Défense collective civile NRBC 2/2

Défense collective civile NRBC 2/2

Par le Capitaine Benjamin Neuville* – Revue militaire générale n°54 – CDEC  –

Saut de ligne

L’attitude populaire est une des clefs de la résolution de toute crise. Face à un attentat d’un genre nouveau, il est vraisemblable que la situation locale sera aggravée par l’adoption de comportements inadaptés et la saturation des services vitaux de l’État.

L’attitude de la population, de plus en plus inapte à supporter les situations de stress, est un enjeu réel pour la stabilité politique et sociale de la nation. La technologie et la coopération des services ne pouvant constituer l’unique ressort de la résilience nationale, l’éducation de la population doit être un axe d’effort majeur de la préparation aux enjeux sécuritaires sur le territoire. Publiés en décembre 2016, le guide SGDSN « Faire face ensemble, vigilance, prévention et protection face à la menace terroriste » marque la volonté politique française d’impliquer l’ensemble de la communauté nationale en s’adressant, entre autres, directement au citoyen. Accompagné d’un ensemble de fiches et de guides de bonnes pratiques, il constitue une ressource pédagogique louable. Toutefois, il est douteux que la démarche ait, à ce jour, obtenu toute l’attention de l’ensemble de nos concitoyens. Ainsi, dans sa version intégrale, la vidéo Réagir en cas d’attaque terroriste cumule 40 000 vues sur la plate-forme Youtube, représentant un Français sur 1 500, soit 120 personnes présentes sur les lieux si une attaque se déroulait au Stade de France. De manière sporadique, des exercices de réaction collective à des scénarii d’attaque NRBC du niveau préfectoral ont été exécutés avec le concours de figurants civils47, mais ce type d’intégration reste trop rare pour être qualifié de préparation collective.

La défense collective civile moderne est aussi vieille que la Première Guerre mondiale. Ainsi, la Grande-Bretagne réagissait à la menace aérienne allemande par l’organisation d’un programme de défense civile requérant la participation de la population générale. Cet effort collectif,  vite copié par les autres nations de l’Entente, comprenait notamment une éducation à la vigilance contre le sabotage, des actions de soutien au moral du combattant et la mise en œuvre d’un système coordonné d’alerte et de mise à l’abri.

 

Perspectives passées et futures

Démontrant l’intérêt tactique et stratégique de la mise à contribution des citoyens, le système a été maintenu et intensifié jusqu’à la Seconde Guerre mondiale où le spectre de la menace chimique a été largement pris en considération, au point de doter l’ensemble des populations exposées de masques anti-gaz de qualité militaire, mesure outrageusement coûteuse si l’on prend, de plus, note de l’absence totale d’usage de gaz de combat pendant le dernier conflit mondial.

Au cœur de la Guerre froide et dans la crainte collective de l’holocauste nucléaire, l’effort civil pour se préparer à une attaque militaire a atteint un paroxysme aux États-Unis sous la responsabilité du bureau de la défense civile48. Largement financée et s’appuyant sur un corpus documentaire imposant, la défense civile US conduisait des missions d’éducation du public au travers de la publication de livrets, de l’organisation d’exercices d’évacuation et de documentaires-fictions télévisés sur le thème de la réponse à l’imminence d’une attaque nucléaire.

Toutefois, la France aujourd’hui, à l’instar d’à peu près n’importe quelle nation du globe, ne peut vraisemblablement pas envisager de payer le double tribut des coûts de telles mesures et de l’installation de la psychose collective. En 2005, le général Scellos, chef de la division maîtrise des armements de l’état-major des armées, l’expliquait ainsi :

« Il ne servirait à rien de distribuer soixante millions de masques à gaz en France […] et il serait contre-productif  de provoquer une paranoïa au sein de la population ».49

 

En janvier 2018, Emmanuel Macron annonce la transformation de sa promesse de campagne de rétablir un service national universel obligatoire, de toute façon jugée irréaliste sur les plans budgétaire et organisationnel, organisé en « parcours citoyen ». Ce dernier pourrait prendre la forme d’une semaine sanctuarisée d’instruction civique par année de la 6e à la terminale. Encadré par le corps enseignant et par les volontaires du service civique, il semble peu vraisemblable qu’il laisse beaucoup de place à une éducation de défense simple, pratique et de qualité, au-delà de l’initiation au secourisme.

*Issu du recrutement semi-direct,  le capitaine Benjamin Neuville a servi dix ans au 2e régiment de dragons, régiment de défense NRBC de la force opérationnelle terrestre. Pour préparer la suite de son parcours dans le domaine, il a suivi un Master 2 de protection radiologique dans le cadre de l’EMS 1.


 

46  Le Monde, mai 2005, « Contre la menace atomique, biologique et chimique, la protection des populations reste aléatoire ».

47 Vidéo Youtube « Attaque chimique à Rouen », 600 vues.
48 Office of Civil Defence ; source : A higher form of killing, Robert Harris et Jeremy Paxman, Random house trade paperbacks, 2002.
49 Le Monde, mai 2005, « Contre la menace atomique, biologique et chimique, la protection des populations reste aléatoire ».