L’EPR de Flamanville, le plus puissant des réacteurs nucléaires français, est enfin raccordé au réseau électrique

L’EPR de Flamanville, le plus puissant des réacteurs nucléaires français, est enfin raccordé au réseau électrique


L’EPR de Flamanville. Stephanie Lecocq / REUTERS

 

Le dernier né des réacteurs français commence un cycle de dix-huit mois, jusqu’à sa première maintenance. Une quinzaine d’arrêts et de redémarrages auront lieu sur le chemin de la pleine puissance, l’été prochain.

Jusqu’au bout du suspens, mais cette fois ça y est. «L’EPR de Flamanville produit ses premiers électrons ! Samedi 21 décembre 2024 à 11h48, l’EPR de Flamanville a été connecté au réseau électrique français et a commencé à produire ses premiers électrons», a annoncé Luc Rémont, le PDG d’EDF ce samedi sur la plateforme LinkedIn. «C’est un évènement historique pour toute la filière nucléaire française.» «Grand moment pour le pays. L’un des réacteurs nucléaires les plus puissants du monde, l’EPR de Flamanville, vient d’être raccordé au réseau électrique. Réindustrialiser pour produire une énergie bas carbone, c’est l’écologie à la française. Elle renforce notre compétitivité et protège le climat», a salué Emmanuel Macron, lui aussi sur Linkedin.

Fierté et soulagement pour les équipes de l’EPR de Flamanville alors que ce premier raccordement au réseau électrique avait été promis par EDF « avant la fin de l’automne », enclenchant un compte à rebours oppressant dans la dernière ligne droite.

D’abord promise pour ce vendredi matin 10 heures, l’opération, dite « couplage » a été repoussée d’abord à 23 heures ce même vendredi, puis à 10h du matin, ce samedi. Finalement l’heure à retenir sera 11h48. Avec un dernier retard de près de vingt-six heures, sur un chantier qui arrive à son terme avec douze années de retard et un coût trois fois plus élevé que prévu, à plus de 13 milliards. Mais qui est parti pour fonctionner 60 ans, au moins, et alimenter en électricité quelque deux millions de foyers chaque année. Une odyssée des temps modernes, avec un long voyage semé d’embûches. «Ce matin, c’est l’accomplissement d’un effort titanesque qui a fini par payer. Un long chemin, qui n’a été ni facile, ni parfait, mais qui aboutit au bénéfice des Français. Nous en tirons tous les enseignements pour réussir la relance du nucléaire que nous avons décidée avec le Président de la République. 
Bravo et merci à toutes les équipes d’EDF mobilisées sur place. Le cœur du réacteur, c’est eux !», salue Agnès Pannier-Runacher la ministre démissionnaire de la transition écologique. 

Des centaines de personnes restent mobilisées sur le site pour jouer cette partition au millimètre. Paradoxalement, ce n’est pas le cœur du réacteur nucléaire, là où le combustible produit de la chaleur, qui a fait l’objet du plus d’attention, mais la turbine. Cette immense machine dont les pales vont tourner à 1500 tours minutes, propulsées par la vapeur produite par le réacteur. Cette vapeur doit être parfaite, car à cette vitesse la moindre goutte d’eau a la puissance d’une balle de pistolet. Les capteurs scrutent les vibrations, la chaleur, l’environnement… Une fois toutes les conditions réunies, l’alternateur, qui produit l’électricité à proprement parler, a été lancé. « Il doit être synchronisé pour produire à 50 hertz, la fréquence du réseau électrique français », explique Régis Clément, directeur adjoint de la production nucléaire chez EDF. Dans un premier temps, cette énorme installation ne produira que quelques mégawatts (MW) d’électricité. Il n’atteindra sa pleine puissance qu’à l’été 2025. 

D’ici là, il reste encore quelques étapes techniques et réglementaires à franchir, avant la mise en service industrielle de l’EPR. Fla3, selon sa dénomination EDF, est couplé au réseau à environ 20% de ses capacités. Pour passer le seuil de 25%, EDF doit obtenir le feu vert de l’autorité de sûreté nucléaire, (ASN), de même pour 60%, puis 80%. Le couplage marque certes l’entrée en production du géant de 1600 MW, le plus puissant des réacteurs du parc français, il marque aussi le début d’une nouvelle phase de tests, faits de variations de puissance, d’arrêts en moins de deux secondes, d’îlotage (test du réacteur quand le réseau électrique a un problème). Tous ces scénarios sont faits pour éprouver l’installation et réduire au minimum tout risque d’incident. Une quinzaine d’arrêts et de redémarrages auront lieu sur le chemin de la pleine puissance, l’été prochain.

Saluons les acteurs qui sont allés jusqu’au bout. Ils n’ont rien lâché et l’ont mis en service, ce qui prépare quand même très bien la relance du nucléaire

Olivier Bard, délégué général du Gifen

Ensuite, la production pourra encore varier, jusqu’à la première visite de contrôle (V1) de l’EPR prévue en 2026, soit environ dans 18 mois. Toutefois, la donnée prise en compte pour cette V1 n’est pas la durée de fonctionnement, mais le volume d’électricité produit, soit 14 TWh. Cela correspond à la consommation d’environ deux millions de foyers pendant un an. Et surtout, cela revient à user le combustible, comme on viderait le réservoir d’une voiture. À 14 TWh, il faudra refaire le plein : décharger et recharger en combustible le cœur du réacteur. À bien des égards, cette première visite complète est similaire à celles effectuées tous les dix ans dans les autres réacteurs du parc, une sorte de contrôle technique en beaucoup plus poussé, version monde du nucléaire.

Le changement du couvercle dans dix-huit mois

Il y a cependant une différence de taille : le couvercle de la cuve contenant les éléments radioactifs sera changé à cette occasion, pour répondre à un engagement pris auprès de l’ASN. « Ce n’est pas un sujet de sûreté, mais de durée de vie », résume Régis Clément. Le métal du couvercle actuel se fragilisera dans le temps au contact des neutrons, « il sera changé avant de présenter un risque », rassure Régis Clément. Dans les faits, de nombreux équipements dédiés au contrôle et au fonctionnement du réacteur sont installés sur le couvercle. Ils seront « retirés pour être installés sur le nouveau», ce qui devrait prendre « un peu plus d’un mois », ajoute Régis Clément. La donnée est connue de longue date. Fin 2014, Areva NP a «découvert une anomalie de fabrication de l’acier du couvercle », explique l’IRSN. En 2017, l’ASN et l’IRSN ont considéré que le remplacement de ce couvercle devrait être réalisé au premier arrêt pour rechargement du réacteur (VC1). Qui aurait dû survenir bien avant 2026…

Le changement du couvercle est un des innombrables déboires rencontrés sur le chantier. Et malgré tout, la mise en service de l’EPR est un sujet de fierté, chez EDF d’abord, mais aussi pour toute une filière industrielle. «Saluons les acteurs qui sont allés jusqu’au bout. Ils n’ont rien lâché et l’ont mis en service, ce qui prépare quand même très bien la relance du nucléaire », souligne Olivier Bard, délégué général du Gifen, le groupement des industriels français de l’énergie nucléaire.

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