Mobilité militaire: les déplacements de troupes et d’armements entre pays de l’UE restent problématiques
La Cour des comptes européenne a consacré un rapport spécial à la mobilité militaire de l’UE qui, selon elle, n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière. Les forces armées des États membres de l’UE ne sont pas encore en mesure de se déplacer rapidement sur son territoire. Le dernier plan d’action de l’UE sur la mobilité militaire a connu un succès mitigé en raison de défauts de conception et d’obstacles à sa mise en œuvre. L’objectif visant à assurer un déplacement rapide et sans entrave des personnels, matériels et fournitures militaires, à brève échéance et à grande échelle, tant au sein qu’en dehors de l’UE, n’a pas encore été atteint.
Ce rapport spécial 04/2025 sur « la mobilité militaire de l’Union – Les défauts de conception et les obstacles rencontrés ralentissent la progression » est disponible sur le site internet de la Cour.
En voici un résumé:
Avec le retour d’une guerre de haute intensité sur le continent européen, les objectifs chiffrés en matière de défense ont changé et l’UE cherche à se prémunir de façon efficiente contre toute agression future. Sa politique en matière de mobilité militaire a évolué depuis son premier plan d’action de 2018. Dans son budget pour 2021‑2027, elle a pour la première fois consacré spécifiquement un montant à des projets d’infrastructures de transport à double usage (militaire et civil). Mais ce qui a vraiment changé la donne, c’est la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine: elle a rendu impérieux le besoin stratégique de mobilité militaire des Vingt-Sept. Dans l’urgence, l’UE a ainsi publié son second plan d’action en novembre 2022.
«La mobilité militaire est fondamentale pour doter l’UE d’une capacité de défense crédible. Il est grand temps d’en accélérer le rythme. Mais des obstacles l’empêchent de passer à la vitesse supérieure», a déclaré Marek Opioła, le Membre de la Cour responsable du rapport.
L’organisation des déplacements militaires risque en effet d’accuser d’importants retards pour plusieurs raisons, dont les formalités administratives. À titre d’exemple, les chars de tel État membre ne peuvent pas se déplacer dans tel autre si leur poids dépasse la limite autorisée dans les règles de circulation routière. Dans des circonstances normales, un pays de l’UE exige actuellement une notification 45 jours à l’avance pour autoriser les mouvements transfrontières.
Les auditeurs ont constaté qu’avant d’établir le plan 2.0, la Commission européenne n’a pas évalué de façon approfondie les besoins et n’a donc pas pu effectuer une estimation fiable du financement nécessaire pour atteindre ses objectifs. Le budget total consacré à la mobilité militaire par l’UE est relativement modeste, avec 1,7 milliard d’euros pour la période 2021‑2027, mais les États membres l’ont salué comme un pas dans la bonne direction. En mettant rapidement ces fonds à disposition, l’UE a envoyé un signal politique fort. Avec une demande largement supérieure à l’offre, cette enveloppe était toutefois déjà entièrement utilisée à la fin de 2023. Plus de quatre longues années vont ainsi s’écouler avant que des fonds européens soient à nouveau disponibles pour la mobilité militaire, ce qui compromet la stabilité et la prévisibilité du financement.
Alors que les fonds doivent être bien ciblés pour avoir une incidence, la sélection des projets d’infrastructure à double usage à financer n’a pas suffisamment tenu compte des facteurs géopolitiques et militaires. De plus, les projets ont été sélectionnés de façon fragmentaire, pas toujours aux endroits les plus stratégiques et sans prendre en considération le contexte élargi. L’essentiel des projets financés étaient situés dans l’est de l’UE, mais les Vingt-Sept n’en ont presque pas soutenu sur la route du sud vers l’Ukraine. En outre, la sélection des projets à financer par l’Union a eu lieu avant l’établissement des priorités les plus urgentes.
En raison de la complexité et de la fragmentation des dispositifs de gouvernance relatifs à la mobilité militaire dans l’UE, ainsi que de l’absence de point de contact unique, il est difficile de savoir qui fait quoi. Pour aider l’Europe à avancer, les auditeurs suggèrent d’améliorer la gouvernance et le ciblage de son action, ainsi que de rendre ses financements plus prévisibles. L’UE pourrait aussi exploiter le potentiel des fonds qu’elle consacre actuellement au transport civil pour éliminer les goulets d’étranglement en matière de mobilité militaire.