Dans l’ombre du Grand Duc
La seconde édition de l’exercice Grand Duc s’est achevée mardi, laissant place aux RETEX mais aussi et surtout au repos. Durant deux semaines, cette grande machine aura tourné à plein régime grâce à un dispositif de soutien aussi discret qu’essentiel. Retour sur celles et ceux qui s’activent dans l’ombre des soldats de l’ombre avec l’adjudant-chef Sébastien, maintenancier intégré à l’ État-major du COMRENS, basé à Strasbourg.
Depuis la première édition, en 2018, ce spécialiste de la gestion des stocks de pièces de rechange endosse le rôle clef de « major de camp », véritable chef d’orchestre du soutien des forces. Sans lui, pas de nourriture, pas d’eau, pas d’infrastructures, et, in fine, pas d’envol du Grand Duc. Quand d’autres crapahutaient dans les rivières ou se planquaient dans les bois, lui n’aura eu qu’un seul et unique objectif: « faire office de tampon entre la logistique et les unités déployées pour ne jamais se laisser dépasser par les circonstances ».
Un équilibre fragile et qu’il faut conserver 24/7, au risque d’enrayer une machinerie à la complexité croissante. De fait, le dernier exercice Grand Duc aura impliqué non moins de 700 militaires (contre 500 en 2018) et des dizaines de véhicules et aéronefs des trois forces déployés au sein d’un dispositif éclaté et mouvant, parce que supposé s’adapter en permanence à l’évolution du scénario. L’édition 2019 de Grand Duc aura donc nécessité un effort supplémentaire, traduit notamment le doublement des effectifs consacrés au soutien, passés de 30 à 60 par rapport à l’année passée.
Principale difficulté pour les tringlots ? « L’alimentation », nous répond sans hésitation l’adjudant-chef Sébastien. Durant deux semaines, les unités engagées consomment en effet près de 5000 rations de combat et 13 000 litres d’eau. Une quantité énorme et particulièrement difficile à estimer en amont. Car, gros hic, ces stocks doivent être commandés au maximum deux mois avant le lancement de l’exercice. Soit, cette année, des volumes fixés pour fin février, quand l’effectif dudit exercice n’est, lui, stabilisé qu’à la mi-mars. L’exacte définition des besoins résulte dès lors à la fois de l’arithmétique, des RETEX et d’un soupçon de hasard.
Cette étape cruciale de préparation implique en outre d’arpenter les terrains de manœuvres sélectionnés par le COMRENS afin d’en déterminer les éventuelles faiblesses. Ce fut notamment le cas sur le site de Langres, où l’installation d’une unité dans un quartier délabré aura nécessité de réinstaller un réseau électrique pour la durée de l’exercice. Le tout, en prenant soin de respecter les normes environnementales prescrites par le ministère des Armées. « C’est l’un des éléments les plus contraignants mais avec lequel nous ne pouvons nous permettre de tergiverser », rappelle le major de camp. De l’installation des douches, « nécessitant de vérifier la qualité de l’eau », à la gestion des déchets, « tout doit être pensé en amont pour ne laisser aucune trace une fois l’exercice fini ». Exit l’image du soldat en exercice démolissant tout sur son passage, place aux pratiques éco-responsables. « Au fond, cette démarche est d’autant plus logique que l’exercice Grand Duc implique des unités de reconnaissance ne pouvant se permettre d’être détectées à cause d’un déchet qui traine », ajoute l’adjudant-chef Sébastien.
Sans oublier ces petits écueils calendaires qui, bien que prévus, nécessitent une anticipation supplémentaire. La présence du 1er mai, jour férié, au coeur du programme, aura ainsi engendré le gonflement des stocks quotidiens afin de compenser la fermeture des magasins militaires le jour venu. « Je ne me voyais pas réveiller en urgence une équipe en congé à cause d’un manque d’anticipation », justifie l’adjudant-chef Sébastien.
Et pourtant, malgré d’infinies précautions, l’édition 2019 n’aura pas été exempte de couacs. Autant de situations stressantes, exigeant une réactivité et une coordination à tout épreuve. Constamment « en première ligne », l’adjudant-chef Sébastien aura dû avant tout compter sur son combi Renault Trafic, son portable, et, surtout, sur beaucoup d’huile de coude pour faire face à toutes les contingences. Exemple parmi d’autres, un véhicule de ravitaillement tombé en rade dès les premiers jours de l’exercice. D’où l’obligation de repenser le dispositif avec deux véhicules au lieu des trois nécessaires. Sans être catastrophique, cet inconvénient aura impliqué « davantage de rotations pour chaque véhicule et donc moins de souplesse ».
Jamais ces quelques obstacles n’auront menacé la bonne tenue de l’exercice. Bien au contraire, tout imprévu est un élément de plus à intégrer aux réflexions susceptible d’assouplir la mécanique de la prochaine édition. « Le RETEX de l’année passée a permis d’être plus serein cette fois-ci. Et si je devais réendosser ce rôle lors de la prochaine édition, je le serai encore plus », rassure l’adjudant-chef Sébastien.