Opération Mousquetaire
En 1956, après des tensions de plus en plus vives sur la question de la nationalisation du canal de Suez par l’Égypte, la France et la Grande-Bretagne décident d’intervenir.
Concevoir un plan d’intervention
Le 20 août, la France crée officiellement la force expéditionnaire A composée principalement de deux grandes unités terrestres : la 10e division parachutiste (DP) et la 7e division mécanisée rapide (DMR).
Elles sont soutenues par une base de transit et d’opération (BTO) et un élément de ravitaillement par air ou base aéroportée. Un premier plan d’intervention visant Alexandrie est défini le 15 août, c’est l’opération 700(1). Pour des raisons militaires et politiques, ce plan est remplacé par l’opération 700 bis, étudiée à partir du 20 septembre.
Ce nouveau plan, défini officiellement le 23 septembre, repose sur une occupation directe de la zone du canal par Port-Saïd. Il prévoit une phase aéroportée et une phase d’assaut amphibie. La conférence d’Épiskopi du 30 octobre fixe au 6 novembre la date de l’opération. Elle sera précédée le 5 par l’assaut des parachutistes.
La force expéditionnaire est constituée de cinq échelons opérationnels. Le premier se compose des unités d’assaut aéroporté (3 000 hommes parachutables en trois jours). L’échelon amphibie est constitué de 2 000 hommes et de 300 véhicules et chars. Les vagues A, B et C sont constituées du reste de la force dont l’arrivée est échelonnée au-delà du 6 novembre. Les échelons B et C correspondent au ravitaillement et aux moyens administratifs.
L’échelon A, totalement autonome en théorie, est donc privé de l’échelon B jusqu’à son arrivée sur le terrain. Les derniers approvisionnements de l’échelon C doivent arriver 46 jours après le jour-J.
Une guerre de quelques jours
Carte issue de l’ouvrage de Jacques Massu, La vérité sur Suez : 1956, Paris, Plon, 1978, p. 181.
Cette opération n’est en fait qu’une bataille de quelques jours. L’armée de l’Air et l’aviation embarquée, engagées dès le 31 octobre, détruisent les forces aériennes égyptiennes au sol.
Au petit matin du 5 novembre, les 487 parachutistes du colonel Château-Jobert (2e régiment de parachutistes coloniaux, RPC), soumis à un intense tir de mortier, sautent sur le canal. Au sol, ils prennent intacte l’usine des eaux. Une seconde opération aéroportée est exécutée vers 15 heures avec le reste du 2e RPC, soit 506 parachutistes commandés par le lieutenant-colonel Fossey-François.
Le 6 novembre au matin, les forces de débarquement ouvrent le feu sur les positions égyptiennes. L’assaut amphibie commence. Comprenant plus de 2 000 hommes, l’attaque s’articule autour du 1er régiment étranger de parachutistes (REP), trois commandos marine et deux sections du 60e génie. Ils sont appuyés par trois escadrons de chars (AMX-13 et M-47). Ces forces ont pour mission de débarquer sur les plages à l’Est de Port-Fouad et de s’emparer du port. Elles doivent barrer la route du cordon littoral, renforcer les blindés débarqués à quai pour nettoyer Port-Fouad, se mettre en liaison avec le 2e RPC au sud de la ville et se regrouper sur ordre dans la partie nord-ouest.
Finalement, surprenant la coalition, un cessez-le-feu tombe le 7 novembre.
Rembarquer le corps expéditionnaire
Tout en menant les préparatifs pour réembarquer hommes et matériels, les éléments français doivent se préparer à une reprise de l’opération face aux menaces égyptiennes (opération Verdict). Mais le 28 novembre, les Anglais annoncent la nouvelle de leur rapatriement (opération Harridan) faisant ainsi cesser toute reprise des hostilités. La relève de l’ONU débute le 21 novembre avec l’arrivée d’une compagnie norvégienne sur Port-Saïd. Pour la première fois, les soldats de la paix arborent le béret bleu ciel qui va devenir leur couleur distinctive. Une compagnie colombienne est déployée à Port-Fouad le 5 décembre. Deux jours plus tard, les Indiens relèvent les Écossais aux avant-postes d’El Cap.
Les Français doivent évacuer la zone pour le 22 décembre. Entre 8 500 et 9 000 hommes, 2 100 véhicules comprenant notamment 60 chars, plus de 700 véhicules lourds, 700 véhicules légers et une centaine de remorques sont à rembarquer avec 2 000 à 3 000 tonnes d’approvisionnement.
L’évacuation commence vers le 4 décembre. Entre le 5 et le 10, environ 900 véhicules et 2 100 tonnes de matériel sont embarqués. Entre le 14 et le 18, 800 véhicules et 400 tonnes de matériels sont chargés à leur tour. Ne restent à terre que les éléments devant se replier avec l’échelon amphibie : le 2e RPC, les commandos-marine, deux escadrons de chars et le dernier échelon de l’état- major du général Beaufre.
Le 22 décembre marque le dernier jour de présence des Français qui organisent une cérémonie solennelle pour élever le pavillon de l’ONU sur Port-Fouad en présence de détachements norvégiens et colombiens.
Comme le rappelle le général Beaufre : « cette dernière image d’une journée émouvante, qui eût été pénible sans les manifestations qui l’avaient remplie, synthétisait notre volonté de marquer le caractère volontaire de l’évacuation et de conserver jusqu’au bout à notre opération inachevée et décevante le style d’une armée sûre d’elle-même et prête à de nouvelles tâches ».
1 – Les Anglais lui donnent le nom d’opération Mousquetaire.