La France a-t-elle besoin d’un deuxième porte-avions ?
Par Jean-Sylvestre Mongrenier (1) – Institut Thomas More – mars 2018
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Les conflits géopolitiques dans lesquels la France est engagée depuis des années ont démontré la valeur stratégique de l’outil de puissance que constitue le Charles-de-Gaulle. La situation internationale et la convergence de multiples lignes dramaturgiques confortent a posteriori le choix fait de conserver un tel outil. Alors que le bâtiment connaît une opération de maintenance jusqu’à l’été 2018, ne serait-il pas temps que la France se dote d’un deuxième porte-avions ? Il en va de l’autonomie stratégique de notre pays et du rang qu’il entend tenir dans le monde. Une question éminemment politique qui a toute sa place dans le débat national.
Depuis le retrait du Foch, la France ne dispose plus que d’un seul porte-avions, le Charles-de-Gaulle, mis en service en 2001. La nécessité de procéder régulièrement à des opérations de maintenance du « navire-amiral » (le« capital-ship ») de la flotte de guerre pose la question de la permanence à la mer d’un groupe aéronaval français. Ainsi, le premier « arrêt technique majeur » (ATM), de juillet 2007 à décembre 2008, a-t-il privé le Président de la République de cet outil de diplomatie navale et de suprématie militaire.
Au cours de son deuxième cycle opérationnel (2008-2016), le porte-avions Charles-de-Gaulle a été engagé en Afghanistan (2010-2011), en Libye (2011), au Levant (Syrie) et dans le golfe Arabo-Persique (2015-2016). La puissance de feu mise en œuvre a permis à la France de renforcer son influence dans les alliances et coalitions auxquelles elle a participé, l’intensité croissante des engagements allant de pair avec le renforcement de l’interopérabilité entre marines alliées, l’US-Navy en tout premier lieu. Hélas, la deuxième opération de maintenance met à nouveau hors-jeu le Charles-de-Gaulle, pour dix-huit mois (janvier 2017-juillet 2018). Cette indisponibilité temporaire d’un outil de souveraineté de la France intervient alors que la situation internationale se tend toujours plus, sur fond de basculement des rapports de puissance mondiaux. La mondialisation marchande tant vilipendée menace de laisser place à la mondialisation guerrière et les puissances émergentes se dotent des capacités aéronavales qui permettront de projeter leur puissance sur les mers et océans du globe. Parmi les alliés et partenaires de la France, le Royaume-Uni, auquel elle est liée par les accords de Lancaster House (2 novembre 2010), disposera de deux porte-avions à l’horizon 2020. Quant aux États-Unis, il est question qu’ils se dotent de deux groupes aéronavals supplémentaires.
Certes, les premières annonces du chef de l’État sont encourageantes. Sans garantie toutefois quant à un deuxième porte-avions, elles semblent confirmer que le Charles-de-Gaulle aura un successeur. Si tel n’était pas le cas, la France serait déclassée sur les plans diplomatique et militaire et sa voix ne porterait plus. Il en va de l’autonomie politique et stratégique de notre pays, mais aussi du rôle de l’Europe et des nations occidentales dans le monde. En dernière analyse, l’ambition du grand large que signifierait la permanence à la mer d’un groupe aéronaval français, ce qui implique la possession de deux porte-avions, constitue également un défi de civilisation. De longue date, la liberté et la prospérité des nations occidentales reposent en effet sur la maîtrise de l’élément marin et la capacité à projeter sa puissance au-delà des mers et des océans.
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(1) Jean-Sylvestre Mongrenier est docteur en géopolitique, professeur agrégé d’Histoire-Géographie, et chercheur à l’Institut Français de Géopolitique (Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis).
Ancien auditeur de l’Ihedn (Institut des hautes études de la Défense nationale, Paris), où il a reçu le Prix Scientifique 2007 pour sa thèse sur Les enjeux géopolitiques du projet français de défense européenne, il est aussi officier de réserve de la Marine nationale, rattaché au Centre d’enseignement supérieur de la Marine (CESM), à l’École Militaire. Il collabore régulièrement à la revue Hérodote, ainsi qu’au mensuel Afrique Magazine. Jean-Sylvestre Mongrenier a co-écrit, avec Françoise Thom, Géopolitique de la Russie (Puf, 2016).
Il est membre de l’Institut Thomas More.
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