LPM 2024-30 : La Marine nationale ne devrait pas obtenir davantage de frégates dites de « premier rang »
Plus récemment, le Centre d’études stratégiques de la Marine [CESM] a publié un rapport détaillant ce « réarmement », qui ne concerne pas seulement le nombre de navires de premier rang qu’une force navale est capable d’aligner… mais aussi les évolutions technologiques et l’investissement dans de nouveaux espaces de conflits [cyber, fonds marins, espace].
« En devenant un lieu de contestation et de compétition, la mer redevient une zone de confrontation et potentiellement d’affrontement. La mise en place de stratégies assumées de remise en cause du droit, de politique du fait accompli ou de provocations calculées augmente le risque d’incidents et de confrontations aux conséquences imprévisibles. Le combat naval de haute intensité redevient une hypothèse possible, voire probable », est-il expliqué dans ce document.
Et d’ajouter : « L’acquisition de moyens d’action navale nombreux, puissants et coûteux contient en elle-même la volonté sous-jacente des États de s’en servir le jour où ils jugeront, selon leurs critères propres, que leurs intérêts sont en cause. Cependant, l’affrontement, s’il devient possible, n’est pas inéluctable, détenir des moyens navals puissants est aussi un moyen de faire prévaloir ses intérêts sans atteindre le combat direct ».
Évidemment, cette tendance n’est pas sans conséquence sur le contrat opérationnel de la Marine nationale… qui ne dispose [théoriquement] que de quinze frégates dites de premier rang… Et encore, en « trichant » un peu puisque les frégates de type La Fayette modernisées sont comptées. Les précédents CEMM ne manquèrent pas de dénoncer [à mots couverts] cette situation… Situation dont les effets se font sentir aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine et les tensions avec la Russie. « Avec la pression croissante exercée par les Russes en Atlantique, le besoin de frégates augmente, ce qui diminue notre capacité à réaliser d’autres missions ailleurs », a ainsi récemment confié l’amiral Vandier.
Cela étant, les parlementaires sont conscients de l’insuffisance du format de la Marine, laquelle est dénoncée à longueur de rapports. Comme encore en octobre dernier, avec celui du député Yannick Chenevard [Renaissance, majorité].
« Il n’est clairement pas adapté à la menace actuelle et encore moins future, tout en exposant la Marine, dans l’accomplissement de ses missions, à une suractivité qui épuise marins et matériels. […] Dans ces conditions, le retour au format d’avant le livre blanc de 2013 – dix-huit frégates de premier rang – apparaît comme le strict minimum » et « au-delà des frégates, l’une des questions majeures à trancher dans les prochaines années sera celle d’un deuxième porte-avions identique au PA-NG », a plaidé ce dernier.
La Loi de programmation militaire 2024-30, qui sera dotée de 413 milliards d’euros, remédiera-t-elle à cette situation? Rien n’est moins sûr… Lors de ses vœux aux Armées, le 20 janvier, le président Macron a seulement parlé d’augmenter « la puissance et la protection » des frégates et confirmé le développement du porte-avions de nouvelle génération [PANG].
A priori, et alors que les derniers arbitrages de cette future LPM sont encore en cours, la messe est dite. En tout cas, c’est ce que suggère la réponse faite par Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, alors qu’il était interrogé sur le nombre de frégates dont disposera la Marine dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Valeurs Actuelles.
« On ne peut plus en 2023 ne regarder que la seule gamme des frégates. Il faut repartir des nouvelles technologies comme des missions et elles sont très différents pour notre Marine nationale, passant de la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire à la lutte contre les trafics en tout genre, sans oublier les différentes capacités de projection », a dit M. Lecornu.
À titre de comparaison, selon les projections du CESM, la Marina Militare disposera de 17 navires de premier rang à l’horizon 2030, soit deux de moins que la Royal Navy. A contrario, la Marine nationale comptera plus de navires dits de second rang – comme par exemple les dix patrouilleurs océaniques, qui remplaceront les avisos de la classe « ‘Estienne d’Orves » – par rapport à son homologue italienne [24 contre 14]
« Le président de la République aura l’occasion bientôt de développer en détail la feuille de route pour notre outre-Mer, ce qui est une particularité française là aussi », a par ailleurs ajouté. Sur ce point, il est question de remplacer les actuelles frégates de surveillance, faiblement armées, par des navires issus du programme « European Patrol Corvette » [EPC].
Enfin, M. Lecornu a de nouveau assuré que la « France aura un groupe aéronaval à propulsion nucléaire à l’horizon 2040 » car « c’est l’un des outils de notre capacité militaire mais aussi de notre diplomatie ».