Général Lecointre : L’État islamique est une « hydre » qu’il faudra surveiller en « permanence » pour éviter son retour
Photo : Aravis du COS, filmé dans les environs de Manbij [Syrie] – capture d’écran
Bien qu’ayant perdu la ville de Syrte, dont elle s’était assuré le contrôle en 2015, la branche libyenne de l’État islamique (EI ou Daesh) n’a pas encore été éradiquée. Loin de là même puisqu’elle a revendiqué, le 3 mai, un attentat suicide qui, commis contre le siège de la Haute commission électorale (HNEC), à Tripoli, a fait 14 tués selon un dernier bilan.
En Afghanistan, en dépit de l’élimination régulière de ses cadres par les forces américaines (le dernier en date étant un certain Qari Hikmat), la branche afghano-pakistanaise de l’EI (EI-K), multiplie les attaques. Le 30 avril, un énième attentat a fait au moins 25 morts, dont plusieurs journalistes, près du siège des services de renseignements afghans (NDS) à Kaboul.
Le 2 mai, au Nigéria, deux attentats suicides contre la mosquée et le marché de la localité de Mubi, ont tué au moins 86 personnes. Ils ont été attribués à Boko Haram, lequel compte deux factions depuis son allégeance à l’EI il y a trois ans. Pourtant affaibli par les opérations de la Force multinationale mixte (FMM), déployée par les les pays de la commission du Lac Tchad, ce groupe jihadiste commet régulièrement des attaques et des coups de main, comme l’a encore récemment montré le nouvel assaut qu’il a lancé à Maiduguri et, plus généralement, les pertes subies par la FMM (22 tués en avril).
Au Sahel, malgré les coups portés par la force Barkhane et l’armée malienne (appuyées par les groupes d’autodéfense pro-Bamako), l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) est soupçonné d’être à l’origine du massacre d’au moins une quarantaine de civils au
sud de l’axe In Delimane-Ménaka [Mali]. Et il a revendiqué, en avril, ses premières attaques au Burkina Faso [dont l’assassinat du maire de Koutougou et le rapt d’un enseignant].
« L’État islamique continue encore d’exister, malheureusement. De manière résiduelle au Levant, en particulier », a déploré le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées (CEMA), alors qu’il était l’invité de CNEWS, ce 4 mai. « C’est une hydre dont il faudra en permanence contrôler qu’elle ne soit pas en train de se réveiller », notamment en Irak et en Syrie, a-t-il ajouté.
Justement, le Pentagone a récemment mis en garde contre une résurgence de l’EI en Syrie. Mais cela vaut aussi pour l’Irak, où il a anticipé sa défaite à Mossoul pour revenir à la clandestinité et mener une guerre insurrectionnelle, en particulier dans les zones rurales que les forces irakiennes ont encore du mal à contrôler.
Dans ces conditions, un retrait de la coalition de Syrie (et/ou d’Irak) avant l’éradication de Daesh serait prématuré. Et c’est ce qu’a fait valoir le général Lecointre, alors que le président Trump, a évoqué à plusieurs reprises le départ « prochain » des troupes américaines de ce théâtre d’opérations. « Nous avons largement réussi face à l’EI. Nous réussirons face à n’importe qui, militairement. Mais parfois, il est temps de rentrer à la maison. Et nous pensons à ça très sérieusement », a-t-il en effet déclaré.
« La priorité, c’est la défaite de Daesh. Donc je pense qu’avec les Américains nous resterons, et je n’imagine pas que les Américains partent jusqu’à ce que Daesh soit défait. Le reste est une décision du politique », a affirmé le CEMA.
La semaine passée, James Mattis, le secrétaire américain à la Défense, avait affirmé que les forces françaises avaient été renforcées en Syrie. « Je ne commente pas le nombre de forces spéciales, je ne commente pas non plus leur position », a dit le général Lecointre.
« Ce qui est vrai, c’est que nous conduisons aujourd’hui en Syrie la lutte contre Daech là où les dernières poches de résistance existent, dans la moyenne vallée de l’Euphrate, dans la zone entre la Syrie et l’Irak, et on le fait par tous les moyens, aériens, terrestres […] y compris les forces spéciales », a conclu le CEMA.
Le 1er mai, les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance arabo-kurde soutenue par la coalition dirigée par les États-Unis, ont annoncé le lancement de la phase « finale » de leur offensive contre l’EI dans la province syrienne de Deir ez-Zor.
Le chef du Conseil militaire des FDS, Ahmed Abou Khawla, a en outre confirmé que la coalition internationale avait renforcé ses effectifs afin de soutenir cette « phase finale » de l’offensive contre Daesh. « Nos forces vont libérer ces zones (où l’EI est présent) et sécuriser la frontière avec l’Irak une fois pour toute », a assuré Lilwa Abdallah, une porte-parole de l’alliance arabo-kurde.
Selon l’état-major français, l’EI disposerait encore de 2.000 combattants dans les derniers secteurs encore sous son emprise.