Le livret A pour financer la défense : trois députés relancent l’idée
Trois mois après la censure par le Conseil constitutionnel d’un article de la loi de programmation militaire fléchant une partie de la collecte du livret A vers les industries de défense, trois députés déposent un nouvel amendement pour pousser le projet.
Des canons Caesar dans l’usine de Nexter/KNDS à Roanne (Loire)
Une partie de la collecte du livret A va-t-elle financer l’industrie de défense ? Éjecté par la porte, le projet revient par la fenêtre. Le 28 juillet dernier, le Conseil constitutionnel avait censuré un article de la loi de programmation militaire 2024-2030, l’article 52, qui prévoyait de consacrer à l’industrie militaire une partie des fonds de l’épargne réglementée. Motif du rejet : l’article, rajouté lors de la commission mixte paritaire sur le projet de LPM sous pression du Sénat, était considéré comme un « cavalier législatif », en clair une mesure hors sujet par rapport au projet de loi.
Trois mois plus tard, trois députés repartent au front sur ce dossier sensible. Le président de la commission de la défense Thomas Gassilloud (Renaissance), le député Horizons Christophe Plassard et le député LR Jean-Louis Thiériot, ont déposé le 24 octobre un amendement au projet de loi de finances 2024, qui propose d’assigner à l’industrie de défense une partie des fonds du livret A et du livret de développement durable et solidaire « aux entreprises, notamment petites et moyennes », de notre « Base industrielle et technologique de défense (BITD) ».
Frilosité bancaire
Pourquoi ce projet ? Les députés justifient l’amendement par les difficultés d’accès aux financements privés des entreprises de défense, notamment les PME. Cette frilosité bancaire avait été mise en évidence dès 2020 par le GICAT (Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres), l’association professionnelle des industriels de la défense terrestre. Elle avait été confirmée par deux rapports de l’Assemblée, l’un des députés Jean-Louis Thiériot et Françoise Ballet-Blu sur le financement de la BITD, publié en février 2021, l’autre du député Christophe Plassard sur l’économie de guerre, publié en mars dernier.
L’idée de piocher dans l’épargne réglementée pour soutenir les industries de souveraineté est un serpent de mer depuis des années. C’était une des pistes suggérées par Christophe Plassard dans son rapport de mars. Celui-ci évoquait plusieurs scénarios : le fléchage de fonds du livret A ou du LDDS vers l’industrie de défense ; la création d’un livret dédié à la défense ; la création d’un plan d’épargne défense ; ou encore un emprunt d’Etat. Le Sénat avait également poussé l’idée d’un « livret d’épargne souveraineté », un livret d’épargne réglementée dédié, qu’il avait intégré au projet de LPM.
Les montants ont, de fait, de quoi faire rêver : l’encours cumulé des Livrets A et des LDDS atteint le niveau record de 551,1 milliards d’euros, un chiffre en hausse de 41,4 milliards d’euros depuis le début de l’année. Une petite partie de ces encours suffirait à combler les besoins de financement de la BITD. Mais un obstacle de taille se dresse toujours devant le projet : Bercy, qui n’a jamais caché son manque d’enthousiasme sur le sujet.
Objectif : obtenir la neutralité de Bercy
L’objectif des députés est d’obtenir, sinon un soutien du ministère de l’Economie, du moins une neutralité, un « ni oui ni non » qui permettait à l’amendement de passer la rampe. Si, comme c’est probable, un 49.3 du gouvernement sur le PLF empêche l’examen de l’amendement, les trois députés poussent à une reprise du sujet en réunion ministérielle, pour que le texte figure bien dans la loi de finances définitive. Un pari encore loin d’être gagné.