félicitant de ce qu’il considérait comme le « plus grand comeback de l’histoire », Benyamin Nétanyahou voyait dans la réélection de Donald Trump, « le meilleur ami qu’Israël n’ait jamais eu à la Maison-Blanche »[1], la promesse d’un soutien absolu de Washington dans la guerre existentielle que l’état hébreu mène contre l’Iran et ses relais régionaux. Se voyant débarrassé des hésitations de l’administration Biden, le Premier ministre israélien imaginait alors une collaboration renforcée dans le but d’endiguer définitivement la menace iranienne et de venir à bout du Hamas dans la bande de Gaza.

La tournée de Donald Trump au Moyen-Orient, marquée par l’absence d’un détour par la capitale israélienne, signale toutefois une certaine réorientation de sa politique étrangère dans la région. Ce choix diplomatique, s’il ne doit pas être interprété comme un désengagement des États-Unis dans leur soutien historique à Israël, est révélateur d’une approche transactionnelle de la géopolitique, pilier de la doctrine de l’America First, conduisant Washington à faire primer ses intérêts nationaux au Moyen-Orient, quitte à écorner le statut d’allié particulier d’Israël que Nétanyahou pensait jusqu’ici intangible.

Cette redéfinition des priorités internationales se manifeste dans la communication du président américain sur la situation à Gaza et se lit également dans une stratégie diplomatique régionale à tendance bilatérale qui témoigne de certaines divergences d’intérêts entre Washington et Tel-Aviv.

Palestine : interpréter le récent adoucissement de la communication de Donald Trump

Avant même son investiture, Donald Trump faisait plier le Hamas en lui promettant « l’enfer »[2] si l’organisation terroriste ne libérait pas tous les otages retenus à Gaza depuis le pogrom du 7 octobre 2023. Se sentant acculé militairement et voyant dans une trêve la seule possibilité de conserver son pouvoir sur l’enclave palestinienne, le Hamas cédait et Donald Trump pouvait se targuer d’avoir obtenu son premier succès diplomatique avant même sa prise de fonction en annonçant la nouvelle dès le 15 janvier dernier : « Nous avons un deal pour les otages au Moyen-Orient. Ils seront bientôt libérés, merci ! ».

Dans la foulée, Trump présentait son projet contesté de transformer la bande de Gaza en « Riviera du Moyen-Orient », envisageant le déplacement des Palestiniens en Égypte ou en Jordanie afin de transformer l’enclave en station balnéaire de luxe. Soutenue par le Premier ministre israélien, cette idée s’est toutefois heurtée au refus conjoint de la Jordanie et de l’Égypte de recevoir la population gazaouie, à la réaction hostile de la très grande majorité de l’opinion publique, mais aussi aux réticences des pays du Golfe qui font de la cause palestinienne une condition sine qua non à la poursuite de la normalisation de leurs relations avec Tel-Aviv.

La reprise des hostilités entre Israël et le Hamas le 18 mars dernier a marqué un tournant dans la communication de Washington autant qu’elle a contrarié les efforts de Donald Trump dans sa quête d’une paix rapide et durable. Animé par la volonté de se désengager de certains conflits afin de se focaliser sur la menace chinoise qu’il considère comme le danger prioritaire ainsi que par son désir de se voir décerner le prix Nobel de la paix, le président américain a depuis infléchi son soutien médiatique au gouvernement israélien.

Interrogé le 17 mai dernier sur la situation à Gaza, Trump déclarait : « Nous devons aider les Palestiniens. Beaucoup de gens meurent de faim à Gaza, nous devons prêter attention aux deux partis »[3]. En prenant en compte pour la première fois la situation des habitants de l’enclave, Donald Trump donne un gage à ses partenaires du Golfe, bien conscient de l’importance qu’ils accordent au sort des civils palestiniens. Il semble par ailleurs que le changement d’attitude de Donald Trump soit à l’origine de la décision de Benyamin Nétanyahou d’autoriser l’entrée d’une « quantité de base de nourriture » dans la bande de Gaza. Selon le Wall Street Journal, le Premier ministre israélien aurait indiqué répondre ainsi aux pressions des « plus proches amis [d’Israël] dans le monde » ainsi qu’à celles de ses soutiens au Sénat américain[4].

Nouvelle approche

Parallèlement, Donald Trump s’abstient de faire pression sur les pays arabes concernant la reprise des pourparlers de normalisation afin de ne pas entraver la nouvelle dynamique des relations commerciales entre les États-Unis et les pays du Golfe. Cité par Le Figaro, l’homme d’affaires américain Karl Mehta résume cette nouvelle approche en soulignant que « le commerce remplace l’intervention militaire, les puissances régionales contrôlent leur propre destin, et l’Amérique soutient sans occuper »[5]. Une communication nouvelle qui venait ponctuer une tournée qui aura permis la sécurisation de nombreux accords pour un montant total estimé à 2 000 milliards de dollars[6].

Cette politique du deal s’étend au-delà des simples considérations commerciales. C’est ainsi que des discussions menées par des représentants américains ont abouti à la libération d’Edan Alexander, le dernier otage américain retenu par le Hamas. Ce « geste de bonne volonté »[7] du Hamas envers l’hôte de la Maison-Blanche n’a pas été suivi par la libération d’autres otages ni n’a impliqué de quelconque contrepartie américaine. Le recours à des négociations bilatérales, qui manifeste un certain découplage des intérêts américains et israéliens, a été dupliqué à d’autres problématiques régionales. Bien qu’il ne faille pas y voir un revirement idéologique, Trump n’envisageant pas la reconnaissance d’un état palestinien ou la cessation des livraisons d’armes à Israël, les initiatives régionales récentes du président américain sont clairement frappées du sceau de l’America First et semblent en passe de devenir le modus operandi de Washington en matière de politique étrangère.

Une bilatéralisation de la diplomatie régionale au détriment des angoisses existentielles d’Israël

Si Donald Trump n’a pas pris le temps de rendre visite à Benyamin Nétanyahou, il a néanmoins accordé un entretien d’un peu plus de trente minutes au président intérimaire syrien Ahmed al-Charaa. À cette occasion, le nouvel homme fort de Damas se serait engagé à normaliser ses relations avec Israël, mais aussi à apporter son concours à la lutte contre Daech. L’homme, dont le passé djihadiste suscite les réserves de la plupart des dirigeants internationaux, ne bénéficie pas de la confiance du gouvernement israélien. Donald Trump a surpris jusque dans son propre camp en accordant sa confiance à celui qui a passé 5 ans dans une prison irakienne après avoir combattu les troupes américaines.

La décision de Donald Trump de lever l’ensemble des sanctions financières américaines visant la Syrie a été vécue comme un camouflet par Nétanyahou, qui a lancé une campagne de bombardements en Syrie depuis la chute de Bachar el Assad, craignant notamment que les armes chimiques de ce dernier ne tombent entre les mains des nouvelles forces au pouvoir. Même si le Congrès américain doit encore valider la décision de Donald Trump, cette initiative ne rassurera pas Israël.

L’annonce d’un accord entre les Houthis et les États-Unis le 6 mai dernier illustre parfaitement la nouvelle approche de l’administration américaine quant aux enjeux régionaux. Après avoir menacé les rebelles yéménites : « l’enfer s’abattra sur vous comme vous ne l’avez jamais vu auparavant ! », Donald Trump avait déclenché une large opération de bombardements visant leurs positions. Depuis le 15 mars, ces opérations ont mobilisé plus de 2 000 bombes et missiles d’une valeur globale supérieure à 775 millions de dollars[8]. Si l’arrêt des bombardements soulage à court terme l’économie américaine, elle ne résout aucune des problématiques régionales que causent les Houthis. Leur « capitulation »[9], pour reprendre les termes du président américain, ne bénéficie qu’aux navires battant pavillon américain. Ainsi que le souligne Dana Stroul, ancienne responsable américaine de la Défense sous l’administration Biden, les Houthis « n’arrêteront pas de tirer des missiles sur Israël, le commerce maritime ne reprendra pas, et rien ne changera dans la guerre civile au Yémen »[10].

Face aux pays arabes

Si ces récents développements ont contrarié Benyamin Nétanyahou, le dirigeant se montre particulièrement inquiet des négociations en cours entre les États-Unis et l’Iran sur la question nucléaire. Le Premier ministre israélien voyait pourtant dans celui qui avait décidé, lors de son premier mandat, de se retirer de l’accord nucléaire de 2015, un soutien inestimable dans l’optique de l’adoption d’une stratégie offensive qui aurait pu permettre le bombardement des installations nucléaires de la République islamique d’Iran. Certains responsables israéliens indiquent que le moment serait idéal dans la mesure où les frappes israéliennes d’octobre 2024 en Iran ont largement amoindri le système de défense aérienne iranien[11].

L’issue de ces négociations reste cependant incertaine, l’Iran ne semblant pas prêt à abandonner toute recherche nucléaire alors que Pete Hegseth, secrétaire américain à la Défense, a affirmé que « l’Iran ne peut pas avoir d’arme nucléaire » se ménageant la possibilité d’une intervention militaire si les négociations devaient s’avérer infructueuses. Le New York Times rapporte par ailleurs que Donald Trump n’écarte pas non plus le recours à l’option militaire[12]. Une autre question pourrait toutefois se poser si un accord venait à être trouvé sans offrir suffisamment de garanties à Israël. Dans une telle situation, quelle serait la position des États-Unis si l’état hébreu décidait de déclencher une opération militaire d’envergure visant les sites nucléaires iraniens ?


[1] https://www.timesofisrael.com/liveblog_entry/netanyahu-calls-trump-greatest-friend-israel-has-ever-had-hailing-his-actions-in-past-2-weeks/

[2] https://edition.cnn.com/2025/01/07/politics/trump-warning-gaza-hostages-negotiations-inauguration

[3] https://www.reuters.com/world/middle-east/deadly-israeli-strikes-pound-gaza-trump-says-people-are-starving-2025-05-16/

[4] https://www.wsj.com/world/middle-east/israel-says-it-will-allow-food-into-gaza-for-the-first-time-in-months-834048a6?mod=world_lead_pos4

[5] https://www.lefigaro.fr/international/les-bonnes-affaires-de-donald-trump-au-moyen-orient-20250515

[6] https://www.whitehouse.gov/articles/2025/05/what-they-are-saying-trillions-in-great-deals-secured-for-america-thanks-to-president-trump/

[7] https://www.timesofisrael.com/thats-no-way-to-become-a-celebrity-video-shows-edan-alexanders-call-with-trump/

[8] https://www.nbcnews.com/politics/national-security/trump-operation-houthis-cost-1-billion-rcna205333

[9] https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20250506-🔴-oman-annonce-un-accord-de-cessez-le-feu-entre-les-houthis-du-yemen-et-les-états-unis

[10] https://www.nbcnews.com/politics/national-security/trump-operation-houthis-cost-1-billion-rcna205333

[11] https://allisrael.com/israeli-officials-concerned-about-possible-weak-us-position-in-nuclear-talks-with-iran

[12] https://www.nytimes.com/2025/04/16/us/politics/trump-israel-iran-nuclear.html

Guerre en Ukraine : des avions français équipés d’armes nucléaires ? Ce que souhaite faire Emmanuel Macron

Guerre en Ukraine : des avions français équipés d’armes nucléaires ? Ce que souhaite faire Emmanuel Macron

Emmanuel Macron se dit prêt à déployer des avions français équipés de l’arme nucléaire et à en discuter avec les autres pays européens. Pourquoi le chef de l’État fait-il ce choix et sous quelles conditions ?

« Nous sommes prêts à ouvrir cette discussion ». Emmanuel Macron a franchi un pas supplémentaire vers l’élargissement de la dissuasion nucléaire française à l’Europe et veut en discuter avec les partenaires européens. Il annoncera le cadre de cet élargissement « dans les semaines et les mois qui viennent », a-t-il dit sur TF1 mardi soir.

Début mars, Emmanuel Macron avait annoncé pour la première fois « d’ouvrir un débat stratégique » sur la protection de l’Europe par l’arme nucléaire française, en réponse à une interrogation de Friedrich Merz, alors futur chancelier allemand.

Trois conditions selon Emmanuel Macron

Face aux Français, mardi soir, Emmanuel Macron a fixé trois conditions à cette possibilité d’élargir la dissuasion nucléaire française :

  • « La France ne paiera pas pour la sécurité des autres« 
  • Cet élargissement potentiel « ne viendra pas en soustraction de ce dont la France a besoin
  • « La décision finale reviendra toujours au président de la République, chef des armées »

Le président de la République a assuré que ce possible déploiement ne modifierait pas, selon lui, la doctrine française. « Depuis qu’une doctrine nucléaire existe, depuis le général de Gaulle, il y a toujours eu une dimension européenne dans la prise en compte de ce qu’on appelle les intérêts vitaux. On ne le détaille pas parce que l’ambiguïté va avec la dissuasion », a-t-il rappelé.

Le possible élargissement à l’Europe de notre arme nucléaire intervient sur fond de rapprochement entre les États-Unis de Donald Trump et la Russie de Vladimir Poutine et la crainte d’un désengagement américain majeur sur le Vieux Continent alors que l’alliance Etats-Unis-Europe dure depuis la deuxième guerre mondiale.

Cette possibilité a fait réagir le Kremlin dans la matinée. « Le déploiement d’armes nucléaires sur le continent européen, ce n’est pas ce qui apportera de la sécurité, de la prévisibilité et de la stabilité« , a déclaré Dmitri Peskov, le porte-parole de Vladimir Poutine.

« Notre Europe, elle a été faite d’abord pour la paix« 

En Europe occidentale, seuls deux pays possèdent l’armé nucléaire : la France et le Royaume-Uni. Les autres pays européens membres de l’Otan sont jusqu’ici sous le parapluie nucléaire américain.

Aujourd’hui, la doctrine française n’offre que des options limitées de coopération en matière de dissuasion nucléaire, telle que la participation d’avions européens aux exercices nucléaires français, en fournissant par exemple des chasseurs d’escorte. « Le moment que nous vivons, c’est celui d’un réveil géopolitique. Notre Europe, elle a été faite d’abord pour la paix« , a rappelé Emmanuel Macron mardi. « Le défi des défis pour nous, c’est de rester libres ».

Ukraine : vers un nouveau monde

Ukraine : vers un nouveau monde

par Jean-Baptiste Noé* – Revue Conflits – publié le 14 mai 2025

*Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d’économie politique à l’Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.

https://www.revueconflits.com/editorial-2/


Nouveau monde. Editorial de Jean-Baptiste Noé pour le numéro 57 de Conflits

Article paru dans le N57 : Ukraine Le monde d’après

En janvier 2022, l’Europe naviguait encore sur les eaux délicieuses de la fin de l’histoire : la Belgique et la France annonçaient la fermeture de leurs centrales nucléaires ; l’Allemagne vivait du gaz russe ; l’Union européenne multipliait les normes environnementales contre sa propre industrie ; les budgets militaires étaient réduits à peu de chose. En envahissant l’Ukraine, Vladimir Poutine a fait sauter ce mythe.

Penser le monde. L’enjeu du nouveau monde qui s’ouvre consiste d’abord à le penser de façon juste. La manie de rattacher chaque événement contemporain à un événement du passé, comme si l’histoire était cyclique, empêche de comprendre les changements en cours. Nous ne sommes pas dans les années 1930, les négociations européennes ne sont pas une réitération des accords de Munich de 1938 et le maréchal Pétain n’est plus au pouvoir depuis 1945. Il serait temps de regarder le monde pour ce qu’il est et non pas à travers des lunettes intellectuelles bloquées entre 1933 et 1945. De la même façon que l’affrontement en cours entre les États-Unis et la Russie n’est pas une nouvelle guerre froide et qu’il n’y a plus de « Sud » depuis longtemps, qui voudrait combattre le « Nord ». La rhétorique tiers-mondiste a fait son temps, il faut cesser de penser en réactionnaire en ramenant tous les faits actuels à ceux d’autrefois. Certes l’histoire peut aider, elle est maîtresse de vie et explique bien des choses, mais elle ne se répète pas. Nos années 2020 ne sont pas les mêmes que les années 1920.

Penser l’époque. Le trait essentiel de l’époque contemporaine, c’est le retour de la Chine, qui a rattrapé son retard. Elle fut autrefois une grande puissance économique et politique ; elle a repris la place qui était la sienne jusqu’au xviiie siècle, entraînant avec elle l’ensemble de l’Asie de la mer et de la terre. L’espace eurasiatique, qui relie l’Asie chinoise à l’Europe, concentre l’essentiel des routes commerciales et énergétiques. C’est là que se joue désormais la grande partie mondiale, que se situe la nouvelle terre du Milieu. Pour en être, il faut une armée, des entrepreneurs, des analystes, des hommes de livres et de terrain.

L’autre trait saillant de notre nouvelle époque est la montée en puissance des réseaux dissolvants : trafiquants de drogue, réseaux criminels, passeurs d’êtres humains. Une criminalité qui touche tant le sommet des États que les bases de la société, détruisant les liens humains. En dix ans, le Mexique a eu plus de morts par balle du fait des trafics de drogue, que la Syrie du fait de la guerre.

Troisième donne qui structure la nouvelle époque, la guerre cognitive, qui passe par l’information et l’encerclement intellectuel. Celle-ci a toujours existé. La propagande et le détournement médiatique à des fins politiques ne sont pas une nouveauté. Mais la puissance étant décuplée par les évolutions techniques, et l’accès à l’information facilité, la guerre cognitive est entrée dans une nouvelle dimension.

Repenser l’État. Nous ne pourrons faire l’économie de repenser le rôle et la place de l’État. Dans la vision philosophique classique, l’État a été créé par la population pour assurer sa sécurité dans une mutualisation des moyens et une coordination des fins. Ce rôle s’est transformé, mais sans le dire aux citoyens. Entre 1938 et 2023, la part des dépenses sociales est passée de 6 % de la dépense publique à 57 %. Sur la même période, la part des dépenses de défense est passée de 50 à 4 %. Ce croisement des courbes démontre un changement dans la nature de l’État et dans l’usage de l’impôt. Nous sommes passés d’un État protecteur (qui assure la défense et la sécurité) à un État-providence (qui assure les retraites et la santé)[1]. En clair, depuis 1945, la France finance l’État-providence par l’impôt de ses citoyens et sa défense, via l’OTAN, par l’impôt des Américains. D’où la colère de Trump, qui ne souhaite plus que ses contribuables financent la sécurité des Européens. Si l’on veut augmenter le budget des armées, il faudra baisser les dépenses sociales et revoir l’architecture de l’État-providence. C’est possible, mais cela impose un vrai débat de fond sur ce que nous voulons être à l’intérieur et comment nous voulons nous projeter à l’extérieur.


[1] Julien Damon, « Dépenses militaires versus dépenses sociales ? », Telos, 25 février 2025.

Conflit Inde-Pakistan : les deux pays s’accusent de violer le cessez-le-feu

Conflit Inde-Pakistan : les deux pays s’accusent de violer le cessez-le-feu

Des membres de la police indienne inspectent les débris d’un projectile non identifié dans la banlieue de Jalandhar, le samedi 10 mai, dans le cadre du conflit entre l’Inde et le Pakistan.
Des membres de la police indienne inspectent les débris d’un projectile non identifié dans la banlieue de Jalandhar, le samedi 10 mai, dans le cadre du conflit entre l’Inde et le Pakistan. SHAMMI MEHRA / AFP

Après quatre jours d’attaques meurtrières, l’Inde et le Pakistan ont convenu samedi 10 mai d’un cessez-le-feu mais quelques heures plus tard, les deux pays se sont mutuellement accusés d’avoir violé cette trêve. De fortes détonations auraient été entendues samedi soir à Srinagar, ville du Cachemire indien.

L’Inde et le Pakistan ont accepté samedi de cesser leurs hostilités après quatre jours d’attaques meurtrières de drones, de tirs d’artillerie et de frappes de missiles, mais quelques heures plus tard les deux rivaux se sont accusés de violer cette trêve.

Donald Trump a promis dimanche une prochaine croissance du commerce entre les États-Unis et les deux pays. Samedi soir, le président américain s’était réjoui que, « sous la médiation américaine », les deux puissances nucléaires rivales d’Asie du Sud aient « accepté un CESSEZ-LE-FEU TOTAL ET IMMÉDIAT ».

Quelques heures après l’annonce du cessez-le-feu, la diplomatie indienne a « demandé au Pakistan de prendre les mesures appropriées pour répondre à (des) violations (de la trêve) et traiter la situation avec sérieux et responsabilité ». Des journalistes de l’AFP ont, par ailleurs, entendu samedi soir de fortes détonations à Srinagar, ville du Cachemire indien où la défense antiaérienne est entrée en action.

Au Cachemire pakistanais, deux responsables ont rapporté à l’AFP des « échanges de tirs intermittents entre les forces pakistanaises et indiennes en trois endroits le long de la ligne de contrôle », la frontière de facto dans la région disputée. Islamabad « maintient son engagement à appliquer fidèlement » le cessez-le-feu et ses forces armées « gèrent la situation avec responsabilité et retenue », a répondu la diplomatie pakistanaise, accusant en retour New Delhi de violer la trêve.

« Augmenter le commerce »

Depuis mercredi, les deux voisins, nés d’une douloureuse partition en 1947 au départ du colonisateur britannique et dotés de l’arme nucléaire, inquiètent la communauté internationale. « Après une longue nuit de discussions sous la médiation américaine, je suis heureux d’annoncer que l’Inde et le Pakistan ont accepté un CESSEZ-LE-FEU TOTAL ET IMMEDIAT », s’était vanté samedi, à la surprise générale, Donald Trump sur Truth Social.

Dimanche à l’aube, le président américain a encore loué « la force, la puissance inébranlables des dirigeants indiens et pakistanais » et leur « sagesse » et il s’est engagé à « augmenter de manière importante les échanges commerciaux avec ces grandes Nations ». Si Islamabad a confirmé « un cessez-le-feu avec effet immédiat », une source gouvernementale à New Delhi a affirmé qu’il avait été directement négocié entre les deux adversaires et que rien d’autre ne serait discuté.

Selon le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio au contraire, les deux pays, qui se sont livrés plusieurs guerres ont « accepté de commencer des pourparlers sur un large éventail de questions dans un lieu neutre ». Pour Michael Kugelman, spécialiste américain de la région, il s’agit d’un « cessez-le-feu conclu à la hâte, à un moment où les tensions étaient à leur comble ». Et, selon lui, l’Inde n’en a pas forcément la même « interprétation » que celle des Etats-Unis et du Pakistan, deux pays historiquement très proches.

Londres a salué un cessez-le-feu « extrêmement bienvenu », Paris s’est félicitée du « choix de la responsabilité », quand Berlin a noté « une première étape importante ». Le chef de l’ONU Antonio Guterres et l’Iran ont exprimé l’espoir d’une « paix durable ». La Chine, rivale de l’Inde et allié du Pakistan, s’est dite « disposée à continuer à jouer un rôle constructif » pour « éviter toute escalade ».

« Nous souffrons le plus »

Le cessez-le-feu a apporté du soulagement au Cachemire, des deux côtés de la ligne de contrôle. Côté pakistanais, pour Imran Mir, homme d’affaires de 30 ans, cela est « vraiment bienvenu » car « à chaque conflit, c’est nous qui souffrons le plus ». Côté indien, le chef du gouvernement local Omar Abdullah s’est réjoui de « pouvoir mieux organiser l’approvisionnement et le traitement des blessés ».

Sukesh Khajuria, un Cachemiri indien, réclame toutefois de « la vigilance » car « c’est dur de faire confiance au Pakistan ». La poussée de fièvre remonte au 22 avril après un attentat qui a choqué l’Inde : des hommes armés ont abattu 26 civils sur un site touristique au Cachemire indien. New Delhi a accusé Islamabad de soutenir le groupe jihadiste qu’elle soupçonne de l’attaque, ce que son voisin a démenti fermement.

Après des sanctions et menaces, les deux pays ont lancé mercredi leur pire confrontation depuis des décennies. L’Inde a d’abord mené des frappes sur plusieurs villes pakistanaises, assurant y détruire des « camps terroristes », ce qui a déclenché attaques et ripostes. Samedi matin encore, le Pakistan avait répliqué après des tirs de missiles indiens sur des bases militaires, dont l’une aux portes d’Islamabad. Le premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif a affirmé qu’« avec l’opération Edifice compact », son pays avait « donné à l’Inde une réponse adéquate et vengé les morts innocents ».

L’Inde a reconnu avoir subi des frappes, notamment de drones, contre plusieurs cibles militaires dans le nord-ouest. Selon le bilan officiel des deux camps, une soixantaine de civils ont été tués. Cet état de guerre a provoqué d’importants mouvements de population de part et d’autre de la « ligne de contrôle ». Le Pakistan a rouvert son espace aérien mais, côté indien, 32 aéroports dans le nord-ouest restent fermés.

Le corps d’armée, nouvel étalon de puissance pour les forces terrestres

Le corps d’armée, nouvel étalon de puissance pour les forces terrestres

par Guillaume Garnier – IFRI – Date de publication : |
Briefing Corps d'armée, Guillaume Garnier, 2025

Face au retour de la guerre de haute intensité, notamment en Ukraine, le corps d’armée redevient un échelon essentiel. Seul capable de coordonner plusieurs divisions, il permet une manœuvre interarmes et multi-milieux cohérente à grande échelle. La France entend se positionner comme nation-cadre d’un tel outil de puissance.

Exercice militaire de l'armée française à Toulouse en février 2020
Exercice militaire de l’armée française à Toulouse en février 2020 Fred Marie/Shutterstock.com
  • L’armée de Terre vise la constitution d’un corps d’armée pleinement opérationnel à échéance 2030. Ce projet structurant implique une montée en puissance capacitaire, une régénération des forces et des arbitrages cruciaux dans les priorités d’acquisition.
  • Être nation-cadre d’un corps d’armée, c’est peser dans les plans de guerre,
    influer sur les opérations et asseoir son leadership en coalition. Même en temps de paix, ce rôle envoie un signal stratégique fort et renforce l’interopérabilité avec les alliés.
  • Aucun pays européen ne peut aujourd’hui armer seul un corps d’armée complet. La France doit donc structurer des partenariats solides pour relever ce défi. Un rehaussement du contrat opérationnel national et le recours à la réserve deviennent des options à envisager.

 

C’est à Napoléon que l’on doit en 1803 l’invention du corps d’armée, échelon de commandement clé dans l’organisation de la Grande armée. Il répond alors au besoin de diviser l’armée en sous-éléments à la fois mobiles et autonomes, c’est-à-dire capables d’engager un combat seul jusqu’à la concentration des autres colonnes en marche. Au contraire de la division qui lui est inférieure, le corps d’armée regroupe donc l’ensemble des armes de l’époque : infanterie, cavalerie, artillerie, génie et train. Par la suite, le corps d’armée conserve une place centrale dans les systèmes militaires des grands conflits européens puis mondiaux de 1870 à la Seconde Guerre mondiale, le plus souvent englobé dans des armées encore plus imposantes. Pendant la guerre froide, il est encore au coeur du dispositif otanien en tant que pion de référence de la « défense de l’avant » face au Pacte de Varsovie, rassemblant autour de 60 000 hommes. Dans le cas français, l’armée de Terre comptait jusqu’aux années 1990 trois corps d’armée (CA), intégrés au sein de la 1re Armée française, ainsi qu’un quatrième sous la forme de la Force d’action rapide (FAR).

Au tournant du XXIe siècle, les réductions successives des effectifs militaires ont conduit à voir cette grande unité quitter l’horizon des armées européennes, davantage habituées à compter leurs déploiements en centaines d’hommes (bataillon), au mieux en milliers (brigade) pour les opérations extérieures les plus dimensionnantes. La guerre de haute intensité sur le sol européen et le renforcement de la menace russe, conjugués à la perspective de désengagement américain, remettent en lumière ce niveau de commandement, seul à même de coordonner l’engagement d’un grand volume de forces (en dizaines, voire centaines de milliers de soldats pour les scénarios les plus dimensionnants en matière de défense collective) et d’intégrer l’ensemble des effets dans tous les champs et milieux.

Ce passage à l’échelle soulève cependant nombre de difficultés, d’ordre militaire mais également politique, puisqu’il comporte une dimension multinationale. Ce Briefing se propose d’examiner les défis à surmonter dès lors que la France entend être « nation-cadre » d’un CA « de combat », c’est-à-dire à pleine capacité opérationnelle (« warfighting corps ») et les leviers qu’elle peut utiliser dans un contexte où, à ce jour, aucun pays européen ne peut armer seul une unité de cette envergure.


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La France et la Pologne se lient par une clause de défense mutuelle

La France et la Pologne se lient par une clause de défense mutuelle

Le président Emmanuel Macron et le Premier ministre polonais Donald Tusk ont paraphé vendredi 9 mai à Nancy un traité d’amitié et de coopération renforcée, signe de l’importance stratégique prise par la Pologne sur le flanc oriental de l’Union européenne. [EPA-EFE/CHRISTOPHE PETIT TESSON]

Paris et Varsovie vont accélérer leur coopération militaire, et les deux capitales sont désormais liées par une « clause de solidarité », qui pourrait s’étendre jusqu’à la dissuasion nucléaire si les intérêts vitaux des deux pays étaient menacés.

Le président Emmanuel Macron et le Premier ministre polonais Donald Tusk ont paraphé vendredi 9 mai à Nancy un traité d’amitié et de coopération renforcée, signe de l’importance stratégique prise par la Pologne sur le flanc oriental de l’Union européenne. Ce traité bilatéral est le premier conclu par Paris avec un pays non frontalier, après ceux parafés avec l’Allemagne (1963), l’Italie (2021) et l’Espagne (2023).

« Nous avons décidé d’envoyer un signal très clair en intégrant [dans ce traité] une clause de défense et d’assistance mutuelle, dans le prolongement de nos engagements communs dans le cadre de l’OTAN et de l’Union européenne », a expliqué le président français.

Cette clause de défense « implique l’ensemble des composantes » des capacités militaires des deux pays, a encore souligné Emmanuel Macron, qui a rappelé que les intérêts vitaux des « principaux partenaires » de la France étaient intégrés dans ses propres intérêts vitaux.

Début mars, Emmanuel Macron s’était déjà dit prêt à « ouvrir la discussion » sur l’élargissement de la dissuasion nucléaire française à certains pays européens. Paris envisagerait d’ailleurs d’augmenter son arsenal nucléaire.

Le traité de Nancy doit permettre une meilleure collaboration des armées françaises et polonaises, avec des réunions régulières des États-majors des deux pays, des exercices conjoints, et surtout « la mise en oeuvre et le développement de projets conjoints » dans le domaine de l’armement.

La France cajole la Pologne, désormais poids lourd européen

Le « traité d’amitié et de coopération », qui sera signé vendredi 9 mai par Emmanuel Macron et le Premier ministre polonais Donald Tusk, illustre la volonté de Paris de choyer la Pologne qui a pris un poids considérable en Europe depuis le début de la guerre en Ukraine.

La première armée de terre d’Europe

Alors que Varsovie consacre déjà plus de 4% de son PIB à la défense, la Pologne ambitionne de devenir la première puissance militaire terrestre du continent européen d’ici 2035, avec une armée qui devrait dépasser les 300 000 hommes.

Elle aura donc « d’importants besoins en matière de formation » et pourrait s’appuyer sur l’expérience de l’armée française, note Léo Péria-Peigné, spécialiste des industries de défense pour l’Institut français des relations internationales (IFRI), et co-auteur d’une étude sur le réarmement polonais.

Pour Paris, il s’agit de poursuivre son « pivot vers l’Europe », après le désengagement de l’armée française du continent africain et le déploiement de plusieurs centaines de ses militaires en Roumanie et en Estonie. L’objectif affiché des autorités françaises est de prendre une place centrale dans la future architecture de sécurité du continent européen.

Construire un partenariat solide avec Varsovie pourrait aussi permettre d’ouvrir de nouveaux débouchés à la base industrielle et technologique de défense (BITD) française, alors que la Pologne se fournit pour l’heure principalement auprès des États-Unis et de la Corée du Sud.

L’année dernière, l’armée polonaise a commandé à Washington 96 hélicoptères de combat Apache et 48 lanceurs de missiles antiaériens Patriot. Ces dernières années, la Pologne s’est aussi équipé d’obusiers, de chars et d’avions sud-coréens.

« Nous allons progressivement introduire la préférence européenne dans l’industrie de la défense », a cependant promis vendredi le président polonais Donald Tusk.

Le « Triangle de Weimar » au cœur de l’Europe

La signature du traité de Nancy consacre le réchauffement spectaculaire des relations entre Paris et Varsovie, qui avait débuté avec la défaite aux législatives polonaises de 2023 des nationalistes du PIS. Les liens entre la France et la Pologne avaient beaucoup souffert en 2016 de l’abandon d’un contrat qui prévoyait la fourniture à l’armée polonaise de 50 hélicoptères H225M Caracal, fabriqués par Airbus.

Cette signature intervient aussi alors que le tout nouveau chancelier allemand Friedrich Merz – qui s’est rendu à Paris et Varsovie quelques heures après son élection – semble vouloir appuyer sa politique européenne sur ses deux partenaires du « Triangle de Weimar ».

La Russie, une « armée apprenante » plus puissante qu’au début de la guerre

La Russie, une « armée apprenante » plus puissante qu’au début de la guerre

 

Russian army vehicles roll during the Victory Day military parade in Moscow, Russia, Friday, May 9, 2025, during celebrations of the 80th anniversary of the Soviet Union’s victory over Nazi Germany during the World War II. (Vladimir Astapkovich/Photo host agency RIA Novosti via AP)/XSG121/25129297788103/POOL PHOTO/2505091020

par Alexis Feertchak – Revue Conflits – publié le 9 ami 2025

https://www.revueconflits.com/la-russie-une-armee-apprenante-plus-puissante-quau-debut-de-la-guerre/


La perception de l’armée russe oscille entre puissance menaçante d’un côté et faiblesse dérisoire de l’autre. Mais au cours de cette guerre, elle a beaucoup appris.

Article paru dans le numéro 57, Ukraine, le monde d’après

À quelques mois d’intervalle, la Russie aura introduit sur le champ de bataille un missile balistique expérimental de portée intermédiaire, l’Orechnik, qui a frappé la ville de Dnipro à près de Mach 10, et… des ânes pour sa logistique. Voici résumé à grands traits, volontairement forcés, l’état de la « deuxième armée du monde » telle qu’elle est souvent décrite, dessinant dans les esprits la forme d’une montagne russe ne cessant jamais d’alterner entre deux états opposés, celui d’une puissance menaçante d’un côté, celui d’une faiblesse dérisoire de l’autre. Un pays qui dépiaute des machines à laver pour trouver les composants électroniques qui lui manquent ; des soldats qui se déplacent en trottinette sur les routes du Donbass ; des chars dont les tourelles sont « satellisées » sous le coup des drones ukrainiens…

Et pourtant, une évidence s’est lentement cristallisée ces derniers mois avant d’être imposée avec virulence par Donald Trump aux Européens : héroïque, intelligente et adaptable, l’armée ukrainienne, également usée et sous pression, ne pourra pas, en l’état, reconquérir les territoires occupés par la Russie. Pire : les forces russes, mètre après mètre, continuent de grignoter l’est de l’Ukraine. Comment a-t-on ainsi pu passer ces différentes étapes médiatiques : « Kiev tombera en trois jours » (début 2022) ; « Le régime russe s’effondrera » (début 2023) ; « La Russie ne peut pas perdre » (début 2024) ; « La Russie risque de gagner » (début 2025) ?

L’armée russe s’est adaptée

À chaque étape de la guerre d’Ukraine, pris dans un faisceau déformant de biais cognitifs, la majorité des analyses occidentales ont commis de graves impairs en décrivant l’armée russe et ses adaptations. Au départ, elle a été nettement surestimée : l’opération militaire spéciale aurait rejoué la lutte de David contre Goliath. Sa rapide avancée, tous azimuts, vers Kiev, Tchernihiv, Soumy, Kharkiv, Marioupol, Kherson et Mykolaiv, a renforcé cette première impression. Et pourtant, seuls quelque 200 000 soldats russes ont attaqué le 24 février 2022 : c’est en infériorité numérique que la Russie a envahi l’Ukraine, avec des unités rétrécies puisque les conscrits n’ont pas été engagés. Ainsi, « certains bataillons avaient la taille de compagnies. À l’arrière des BTR [véhicules blindés de transport de troupes, NDLR], il n’y avait parfois que deux ou trois fantassins », illustre un officier supérieur français, fin connaisseur du conflit.

Au départ, la Russie a transposé en Ukraine une innovation organisationnelle qui avait fait ses preuves en Syrie dans un cadre expéditionnaire : les BTG (batalonnaja takticheskaja gruppa). L’idée était de créer un groupe tactique de bataillon interarmes composé d’une unité d’infanterie disposant de ses propres appuis en matière de blindés, d’artillerie et de défense aérienne. Les BTG se sont avérés un cauchemar logistique dans une guerre de haute intensité dont les lignes étaient étirées à l’extrême. L’une des premières adaptations de l’armée russe, après les errances de l’année 2022, a été d’en revenir à des unités tactiques spécialisées, avec une structuration classique sous la forme de brigades, de divisions, de corps d’armée et d’armées. Seule une telle organisation peut permettre de gérer la complexité inhérente à un conflit majeur drainant autant de ressources.

Les Ukrainiens, eux, ont privilégié les brigades, indépendantes les unes des autres : ce qui a pu apporter une flexibilité accrue à l’échelon tactique a rapidement atteint ses limites à l’échelon opératif, qui nécessite des états-majors spécifiques pour coordonner au mieux les moyens. Ce n’est qu’au début de l’année 2025 que l’Ukraine s’est résolue à créer de véritables corps d’armée. Dans le même temps, la Russie grimpe d’une marche puisqu’elle a annoncé que plusieurs de ses brigades allait devenir des divisions. Et à l’échelon supérieur, le nombre d’armées est passé de 12 au début du conflit à 16 voire 17. « La Russie dispose de meilleurs états-majors. Or, ce sont les échelons opératifs et stratégiques qui s’avèrent les plus décisifs dans une guerre, davantage que le niveau tactique, qui fait l’objet de trop d’attention médiatique », assure un haut gradé français.

Les structures et les hommes

Certes, il faut concevoir les bonnes structures, mais encore faut-il des hommes. Ce fut la principale gageure pour les Russes dont le dispositif en Ukraine, corseté par la qualification juridique d’« opération militaire spéciale », était trop maigre. En face, au début de la guerre, les forces ukrainiennes ont rapidement gagné en volume, grossies par le flux de volontaires confrontés à une menace existentielle. À l’automne 2022, la situation est devenue critique pour les Russes : tout leur dispositif étiré sur plus de 1 000 km de front s’est révélé comprimé à chacune de ses extrémités, dans la région de Kherson au sud et dans celle de Kharkiv au nord. Les deux contre-offensives ukrainiennes ont représenté une victoire spectaculaire pour Kiev, et un camouflet pour Moscou. Les Russes ont dû amorcer plusieurs manœuvres de repli, plutôt réussies, pour raccourcir le front et sanctuariser le Donbass ainsi que le corridor terrestre vers la Crimée passant par les oblasts de Zaporijjia et de Kherson.

Mais à quel prix politique ! Les Russes ont été chassés de Kherson (seule capitale régionale conquise en 2022) et surtout de leur tête de pont, devenue intenable, sur la rive droite du Dniepr, dont la conquête éclair en février 2022 avait été un succès majeur, faisant planer la menace d’un contrôle des bords de la mer Noire jusqu’à Odessa et la Transnistrie. Se dessinait alors la forme impériale historique de la « Novorossia », fantasme des nationalistes grands-russes. De l’autre côté, ils ont abandonné près de 10 000 km2 dans le sud de l’oblast de Kharkiv, qui représentait un balcon, dessiné par les contours de la rivière Donets, au-dessus du Donbass, menacé d’être pris en tenaille. Chassés de cette avancée au nord, les Russes étaient désormais contraints d’attaquer frontalement cette région lourdement fortifiée depuis 2014 pour conquérir l’intégralité des régions de Donetsk et de Lougansk, cœur de leurs revendications territoriales. C’est d’ailleurs ce qu’ils font depuis 2023, avec un certain succès, mais à un rythme assez lent (3 500 km2 conquis en 2024, par exemple).

Vladimir Poutine a néanmoins compris que ces revers nécessitaient une réponse politique et non seulement militaire : il a alors fait le choix, toujours à l’automne 2022, de lancer une mobilisation partielle de 300 000 hommes tout en décidant d’annexer les quatre oblasts. Le général Sourovikine, qui commandait alors les opérations russes en Ukraine, s’est chargé de cette période transitoire difficile : il fallait en quelques mois équiper et former les mobilisés tout en créant de solides lignes de défense. Et pendant que l’armée russe se régénérait, la longue et terrible bataille de Bakhmout, menée en grande partie par les mercenaires de Wagner, y fixait parmi les meilleures troupes ukrainiennes jusqu’en mai 2023. La stratégie patiente des Russes a payé : la contre-offensive ukrainienne de l’été 2023, visant à isoler la Crimée du Donbass en filant vers le sud dans la région de Zaporijjia jusqu’à la mer d’Azov, a fait long feu et s’est soldée par un fiasco.

Depuis l’automne 2023, la Russie a repris l’initiative sur quasiment toute la ligne de front. « On a assisté à un point de bascule puisque les Russes ne sont désormais plus en infériorité numérique », observe une source militaire française. On peut estimer que le contingent russe en Ukraine s’élève aujourd’hui à 600 000, voire 700 000 hommes (sur une armée de 1,5 million) contre environ 400 000 à 500 000 Ukrainiens. « Les Russes alignent 32 divisions et 65 brigades de mêlée, contre 17 et 33 au début de la guerre », résume un officier supérieur. Et pour arriver à ces chiffres, la Russie ne repose plus sur une mobilisation contrainte de sa population, mais s’appuie sur des cohortes de volontaires (30 000 par mois, voire plus), attirés par des salaires élevés, notamment dans les régions périphériques du pays. En face, les Ukrainiens, eux, mobilisent et se retrouvent face à une gageure : les premiers volontaires au début de la guerre étaient logiquement les plus motivés ; ceux de 2025 n’ont plus la même fougue. Les mobilisations forcées dans les villes ukrainiennes font le tour des réseaux sociaux et les médias ukrainiens s’alarment du niveau inquiétant des désertions : jusqu’à 150 000 voire 200 000 soldats manqueraient à l’appel. Le chiffre mensuel reconnu par le ministère de la Justice s’élève à 5 000, soit l’équivalent d’une brigade chaque mois qui s’évapore.

Des besoins d’hommes et d’armes

L’Ukraine est rattrapée par une loi de la guerre, qui est puissante, comme le rappelle régulièrement le géopolitologue réaliste John Mearsheimer, même s’il n’existe pas de déterminisme : le pays compte en théorie 40 millions d’habitants, mais en réalité, moins de 30 en raison de l’émigration (en partie vers la Russie) et de l’occupation russe de 18 % de son territoire. En face, la Russie compte un réservoir de 144 millions d’habitants, sans doute quelques millions de plus en tenant compte des Ukrainiens désormais du côté russe. Le rapport est donc proche de 1 à 5.

Qu’en est-il des équipements ? Les pertes russes ont été très élevées, surtout au début de la guerre. Si l’on prend l’exemple des chars, elles atteignent au moins le chiffre colossal de 3 500, soit l’équivalent de leur nombre en service au début de la guerre. Mais la Russie en compterait encore 2 500 opérationnels. L’explication repose sur les 12 000 chars de réserve, certes maintenus dans des conditions très hétérogènes. Cette profondeur de stock ex-soviétique permet à la Russie de pouvoir tenir plusieurs années d’autant que les pertes diminuent ces derniers mois et que le pays produit 1 500 chars par an (1 250 « rétrofités » et 250 neufs), soit un chiffre supérieur aux pertes. L’on pourrait raisonner globalement ainsi pour la plupart des équipements militaires. Un goulot d’étranglement semblait concerner les tubes d’artillerie, mais l’allié nord-coréen permet aujourd’hui à la Russie d’éviter toute situation critique : Pyongyang a fourni 240 canons Koksan de 170 mm et des dizaines de lance-roquettes multiples M1991 qui ont servi à créer une nouvelle division d’artillerie russe, la 34e. Rappelons par ailleurs que la Corée du Nord a livré près de 8 millions d’obus à la Russie, qui en produit 4 millions annuellement, ce qui permet sans difficulté de tirer 15 000 coups par jour.

Quid de la « dronisation », phénomène le plus marquant de la guerre ? Au début, la Russie peinait face aux Ukrainiens. Mais là encore, elle s’est adaptée, d’abord avec son allié iranien qui lui a fourni des centaines de Shahed, drones kamikazes low cost à longue portée que Moscou a améliorés et produit aujourd’hui sous le nom de Geran-2 en si grand nombre que son armée peut en tirer plus de 100 par jour dans la profondeur du territoire ukrainien. Leur doctrine d’emploi évolue aussi : « Les Russes ont introduit des leurres pour faire de la ‘déception’. Puis, très récemment, ils ont commencé à lancer des essaims de drones vers les villes ukrainiennes », commente un officier français. Quant au type de drone le plus répandu de la guerre en Ukraine, les petits FPV équipés de grenades à charge creuse qui pullulent par dizaines de milliers sur le front, la Russie a là aussi rattrapé son retard sur les Ukrainiens, les dépassent même aujourd’hui partiellement avec l’introduction de drones à fibre optique qui ne peuvent être brouillés par des moyens de guerre électronique. Il est impossible de dresser ici la liste de tous les équipements emblématiques de ce conflit, mais citons malgré tout les bombes planantes KAB allant de 500 kg à 3 tonnes : il s’agit de simples bombes à gravité (que la Russie possède par milliers) néanmoins équipées d’un kit leur permettant de franchir une distance de plus de 50 km. Les bombardiers tactiques Su-34 peuvent ainsi tirer à distance de sécurité ces armes dévastatrices et difficilement interceptables qui font des ravages sur les positions fortifiées ukrainiennes.

L’on retrouve dans l’adaptation de l’armée russe cette préférence pour des solutions rustiques, économiques et disponibles en masse. « Ce qui est crucial dans une guerre de haute intensité, ce n’est pas d’opposer le high-tech au low-tech, mais de penser en termes de smart-tech », résume un chasseur alpin français qui prend à dessein l’exemple des ânes réintroduits en 2021 par l’armée française en montagne : si leur présence sur le front a fait ricaner de nombreux observateurs, c’est à tort, car le mulet s’avère une excellente solution pour la logistique du dernier kilomètre dans des terrains peu praticables.

Tous ces éléments d’adaptation convergent vers la nature de la guerre d’Ukraine, qui est devenue au fil des mois une guerre d’attrition : l’enjeu premier pour un belligérant n’est pas d’abord la conquête du terrain ennemi, mais la destruction des capacités adverses, qui doit être plus rapide que celle de ses propres forces. À cette aune, malgré des réussites tactiques indubitables, l’Ukraine est en train de perdre pied sur le plan opératif et même stratégique face à une armée russe pour qui le temps, pour l’instant, joue en sa faveur. Si le conflit en Ukraine n’est plus une guerre de mouvement, c’est aussi en raison d’un blocage tactique sur le terrain dû à la transparence du champ de bataille et à la létalité des armes : concentrer des forces est devenue si difficile que toute grande manœuvre est quasiment exclue.

Là encore, les Russes se sont adaptés en privilégiant l’usage de petits groupes d’infanterie de la taille d’une section pour disperser les moyens et ne pas attirer les feux. Sur le modèle de Wagner, chaque pion tactique possède désormais son propre groupe d’assaut qui privilégie des modes de transport légers et rapides, à l’image de motos ou de 4 x 4 qui tentent de rouler plus vite que les drones FPV. Par rapport au début de la guerre, l’on assiste ainsi à une démécanisation partielle du champ de bataille, observable dans chacune des deux armées, même si les blindés tentent de s’adapter au nouvel environnement à coups de brouilleurs et de blindage passifs et actifs supplémentaires, créés souvent de façon artisanale. « C’est la vertu d’une logique ‘bottom-up’ [du bas vers le haut] : les premières cages électroniques sur la tourelle des chars relevaient du bricolage, aujourd’hui c’est standardisé en usine », commente un officier. Reste que, face aux drones FPV, un bon vieux fusil de chasse est souvent le meilleur remède… même si l’on observe des adaptations plus structurelles comme des routes entièrement protégées par des filets, aperçus d’abord du côté russe vers Toretsk ou Pokrovsk. Trop tardivement, les Ukrainiens ont adapté cette méthode entre Soumy et Koursk. L’effet offensif sur le terrain est forcément réduit par cette nouvelle donne qui implique des avancées processionnelles très lentes, de quelques centaines de mètres par jour. Mais une guerre d’attrition ne s’achève pas par une grande bataille décisive : l’usure finit par produire des effondrements locaux qui peuvent finalement aboutir à un effondrement systémique, qui n’a pas encore été observé en Ukraine. Le risque existe-t-il ? Un haut gradé français observe que, sur le plan tactique également, les Russes ont progressé depuis le début de la guerre : « On observe de nombreuses rotations des troupes sur le terrain. Ça leur offre la possibilité de récupérer, mais ça permet aussi à toutes les unités de lancer des initiatives tactiques, pas seulement aux quelques formations d’élite comme dans l’armée ukrainienne. Il y a une standardisation qui permet à toute l’armée de s’aguerrir ». 

En définitive, omettre que l’armée russe s’est adaptée durant ces trois ans de guerre serait offrir un cruel cadeau aux Ukrainiens. Dans Le Figaro récemment, le professeur Olivier Zajec faisait remarquer que « la vérité du terrain, cette “guerre réelle” que Clausewitz oppose à la guerre “sur le papier”, oblige à s’adapter en conduite, ce qui peut être douloureux […] Les Russes, qui ont connu des déboires en 2022, l’ont fait. Il leur a fallu beaucoup d’humiliations pour acquérir un peu d’humilité […] Les Ukrainiens, eux, ont choisi de passer le point culminant, ou y ont été incités ». Une source militaire française abonde : « L’armée russe est une armée apprenante qui a fait un bond qualitatif et quantitatif face aux difficultés, voire à ses échecs. Elle est battle-tested et battle-hardened : les mauvais cadres ont été éliminés, les mauvaises procédures corrigées, les équipements adaptés. La sélection naturelle fait son effet. » Et l’officier supérieur rappelle en prime que « la Russie se bat avec une main dans le dos » puisqu’elle n’a pas sonné la mobilisation générale et qu’elle n’est pas réellement en économie de guerre [les moyens de production civils ne sont pas utilisés, ou marginalement, pour la production militaire, NDLR]. Jusqu’à présent, la Russie n’a pas non plus ciblé le soutien occidental (satellites, AWACS, bases logistiques arrières, etc.) qui représente pour l’Ukraine une profondeur stratégique jusqu’à présent épargnée pour éviter une escalade fatale avec l’Otan. En attendant, « un monstre militaire est en train de se créer », conclut le haut gradé.

L’armée israélienne, combien de divisions ?

L’armée israélienne, combien de divisions ?

Le général de brigade Rami Aboudraham, responsable de la planification des forces de l’armée de Terre, a déclaré que plus de 75 % des réservistes répondaient encore aujourd’hui à l’appel

 


Les troupes de Tsahal dans la bande de Gaza, sur une photo diffusée par l'armée le 23 mars 2025. (Crédit : Armée israélienne)

Les troupes de Tsahal dans la bande de Gaza, sur une photo diffusée par l’armée le 23 mars 2025. (Crédit : Armée israélienne)

 

L’armée israélienne, une des mieux dotées au monde, a annoncé le rappel de dizaines de milliers de réservistes pour l’expansion de son offensive à Gaza en vue de la « conquête » de ce territoire palestinien.

De combien de forces dispose l’armée israélienne ?

Les Israéliens ayant fait leur service militaire, soit une grande partie de la population adulte, sont réservistes au minimum jusqu’à 41 ans en fonction de leur grade et de leur arme, mais ne sont pas obligés de répondre à l’appel.

L’armée israélienne dispose de 169 500 soldats, appelés et professionnels, et peut compter sur une réserve de 465 000 hommes, selon le « Military Balance », rapport annuel de l’Institut international d’études stratégiques (IISS) de Londres.

En janvier 2024, selon les dernières statistiques publiées par l’armée israélienne, 295 000 réservistes et 45 000 volontaires (hors réserve) avaient rejoint ses rangs pour participer à la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par l’attaque sans précédent du Hamas sur le sud d’Israël.

Les soldats israéliens en opération dans la bande de Gaza, une photo publiée le 18 avril 2025. (Crédit : Tsahal)

Interrogé lundi par une commission parlementaire, le général de brigade Rami Aboudraham, responsable de la planification des forces de l’armée de Terre, a déclaré que plus de 75 % des réservistes répondaient encore aujourd’hui à l’appel.

Après un an et demi de guerre, « c’est plus qu’un miracle », a-t-il dit.

Selon la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES), l’armée israélienne possède 12 divisions terrestres et cinq brigades indépendantes (parachutistes, commandos…).

Une division de l’armée israélienne compte entre 13 000 et 20 000 hommes et une brigade entre 3 000 et 7 000 hommes, selon des experts.

Selon l’IISS, l’armée de l’Air est dotée de 316 avions de combat (dont 175 pouvant agir dans un rayon de plus de 1 000 km). Par comparaison, la France en a 196.

Des avions de chasse de l’armée de l’air israélienne se préparent au décollage pour des frappes aériennes contre les Houthis au Yémen, le 5 mai 2025. (Crédit : armée israélienne)

De même source, le pays dispose de cinq sous-marins, sept corvettes et 42 patrouilleurs, dont huit lance-missiles, pour ses forces navales.

Pays de 10 millions d’habitants, Israël n’a jamais confirmé ni démenti avoir l’arme atomique mais détient 90 ogives nucléaires, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).

« Pas de manque de soldats »

Depuis le 7 octobre, Israël combat ou a combattu sur de nombreux fronts : Gaza, la Cisjordanie, territoire palestinien qu’il occupe depuis 1967, le Liban, la Syrie, le Yémen, contre les attaques de missiles et de drones des terroristes houthis, et même l’Iran, qui a attaqué directement Israël à deux reprises en 2024.

Au Liban, un accord de cessez-le-feu a mis fin le 27 novembre dernier à plus d’un an d’hostilités entre Israël et le Hezbollah, soutenu par l’Iran, mais Israël s’est maintenu dans plusieurs positions méridionales et continue de mener des frappes meurtrières dans ce pays.

Dans la foulée de la chute du pouvoir de Bashar al-Assad en Syrie en décembre, Israël a mené des centaines de frappes sur des objectifs militaires de l’ancien régime et annoncé le déploiement de troupes dans la zone tampon démilitarisée du Golan, à la lisière de la partie de ce plateau syrien qu’il occupe depuis 1967.

Affirmant agir en solidarité avec les Palestiniens, les terroristes houthis du Yémen ont, de leur côté, revendiqué des dizaines d’attaques de missiles et de drones contre Israël, qui a mené des frappes de riposte à plusieurs reprises.

« Il n’y a pas de problèmes de manque de soldats », explique à l’AFP le général de brigade en retraite, Yossi Kuperwasser, expert à l’Institut de Jérusalem pour la stratégie et la sécurité (JISS).

Selon lui, les opérations au Liban, en Syrie et au Yémen ne nécessitent pas de rappel de forces terrestres à l’heure actuelle.

« Sur la plupart des fronts, l’armée n’a pas besoin de mobiliser beaucoup d’hommes et il y a suffisamment de soldats appelés et de réservistes pour l’opération à venir à Gaza », dit Kuperwasser.

Sortir du blocage en Ukraine (avril 2024) par Michel Goya

Sortir du blocage en Ukraine (avril 2024)

Rédigé le 27 avril 2024 pour Défense et sécurité internationale Hors-série n° 96 La guerre terrestre en 2024, juin-juillet 2024

par Michel Goya – La Voie de l’épée – publié le 27 avril 2025

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


La carte de la guerre en Ukraine n’a guère évolué depuis mi-novembre 2022. Depuis cette époque, les opérations de conquête n’ont fait évoluer la ligne de front que de manière marginale à coups de quelques dizaines de km2 conquis ou perdu chaque mois. Une telle situation était inconnue depuis 1988 et la fin de la longue guerre de position entre l’Iran et l’Irak. La norme de la guerre industrielle moderne mise en place du milieu du XIXe siècle à la fin de la Seconde Guerre mondiale est plutôt celle d’un vainqueur qui s’impose aisément en quelques semaines de manœuvres. Pour peu cependant comme en Ukraine que le défenseur parvienne à résister et à se fortifier et, autre condition nécessaire, que l’on dispose de part et d’autre de ressources humaines et matérielles suffisantes pour poursuivre un combat très destructeur, et il ne faut plus alors compter alors en semaines mais en années avant de voir se dessiner la « décision ».

Une stratégie de résonance

Dans un cadre clausewitzien classique, le sort du duel entre les armées opposées décide de la perte de volonté d’un gouvernement et de son peuple. La nation vaincue sur le champ de bataille se découvre impuissante face au vainqueur et renonce à poursuivre un combat vain. En découvrant que ce duel des armes pouvait aussi être long et indécis, on a commencé à estimer que la perte de volonté à combattre pouvait commencer par l’arrière, d’où les politiques de blocus, de sédition, puis, lorsque cela a été possible, de frappes de destruction de l’économie et même de pure terreur de la population.

Dans les faits, cette stratégie d’attaque des ressources matérielles et morales de l’arrière n’a jamais réussi en soi tant que l’avant continuait à avoir des victoires, même petites, et entretenir un espoir. Qu’à la suite d’une série de revers, l’espoir fasse au contraire place à une anticipation consensuelle de la défaite et que les sacrifices de l’avant comme les efforts de l’arrière apparaissent désormais à tous comme des dépenses inutiles et une spirale défaitiste peut se mettre en place en provoquer un effondrement rapide en quelques mois, comme en Russie en 1917 ou en Allemagne en 1918.

Les deux adversaires dans la guerre en Ukraine s’inscrivent dans une telle stratégie de résonance, avec cette particularité que les arrières, et plus particulièrement du côté ukrainien, s’étendent aussi largement aux nations qui les soutiennent. On y procède donc à toute la panoplie possible des opérations de pression économique et diplomatique, de destruction ouverte ou masquée et enfin d’influence sur les esprits. Les matériaux qui modèlent vraiment les anticipations restent cependant les victoires ou les défaites sur le front, trop limitées certes pour être « décisives » mais suffisantes pour être connues de tous et modifier l’image de l’avenir de la guerre. Avec une série continue et suffisamment longue de noms de villes conquises ou au contraire brillamment défendues ou encore de destructions d’objectifs très importants par un raid ou des frappes, Russes comme Ukrainiens peuvent encore espérer après des mois et des mois d’efforts faire émerger une spirale de la défaite chez l’autre.

Dans ce bras de fer, la Russie compte beaucoup sur la paralysie de l’économie ukrainienne, sinon de sa société, ainsi que sur le découragement et la versatilité politique des pays occidentaux, tandis qu’elle ménage autant que possible sa propre population critique, au sens de « pouvant critiquer ». On n’y recourt à des combattants non volontaires qu’en dernière extrémité et ces volontaires sont eux-mêmes recrutés en périphérie géographique et sociale d’un cœur moscovite lui-même très surveillé. L’économie est militarisée au maximum de ses possibilités hors nationalisation et conversion industrielle massive, en exploitant surtout les énormes stocks hérités de l’armée soviétique. Avec l’aide bienvenue des quelques pays alliés, cet effort est là encore jugé suffisant sans provoquer une déstabilisation de la société. Sur le front, il s’agit surtout de presser l’ennemi dans tous les espaces jusqu’à, au mieux, provoquer des brèches et s’emparer de villes ou de forcer à des reculs importants, ou au pire d’éviter les défaites. Avec l’espoir d’un rapport de force toujours plus favorable, les Russes peuvent espérer accélérer les évènements et enclencher la spirale de la défaite chez l’ennemi un peu plus tard dans l’année 2024 ou plus sûrement en 2025.

Du côté ukrainien, il n’y a pas d’autres solutions que de briser cette tendance et de reprendre l’initiative afin d’infliger à nouveau de grandes défaites à l’armée russe, comme autour de Kiev et de Kharkiv au printemps 2022, dans les provinces de Kharkiv et Kherson à l’automne 2002 ou encore la neutralisation de la flotte de la mer Noire. Le problème majeur est que l’Ukraine n’a actuellement pas les moyens de générer de nouveaux grands succès. La faute en revient d’abord aux insuffisances de l’indispensable aide alliée, lente, disparate et peut-être surtout inconstante, comme en témoigne le blocage pendant sept mois du soutien matériel américain, de loin le plus important. Contrairement aux Russes, il doit être extrêmement compliqué pour les Ukrainiens de planifier correctement une stratégie opérationnelle quand celle des moyens est aussi aléatoire. Mais la faute en revient aussi à la désorganisation de la mobilisation humaine ukrainienne, très supérieure à celle de la société russe, mais encore insuffisante pour faire face à l’ampleur des défis.

Trois crises à résoudre

Avant de songer à reprendre l’initiative, l’armée ukrainienne doit commencer par résoudre plusieurs crises, avec l’aide de ses alliés. La première est celle de la défense du ciel, indispensable au moins au bon fonctionnement de la société ukrainienne, de son effort de guerre et du mouvement de ses troupes. Pour résoudre cette crise, il est difficile d’imaginer autre chose que le rachat-récupération dans le monde entier puis leur envoi en Ukraine des munitions des systèmes d’artillerie de défense aérienne (ADA) ex-soviétiques de la famille SA-10 (S-300) et des systèmes tactiques SA-8 et SA-11, l’adaptation si possible des munitions occidentales en stock sur les systèmes ex-soviétiques – avec le projet Franken-SAM notamment – et bien sûr le transfert de nouvelles batteries multicouches de Patriot-PAC 3, NASAMS, Iris-T ou SAMP-T[I]. Le problème majeur est que ces batteries constituent des actifs rares et précieux pour les pays donateurs et il faut donc convaincre certains d’entre eux de faire l’impasse sur une partie de leur défense aérienne. Une des solutions, qui résoudrait aussi le problème des compétences associées, constituerait bien sûr à déployer directement des batteries des armées nationales, à la manière du déploiement de la 18e division de défense aérienne soviétique en Égypte en 1970 en pleine guerre contre Israël. À défaut de cet engagement direct, très délicat politiquement, et puisqu’il ne faut plus rien exclure, on peut concevoir de passer par le biais d’organisations non étatiques ou par la légion des volontaires étrangers.

L’arrivée d’avions de combat européens, et peut-être américains un jour, constituera un autre élément essentiel de la défense du ciel et de la capacité de frappes en profondeur à condition de disposer de la logistique et l’infrastructure protégées adéquates et donc aussi d’ADA, d’une masse critique de plusieurs dizaines d’avions de combat et d’un capital humain de haut niveau technique, que ce soit en l’air ou au sol. Tout cela est en cours de constitution. Cela pourrait aller plus vite là aussi, là encore, avec l’engagement de « Tigres volants », c’est-à-dire de mercenaires pilotes ou maintenanciers fonctionnant sur le régime du volontariat en Ukraine, mais avec une forte prime dans leur pays d’origine. Cette nouvelle aviation ukrainienne peut avoir un effet sur le champ de bataille aéroterrestre dans le second semestre 2024.

La seconde crise ukrainienne à résoudre est celle de l’artillerie, qui est surtout une crise de munitions, de tubes et de pièces de rechange. Là, encore il n’y a guère d’autres solutions que le ratissage mondial d’obus soviétiques, y compris anciens à reconstituer, l’augmentation des productions nationales ou l’impasse sur ses propres stocks. L’artillerie est l’arme principale de la guerre de positions, que ce soit en défense et plus encore dans l’offensive où il n’est guère possible d’espérer conquérir une zone retranchée sans l’avoir neutralisé au préalable par le feu. À moins de changer de mode de combat, l’armée ukrainienne ne peut espérer infliger des défaites à la Russie, sans une puissante artillerie. C’est là cependant que les choses sont les plus lentes, avec peut-être l’atteinte d’un retour à un seuil minimal d’efficacité défensive à l’été 2024 et une capacité à appuyer des opérations offensives à la fin de l’année.

En attendant, avec la fourniture de mutions à longue portée, des missiles aéroportés Scalp-Storm Shadow aux missiles sol-sol ATACMS en passant par les bombes volantes A2SM ou GLSDB mais aussi ses propres drones de frappe, l’Ukraine est ou sera relativement bien pourvue en capacité d’interdiction jusqu’à 300 kilomètres de la ligne de front, et plus encore si elle dispose d’une capacité de pénétration aérienne. Cela autorise au moins dans l’immédiat l’entrave du corps expéditionnaire russe en Ukraine par de multiples frappes d’interdiction. Ce qui permettrait de rentabiliser encore plus cette force de frappe en profondeur serait d’autoriser les Ukrainiens à utiliser les armes occidentales sur le sol russe. Cela n’est toujours pas le cas, sauf de la part du Royaume-Uni, par la crainte d’une escalade avec la Russie, mais cela laisse une grande quantité de bases et infrastructures militaires russes interdites de tir aux Ukrainiens, à la grande frustration de ces derniers.

La troisième crise à résoudre est celle des unités de manœuvre. Le changement de rapport de forces en faveur des Russes est dû à leur capacité de feux qui a décliné moins vite que celle des Ukrainiens, mais aussi, et peut-être surtout, à leur nombre de brigades et régiments de manœuvre blindés-mécanisés qui a cru plus vite que celui des Ukrainiens. Cela a permis aux Russes de réaliser une économie positive des forces. Il y a désormais suffisamment de régiments et brigades de manœuvre dans l’ordre de bataille russe pour permettre par rotation à la fois de maintenir une pression offensive sur le front et de reconstituer et même de faire progresser les forces à l’arrière. La quantité autorise aussi la qualité tactique à condition d’avoir une solide structure de formation, et les Russes ont ainsi réussi à constituer cette infanterie qui leur manquait cruellement.

L’armée ukrainienne compte de son côté environ 80 brigades de manœuvre réellement opérationnelles, soit environ 250 000 hommes au total. Sur ces 80 brigades, on en compte seulement une dizaine à l’arrière et la plupart d’entre elles sont des brigades de constitution récente en formation dans la région de Dnipro. Toutes les autres sont collées au front, où elles subissent toutes une pression plus ou moins forte, en particulier sur les bataillons d’infanterie. Il est difficile d’imaginer pouvoir reprendre l’initiative sans créer au moins trente nouvelles brigades de manœuvre et recompléter les anciennes, le tout de manière plus homogène et avec une forte densité de fantassins et de sapeurs. Cela passe par un appel accru au reste de la société, et on ne voit pas comment éviter de mobiliser les jeunes hommes et femmes pour y parvenir. Cela passe aussi par une réorganisation de l’ordre de bataille en transformant des unités de l’armée territoriale, de la garde nationale ou des gardes-frontières en brigades de manœuvre ou en récupérant leurs ressources pour renforcer celles qui existent déjà. Le mouvement est déjà en cours avec la création par transformation de cinq nouvelles brigades de manœuvre, mais il doit s’accélérer. La formation d’état-major de corps d’armée susceptibles d’organiser l’engagement de plusieurs brigades est peut-être plus urgente encore. Là encore le processus est en cours, par exemple avec la formation récente du 30e corps de marine regroupant toutes les brigades de manœuvre et d’appui de la marine, mais on se trouve encore loin du compte.

C’est peut-être dans le domaine de la formation que l’apport européen peut-être le plus rentable. Les pays européens ont contribué à former 100 000 soldats ukrainiens de diverses manières jusqu’à la fin de l’année 2023, pour un coût relativement réduit de 350 millions d’euros [II]. Il doit être possible de faire beaucoup plus en utilisant toute l’infrastructure de formation en Europe et en Amérique du Nord, avec trois cibles prioritaires : la formation et l’équipement des états-majors complets de brigades et de corps d’armée, une formation initiale du combattant renforcée passant de cinq semaines à au minimum quatre mois, l’entraînement collectif par exercices de bataillons et si possible de brigades. Le tout doit se faire en étroite coopération avec le commandement ukrainien, qui a autant sans doute à apprendre aux armées occidentales que l’inverse. À condition d’une mobilisation accrue et une rationalisation des ressources humaines ukrainiennes, on peut espérer ainsi faire un saut quantitatif et qualitatif à l’armée ukrainienne, là encore au second semestre 2024.

Infliger à nouveau des défaites aux Russes

Il restera à traduire cette stratégie des moyens en victoires sur le terrain. La première possibilité consiste à effectuer de grands raids périphériques au front principal du Donbass jusqu’au Dniepr. Il serait possible, à la demande du gouvernement moldave, et avec des forces mobiles réduites de s’emparer de la Transnistrie, d’y détruire la minuscule 14e armée russe et de s’emparer des considérables et précieux stocks de munitions qui s’y trouvent. Une autre option serait de pénétrer dans les provinces russes de Briansk, Koursk ou de Belgorod non plus avec quelques milices d’opposants russes mais avec au moins une brigade blindée renforcée, voire un corps d’armée, afin d’y effectuer un maximum de destruction d’infrastructures et d’unités militaires russes dans la région. Cela provoquerait dans les deux cas, surtout le second, un ébranlement politique fort aux conséquences imprévisibles, d’où une grande crainte dans les capitales occidentales où on souhaite des secousses au Kremlin afin de le faire renoncer à la guerre mais pas trop.

En Ukraine, les possibilités de grands raids sont limitées à des opérations amphibies en Crimée ou au-delà du Dniepr de Kherson à Zaporijia. Ces opérations ne pourront s’effectuer qu’en proportion des moyens matériels disponibles de débarquement ou de franchissement et avec la capacité et d’alimenter de protéger une tête de pont. Avec des moyens importants, il serait effectivement possible au minimum de lancer de grands raids de destruction et au maximum de s’emparer de territoires clés, depuis la centrale nucléaire d’Enerhodar jusqu’à la Crimée tout entière. Les moyens ne sont cependant pas là, à moins qu’ils soient constitués en secret, et on ne peut pas pour l’instant envisager d’opérations aussi complexes. Cela viendra peut-être.

Il reste les actions sur le front principal. Une stratégie opérationnelle très audacieuse consisterait à changer radicalement de posture et de ne plus chercher à défendre pied à pied le terrain et s’exposer ainsi à la puissance de feu russe, mais de contrer les Russes par une défense mobile de freinage et corrosion comme autour de Kiev en 2022 suivi de contre-attaque. Outre que la chose est toujours contre-intuitive et délicate car elle suppose d’accepter de perdre d’abord à coup sûr dans l’espoir, mais seulement l’espoir, de gagner ensuite beaucoup plus. Ce mode opératoire serait sans doute plus difficile à mettre en œuvre en 2024 qu’en 2022, à cause de forces russes beaucoup plus denses et agissant de manière plus méthodique. La quasi-absence de guérilla sur les arrières russes, du fait d’un quadrillage répressif efficace, laisse des doutes sur la réussite d’opération massives de harcèlement. Un tel mode opératoire ne sera sans doute tenté que par défaut et en dernier recours.

Il y a enfin la perspective pour les Ukrainiens de relancer de nouvelles opérations offensives. L’échec de celle de l’été 2023 a témoigné de la persistance des principes fondamentaux de la guerre de positions : pas de succès possibles sans la combinaison harmonieuse sur chaque point de contact d’une puissance de feu écrasante et d’une force d’assaut intégrée, et avec la possibilité de multiplier rapidement axialement et latéralement ces attaques afin d’obtenir une véritable victoire. Il sera possible d’y songer lorsque les crises évoquées précédemment seront résolues.

En résumé, tout semble indiquer que l’Ukraine restera sous pression durant une grande partie de l’année 2024 sans grand espoir de retourner la tendance mais sans risque non plus de voir se créer cette spirale de défaite qui mettrait fin à la guerre. Les choses décisives surviendront probablement en 2025 alors que les deux adversaires auront accumulé suffisamment de ressources pour envisager des batailles avec plus d’effets stratégiques. Savoir qui sera à l’origine de ces effets dépend encore de beaucoup trop de facteurs politiques internes aux deux adversaires ou exogènes pour pouvoir le dire maintenant.

[I] NASAMS : Norwegian Advanced Surface to Air Missile System ; SAMP-T : Sol-air moyenne portée.

[II] Setting Transatlantic Defence up for Success: A Military Strategy for Ukraine’s Victory and Russia’s Defeat, Republic of Estonia- Ministry of Defence, 27 december 2023.

Ukraine: Washington menace de se retirer des efforts de paix, faute d’avancées rapides

Ukraine: Washington menace de se retirer des efforts de paix, faute d’avancées rapides

Marco Rubio arrive au Quai d’Orsay, jeudi 17 avril. (Photo by JULIEN DE ROSA / POOL / AFP)

C’est ce qu’on appelle souffler le chaud et le froid.

Jeudi soir, le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio « a transmis à son homologue russe (Sergueï Lavrov, ndlr) le même message que l’équipe américaine a communiqué à la délégation ukrainienne et à nos alliés européens à Paris: le président Trump et les États-Unis veulent que cette guerre prenne fin et ont maintenant présenté à toutes les parties les grandes lignes d’une paix durable », selon un communiqué du département d’Etat précisant que « l’accueil encourageant réservé à Paris au cadre américain montre que la paix est possible si toutes les parties s’engagent à parvenir à un accord ».

Vendredi matin, en revanche, Marco Rubio a laissé entendre que Washington pourrait se retirer des efforts de paix en Ukraine si les discussions continuaient à piétiner, après une série de réunion, jeudi, à Paris entre Américains, Européens et Ukrainiens.

« Nous devons déterminer dans les prochains jours si (la paix) est faisable ou non », et « si ce n’est pas possible, nous devons passer à autre chose » car « les États-Unis ont d’autres priorités », a-t-il déclaré à quelques journalistes, au pied de son avion à l’aéroport parisien du Bourget.

« Si ce n’est pas possible, si nous sommes si éloignés que cela ne se produira pas (la paix, ndlr), alors je pense que le président arrivera probablement à un point où il dira : Bon, c’est fini », a prévenu Marco Rubio. « Nous devons donc déterminer très rapidement, et je parle de jours, si c’est faisable ou non dans les prochains mois ».

« Je pense que le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne peuvent nous aider, faire avancer les choses et nous rapprocher d’une résolution. J’ai trouvé leurs idées très utiles et constructives », lors des discussions de la veille avec les alliés de Kiev à Paris, a commenté le chef de la diplomatie américaine. « A la marge, nous serons prêts à aider quand vous serez prêts à la paix mais nous n’allons pas poursuivre cet effort pour des semaines et des mois », a-t-il déclaré, en rappelant que cette guerre, déclenchée en février 2022 par l’invasion russe de l’Ukraine, « se déroule sur le continent européen ».

Les premières discussions sur l’Ukraine impliquant Américains, Européens et Ukrainiens, jeudi à Paris, seront prolongées la semaine prochaine par une autre réunion à Londres. Paris et Londres ont monté une « coalition des volontaires », composée d’une trentaine de pays alliés de l’Ukraine travaillant notamment à la création d’une « force de réassurance » destinée à garantir un éventuel cessez-le-feu et empêcher toute nouvelle attaque de la Russie. Mais un contingent militaire multinational en cas de paix, souhaité par Kiev, est une ligne rouge pour Moscou. Et le sujet n’a pas été abordé en détail dans les compte-rendus émis jeudi par la France.