Le terrestre, éternel parent pauvre des études amont
On ne le dira jamais assez, l’augmentation du budget des études amont d’ici 2022 envisagée par la LPM 2019-2025 est certainement un élément positif. Mais cet effort s’inscrit néanmoins « dans un contexte très flou, ce qui n’est pas sans conséquence » et tout particulièrement pour l’industrie terrestre, nuançait le sénateur Pascal Allizard (LR) le 16 mai en Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Petit rappel : les études amont (EA) sont définies comme « des recherches et études appliquées rattachées à la satisfaction d’un besoin militaire prévisible et contribuant à constituer, maîtriser, entretenir ou à développer la base industrielle et technologique de défense (BITD), ainsi que l’expertise de l’Etat nécessaires à la réalisation des opérations d’armement », précise le projet de loi de finances pour 2018. Ces études amont représentent donc une source de financement indispensable pour la R&D des membres de la BITD française. En 2018, l’effort sur le terrestre portera surtout sur le programme Scorpion, la défense NRBC et la santé.
Totalement absent du projet de LPM, le calendrier de remontée en puissance des EA est désormais connu : de 723M€ cette année, les financements grimperont à 762M€ en 2019, puis 832M€ en 2020, 901M€ en 2021, 1Md€ en 2022 et, enfin, 1,02Md€ en 2023. Une trajectoire que le sénateur LR souhaite intégrer dans le rapport annexé, « afin de consolider les intentions du Gouvernement ».
Reste, ensuite, à répondre à l’épineuse question de la répartition des crédits, pour laquelle tant le Gouvernement que la DGA ont opté pour un mutisme complet. Seul le dernier rapport de la Cour des comptes sur la Coopération européenne en matière d’armement permet de détailler la distribution exacte des crédits en 2015 entre industriels du naval, de l’aérien et du terrestre. Ces chiffres démontrent que Nexter et Renault Trucks Defense (Arquus) n’ont capté respectivement que 13M€ et 4M€ des 738.9M€ alloués… quand DCNS (Naval Group), Thales et Airbus en recueillaient à eux seuls plus de la moitié.
Une tendance qui semble se confirmer avec le PLF 2018, dont le volet terrestre de la sous-action 7.3 « Etudes amont » est particulièrement explicite. Si la PLF prévoit une hausse de 22% de ce volet, celui-ci restera limité à 7% du budget total, lorsque la dissuasion et l’aéronautique représentent à eux seuls plus de la moitié. Une situation d’autant plus inexplicable que la BITD terrestre est aujourd’hui profondément engagée sur le programme Scorpion, dont la complexité des systèmes n’est plus à démontrer.
Et la bataille pour les futurs crédits risque sera d’autant plus âpre que de nouveaux acteurs pourraient s’y inviter. Selon Allizard, la question de l’accès des ETI et PME à ces crédits est en effet « tout aussi cruciale ». De même, la ministre des Armées Florence Parly a annoncé mi-mars la création d’une Agence de l’innovation de défense « ouverte sur l’économie civile, les start-up, tournée vers l’Europe pour permettre le développement de projets de défense innovants ». Grâce au milliard d’euros annoncé, cette agence est appelée à « piloter l’innovation du ministère dans une logique de portefeuille de projets, sans peur de l’échec, sans aversion au risque », précisait alors Parly.
Il convient donc dés maintenant de « suivre cette question de près », insiste Allizard. Tout se jouera dans les mois qui viennent, ajoute le sénateur, qui invite ses collègues « à être mobilisés et vigilants dès cet automne ». Affaire à suivre.