Covid-19 : Le confinement fragilise le recrutement des armées
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Le confinement de la population, décidé dans l’espoir de limiter l’épidémie de Covid-19, n’est évidemment pas sans conséquences sur le recrutement des armées. Si, par exemple, l’École de l’Air a publié la liste des candidats autorisés à se présenter au concours qu’elle organise chaque année, on ignore comment les différentes épreuves vont se dérouler.
Initialement, il était prévu de faire passer les épreuves écrites entre le 4 et le 8 mai, les épreuves sportives entre le 15 juin et le 10 juillet et les épreuves orales de mathématiques, de physique et de chimie, ainsi que les travaux d’initiative personnelle encadrés [TIPE] à partir du 22 juin jusqu’au 18 juillet.
Sur son site, l’École de l’air indique que, finalement, les « épreuves écrites banque CCINP du 2 au 6 juillet 2020 » et que « seules les épreuves sportives communes aux concours d’entrée des grandes écoles militaires sont maintenues entre le 7 et le 31 juillet 2020 », la suppression de l’épreuve de natation étant à l’étude.
Cela étant, on imagine sans peine que les candidats ne se présenteront pas à ce concours dans des conditions optimales [voire à celui de l’an prochain], les classes préparatoires des lycées étant fermées depuis le 13 mars, sans parler des difficultés à préparer les épreuves sportives. Et cela vaut pour l’École navale et l’École spéciale militaire ainsi que pour les écoles de sous-officiers, qui n’ont pas pu faire passer leurs tests de sélection pour les incorporations de ces prochaines semaines.
Mais plus généralement, le ministère des Armées doit trouver 26.000 recrues en 2020. Ce qui n’est pas une mince affaire… En outre, selon la dernière note d’exécution budgétaire [NEB] de la Cour des comptes, ses dépenses de personnel [titre 2] ont une nouvelle fois été en deçà ce qui avait été prévu, de l’ordre de 137 millions d’euros, en 2019.
« Les dépenses de personnel font l’objet d’une attention particulière, dans un contexte de remontée des effectifs. Si les cibles d’effectifs, déclinées par catégories de personnel, sont parfois difficilement atteintes, la revalorisation de la condition du personnel alimente la dynamique du titre 2 », est-il indiqué dans ce document.
En 2018, la Marine nationale n’avait pas atteint ses objectifs en matière de recrutement, ce qui avait mis certaines de ses spécialités sous tension.
Cela « va produire des déficits dans les effectifs de la Marine à partir de la date où les marins que l’on aurait dû recruter auraient dû sortir d’école. […] C’est donc à partir de 2019 et de 2020 que se feront sentir le plus les ‘non-recrutements’ » de 2018″, avait ainsi expliqué l’amiral Christophe Prazuck, son chef d’état-major, cité dans un rapport parlementaire publié en novembre dernier.
L’an passé, la Marine nationale avait cependant réussi à améliorer son recrutement. Et sa direction du personnel militaire [DPMM] espérait « consolider » ce résultats… Mais, confinement oblige, cela paraît désormais compromis. Qui plus est, la contamination des équipages du groupe aéronaval par le Covid-19 risque d’avoir des effets préjudiciables…
« Les armées recrutent chaque année 26.000 personnes. Chaque mois qui passe sans recrutement, c’est l’équivalent d’un régiment de l’armée de Terre qui manque à l’appel! », a fait observer Florence Parly, la ministre des Armées, dans un entretien donné au journal 20Minutes.
En réalité, la situation est plus sombre que ça : pour atteindre les objectifs de recrutements, il faudrait qu’il y ait plus de 2.160 recrues par mois [sur une année pleine]… Or, un régiment de l’armée de Terre compte 1.200 militaires environ… Soit 1,8 fois moins que l’exemple pris par la ministre.
Aussi, le fin du confinement approchant, « nous nous préparons à reprendre des activités auxquelles nous avions renoncé. Je pense notamment aux recrutements, qui avaient cessé depuis le mois de mars. Nous allons donc rouvrir les centres de recrutement dès la semaine prochaine », a annoncé Mme Parly.
Quoi qu’il en soit, les effets de la pandémie sur les armées restent à mesurer… En tout cas, selon une note de l’Institut français des relatiosn internationales [IFRI] publiée par Corentin Brustlein, il faut s’attendre à de nouvelles fragilités.
« Que ce soit en raison de la mise en œuvre de Résilience ou des mesures de confinement, la pandémie a d’ores et déjà fragilisé les armées, tant en termes de recrutement que de préparation opérationnelle », estime en effet M. Brustlein. « Au cours des semaines et mois qui viennent, il faudra faire face à l’usure de soldats déployés en opération sur des durées prolongées et continuer d’assurer le maintien en condition opérationnelle des équipements – autant de défis qui s’ajoutent aux axes d’efforts déjà poursuivis depuis plusieurs années afin de préparer l’avenir », ajoute-t-il.
Et de conclure : « Le caractère singulier du secteur de la défense dans une perspective de relance économique, la possibilité d’une nouvelle surprise stratégique et d’une intensification de l’opportunisme agressif doivent nous inciter à regarder au-delà de l’horizon pour ne pas affaiblir notre autonomie stratégique. »