« Aucune certitude ne peut être apportée quant à l’issue des négociations et à la conclusion d’un accord définitif entre les parties », a mis en garde Atos, vendredi 14 juin, dans un communiqué, en annonçant l’offre de l’Etat. Elle intervient deux jours après le choix du consortium mené par Onepoint pour la reprise d’Atos, et vise à éviter que ces activités, qui touchent à la souveraineté de la France, tombent entre les mains d’acteurs étrangers.
Selon Atos, son conseil d’administration, sous l’égide de la conciliatrice Hélène Bourbouloux, et sa direction « vont discuter de cette proposition avec l’État ». Avec cette offre, l’État a « tenu parole », a pour sa part fait valoir sur franceinfo le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire. Selon lui, « d’autres entreprises pourraient être partenaires » pour acheter les « activités stratégiques » d’Atos, et « garantir » ainsi qu’elles « restent sous le contrôle total ou partiel de l’État. »
« Pas bradés ». Formulée dans une « lettre d’offre confirmatoire non engageante » la proposition de l’Etat concerne « l’acquisition potentielle de 100% des activités d’Advanced Computing, de Mission-Critical Systems et de Cybersecurity Products de la division BDS (Big Data & Cybersécurité) » d’Atos, a indiqué le groupe.
Ces activités englobent les supercalculateurs utilisés pour la dissuasion nucléaire, les contrats avec l’armée française et les produits de cybersécurité. « Cette offre confirmatoire non-engageante porte sur une valeur d’entreprise globale de 700 millions d’euros », a poursuivi Atos. La valeur indicative de ces activités était estimée entre 700 millions et un milliard d’euros, avait indiqué Atos fin avril.
« Nous ferons tout pour sanctuariser la partie des actifs dits ultrasensibles, mais nous serons très vigilants à ce qu’ils ne soient pas bradés », avait prévenu mercredi dans Les Echos David Layani, patron de Onepoint, après être sorti gagnant de la compétition pour la reprise d’Atos face au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky.
Crise financière. Partenaire informatique mondial du Comité international olympique (CIO) depuis 2002, Atos sera l’un des piliers technologiques des JO-2024 de Paris. Embourbé dans une crise financière depuis près de trois ans, le groupe avait enclenché en février une procédure de restructuration.
Il avait annoncé avoir besoin de 1,1 milliard d’euros de liquidités pour 2024-2025 et vouloir réduire de 3,2 milliards d’euros sa dette brute, qui a atteint 4,8 milliards d’euros, pour sauvegarder son activité. Au cours des 12 derniers mois, l’action Atos a perdu plus de 90% de sa valeur, et affiche une baisse de plus de 20% depuis l’annonce du choix de Onepoint comme repreneur. Vendredi matin, elle progressait toutefois, à 90 centimes d’euro vers 09h35.
Enjeu majeur. Depuis le début de la chute du géant, le sort de ses activités stratégiques est un enjeu politique majeur. Sa branche « Advanced Computing » comprend les supercalculateurs et les serveurs participant à l’intelligence artificielle (IA) et à l’informatique quantique. Ces supercalculateurs sont essentiels à la simulation d’essais nucléaires ou à la gestion du parc des centrales nucléaires d’EDF.
La branche MCS, elle, comprend le système de commandement de Scorpion (programme de modernisation de l’armée de Terre), des outils de navigation pour les forces navales et la marine marchande, ou de cartographie en temps réel pour les militaires. MCS est également chargée de la sécurisation des réseaux de communication à bord des avions Rafale « F4 » de Dassault, et comprend la société Avantix, spécialisée dans les systèmes d’écoute pour les services de renseignement.
Dans la foulée du choix de Onepoint, Atos avait annoncé être entré en négociations exclusives avec le groupe français d’ingénierie Alten en vue de la vente de Worldgrid, sa filiale hautement critique qui conçoit les systèmes de pilotage des centrales nucléaires, notamment pour EDF. Dans son communiqué vendredi, Atos confirme « son objectif de parvenir à un accord définitif de restructuration financière avec le consortium Onepoint et ses créanciers financiers », pour une mise en œuvre « d’ici juillet ».