Des LCA pour la « Marine en kaki »
(Attention, avalanche d’acronymes)
Bye Bye les antiques chalands de transport de matériel (CTM), la « Marine en kaki » débarque aujourd’hui dans le 21e siècle. La DGA vient en effet d’annoncer la notification du contrat « Engin de débarquement amphibie standard » (EDA-S) à CNIM, spécialiste français des navires amphibies. Remporté face au breton Kership et au normand CMN, ce marché prévoit la livraison de 14 navires basés sur le LCA, dévoilé par l’ETI parisienne durant le dernier salon Euronaval.
« En remportant cet appel d’offre européen, CNIM a su réaffirmer sa position d’expert de la conception de navires amphibies. Il remplacera, en effet, les chalands de débarquement de la Marine Nationale par quatorze nouveaux Engins de Débarquement Amphibie Standard, également appelé EDA-S », s’est félicité Philippe Demigné, membre du Directoire de CNIM, dans un communiqué. L’ensemble du programme, réparti sur la prochaine décennie, comprend une tranche ferme pour l’étude et la livraison des six premiers EDA-S. Des tranches conditionnelles suivront pour les huit navires restants et le soutien pour l’ensemble de la flotte.
Chargé de la maîtrise d’oeuvre, CNIM s’est adjoint les services de partenaires historiques pour mener à bien ce programme, à savoir Mauric pour la phase d’étude, Socarenam pour la construction sur son site de Saint-Malo et CNN-MCO pour une première phase de maintien en conditions opérationnelles de cinq ans. Cette configuration permettra de conserver une réelle unité de construction et de soutien, Socarenam étant à l’origine de la construction de l’EDA-R, grand frère du LCA acquis en 2009, quand CNN-MCO se charge de son MCO.
À terme, huit EDA-S intégreront la flotte amphibie (FLOPHIB) basée à Toulon, où ils formeront la batellerie embarquée à bord des trois PHA de la classe Mistral. Les six autres seront destinés aux bases d’Outre-mer (Djibouti, Mayotte, Nouméa, Fort-de-France et Dégrad-des-Cannes/Kourou). Identiques en tout point à ceux conservés en Métropole, les EDA-S destinés aux DOM-TOM redonneront une capacité de transport amphibie aux bases d’Outre-Mer de la Marine nationale, perdue avec le retrait des derniers BATRAL en 2017 et non envisagée par les BSAOM de la classe d’Entrecasteaux.
À l’instar d’un CTM trentenaire, l’EDA-S est destiné « aux opérations amphibies, au transport opérationnel et à la projection intra-théâtre par voie maritime et/ou fluviale », précisait l’appel d’offres. Ces bâtiments « auront également vocation à embarquer/débarquer sur les plages ou sur des quais non aménagés des engins, du matériel et des troupes ». Les deux premiers bateaux seront livrés d’ici une vingtaine de mois en prévision de la phase de qualification interarmées.
Selon CNIM, le LCA représentait tout simplement le meilleur compromis entre la capacité d’emport, la vitesse et le tirant d’eau. Plus long de quatre mètres que son prédécesseur, le LCA est également deux fois plus rapide (maximum 16 noeuds) grâce à une motorisation trois fois plus puissante. De quoi donner au navire une autonomie de 300 miles nautique avec un tirant d’eau d’1,2m à pleine charge identique à celui de l’EDA-R. Avec une capacité d’emport maximale de 80 tonnes, le LCA peut dorénavant embarquer un char Leclerc, ce que n’autorisait pas le CTM. Le LCA a été conçu sur mesure pour le radier du PHA afin de rendre le futur tandem EDA-S/EDA-R parfaitement compatible, inter-opérable. Un unique PHA pourra dés lors emporter jusqu’à quatre EDA-S, ou un EDA-R et deux EDA-S.
S’il présente un design à priori « classique », le LCA est une petite révolution en soi pour les opérations amphibies françaises. Sa porte arrière apporte désormais une capacité roll-on roll-off épargnant à l’équipage une manoeuvre de retournement chronophage à l’entrée du radier. À l’instar d’un roulier, cette configuration donne au LCA la capacité d’accéder à un large éventails de quais sans nécessiter un accostage par le côté. Un avantage qui permet par exemple d’embarquer des véhicules civils n’étant pas adaptés aux opérations de plageage.
Ajoutez à cet éventail capacitaire une parfaite compatibilité avec les normes OTAN et vous obtenez un parfait candidat pour le marché export. Outre une parfaite intégration avec les radiers moyen amphibies américains, le dernier-né de CNIM est, par exemple, compatible avec les LPD de classe Makassar d’origine coréenne acquis par les marines indonésienne, péruvienne et philippine. Mais le LCA et son faux jumeau, le LCX, sont aussi conçus pour opérer de manière totalement autonome, laissant aux marines de moindre ampleur le loisir d’acquérir une capacité amphibie initiale sans passer par la case « bateau mère ». Fort de cette première carte de visite prestigieuse qu’est la Marine nationale, le duo LCA/LCX peut maintenant résolument particulièrement aux zones archipélagiques dotées de peu d’infrastructures et régulièrement sujets aux catastrophes naturelles, à l’image de l’Asie du Sud-Est et du Japon.