Big Data dans l’armée française : données, garde à vous !
Décisions IT : La grande muette est en manœuvre. Objectif ? La transformation numérique au service des métiers. L’arsenal ? Cloud, valorisation des données, méthodes agiles, et une bonne dose de conduite du changement. La consigne ? Respect de l’autonomie stratégique. Rompez !
L’armée française aussi s’est mise à l’ère du numérique, se dotant ainsi d’une direction générale du numérique et des systèmes d’information et de communication. Cette DGNum englobe l’ensemble de l’informatique du ministère, y compris au sein des systèmes d’armement.
Les militaires eux aussi sont appelés à participer à l’effort de guerre en matière de transformation numérique. Et cela implique des changements pour la centaine de métiers que l’armée comporte, mais sans doute plus encore dans l’immédiat pour sa fonction informatique, regroupant 20.000 personnes.
“Pas une culture très forte de la capitalisation des données”
Car comme souvent en matière de transformation, elle implique des changements au sein de la DSI, notamment culturels. C’est le cas par exemple pour ce qui concerne la donnée, l’a rappelé lors du salon Big Data 2019 son directeur.
Ainsi la DSI de l’armée assure “la gouvernance classique du système d’information“. Mais la DGNum a surtout pour mission “l’orchestration, la transformation numérique au service des métiers” souligne son patron, le vice-amiral d’escadre Arnaud Coustillière.
A noter que ce dernier remplit également la fonction d’administrateur ministériel des données. Et il aura fort à faire, car il le reconnaît, “c’est un défi majeur pour nous, et surtout un changement culturel extrêmement fort et extrêmement profond.”
Ce virage implique notamment une bascule de tous les systèmes de l’armée “pour les centrer données”. En outre, au sein du ministère, le niveau de maturité dans les données est qualifié de “variable et globalement assez faible“.
Mais même si les Armées “n’ont pas une culture très forte de la capitalisation des données“, ce n’est pas une raison pour les soldats français de tourner les talons et fuir le terrain d’opération. La direction du numérique a donc notamment pour axe fort de développer une culture de la valorisation des données.
Et aussi de mettre en place “des stratégies basées sur des cas d’usage. Seuls les cas d’usage parviendront à convaincre de l’intérêt de valoriser les données” insiste Arnaud Coustillière. A cette fin, l’armée mobilise “initiatives, cas d’usages, PoC et expérimentations dans tous les domaines. Il y a un grand foisonnement d’expérimentations aujourd’hui au sein du ministère.”
Pour déployer cette démarche, la France signera-t-elle de grands contrats avec des prestataires, comme le contrat cadre conclu avec Microsoft ? Cela semble exclu au nom de “l’autonomie stratégique“.
Les données du ministère ne sortent pas du cadre juridique national
“Quand on parle de données, de savoir-faire, d’algorithmes, il y a une ligne rouge qui est pour moi extrêmement importante. Il est hors de question que les données du ministère soit en dehors du cadre juridique national, voire européen” déclare fermement le directeur de la DGNum, Cloud Act ou pas.
A noter que trois groupes de travail ont été lancés tout récemment par le ministère pour plancher sur l’IA, l’éthique et l’IA et l’hébergement. Et en matière d’hébergement, l’Armée ne se coupera pas du cloud, même si elle privilégiera le cloud privé et dédié (où elle assurera elle-même la cybersécurité).
Du cloud public aussi ? L’armée pourra signer des contrats pour ce type de services IT, mais uniquement pour des “expérimentations, voire du DevOps rapide avant d’ensuite le réintégrer.” La DGNum communiquera en avril à la ministre sa stratégie d’hébergement, “centrée principalement sur le cloud dédié“.
Des cloud verticaux par métier devraient également coexister, précise encore le vice-amiral d’escadre. L’armée peut déjà compter sur des partenaires, donc “sous cadre juridique français” – caractéristique qui importe plus que la localisation sur le territoire.
Intégrateurs et fournisseurs de services cloud sont suffisamment nombreux et solides sans qu’il soit nécessaire de se tourner vers les Gafa, insiste le militaire, citant par exemple Thales, Orange, OVH, Atos, Outscale ou encore Sopra-Steria.
L’enjeu, rappelle-t-il, c’est l’autonomie stratégique – ainsi que la souveraineté. “Nous avons des problématiques sur les algorithmes. Comment seront-ils entraînés ? Que contiennent les algorithmes, etc. Et cela ne peut pas se déléguer, y compris à un grand allié.”
En ce qui concerne la datascience et le cloud, la maturité du ministère doit encore progresser. Si des Poc sont annoncés, c’est bien la phase d’industrialisation qui importe. Arnaud Coustillière l’avoue, c’est un des défis du moment – comme il l’est pour bon nombre d’acteurs privés, même si les plus avancés ont désormais banni le terme de PoC.
Aujourd’hui, l’armée planche sur la modification de la conduite des projets informatiques en déployant “davantage de méthode agile à l’échelle“. Pour réussir sa transformation numérique, la DGNum est allée chercher des compétences à l’extérieur, des CDO notamment, et des professionnels ayant l’expérience du passage aux cycles en V aux projets agiles.
A vos données et en avant marche, alors.