« Mais où est donc passée l’Armée de l’Air ? »

« Mais où est donc passée l’Armée de l’Air ?« 

Par le général d’armée aérienne (C.R.) Vincent Lanata, – lexpress.fr – publié le

 

Un Rafale atterrit sur le porte-avions Charles de Gaulle en Méditerranée le 7 février 2019 – afp.com/Valery Hache


Ancien chef d’État-major de l’armée de l’air, le Général Vincent Lanata s’inquiète de la façon dont l’armée de l’air, pourtant cruciale, se trouve écartée des décisions.

 

Notre aviation prend très largement sa part des missions de défense de la France et des Français, que ce soit sur le territoire national avec sa participation à la dissuasion nucléaire et afin de faire respecter en permanence la souveraineté de notre espace aérien, ou à l’extérieur avec son engagement actif et toujours couronné de succès aux opérations que ce soit en Afrique, au Moyen Orient ou ailleurs. Il y a moins d’un an elle a encore démontré de façon éclatante ses capacités lors du raid d’avertissement au régime syrien qui avait employé des armes chimiques contre sa propre population. Ou encore, n’en déplaise à certains, sans les avions de la coalition internationale les valeureuses forces au sol en Irak et en Syrie n’auraient pas pu reconquérir le territoire que Daech s’était approprié et depuis lequel cette organisation conduisait des attaques sur notre propre sol.

Le problème n’est pas là ! Il réside dans le fait que depuis quelques années, l’armée de l’air est totalement exclue des postes de décision et d’influence en France.

C’est à Paris que toutes les grandes options nationales ainsi que les grandes décisions en matière d’équipement des forces sont présentées au pouvoir politique à travers un réseau de responsables militaires placés auprès d’eux. Or aujourd’hui l’armée de l’air est totalement absente de ces postes d’influence : le poste de chef d’état-major des armées a été confié à un officier de l’armée de terre, celui de chef de l’état-major du Président de la République à un officier de marine ; le chef du cabinet militaire du Premier Ministre est un officier de l’armée de terre et enfin le chef du cabinet militaire de la ministre des armées est encore un officier de marine.

Je peux ajouter que le poste de major général des armées a été également confié à un officier de marine. C’est encore un officier de l’armée de terre qui occupe le poste d’adjoint à la secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Pendant ce temps, les aviateurs se sont vus confier, depuis dix ans, un poste de responsabilité à l’OTAN. Mais ce n’est pas à l’OTAN que se décide l’avenir de la défense de la France. Il s’agit là de faits indiscutables.

Dans ces conditions, qui est susceptible de faire entendre la voix de la troisième dimension au moment où se posent des questions capitales comme la politique militaire spatiale, la défense contre les nouveaux systèmes de missiles russes, le développement du système de combat aérien du futur (SCAF) qui sera une véritable révolution dans la conception des systèmes de combat aérien, ou enfin le renouvellement de la composante aéroportée de la dissuasion ? Pourtant, qui est le mieux à même d’appréhender les conséquences de la rentrée en service de la dernière génération d’avions américains (F35) sur l’avenir du combat aérien et de la maîtrise technologique et militaire du milieu aérospatial si ce n’est l’armée de l’air?

Peut-on penser que ce sont les responsables des autres armées qui ont seuls l’entière compétence et qui doivent présenter les dossiers qui touchent à la troisième dimension ?

J’ai une trop grande expérience pour affirmer le contraire. Je voudrais souligner que ma démarche n’est pas corporatiste ; alors que j’étais en fonction, personne n’a pu me reprocher de telles manœuvres.

Depuis les temps ont bien changé. Le décret de 2009 sur l’organisation des armées a confié au chef d’état-major des armées l’essentiel des pouvoirs, ce qui est une bonne chose compte tenu du rétrécissement du format des armées et de la nécessité de porter une vision intégrée de l’emploi et de la conception des forces.

Mais, de ce fait, les chefs d’état-major d’armées sont vus relégués à un niveau qui leur ferme l’accès direct aux instances de décisions. D’où l’impérieux besoin de conserver un bon équilibre entre les armées dans la répartition des postes d’influence.

Il me semble qu’il est du ressort du pouvoir politique, il en va de son intérêt comme de celui de la France de faire respecter et de maintenir un tel équilibre.