Que la France cède son siège à l’UE au Conseil de sécurité de l’ONU? « Stupide! », juge M. Le Drian
En novembre 2018, le ministre allemand des Finances, le social-démocrate Olaf Scholz, estima que la France devait céder sa position de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies au profit de l’Union européenne [UE].
« Si nous prenons l’Union européenne au sérieux, elle devrait également parler d’une seule voix au sein du Conseil de sécurité des Nations unies […] À moyen terme, le siège de la France pourrait être transformé en siège de l’UE », avait en effet déclaré le ministre allemand.
Le plus prompt à réagir aux propos de M. Scholz fut Gérard Araud, l’ambassadeur de France aux États-Unis. « C’est juridiquement impossible », avait-il fait valoir via Twitter. Puis le Quai d’Orsay prit la relève, en assurant qu’il n’était nullement question d’aller dans le sens voulu par le ministre allemand.
La déclaration de ce dernier n’était pas des plus avisées dans la mesure où elle donna du grain à moudre à ceux qui voyaient dans le traité franco-allemand devant être signé à Aix-la-Chapelle un effacement de la France au profit de l’Allemagne. Sur la question du Conseil de sécurité de l’ONU, l’article 8 de ce texte était pourtant clair : Paris soutiendrait les efforts de Berlin pour obtenir un statut de membre permanent sans pour autant renoncer au sien.
Cela étant, traité ou pas, la clarté n’est pas le fort de la position allemande sur ce sujet. Le contrat de coalition gouvernementale [.pdf] signé par les chrétiens démocrates de la CDU et les sociaux-démocrates du SPD dit en effet ceci : « L’Allemagne veut assumer davantage de responsabilités en matière de paix et de sécurité, notamment en occupant un siège permanent au Conseil de sécurité. Pour les années 2019-2020, nous aspirons à un siège non-permanent au Conseil de sécurité. Pour l’avenir, nous ambitionnons d’obtenir un siège permanent pour l’Union européenne. »
Or, le 11 mars dernier, en écho à une tribune publiée par Annegret Kramp-Karrenbauer, la présidente de la CDU, la chancelière allemande, Angela Merkel, a estimé que les « voix européennes doivent être regroupées au Conseil de sécurité de l’ONU et donc converties en un siège européen ». Dans ce cas, que deviendrait la voix de la France?
Encore ministre chargée des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, a alors répondu à Mme Merkel en reprenant l’argumentaire utilisé quelques semaines plus tôt. En un mot, la France est favorable à ce que d’autres pays, dont l’Allemagne, puissent obtenir un siège de membre permanent au Conseil de sécurité mais il n’est absolument pas question qu’elle ait à céder le sien.
Mais c’est le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui aura eu sans doute les mots les plus forts pour couper court à cette affaire. « Les débats en Allemagne en faveur d’un siège européen unique au Conseil de sécurité de l’ONU n’ont pas de raison d’être », a-t-il dit, le 29 mars.
« La position française, et je crois que c’est aussi la position allemande puisque cela a été intégré dans un traité [d’Aix-la-Chapelle], est qu’il faut se mobiliser pour que l’Allemagne ait un poste permanent au Conseil de sécurité. Mais pas le poste de la France, tout cela est stupide! », a continué le patron du Quai d’Orsay.
« Depuis 1945, la géopolitique du monde a changé et il est logique qu’un certain nombre de pays » comme « le Japon, le Brésil, l’Inde, certains pays africains et l’Allemagne évidemment, puissent avoir leur place de permanent au Conseil de sécurité mais pas au détriment des autres », a encore insisté le chef de la diplomatie française.
Et M. Le Drian de conclure : « La France gardera son siège au Conseil de sécurité, souhaitons que l’Allemagne puisse elle-même avoir le sien. »