La livraison du système d’artillerie issu du programme franco-allemand « Common Indirect Fire System » (CIFS) est officiellement recalée « au-delà de l’horizon 2045, pour le segment correspondant aux canons CAESAR et PzH 2000 ». Un choix concerté avec le partenaire allemand et raccord avec le besoin opérationnel de l’armée de Terre, avance le ministère des Armées dans une réponse écrite au député LR Patrick Hetzel.
Rendez-vous après 2045
CIFS devait à l’origine voir le jour cinq ans après le char franco-allemand MGCS, soit en 2040. Il faudra désormais patienter a minima cinq années supplémentaires. La raison invoquée ? Les résultats de travaux engagés il y a une décennie, qui ont permis d’approfondir le besoin opérationnel ainsi que les solutions pour y répondre et qui ont conduit, en 2018, à déplacer le jalon de l’entrée en service.
Principale conséquence, le lancement effectif du programme interviendra plutôt « vers la fin des années 2020 ». Un scénario avancé dès 2019 par l’ex-PDG du groupe Nexter, Stéphane Mayer, selon qui la coopération resterait d’actualité « mais pas dans les cinq années à venir de la LPM actuelle ».
Il faudra donc attendre la prochaine LPM pour voir s’esquisser le futur appui sol-sol longue portée de la France, pilier parmi d’autres du programme TITAN de l’armée de Terre. Petite consolation pour la filière défense française : de part l’expertise acquise avec le CAESAR et le PzH 2000, KNDS (KMW+Nexter) sera « de facto bien positionné » lorsque la question se posera, estime le ministère des Armées.
Pour l’armée de Terre, il s’agira de parvenir en 2045 sans perte de capacité. L’inquiétude ne semble pas de mise pour les 77 CAESAR, dont l’âge moyen atteint une douzaine d’années. Une nouvelle tranche de 32 CAESAR NG livrés d’ici à 2025 contribuera au remplacement d’autant de canons AUF1 et au renforcement du potentiel du parc.
À moyen terme, l’urgence relèverait plutôt de l’avenir des 13 lance-roquettes unitaires (LRU) livrés en 2014 au 1er régiment d’artillerie. D’après le ministère des Armées, « la France poursuit son dialogue avec l’Allemagne concernant la fin de vie, vers 2030, du système Lance-roquettes unitaire (LRU) dont les deux pays sont aujourd’hui dotés ». En l’absence d’un cadre et d’un budget dédiés, les quelques leviers susceptibles d’alimenter les réflexions en l’attente de CIFS sont à chercher du côté de l’Europe.
Dans l’intervalle, miser sur l’Europe
Deux projets européens sont mentionnés dans la réponse ministérielle, tous deux financés par le Programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (EDIDP). Le premier, baptisé FIRES* et coordonné par Nexter Munitions, prépare la prochaine génération de roquettes et de munitions de 155 mm. FIRES vise à augmenter la portée et à réduire les dommages collatéraux « en ciblant la montée en maturité de briques technologiques clés pour l’artillerie future ».
Le second, e-COLORSS*, planchera sur une nouvelle plateforme d’artillerie hybride sur roues. Celle-ci doit contribuer à réduire la vulnérabilité des systèmes en limitant les délais de mise en œuvre et en accélérant les tâches de réapprovisionnement via l’automatisation. e-COLORSS « pourrait notamment permettre de préparer une solution européenne pour le remplacement du châssis et de la conduite de tir LRU à l’horizon 2030 », relève le ministère des Armées.
Pris au sens strict, cela indiquerait que la « fin de vie » du LRU n’impliquerait pas de trouver un successeur mais plutôt de régénérer partiellement les systèmes actuels. Pas un mot ensuite cependant sur l’évolution de ses munitions. Côté allemand, un trio formé par MBDA Deutschland, KMW et ESG planche d’ores et déjà sur l’après-MARS II, pendant local du LRU. Les industriels travaillent nouveau type de munition guidée, le Joint Fire Support Missile (JFS-M), qui serait à terme doté d’une portée supérieure à 300 km.
S’ils ont le mérite de préparer le terrain, ces projets ont pourtant leurs limites. Le JFS-M n’est qu’une proposition dirigée vers la Défense allemande. Les deux projets européens sont eux limités en termes de financement, environ 3,5 M€ chacun, et de durée, fixée à 24 mois.
Le sujet artillerie ne fait par ailleurs pas partie de la première vague de 37 appels à candidatures publiés hier dans le cadre du Fonds européen de la Défense (FEDef), successeur de l’EDIDP. Quant au projet EuroArtillery lancé dans le cadre de la Coopération structurée permanente (CSP), rien ne paraît avoir bougé depuis son adoption en mars 2018.
*FIRES : “Future Indirect fiRes European Solution” ; e-COLORSS : “European COmmon LOng Range indirect fire Support System“.