Les trois frégates légères furtives « rénovées » resteront-elles en service plus longtemps que prévu?
Les frégates [et destroyers] dites de « premier rang » constituent l’épine dorsale d’une marine de guerre. Une flotte peut en effet avoir 10 porte-avions et 15 sous-marins… Mais sans frégate pour les accompagner et les protéger, elle ne pourra rien en faire. Or, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 avait fixé à 15 le nombre de bâtiments de ce type que devait compter la Marine nationale. Et la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 n’est pas revenue sur cette ambition.
Ainsi, « à terminaison », c’est à dire en 2025, la Marine nationale disposera de 8 frégates multimissions [FREMM, dont deux avec des capacités de défense aériennes accrues], 2 frégates de type Horizon, de 3 frégates légères furtives [FLF] « rénovées » et des 2 premières Frégates de défense et d’intervention [FDI, ex-FTI] sur les 5 devant être livrées à l’horizon 2030.
En clair, il ne s’est agi que de confirmer les décision prises en 2015, au moment de l’actualisation de la LPM 2014-2019. Ce texte précisait que trois frégates légères furtives allaient être rénovées, « avec avec notamment l’ajout d’un sonar », afin de permettre à la Marine nationale « d’assurer les missions résultant des contrats opérationnels, dans la phase de transition qui accompagnera la livraison des futures » FDI.
En mai 2017, la Direction générale de l’armement [DGA] notifia à Naval Group le marché de rénovation de trois des cinq FLF « afin de maintenir un format de quinze frégates de premier rang dans la marine pendant la phase de transition qui accompagnera la livraison des frégates » FDI à partir de 2023. Restait à connaître les navires qui seraient rénovés.
Fin août, la Marine nationale a précisé que les frégates « La Fayette », « Courbet » et « Aconit » allaient « profiter d’une modernisation avancée de leurs équipements embarqués ». Exit, dont, les FLF « Surcouf » et « Guépratte », sans doute promises à un avenir sous d’autres latitudes étant donné que l’idée de les revendre à un pays tiers a été avancée.
Cela étant, il n’était question que de « rénover » trois FLF… Or, dans son communiqué, la Marine nationale parle d’une « refonte à mi-vie ». Ce qui sous-entend qu’elle pourrait garder ces navires en service bien au-delà de 2030, c’est à dire 20 ans de plus. Pour rappel, ces frégates ont entamé leur carrière opérationnelle à la fin des années 1990.
La nature des équipements dont seront dotés ces trois FLF plaide également en ce sens.
« Une attention particulière sera donnée à l’évolution des systèmes informatiques et électroniques du bord, modernisant la commande de la propulsion et favorisant la numérisation ainsi que la connectivité des différents systèmes et senseurs du bord. Un point fort de cette refonte portera sur l’ajout d’un sonar de coque, dotant les trois FLF de capacités nouvelles de lutte sous la mer. L’armement devrait également profiter d’évolutions notables avec l’installation, par exemple d’un système de défense anti-aérien SADRAL armé de missiles Mistral, en remplacement du CROTALE actuel », a précisé la Marine nationale.
La première FLF ainsi rénovée devrait être livrée par Naval Group en 2021. Le coût de ce programme n’est pas connu… Mais on peut se demander si consentir un tel investissement pour ensuite se séparer de trois frégates quelques années seulement après leur « refonte à mi-vie » est pertinent… En outre, les maintenir en service permettrait à la Marine nationale de disposer de 18 frégates [8 FREMM, 5 FDI, 2 classe Horizon et 3 FLF rénovées], comme elle le réclame depuis longtemps. Et cela, à l’heure où « l’hypothèse tactique d’une confrontation en haute mer redevient réaliste ».
D’ailleurs, la Marine nationale n’a pas manqué de souligner l’importance de ses FLF en insistant sur leurs capacités. Capacités qui seront donc accrues après leur rénovation.
Les FLF « préservent et font respecter les intérêts nationaux dans les espaces maritimes et participent au règlement des crises. Elles peuvent assurer le soutien d’une force d’intervention, la protection du trafic commercial, des missions de lutte anti-piraterie et contre le narcotrafic, des opérations spéciales ou des missions humanitaires. […] Elles sont en première ligne dans la conduite d’opérations où leur furtivité est un atout. En fonction des circonstances, elles peuvent aussi intervenir dans le cadre de la défense maritime du territoire », a ainsi expliqué le Sirpa Marine.
Dans son rapport pour avis sur les crédits de la Marine nationale pour l’exercice budgétaire 2019, le député Jacques Marilossian [LREM] avait plaidé pour « relever le format de la trame frégate », en raison de « l’intensification prévisible des combats en haute mer ». Et d’insister : « dans l’actualisation de la programmation militaire, la question du format de la ‘trame frégate’ doit être de nouveau étudiée. »
Lors d’une audition parlementaire, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], l’amiral Christophe Prazuck, avait vivement défendu un format à 18 frégates de premier rang.
« Nos contrats opérationnels officiels datent du Livre blanc de 2013 et sont largement dépassés. Le Livre blanc nous demandait ainsi de réaliser deux missions permanentes, la dissuasion et la protection, et d’être déployés sur deux théâtres d’opération – contre 5 dans les faits aujourd’hui », avait rappelé le CEMM, en septembre 2017.
« Nous devrions disposer de 15 frégates [de 1er rang, ndlr] en 2030 […] alors que, clairement, depuis 2015, les engagements pour lutter contre le terrorisme et pour faire face au retour des États puissances augmentent. Les courbes se croisent, ce qui doit nous inviter à réfléchir », avait encore fait valoir l’amiral Prazuck.
Photo : FLF « Surcouf », qui sera désarmée d’ici 2025