Paris, Londres et Washington rejettent les allégations russes sur l’éventuel emploi d’une « bombe sale » par Kiev

Paris, Londres et Washington rejettent les allégations russes sur l’éventuel emploi d’une « bombe sale » par Kiev

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Les propos tenus le 23 octobre par le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, à ses homologues français [Sébastien Lecornu], américain [Lloyd Austin] et britannique [Ben Wallace], ont de quoi être inquiétants dans la mesure où ils rappellent la méthode utilisée par Moscou pour dédouaner préventivement le régime syrien de la responsabilité des attaques chimiques qu’il était sur le point de commettre.

Tel a été le cas de l’affaire de Douma, en 2018. À plusieurs reprises, les autorités russes accusèrent les rebelles syriens, qui contrôlaient alors ce quartier de la Ghouta orientale, de préparer des « provocations aux armes chimiques » afin de donner un prétexte à la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis pour intervenir contre Damas. « La découverte d’un laboratoire fabriquant des armes chimiques dans le village d’Efteris, repris aux terroristes, le confirme », avait même affirmé le général Gerasimov, le chef d’Etat-major russe.

La suite est connue : le 7 avril, une attaque au chlore y fut menée par les forces syriennes… Ce qui motiva l’opération Hamilton qui, décidée par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, consista à frapper les installations du programme chimique syrien.

Peu après le début de la guerre en Ukraine, le ministère russe de la Défense a utilisé la même ficelle, cette fois-ci contre Kiev. « Nous savons avec certitude qu’avec le soutien des pays occidentaux, le SBU [Service de renseignement ukrainien, ndlr] prépare une provocation à travers l’emploi de substances toxiques contre des civils », avait en effet affirmé le général Igor Konashenkov. Et d’ajouter : « Le but de la provocation est d’accuser la Russie d’utiliser des armes chimiques contre la population ukrainienne ».

En outre, Moscou avait également affirmé avoir les preuves de l’existence d’un programme ukrainien d’armes biologiques, soutenu par les États-Unis. « L’objectif de ces recherches biologiques financées par le Pentagone en Ukraine était de créer un mécanisme de propagation furtive de pathogènes meurtriers », accusa le général Konashenkov.

En réalité, il s’agissait du programme de « réduction des risques biologiques » [Defense Threat Reduction Agency – DTRA] visant, avec l’aide de Washington, « à consolider et sécuriser les collections de pathogènes dangereux dans des laboratoires de référence ou des dépôts centraux, améliorer la sûreté et la sécurité des installations biologiques ». D’autres pays en ont d’ailleurs bénéficié, comme la Géorgie ou encore l’Ouzbékistan. Et, en mai, l’ONU a confirmé qu’il n’y avait « aucune trace d’un programme secret d’armes biologiques » en Ukraine.

Mais lors de ses entretiens avec ses homologues occidentaux, M. Choïgou a accusé l’Ukraine de préparer une attaque sur son territoire à l’aide d’une « bombe sale » [ou bombe radiologique] en vue d’en faire porter la responsabilité Moscou.

« Le ministre des Armées [Sébastien Lecornu] s’est entretenu ce dimanche 23 octobre avec son homologue russe, Sergueï Choïgou, à la demande de ce dernier. Sergueï Choïgou a dit craindre une frappe de bombe sale par les Ukrainiens sur leur territoire pour en faire porter la responsabilité à la Russie », a ainsi indiqué le ministère des Armées, via un communiqué.

Pour rappel, une bombe radiologique associe des explosifs à des matériaux radioactifs. Elle ne produit pas d’effet spectaculaire [ce que recherchent les organisations terroristes, dont certaines ont été accusées d’avoir cherché à en fabriquer]. En revanche, elle peut rapidement exposer la population à la radioactivité, comme l’a montré l’affaire de Goiania [Brésil], où, en 1987, il avait suffi de 20 grammes de césium trouvés dans un appareil de radiologie volé pour contaminer plus de 100’000 personnes en quelques heures [sept en mourront].

Aussi, au regard de l’expérience syrienne, la Russie prépare-t-elle une opération sous « fausse bannière » avec une « bombe sale »?

Selon le communiqué du ministère des Armées, M. Lecornu « a rappelé que la France refuse toute forme d’escalade, singulièrement nucléaire » et qu’elle « appelle la Russie à mettre un terme à sa guerre d’agression contre l’Ukraine et à tout mettre en œuvre pour contribuer à la désescalade ».

Les ministères des Affaires étrangères français, américain et britannique ont été encore plus précis, dans un communiqué publié conjointement. « Nos pays ont clairement indiqué qu’ils rejettent les allégations, à l’évidence fausses, de la Russie selon lesquelles l’Ukraine se prépare à utiliser une bombe sale sur son propre territoire. Personne ne serait dupe d’une tentative d’utiliser cette allégation comme prétexte à une escalade. Nous rejetons plus généralement tout prétexte d’escalade de la part de la Russie », ont-ils assuré.

De son côté, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a affirmé que « si la Russie appelle et dit que l’Ukraine serait en train de préparer quelque chose, cela signifie que la Russie a déjà préparé tout cela » et si elle « préparé une nouvelle étape dans l’escalade, elle doit voir maintenant, de façon préventive et avant un de ses nouvelles ‘saletés’, que le monde ne l’acceptera pas ».