Mme Parly a posé la première pierre du futur siège du contre-espionnage militaire français
Avec plus de 350’000 enquêtes administratives réalisées en 2021 [soit un millier par jour], la Direction du renseignement et de la sécurité de défense [DRSD], dont les missions portent sur le contre-espionnage et la contre-ingérence, est sans conteste le premier service enquêteur de France.
Pour faire face à cette activité qui ne risque pas de s’amoindrir dans les années à venir au regard du contexte international et de l’extension des champs de conflictualité, la DRSD a engagé une transformation de son organisation, avec pas moins d’une trentaine de chantiers « innovants » en cours. L’objectif est de gagner en cohérence, de simplifier ses processus « métiers », d’améliorer ses capacités de recueil et d’analyse du renseignement et de mettre l’accent sur la cybersécurité et les nouvelles technologies.
Parmi ces chantiers, en collaboration avec Airbus Defence & Space, la DRSD développe une « nouvelle base de souveraineté » qui, appelée SIRCID, vise à lui permettre de stocker et d’exploiter les renseignements à partir d’une solution logicielle 100% française. Devant entrer en service en 2022, son coût est de 18,69 millions d’euros. Selon son directeur, le général Éric Bucquet, il s’agit de la « première solution souveraine en matière de système d’information de contre-ingérence d’un service de renseignement ».
Par ailleurs, en juillet 2021, son logiciel SOPHIA [synergie pour l’optimisation des procédures d’habilitation des industries et de l’administration] a été mis à jour pour prendre en compte les nouvelles dispositions de l’Instruction générale interministérielle [IGI] 1300 sur les nivaux de classification, traiter les obsolescences et ajouter de nouvelles fonctionnalités. D’autres outils ppur renforcer la fiabilité des avis de sécurité, notamment en automatisant les recherches d’informations sur les candidats, sont en cours de développement.
Cette transformation s’accompagnant d’une nouvelle hausse de son effectif [+200 agents sur la période 2019-25], il est apparu nécessaire de doter la direction centrale de la DRSD d’un nouveau siège. D’où la hausse significative [+92%] de ses crédits de paiement, ceux-ci passant de 18,4 à 35,4 millions d’euros en 2022. Au total, 82 millions d’euros seront investis dans ce nouveau bâtiment, dont la première pierre a été posée par Florence Parly, la ministre des Armées, ce 6 janvier.
« Dès 2024, il concentrera les services experts et opérationnels dans un même lieu. Tout a été pensé pour que l’information circule de la manière la plus fluide possible entre les services. Il s’agit donc d’un véritable bâtiment opérationnel, doté de toutes les fonctionnalités qu’est en droit d’exiger une direction centrale d’un service de renseignement de premier rang », a rappelé la ministre lors de son allocution prononcée devant le personnel de la DRSD, au Fort de Vanves.
Dans un avis budgétaire publiée par l’Assemblée nationale, l’automne dernier, il est précisé que ce nouveau siège permettra de « regrouper les activités ‘cœur de métiers’ de la DRSD au sein d’un bâtiment unique accueillant 646 places en anticipant les évolutions d’effectifs de chacune des divisions », de « proposer des espaces flexibles s’adaptant à l’évolution des organisations, des modes de travail et des métiers, tout en répondant aux besoins de proximités fonctionnelles des divisions les unes par rapport aux autres et au sein des divisions », de « tenir compte des exigences techniques et réglementaires pour tous les espaces, et en particulier pour les ateliers », d’installer de « nouvelles capacités » et d’ »appliquer les réglementations liées à la sûreté à l’échelle du bâtiment et aux locaux ».
Quoi qu’il en soit, Mme Parly a insisté sur la « croissance importante des menaces d’ingérences étrangères » pour mieux souligner la mission de la la DRSD. « Nous voyons une résurgence des actions décomplexées de nos compétiteurs. Face à ces tentatives d’espionnage, d’entrave et de discrédit de notre action, vous agissez : vous détectez, vous investiguez, vous identifiez et si cela s’avère nécessaire, vous vous assurez de contrecarrer ces actions malveillantes », a-t-elle dit.
Aussi, a poursuivi la ministre, « je compte sur vous pour être particulièrement vigilants en matière de contre-ingérence économique » car « c’est un champ qui est de plus en plus investi, nous en avons encore eu la preuve assez récemment ». Était-ce une allusion au contrat des sous-marins australiens, ravi au nez et à la barbe de la France par les États-Unis et le Royaume-Uni?
En tout cas, a fait valoir Mme Parly, la « guerre économique, à la croisée des rapports de force géopolitiques et des négociations commerciales, est un champ de conflictualité que nous ne devons pas sous-estimer : il a la particularité de nier les alliances au profit des intérêts ». Et de conclure : « Dans le champ de la compétition économique, il n’y a qu’une seule règle, celle du ‘chacun pour soi’. Et le ‘chacun pour soi’, cela signifie pouvoir compter sur vous, sur votre excellence, la pertinence de vos capteurs et votre capacité de discernement ».