La nomination du général Lloyd Austin à la tête du Pentagone par M. Biden va se heurter à un écueil législatif
Donné vainqueur de la dernière course à la Maison Blanche [ce qui est toujours contesté par son rival, Donald Trump, qui a multiplié les recours judicaires], Joe Biden met progressivement en place sa future administration. Ainsi, il a d’ores et déjà fait savoir qu’il nommerait Anthony Blinken au département d’État [Affaires étrangères, nldr], Alejandro Mayorkas à la sécurité intérieure et Avril Haines, ex-directrice adjointe de la CIA entre 2013 et 2015, à la Direction du renseignement national [DNI]. Et le prochain conseiller à la sécurité nationale devrait être Jake Sullivan.
Il manquait alors le nom de celui [ou de celle] qui pendra les rênes du Pentagone. Ce n’est désormais plus le cas. En effet, alors que Michèle Flournoy, ex sous-secrétaire à la politique de Défense des États-Unis entre 2009 et 2012, arrivait en tête des pronostics, M. Biden a indiqué que son choix s’était porté sur l’ex-général Lloyd Austin, 67 ans, qui a servi en Irak et en Afghanistan avant de prendre le commandement de l’US CENTCOM, le commandement américain pour l’Asie centrale et le Moyen-Orient [2013-2016], des mains du général James Mattis.
À ce titre, le général Austin avait dû faire face à plusieurs polémiques, l’US Centcom ayant été accusé d’avoir enjolivé le bilan des frappes conduites au Levant contre l’État islamique [EI ou Daesh], ce qui avait conduit, après un papier du New York Times, l’inspection générale du Pentagone à ouvrir une enquête. Et, au Congrès, il avait eu à décrire l’échec de la formation des rebelles syriens considérés comme modérés, dans le cadre d’un programme ayant coûté 500 millions de dollars.
Cela étant, outre ce passage à l’US Centcom et l’engagement en Irak et en Afghanistan, le général Austin cultive plusieurs points communs avec le général James Mattis, nommé à la tête du Pentagone par le président Trump.
Ainsi, le parcours de ces deux hommes est assez similaire. Avant de devenir secrétaire à la Défense, James Mattis avait entamé une carrière dans le civil, en devenant professeur invité à la Hoover Institution et membre du conseil d’administration de General Dynamics et de celui de l’entreprise de biotechnologie Theranos.
Or, Lloyd Austin n’a pas quitté l’uniforme pour écrire ses mémoires : comme son prédécesseur à la tête de l’US CENTCOM, il a entamé une nouvelle vie en rejoignant le conseil d’administration du groupe d’armement Raytheon Technologies ainsi que celui du sidérurgiste Nucor. Plus récemment, il a été nommé administrateur indépendant de Tenet Healthcare, une entreprise au centre de nombreuses controverses au cours de ces dernières années.
Comme pour James Mattis, il faudra que le Sénat, qui a le dernier mot sur les nominations, consente à donner une dérogation à Lloyd Austin pour lui permettre d’occuper les fonctions auxquelles il est promis. En effet, la loi américaine [Section 903(a) du « National Defense Authorization act »] indique qu’un ancien militaire doit être à la retraite pendant au moins sept ans avant de prétendre à devenir secrétaire à la Défense.
En 2017, les sénateurs – majoritairement républicains – avaient donné leur feut vert, estimant que l’administration Trump ne pourrait pas se passer de l’expérience de James Mattis. Du moins était-ce l’argument de John McCain, qui ne portait pas le président alors élu dans son coeur. Un tel cas s’était d’ailleurs déjà produit en 1950 avec le général George Marshall, à une époque où le déla n’était pas de sept mais de dix ans.
Seulement, il pourrait en aller tout autrement pour l’ex-général Lloyd Austin… dans la mesure où M. Biden n’a pas encore la certitude d’avoir la majorité au Sénat. Pour le moment, le Parti républicain a une courte avance, qui pourrait être remise en cause s’il perd l’une des deux sièges de la Géorgie face au Parti démocrate, lors d’une élection qui se tiendra le 5 janvier. Or, en d’égalité entre les deux camps [soit 50 sièges chacun] et il revient au vice-président [qui serait donc Kamala Harris] de trancher les débats.
En tout cas, les républicains ont donné le ton. « Sa candidature ne devrait pas être considérée, de même que celle de Mattis n’aurait pas dû l’être », a commenté Justin Amash, représentant du Michigan. « La loi interdit aux membres récemment retraités des forces armées de servir à ce titre civil. Biden serait le deuxième président consécutif à violer cette norme », a-t-il ajouté.