Comment la Marine espère retrouver l’épave du sous-marin « La Minerve »
Le navire avait mystérieusement disparu en 1968. L’Ifremer a commencé les recherches au large de Toulon, avant deux autres campagnes courant 2019.
Par Guerric Poncet – Le Point – Publié le | Le Point.fr
Depuis 51 ans, l’épave du sous-marin français La Minerve repose au large de Toulon, avec ses 52 membres d’équipage. Le navire n’a jamais été localisé malgré des recherches menées au lendemain du naufrage, le 27 janvier 1968, et en 1970. « Il faut retrouver cette épave et savoir pourquoi elle a coulé. Il le faut », avait alors déclaré le commandant Cousteau, qui avait lui-même participé aux recherches. À la demande des familles, la ministre des Armées, Florence Parly, a décidé de reprendre les recherches en utilisant les technologies modernes et notamment des sous-marins autonomes.
Grâce à un partenariat entre la Marine nationale et l’Ifremer, d’importants moyens de recherche vont être consacrés à l’exploration des fonds dans la zone probable du naufrage, un rectangle d’environ 275 kilomètres carrés à une trentaine de kilomètres de Toulon, à environ 2 200 mètres de fond. Cette zone, peu accidentée, a pu être affinée par le service hydrographique et océanographique de la Marine (Shom), grâce à des relevés faits entre 1968 et 1970. Pour compléter les données fournies par l’avion Atlantic qui s’entraînait ce jour-là avec le navire, des explosions avaient été déclenchées pour essayer de reconstituer exactement les ondes captées par les sismographes du professeur Yves Rocard (père de Michel Rocard) lors de l’implosion du sous-marin.
Plusieurs phases de recherches en 2019
Une première phase de recherches a commencé début février 2019, et s’appuie sur des essais déjà programmés des matériels de l’Ifremer. Elle a permis d’obtenir dans la nuit du 7 au 8 février une cartographie sommaire des fonds. Toujours dans le cadre d’essais programmés, des sous-marins seront mis à l’eau quelques jours dans la deuxième quinzaine du mois de février, dans la zone de naufrage probable. Mais l’espoir est maigre de retrouver immédiatement La Minerve, surtout que le navire a probablement été déchiré en plusieurs débris, de dix à vingt mètres au mieux.
Après cette première campagne d’opportunité, une véritable campagne de quadrillage aura lieu du 1er au 30 juillet 2019 depuis le navire Antéa de l’Ifremer, qui mettra en œuvre un « drone grande profondeur » équipé de scanners multifréquences. L’Ifremer en a deux : Astérix et Idéfix. Ils devront fournir des données plus précises sur les fonds, en les « survolant » à quelques dizaines de mètres seulement. C’est grâce à cette technique que le sous-marin argentin San Juan, perdu en novembre 2017, a été retrouvé après un an de recherches. L’un des capteurs de l’Ifremer peut même scanner plusieurs dizaines de mètres sous les fonds, dans les sédiments, au cas où l’épave se serait enfoncée avec le temps.
Un naufrage encore inexpliqué
Enfin, du 18 novembre au 18 décembre 2019, le sous-marin Le Nautile (qui avait retrouvé le Titanic) sera mis en œuvre depuis le bien-nommé Pourquoi pas ?, l’un des navires amiraux de l’Ifremer, pour identifier les échos prometteurs qui auront été détectés en juillet. Comme il y a cinquante ans, il faudra compter avec les dizaines d’autres épaves qui jonchent les fonds dans la région et peuvent faire perdre beaucoup de temps et d’énergie aux équipes.
La cause du naufrage demeure un mystère. « Entre le dernier contact radio de La Minerve et son implosion, vers 7 h 59, seulement trois à quatre minutes se sont écoulées, ce qui a permis d’éliminer plusieurs hypothèses », explique au Point Hervé Fauve, fils du commandant. « De plus, les sismographes ont permis de conclure que le bateau a implosé, et non explosé, ce qui exclut toute frappe de missile ou de torpille, comme cela a pu être faussement avancé », ajoute-t-il.
Prudence et humilité
L’hypothèse d’une avarie de barre de plongée est aujourd’hui évoquée par la Marine, entre autres pistes. « Si nous retrouvons La Minerve, je ne suis pas certain que nous progresserons dans l’identification des causes du naufrage », a toutefois précisé le capitaine de corvette Bertrand Dumoulin, porte-parole de la Marine nationale, lors d’une conférence de presse mercredi 13 février à Paris, invitant à la prudence et l’humilité face à l’issue incertaine des recherches. Si le sous-marin est localisé, il n’est pas question de le renflouer : « Ce navire est désormais une sépulture », assure Hervé Fauve. Seul objectif donc : donner aux familles une localisation précise, afin qu’elles puissent enfin faire leur deuil.