La maintenance prédictive s’invite sur le HK416 F
Loin de se limiter aux véhicules et aéronefs, la maintenance prédictive devrait prochainement s’inviter sur l’armement individuel du soldat. C’est ainsi que SilMach, spécialiste français des microsystèmes électromécaniques (MEMS), étudie aujourd’hui l’intégration d’un capteur de monitoring passif sur le fusil d’assaut HK416 F des armées françaises, au travers d’un programme baptisé « ShootMEMS 2 » et mené en coopération avec la DGA.
D’ici 2028, l’armée de Terre aura perçu 93 080 HK416 F en remplacement d’un FAMAS dont le « soutien devient de plus en plus difficile car le coût de maintien en condition opérationnelle est très élevé », expliquait le ministère des Armées lors des premières commandes. Près de 8000 exemplaires seront livrés en 2019, ce sont autant de systèmes d’armes dont l’entretien devra être assuré en concordance avec la « révolution culturelle » en matière de MCO poursuivie par la SIMMT. La maintenance prédictive, entre autres solutions à l’étude, est incontestablement celle qui fait le plus couler d’encre. Basée en partie sur les technologies du « big data », celle-ci envisage le développement d’outils permettant de collecter un maximum de données consécutives à l’usage des systèmes d’armes, puis de les exploiter afin de fournir un diagnostic précis.
Autrement dit, l’analyse de toutes ces variables devrait permettre à terme de « prédire » l’état de santé du système à un instant « t ». Sauf que, ce qui parait envisageable sur un véhicule, dont les données quantifiables sont issues de capteurs « globaux », l’est beaucoup moins avec un fusil d’assaut dont l’éventail de données s’avère plus spécifique et nécessite donc une technicité accrue. Il faudra donc, pour se conformer à ces contraintes, « faire l’effort de se poser la question de savoir quelle est l’information utile », mentionne Pierre-François Louvigné, Directeur des ventes de SilMach. De fait, si « collecter des millions de données est utile pour faire du big data quand ces données sont fournies par un système compatible avec un emploi opérationnel », ajoute-t-il, « il faut faire au plus simple » lorsqu’on se situe sur un dispositif tel qu’une arme individuelle. La DGA s’est dès lors concentrée sur ce qui reste l’un des facteurs d’usure principaux d’un fusil d’assaut: le tir. Par ailleurs, le second grand obstacle de toutes ces approches visant à optimiser le MCO c’est « d’avoir des technologies qui soient compatibles avec l’environnement opérationnel », précise Louvigné. Ne manquait donc qu’un système suffisamment miniaturisé, robuste et fiable pour récolter les données nécessaires à l’établissement de diagnostics. Et c’est ici que SilMach entre en piste.
Spin-off du CNRS lancée en 2003, cette PME de Besançon s’est d’emblée spécialisée dans la conceptualisation et le prototypage de systèmes MEMS. En autres applications, SilMach a conçu une nouvelle génération de capteurs passifs hybrides fonctionnant sans électronique ni source d’énergie et capables de compter et de mémoriser une multitude d’évènements mécaniques tels que des chocs, des vibrations ou des accélérations. Continuellement affûtée depuis 15 ans, cette technologie a été façonnée pour correspondre, aussi, aux besoins distinctifs de l’écosystème de défense. Elle a notamment été déployée en 2012 au sein du programme SPRAT (Système de Pose Rapide de Travures) de l’armée de Terre, afin de répondre « à un besoin de monitoring de la structure ». Soumis à des efforts importants, le SPRAT nécessitait en effet un suivi constant « pour rester dans le domaine d’emploi et pouvoir prévoir quelles seraient les limites en terme de nombre de passages par classe de véhicules ». Quelques années plus tard, ShootMEMS 2 s’insère à son tour « dans l’orientation assez générale donnée à tous les équipements en dotation, à savoir de mieux maîtriser le MCO, d’avoir des méthodes de suivi en service qui puissent constituer des données d’entrée sûres pour pouvoir piloter un soutien qui serait optimisé ».
Pour autant, ce projet de développement se limite dans l’immédiat à la vérification d’« une capacité technique du comptage de tirs ». À l’instar du SPRAT, le principe appliqué par SilMach pour le HK416 F reposera sur « un capteur micromécanique qui utilise les évènements mécaniques pour faire de la détection et du comptage ». Ce dispositif comporte une petite masse inertielle mise en mouvement par une accélération et qui va entrainer une roue de comptage, « un peu comme une roue à cliquets ». Les particularités techniques du HK416 F nécessiteront néanmoins d’adapter sensiblement les technologies MEMS maîtrisées par SilMach. « Typiquement, on rencontre sur une arme des répliques de l’accélération qui sont issues du départ de coup qu’il faudra s’abstenir de compter comme d’autres coups », nous apprend-t-on. De même, ShootMEMS 2 devra être en mesure de distinguer les différents types de munitions utilisées (balles réelles, à blanc, etc) afin de satisfaire au mieux à « une logique de suivi en service, c’est à dire de déterminer où l’on se situe dans la durée de vie résiduelle de l’arme ».
Enfin, l’accélération et le mouvement étant inhérents au fonctionnement du ShootMEMS 2, l’une des difficultés sera donc de pouvoir différencier un incident de manipulation d’un coup de feu. « Il faut éviter que le compteur retienne un tir en mémoire si, par exemple, l’arme tombe par terre » et fausse en conséquence les données récoltées. Sur demande de la DGA, SilMach devra s’attacher à spécifier et intégrer les caractéristiques des chocs potentiellement subits par l’arme afin qu’elles soient suffisamment différentes de celles d’un tir pour pouvoir les distinguer.
Bien entendu, le travail effectué par SilMach se situe très en amont de l’objectif de maintenance 2.0 voulu par la SIMMT. « Il s’agit avant tout d’un projet de développement mené afin de vérifier une capacité technique du comptage de tirs », rappelle Louvigné. Durant les 18 prochains mois, la finalité poursuivie par cette étude sera avant tout de vérifier la possibilité d’adapter un dispositif existant à son utilisation sur un tel type d’arme. La première étape consistera à définir la signature d’un tir, afin de constituer un corpus de données d’entrée. Celles-ci seront ensuite traduites en un cahier des charges, en vue de la conception et de la réalisation du capteur. Cette étape répondra à certaines contraintes d’intégration car « il faut que l’on puisse se positionner sur l’arme à un endroit qui est adapté, autrement dit que le capteur ne gêne pas l’ergonomie et qu’il n’interfère avec aucune autre fonction de l’arme ». Restera, enfin, l’évaluation en laboratoire puis sur l’arme réelle en vue de la validation de la capacité. Affaire à suivre donc.