« Formatées à souhait, nos élites politiques manquent de défense » (Octobre 2023)
ASAF – publié le 18 octobre 2023
https://www.asafrance.fr/item/l-esprit-de-defense-un-devoir-d-engagement-septembre-2023.html
Audition de M. Sébastien Lecornu, Ministre des Armées le 7 juin 2022 | Copyright Assemblée nationale
L’audition, le 18 octobre dernier, du délégué National de l’ASAF, le Colonel (h) Christian Châtillon, devant la commission de défense de l’assemblée nationale en témoigne
Le Colonel Christian Châtillon, Délégué national de l’ASAF a représenté l’Association lors de l’audition des Associations d’Anciens Combattants (dits du Groupe des 12) par les députés membres de la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale le mercredi 18 octobre 2023.
Les 24 députés présents ont écouté attentivement les remarques des associations qui touchaient particulièrement les questions de revalorisation des pensions, des points de retraite, de la prise en compte des blessés et traumatismes de guerre, des conditions d’attribution de la carte du combattant et des questions mémorielles…
L’exposé de l’ASAF ci-dessous s’est avéré complètement inédit parmi ces remarques conventionnelles.
AUDITION de l’ASAF à la COMMISSION DÉFENSE de l’ASSEMBLÉE NATIONALE
le 18 octobre 2023
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Je suis le colonel (h) Christian Châtillon, délégué national de l’ASAF et mandaté à ce titre pour vous faire part des remarques de notre association, reconnue d’Intérêt Général (IG) et créée il y a 40 ans pour soutenir l’Armée française.
Le contexte d’autrefois a bien changé, mais il est paradoxal de constater que nos Armées qui ont maintenant une bonne image auprès de la société civile ne parviennent pas à recruter suffisamment de personnels dont elle a besoin chaque année.
Le rôle de l’ASAF est de faire prendre conscience à nos concitoyens et en particulier à notre jeunesse que la liberté n’est pas un héritage définitivement acquis mais impose une condition fondamentale pour le conserver :
C’est L’esprit de défense de la nation.
Quelle formation, voire information l’État dispense t’il à notre jeunesse au sujet des Armées et de l’esprit de défense ?
Si on segmente les jeunes générations concernées, on distingue deux niveaux :
- Le premier niveau concerne la jeunesse française dans son ensemble.
- Le second niveau concerne plus particulièrement les futures élites dirigeantes.
Au premier niveau, il existe deux activités à l’action 8 du programme 169 pour sensibiliser notre jeunesse à l’esprit de défense :
1°- La Journée Défense et Citoyenneté (JDC), obligatoire jusqu‘à l’âge de 25 ans, a concerné cette année 802.567 participants pour un budget de 112,7 M €, ce qui a représenté un coût de 140,43€ par individu.
Or on remarque que cette JDC a notamment pour objet « la détection de la marginalisation et de l’illettrisme ». On peut alors légitimement se demander s’il ne revient pas au Ministère de l’Éducation Nationale de financer cette JDC dont l’objet n’est pas vraiment consacré aux armées ni à l’esprit de défense.
2°- L’autre activité de l’action 8 est le Service Militaire Volontaire (SMV) d’une durée d’un an et qui a bénéficié en 2023 d’un budget de 52 M€.
Or dans les 6 centres métropolitains en activité, il n’y a eu au total que 1.230 stagiaires volontaires, ce qui a représenté un coût annuel par stagiaire de 42.000€ soit plus du double du coût de formation pour les élèves des classes préparatoires aux grandes écoles.
Ce qui suscite l’interrogation suivante :
Est-il concevable de conserver cette mesure hors de prix en l’état d’autant que seuls 25 volontaires sur les 1.230 ont rejoint les armées ?
En résumé, ni la JDC ni le SMV n’apportent de solutions satisfaisantes au développement de l’esprit de Défense chez nos jeunes, notamment en ce qui concerne le rapport coût/efficacité. Et ce n’est pas un Service national Universel (SNU), pourtant destiné à les remplacer mais aux contours encore flous, qui va donner à cette jeunesse un esprit de défense au travers d’une connaissance réaliste et concrète des armées.
Au second niveau, c’est-à-dire la formation de nos futures élites, la situation est bien plus préoccupante.
Il s’agit de la connaissance de l’institution militaire par nos futurs hauts fonctionnaires, les décideurs politiques de demain, formés à L’ École Nationale d’Administration (ENA) devenue depuis l’Institut National du Service Public (INSP) ou à d’autres Écoles relevant du pouvoir régalien, comme l’École Nationale de la Magistrature (ENM), l’Institut National des Études Territoriales (INET), l’École des Hautes Études en Santé Publique (EHESP), l’École Nationale Supérieure de Police (ENSP) ou bien encore l’École Nationale d’Administration Pénitentiaire (ENAP).
Le rapport Thiriez du 30 janvier 2020 proposait un tronc commun de formation à toutes ces Écoles. Pour rappel, ce tronc commun d’une durée de 6 mois préconisait un service national de 6 semaines, décomposé comme suit : une préparation militaire supérieure de 3 semaines et un encadrement du Service National Universel (SNU) de 3 semaines.
Rien d’exceptionnel, certes, mais plus sérieux quand même que la Journée Défense et Citoyenneté (JDC).
En fait, le rapport Thiriez a été soigneusement enterré.
Enfin et pour terminer, le 17ème rapport du Haut Comité d’Évaluation de la Condition Militaire (HCECM) daté de juillet 2023 préconise dans sa recommandation 11, je cite : « inscrire dans la durée la sensibilisation des élèves de l’INSP (ex-ENA) aux questions de défense et au monde militaire » fin de citation, rappelant ainsi une proposition identique formulée par le même HCECM dans son 13ème rapport paru en 2017 et non suivi d’effet.
L’exemple venant d’en haut, comment s’étonner alors de la désaffection de la société civile, à commencer par ses futures élites, pour une institution militaire dont elle ignore tout.
L’ASAF tient à dénoncer fermement ce manquement grave du pouvoir régalien.
Je vous remercie de votre attention.
Colonel (h) Christian Châtillon