Pour la maintenance aéronautique, Mme Parly préfére « la rationalité Ford » à « l’imagination de Kafka »
par Laurent Lagneau – Zone militaire – Publié le 27-09-2018
En décembre 2017, la ministre des Armées, Florence Parly, présenta une réforme du Maintien en condition opérationnelle [MCO] aéronautique. Il s’agissait alors d’une urgence étant donné que, en 15 ans, la disponibilité des aéronefs avait baissé globalement de 10% alors que les coûts de maintenance s’était envolés, durant la même période, de 40%.
« Il faut que ça vole », avait alors lancé Mme Parly. Et d’annoncer la création la Direction de la maintenance aéronautique [DMAé] pour remplacer la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense [SIMMAD]. Et, en avril, Mme l’ingénieur général hors classe de l’armement [IGHCA] Monique Legrand-Larroche a été officiellement nommée à sa tête.
Lors d’un discours prononcé à l’occasion du salon « ADS Show », organisé sur la base aérienne de Mérignac, ce 27 septembre, Mme Parly a indiqué, entre deux formules bien senties, ce qu’elle attendait des différents acteurs impliqués dans la maintenance aéronautique.
Le problème du MCO Aéronautique n’est pas un problème de moyens (au passage, les crédits alloués à la maintenance des matériels seront augmentés de 8% à la faveur du budget 2019, pour être portés à 4,2 milliards d’euros) mais d’organisation, de méthode et de responsabilités. « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué »…
Or, pour Mme Parly, « chaque euro dépensé » doit être un « euro utile ». « Je veux que l’argent employé le soit à bon escient, que les investissements réalisés soient fructueux, que si nous donnons priorité à la maintenance, il y ait des résultats rapides et visibles », a-t-elle dit.
Et cela passe donc par un changement radical d’approche. « La DMAé, ce n’est pas l’école des fans. Non, tout le monde n’aura pas toujours gain de cause. Non, la recherche d’un consensus mou n’est pas la panacée. Oui, il faudra prendre des décisions dans l’intérêt de la maintenance aéronautique, dans l’intérêt de nos forces, de nos opérations et de notre préparation opérationnelle », a prévenu la ministre.
L’un des défis que la DMAé aura à relever sera d’abord celui de ses ressources humaines. Pour Mme Parly, cette direction centrale a besoin de « stabilité » et « d’encadrement », ce qui passera pas une hausse du nombre d’ingénieurs et de techniciens civils pour assurer le suivi de contrats devant s’inscrire dans un cycle long. Ce qui est plus compliqué avec des militaires obligés de changer d’affectation tous les deux ou trois ans.
« J’ai fixé à Monique Legrand-Larroche l’objectif de passer de 20% à 40% de personnels civils d’ici 2021 avec comme objectif que la moitié des effectifs de la DMAé soient civils à la fin de la LPM en 2025. Sur la même période, les effectifs des cadres devront augmenter et passer de 28 à 35% d’ici 2021 et 40% en 2025 », a ainsi précisé Mme Parly.
Ensuite, la DMAé devra mettre un terme à la situation – ubuesque – des contrats MCO. Par exemple, la maintenance des Cougar est couverte par « 21 marchés de soutien » alors que le disponibilité moyenne est de 6,6 appareils sur une flotte qui en compte 26. Pour la ministre, un effort de rationalisation s’impose.
« Sur Rafale, l’objectif est de passer de 25 contrats aujourd’hui à 2 contrats principaux dès 2019. Sur l’Atlantique 2, utilisée au-dessus de la mer comme sur des théâtres d’opérations terrestres, nous passerons de 24 à 3 contrats. Le même effort sera entrepris sur les hélicoptères : le Cougar, très employé par nos forces spéciales et en opérations extérieures, passera de 21 à 4 contrats, tout comme le Caracal », a annoncé Mme Parly.
Un autre enjeu majeur concerne la gestion des stocks de pièces détachées. Et, là aussi, la situation peut être kafkaïenne. « Le stock des rechanges aéronautique est considérable, il représente un montant énorme : 13 milliards d’euros. Ma conviction est double, ce stock ne correspond pas à notre juste besoin et nous n’avons pas besoin de tout gérer nous-mêmes », a estimé Mme Parly, pour qui il il faut « aussi mettre fin aux coupures entre les prestations logistiques et industrielles et rationaliser les processus logistiques dans nos bases, alors que parfois plusieurs stocks différents opérés par plusieurs acteurs différents coexistent. »
Pour la ministre, il s’agit que le ministère des Armées fasse bien ce qu’il a à faire et qu’il confie « confions ce qui peut être fait avec plus de performance et un coût maîtrisé aux industriels ». En clair, a-t-elle résumé, « que j’aimerais que le MCO aéronautique s’inspire un peu plus de la rationalité Ford et un peu moins de l’imagination de Kafka. »
Cela étant, Mme Parly veut rapidement des résultats. « Dès 2018, nous visons une augmentation de 15% de la disponibilité du Caracal. D’ici la fin de l’année, nous devrons doubler le nombre d’A400M disponibles de 3 à 6, aussi, passer de 6 à 7 Atlantique 2 disponibles. Des objectifs associés aux systèmes d’information du MCO aéronautique, à la gestion du maintien de la navigabilité et au maintien en condition de sécurité des systèmes sont également fixés. Et en 2019, nous devrons continuer sur cette voie, amplifier le mouvement », a-t-elle affirmé.